Saisine du juge de l’exécution : 20 juillet 2023 Cour d’appel de Besançon RG n° 23/00013

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Saisine du juge de l’exécution : 20 juillet 2023 Cour d’appel de Besançon RG n° 23/00013

COUR D’APPEL DE BESANÇON

[Adresse 1]

[Localité 2]

Le Premier Président

ORDONNANCE N°

DU 20 JUILLET 2023

ORDONNANCE DE RÉFÉRÉ

N° RG 23/00013 – N° Portalis DBVG-V-B7H-EUEL

Code affaire : 5D demande relative à l’octroi, l’arrêt ou l’aménagement de l’exécution provisoire

L’affaire, retenue à l’audience du 8 juin 2023, au Palais de justice de Besançon, devant Madame Nathalie DELPEY-CORBAUX, Premier Président, assistée de Monsieur Xavier DEVAUX, directeur de greffe, aux débats et par Madame Leila Zait, greffier, lors du délibéré a été mise en délibéré au 20 juillet 2023. Les parties ont été avisées qu’à cette date, l’ordonnance serait rendue par mise à disposition au greffe.

PARTIES EN CAUSE :

S.A.R.L. ANTARES 1707

sise [Adresse 3]

Demanderesse

Représenté par Me Julien DICHAMP, avocat au barreau de BESANCON

ET :

S.A.R.L. CRC

sise [Adresse 4]

Defenderesse

Représenté par Me Ludovic PAUTHIER, avocat au barreau de BESANCON

**************

La société CRC, dont le siège social est à [Localité 5] (25) exploite une activité de construction de chalets en bois.

La société ANTARES 1707 dont le siège social est à [Localité 6] exerce une activité de promotion immobilière au sein du groupe immobilier VALLAT.

En 2018, la société ANTARES 1707 a entrepris la réhabilitation d’un complexe hôtelier et la construction de plusieurs chalets situés sur le territoire de la commune de MERIBEL projet dénommé « ANTARES ».

La société CRC était retenue pour les deux lots n° 7 et n°8 charpentes et menuiseries pour des montants respectifs de 2 5670451,74 euros HT et 1 012 548,26 euros HT.

Le 18 juin 2021 le président du tribunal de commerce de Chambery rendait, à la requête de la société CRC, une ordonnance de référé condamnant la société ANTARES à payer à titre provisionnel à la société CRC la somme en principal de 697 927,49 euros ; appel a été interjeté par la société ANTARES 1707.

Dans l’attente de la décision de la cour d’appel de Chambéry la société ANTARES 1707 sollicitait du juge des référés du tribunal de commerce de Besançon la condamnation de la société CRC à constituer à son profit un séquestre à hauteur des condamnations prononcées et faisait pratiquer à l’encontre de la société CRC des saisies conservatoires à hauteur de 1 972 803,21 euros.

En réponse, la société CRC faisait pratiquer une saisie sur les comptes bancaires de la société ANTARES 1707 et saisissait le juge de l’exécution pour demander la main levée des saisies conservatoires.

Le 24 septembre 2021 la société ANTARES 1707 a fait assigner, au fond, devant le tribunal de commerce de Besançon la société CRC aux fins de la voir condamner, entre autres prétentions, à lui verser :

-la somme de 1 958 550 euros correspondant aux pénalités contractuelles de retard,

-la somme de 1 923 766,40 euros correspondant à l’indemnisation de son préjudice lié au retard de la société CRC et à l’abandon du chantier,

-la somme de 365 200 euros HT correspondant à la réparation des malfaçons et non-façons

Par arrêt du 8 février 2022 la cour d’appel de Chambéry a, entre autres dispositions, infirmé en toutes ses dispositions l’ordonnance de référé du président du tribunal de commerce de CHAMBERY du 18 juin 2021.

Au fond devant le tribunal de commerce de Besançon, la société CRC, en défense a conclu au rejet des prétentions de la société ANTARES 1707 et en tout état de cause à la suspension de l’exécution provisoire.

A titre reconventionnel elle demandait, au tribunal de commerce entres autres prétentions de condamner, avec exécution provisoire la société ANTARES à lui verser la somme de 1 055 143,23 euros outre intérêts au taux de 10% à compter de la mise en demeure intervenue le 6 janvier 2021.

Par décision du 5 avril 2023 le tribunal de commerce de Besançon a :

-déclaré l’assignation de la société ANTARES 1707 recevable mais mal fondée

-débouté la société ANTARES 1701 de l’ensemble de ses demandes

-condamné à titre reconventionnel la société ANTARES 1707 à payer à la société CRC la somme de 1 055 143,23 euros TTC outre intérêts au taux de 10% à compter de la mise en demeure intervenue le 6 janvier 2021,

-débouté la CRC de ses demandes,

-condamné la société ANTARES 1707 à payer à la société CRC la somme de 5 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.

-ordonné l’exécution provisoire

-condamné la société ANTARES 1707 aux dépens.

Appel de cette décision a été interjeté par la société ANTARES 1707.

Par acte de commissaire de justice en date du 3 mai 2023 la société ANTARES 1707 a fait assigner devant la société CRC devant le premier président de la cour d’appel de Besançon statuant en référé aux fins de voir :

– suspendre l’exécution provisoire du jugement du tribunal de commerce de Besançon du 24 avril 2023 dans l’attente de la décision de la cour d’appel de Besançon. A titre subsidiaire, elle sollicite l’autorisation de consigner la somme de 1 055 143,23 euros sur un compté séquestre

– subordonner l’arrêt de l’exécution provisoire de droit à la constitution par la société CRC d’une caution, ou toute garantie réelle ou personnelle, suffisante pour répondre de toute restitution en vertu de l’article 514-5 du code de procédure civile.

L’affaire a été appelée à l’audience du 25 mai 2023 date à laquelle elle a fait l’objet d’un renvoi pour plaidoirie à l’audience du 8 juin 2023.

Vu les conclusions de chacune des parties déposées à l’audience du 8 juin 2023 valant observations orales auxquelles il convient de se référer pour l’exposé du litige, les prétentions et moyens des parties.

L’affaire a été mise en délibéré au 20 juillet 2023.

MOTIVATION DE LA DECISION

Par application de l’article 514 du code de procédure civile les décisions de première instance sont de droit à titre provisoire à moins que la loi ou la décision rendue n’en dispose autrement ;

Par application de l’article 514-3 du code de procédure civile en cas d’appel, le premier président peut être saisi afin d’arrêter l’exécution provisoire de la décision lorsqu’il existe un moyen sérieux d’annulation ou de réformation et que l’exécution provisoire risque d’entrainer des conséquences manifestement excessives.

La demande de la partie qui a comparu en première instance sans faire valoir d’observations sur l’exécution provisoire n’est recevable qui si, outre l’existence d’un moyen sérieux d’annulation ou de réformation, l’exécution provisoire risque d’entrainer des conséquences manifestement excessives qui se sont révélées postérieurement à la décision de première instance.

Sur la recevabilité de la demande de la société ANTARES 1707

En l’espèce la société CRC oppose à la demande de la société ANTARES 1707 le moyen que cette dernière n’a jamais demandé la suspension de l’exécution provisoire en cas de condamnation prononcée à son encontre.

Il résulte de l’examen de la décision du 5 avril 2023 que si le tribunal de commerce n’a pas en reprenant les demandes de la société ANTARES, telles que figurant au dispositif des conclusions N°3 déposées par celle-ci, retenu une contestation de cette dernière sur le prononcé de l’exécution provisoire, il a repris la demande de la société ANTARES 1707 tendant au rejet de l’intégralité des demandes formulées à son encontre par la société CRC.

Les conclusions n° 3 visées par le tribunal de commerce dans la première partie de sa décision dans leur paragraphe IV sont ainsi rédigées « la nature de l’affaire n’y étant pas incompatible, il convient que l’exécution provisoire soit maintenue.[‘]

La seule exception à ce maintien de l’exécution provisoire serait, si par extraordinaire, une condamnation éventuelle de la société ANTARES à l’égard de la CRC était prononcée par la juridiction de céans. En effet la société CRC est incapable, et pour cause, de justifier d’une possibilité de restitution des sommes à la société ANTARES en cas d’infirmation du jugement à venir. »

Enfin il convient de relever qu’alors qu’elle était de droit le tribunal de commerce a pris soin de motiver le prononcé de l’exécution provisoire.

Ainsi il résulte de la demande de débouté global des prétentions de la société CRC, confortée par les écritures au soutien des moyens soulevés par la société ANTARES et par la motivation du tribunal de commerce relativement à l’exécution provisoire que la société ANTARES a bien formulé en première instance des observations relativement au prononcé de l’exécution provisoire.

Il convient donc d’appliquer l’article 514-3 du CPP dans son premier alinéa à l’espèce et de déclarer la demande de la société ANTARES recevable.

Sur le bienfondé de la demande

Les deux conditions fixées par l’article 514-3 al 1 du CPP soit celle d’un moyen sérieux d’annulation ou de réformation de la décision dont appel et celle d’un risque de conséquences manifestement excessive à l’exécution de la décision sont cumulatives.

Sur les conséquences manifestement excessives

Les conséquences manifestement excessives s’apprécient en ce qui concerne les condamnations pécuniaires par rapport aux facultés de paiement du débiteur et aux facultés de remboursement de la partie adverse en cas d’infirmation de décision assortie de l’exécution provisoire.

En l’espèce la société ANTARES 1707 n’allègue pas de difficultés financières propres à l’exécution de la décision mais invoque l’absence de capacité financière de la société CRC pour restituer le montant de 1 055 143,23 euros en cas d’infirmation du jugement du 24 avril 2023.

Elle fait valoir que le montant de la condamnation représente près de 15 fois le dernier résultat connu de la société CRC qui est constitué d’un unique associé (M. [N] [X]) et n’a pas déposé ses comptes sociaux depuis 2019. Elle expose que la société CRC ne possède aucun outil industriel, aucun stock et n’emploie aucun salarié.

Elle allègue d’une rentabilité très faible de la société CRC pour laquelle le projet ANTARES représente à lui seul 113% de chiffre d’affaires de son dernier exercice connu au jour de la signature du marché.

En outre la société ANTARES invoque une fraude de la société CRC lors de la passation du marché qui s’est présentée comme en possession des moyens de production et de réalisation alors qu’un tel état de fait était faux.

Enfin elle expose que les autres sociétés du groupe de M. [N] [X] sont en très grandes difficultés financières.

Il convient tout d’abord d’écarter le moyen tenant à la situation des autres sociétés du groupe de M. [N] [X] aucune solidarité entre elles n’étant alléguée.

Pour justifier de sa capacité financière la société CRC qui ne conteste pas être une structure de commercialisation qui ne détient pas d’outil de production et n’emploie pas de salariés fait valoir que son capital social s’établit à 200 250 euros et qu’elle présente un chiffre d’affaire de l’ordre de 3 000 000 euros.

Il convient toutefois de relever que le capital social de la société CRC est 5 fois inférieur au montant de la condamnation prononcée à l’encontre de la société ANTARES.

Par ailleurs la société CRC ne produit pas ses derniers bilans depuis 2019, ni ne justifie de ses conclusions par la production d’autres pièces financières ;

En conséquence la faculté pour la société CRC de rembourser la somme de 1 055 143,23 euros en cas d’infirmation de la décision dont appel n’est pas établie.

Son incapacité prévisible, compte tenu de l’absence de production de pièce sur ses capacités financières par la société CRC constitue, compte tenu du montant en litige, une conséquence manifestement excessive au sens de l’article 514-.3 du CPP

Sur l’existence d’un moyen sérieux d’annulation ou de réformation de la décision dont appel

Il résulte de la lecture de la décision du tribunal de commerce du 5 avril 2023 qu’au soutien de ses demandes la société ANTARES 1707 a invoqué une fraude contractuelle de la part de la société CRC dont l’objet social ne permettait pas la réalisation d’ouvrages et qui a caché l’existence d’un sous-traitant non autorisé.

Toutefois dans ses demandes la société ANTARES n’a pas formulé de prétention particulière en conséquence de cette fraude alléguée.

Il n’est pas allégué par la société ANTARES 1707 que le tribunal de commerce n’a, dans sa décision, répondu à l’ensemble de ses moyens.

Pour justifier un moyen sérieux de réformation, La société ANTARES 1707 met en cause l’appréciation par le tribunal des éléments de faits par elle produits et les conséquences juridiques qu’il en a déduit sans apporter d’autres éléments que ceux présentés devant cette juridiction

Il n’entre pas dans les pouvoirs du premier président, saisi d’une demande d’arrêt de l’exécution provisoire, d’apprécier la régularité ou le bien-fondé de la décision entreprise et les moyens qui critiquent au fond la décision entreprise sont devant lui inopérants.

En conséquence la société ANTARES 1707 ne justifie pas de la seconde condition prévue à l’article 514-3 du CPP

Il convient dès lors de rejeter sa demande d’arrêt de l’ exécution provisoire .

Sur la demande subsidiaire aux fins de consignation

Par application de l’article 521 du CPP la partie condamnée au paiement de sommes autres que les aliments, des rentes indemnitaires, ou des provisions peut éviter que l’exécution provisoire soit poursuivie en consignant, sur autorisation du juge , les espèces ou les valeurs suffisantes pour garantit, en principal, intérêts et frais le montant de la condamnation.

En l’espèce la société CRC ne produit pas d’élément actualisés sur sa situation financière ( cf ; supra) et sa capacité de remboursement des sommes auxquelles la société ANTARES 1707 a été condamnée en cas de réformation de la décision.

En conséquence il convient de faire droit à la demande de consignation.

Sur l’article 700 du Code de procédure civile

L’ équité commande en l’espèce qu’il ne soit pas fait application de l’article 700 du code de procédure civile.

Chacune des parties conservera la charge de ses dépens

PAR CES MOTIFS

Le premier président, par décision contradictoire rendue par mise à disposition,

Rejetons la demande d’arrêt de l’ exécution provisoire.

Ordonnons la consignation par la société ANTARES de la somme de 1 055 143,23 euros TTC outre intérêts au taux de 10% à compter de la mise en demeure intervenue le 6 janvier 2021 auprès de la Caisse des dépôts et consignations dans un délai de 15 jours à compter de la signification de la présente décision.

Dit n’ y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile

Dit que chacune des parties conservera la charge de ses dépens

Le greffier, Le premier president

 


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