Copies exécutoires
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 4 – Chambre 1
ARRÊT DU 02 JUIN 2023
(n° , 6 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 21/22419 – N° Portalis 35L7-V-B7F-CE4F4
Décision déférée à la Cour : Jugement du 03 novembre 2021 – Tribunal judiciaire de PARIS – RG n° 20/07230
APPELANT
Monsieur [Y] [Z] né le 16 août 1978 à [Localité 7] (Tunisie)
[Adresse 4]
[Localité 5]
Représenté par Me Patricia HARDOUIN de la SELARL 2H Avocats à la cour, avocat au barreau de PARIS, toque : L0056 assisté de r Me Chantal ASTRUC, avocat au barreau de PARIS, toque : A235 substituée par Me Raluco BORDEIANU , avocat au barreau de PARIS, toque : D0053
INTIMÉE
S.C.P. B.T.S.G.² immatriculée au RCS de Nanterre sous le numéro 434 122 511, prise en la personne de Maître [B] [E], gérant, ès qualités de liquidateur de la SARL Paris Hoche, désignée à ces fonctions par jugement du Tribunal de Commerce de Paris du 21 décembre 2017.
[Adresse 1]
[Localité 6]
Représentée et assistée de Me Gilles PODEUR de la SELARL ALERION SOCIETE D’AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : K0112 substitué par Me Louis RENUCCI, avocat au barreau de PARIS , toque : K0126
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 05 avril 2023 audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposé, devant Mme Catherine GIRARD-ALEXANDRE, Conseillère, chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
M. Claude CRETON, président de chambre
Mme Corinne JACQUEMIN, Conseillère
Mme Catherine GIRARD-ALEXANDRE., conseillère
Greffier, lors des débats : Mme Marylène BOGAERS.
ARRÊT :
– contradictoire
– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
– signé par Monsieur Claude CRETON , Président de chambre et par Madame Marylène BOGAERS, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSE DU LITIGE
Par acte authentique en date du 18 février 2014, la société PARIS HOCHE, alors marchand de biens, a unilatéralement promis de vendre à Monsieur [Y] [Z] le lot de copropriété numéro 412 de l’ensemble immobilier sis [Adresse 2]. [Adresse 3], moyennant le prix de 3 100 000 €.
Le délai d’option était fixé jusqu’au 30 mai 2014 à 16 heures.
Aux termes dudit acte, il est indiqué à la clause « INDEMNITE D’IMMOBILISATION-SEQUESTRE- que cette indemnité, fixée à la somme de 420 000 € « ‘ a été intégralement versée par le bénéficiaire au promettant, ainsi que ce dernier le reconnaît et lui en donne bonne et valable quittance’ pour 100 000 € par la comptabilité du notaire soussigné, et 320 000 € directement entre les parties en dehors de la comptabilité du notaire »,
La promesse de vente n’a pas produit ses effets.
Par jugement du tribunal de commerce de Paris en date du 7 juin 2017, publié au BODACC du 25 juin 2017, la Société PARIS HOCHE a fait l’objet d’une procédure de redressement judiciaire, ensuite convertie en liquidation judiciaire le 21 décembre 2017.
La SCP BTSG, en la personne de Maître [B] [E], a été désignée en qualité de liquidateur.
Par courrier du 2 août 2017, Monsieur [Z] a déclaré une créance au passif de la Société PARIS HOCHE pour un montant de 120 000 euros, correspondant d’après lui au solde de l’indemnité devant lui être restitué par la société.
Cette créance a été contestée par la SCP BTSG dans un courrier du 11 janvier 2018.
Par courrier du 24 janvier 2018, le conseil de Monsieur [Z] a répondu au liquidateur que la société PARIS HOCHE a reconnu sa dette, qu’elle a d’ailleurs commencé à la régler avant l’ouverture de la procédure collective, et que par courrier en date du 12 septembre 2017 Monsieur [Z] a renoncé à une partie de cette créance, réduite à 20 000 euros.
Par ordonnance en date du 5 décembre 2018, le juge commissaire a rejeté la créance déclarée par Monsieur [Z] au motif de l’absence de justificatifs suffisants.
Par un arrêt du 2 juin 2020, la Cour d’appel de Paris a retenu l’existence d’une contestation sérieuse quant à la créance déclarée ayant trait » d’une part à la caducité de la promesse de vente et aux conditions permettant de la constater ou non et, d’autre part, aux stipulations contractuelles relatives à la non-réalisation de la vente, à la carence du promettant et à la faculté de rétractation du promettant, revendiquées par l’une et l’autre des parties et déterminant le sort des fonds que Monsieur [Z] soutient avoir versé à la société PARIS HOCHE. »
La Cour a ainsi sursis à statuer sur l’admission de la créance et invité Monsieur [Z] à saisir la juridiction compétente dans un délai d’un mois à compter de la signification de l’arrêt.
C’est dans ces conditions que, par actes d’huissiers en date des 1er et 2 juillet 2020, Monsieur [Y] [Z] a fait assigner la SCP BTSG, prise en la personne de Maître [B] [E] en qualité de mandataire liquidateur de la société PARIS HOCHE et la SARL PARIS HOCHE, devant le Tribunal judiciaire de PARIS, aux fins de voir fixer sa créance au passif de la procédure collective ouverte à l’encontre de la SARL PARIS HOCHE, à la somme de 20.000 €.
Par jugement du 3 novembre 2021, le tribunal judiciaire de Paris a débouté Monsieur [Y] [Z] de l’ensemble de ses demandes, l’a condamné aux dépens, ainsi qu’au paiement à là à la société PARIS HOCHE, représentée par la société BTSG ès qualité de mandataire liquidateur, la somme de 3 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
Monsieur [Z] a interjeté appel par déclaration du 20 décembre 2021.
Par ses dernières conclusions du 20 mars 2023, il demande d’infirmer le jugement en toutes ses dispositions et, en conséquence de fixer sa créance à la somme de 20 000 €, et de condamner le liquidateur es qualités au paiement de la somme de 5 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Il soutient que le paiement de l’indemnité d’immobilisation n’est pas contestable, ayant été quittancé en l’acte authentique de promesse de vente, et que cet acte bénéficie donc de la force probante et absolue attachée aux actes authentiques et fait pleine foi de la convention qu’il renferme.
Il fait par ailleurs valoir qu’à la date butoir de réalisation de la promesse, soit au 31 mai 2014, la condition suspensive tenant à ce que les inscriptions hypothécaires sur le bien devaient être inférieures au montant du prix, n’était toujours pas remplie, le montant des inscriptions hypothécaires étant supérieur au prix de vente.
Sur l’opposabilité de la quittance notariée, il souligne que la SCP BTSGP ne peut prétendre qu’elle lui est inopposable.
Il soutient que la preuve est rapportée de ce que la condition suspensive n’était pas réalisée au jour de la date butoir, et que la société PARIS HOCHE a reconnu son obligation de restitution dès lors qu’elle lui a resitué 300 000 € avant l’ouverture de la procédure collective.
La SCP BTSG conclut à la confirmation du jugement et demande la condamnation de Monsieur [Z] à lui payer la somme de 4 000 € sur l’article 700 du code de procédure civile.
Elle soutient que la preuve du paiement de la somme de 420 000 € n’est pas rapportée, la quittance notariée ne lui étant pas opposable, que la preuve de la non-réalisation de la condition suspensive tenant aux inscriptions hypothécaires n’est pas rapportée non plus, et que Monsieur [Z] ne démontre pas s’être prévalu de la défaillance de la condition suspensive dans le délai de réalisation de la promesse, de sorte que comme l’a estimé le tribunal il est censé y avoir renoncé.
Sur le virement de 150 000 € au profit de Monsieur [Z], elle souligne qu’elle émane de l’étude notariale sans que l’on sache à quoi elle correspond exactement, qu’aucun élément concret ne permet de relier ce virement à l’opération immobilière litigieuse, et que le virement est de 150 000 € alors qu’aux termes de la promesse seulement la somme de 100 000 € aurait transité par l’étude du notaire.
MOTIFS DE LA DECISION
Aux termes de l’article 1103 du code civil, les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits.
Par ailleurs, l’article 1353 du même code dispose que celui qui réclame l’exécution d’une obligation doit la prouver et réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l’extinction de son obligation.
Comme l’a justement retenu le tribunal, il incombe en conséquence à Monsieur [Y] [Z], qui se prévaut de l’obligation de la SARL PARIS HOCHE de lui restituer l’indemnité d’immobilisation, de rapporter la preuve d’une part, de son paiement, et d’autre part, que les conditions contractuelles prévoyant la restitution de l’indemnité par le promettant sont bien réunies.
Sur la preuve du paiement de l’indemnité d’immobilisation
En l’espèce, la promesse unilatérale de vente en date du 18 février 2014 stipule que les parties ont convenu de fixer le montant de l’indemnité d’immobilisation à la somme forfaitaire de 420 000 euros et précise que » cette somme a d’ores et déjà été intégralement versée par le bénéficiaire du promettant, ainsi que ce dernier le reconnaît et lui en donne bonne et valable quittance’ cette somme ayant été versée au promettant pour 100 000 € par la comptabilité du notaire soussigné, et 320 000 € directement entre les parties en dehors de la comptabilité du notaire ».
Il importe de rappeler que dès lors qu’il est indiqué en l’acte notarié de promesse de vente que l’acheteur a versé au vendeur, qui le reconnaît et lui en donne quittance, une somme hors la comptabilité du notaire, il appartient alors au vendeur d’établir que la quittance ainsi donnée n’a pas la valeur libératoire qu’implique son libellé, la quittance du paiement hors la vue du notaire ne se combattant en outre que par un écrit.
En l’espèce, la SCP BTSG ne rapporte nullement la preuve contraire à la mention du paiement quittancé à l’acte de la somme de 420 000 €, et ne peut en outre soutenir que la quittance lui est inopposable dès lors qu’elle est partie à la présente instance en qualité de mandataire liquidateur de la société PARIS HOCHE, qu’elle représente.
En conséquence, le jugement sera confirmé en ce qu’il a dit que Monsieur [Z] rapporte la preuve du paiement de la somme de 420 000 euros à la société PARIS HOCHE.
Sur la preuve de l’obligation de restitution de l’indemnité d’immobilisation
La promesse de vente prévoit que l’indemnité d’immobilisation sera restituée au bénéficiaire dans tous les cas où la non-réalisation de la vente résulterait de la-défaillance de l’une quelconque des conditions suspensives énoncées dans l’acte, ou de la faute du promettant ou encore de l’exercice par le promettant de sa faculté de rétractation.
Elle précise qu’à défaut par le bénéficiaire de se prévaloir de la non-réalisation de l’une ou l’autre des conditions suspensives auxquelles seul le bénéficiaire peut renoncer et notamment de la condition suspensive relative à la situation hypothécaire du bien, dans le délai de réalisation de la promesse, soit avant le 30 mai 2014 à 16 heures, le bénéficiaire sera réputé y avoir renoncé.
Dans cette hypothèse, la promesse de vente indique que si le bénéficiaire ne lève pas l’option dans le délai précité, la condition suspensive ne sera pas considérée comme défaillante et l’indemnité d’immobilisation restera donc acquise au promettant.
En l’espèce, Monsieur [Z] a invoqué successivement plusieurs motifs de caducité de la promesse de vente : tout d’abord la rétractation du promettant tel que cela ressort de l’arrêt de la Cour d’appel de Paris en date du 2 juin 2020, puis dans la présente instance, la non-réalisation de la condition suspensive relative à la situation hypothécaire du bien.
Toutefois, force est de constater qu’il ne rapporte ni la preuve de la rétractation de la société PARIS HOCHE, ni de ce qu’il a indiqué à la promettante se prévaloir, dans le délai de réalisation de la promesse, de la non-réalisation de la condition suspensive relative à la situation hypothécaire du bien, de sorte qu’il est réputé avoir renoncé à cette condition suspensive.
Pour ce seul motif, l’indemnité d’immobilisation devait rester acquise au promettant.
Au surplus, Monsieur [Z] ne démontre pas plus qu’au jour de l’expiration du délai d’option, le total des charges hypothécaires et des créances garanties par la loi était d’un montant supérieur au prix de vente, de sorte que la condition suspensive était défaillante.
En effet, la seule pièce produite aux débats par Monsieur [Z] pour étayer son affirmation est un avis d’assister à l’audience d’adjudication devant le juge de l’exécution en date du 25 juin 2020, qui décrit la situation hypothécaire notamment du lot n°412, objet de la promesse de vente.
Toutefois, comme l’a justement relevé le tribunal, la majorité des hypothèques portant sur le bien et apparaissant dans cet avis sont bien postérieures au 30 mai 2014.
La seule pièce susceptible de démontrer la non-réalisation de la condition suspensive, soit un relevé hypothécaire hors formalités à la date du 30 mai 2014, n’est nullement produite par Monsieur [Z].
Enfin, le relevé du compte Société Générale de Monsieur [Z] versé aux débats faisant état d’un virement, le 21 août 2014, par le notaire rédacteur de la promesse au profit de ce dernier de la somme de 150 000 €, avec pour motif « A M [Y] [Z] PARTIE RESTITUTION INDEMNITE IMMOLISATION » ne permet aucunement de démontrer que la société PARIS HOCHE avait reconnu son obligation de restitution de l’indemnité d’immobilisation, dès lors que le motif susvisé ne permet pas de rattacher avec certitude cette opération bancaire à la promesse de vente litigieuse, et qu’en outre, le notaire n’avait pas été constitué séquestre de l’indemnité d’immobilisation.
En conséquence, c’est à juste titre que le tribunal a estimé que, à défaut de prouver l’obligation de restitution de l’indemnité d’immobilisation à la charge de la société PARIS HOCHE, Monsieur [Y] [Z] devait être débouté de sa demande de voir fixer sa créance dans le cadre de la liquidation judiciaire de cette société à hauteur de 20 000 euros.
Le jugement sera donc confirmé de ce chef, ainsi que du chef des dispositions relatives aux dépens et à la condamnation de Monsieur [Z] par application de l’article 700 du code de procédure civile,
Sur les demandes au titre de l’article 700 du code de procédure civile et les dépens
L’article 700 du code de procédure civile dispose que le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il doit tenir compte de l’équité ou de la situation économique de la partie condamnée et peut écarter pour les mêmes considérations cette condamnation.
Monsieur [Z], partie perdante, sera condamné aux dépens en application de l’article 696 du code de procédure civile, et par conséquent, débouté de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
En revanche, il serait inéquitable en l’espèce, de laisser à la charge de la SCP BTSG l’intégralité des frais non taxables exposés à l’occasion de la procédure d’appel, ce qui justifie la condamnation de Monsieur [Z] à lui payer à ce titre la somme de 2 000 € par application de l’article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS,
Confirme le jugement du tribunal judiciaire de Paris en date du 3 novembre 2021 en toutes ses dispositions ;
Y ajoutant,
Condamne Monsieur [Y] [Z] à payer à la SCP BTSG, prise en la personne de Maître [B] [E], ès qualités de liquidateur de la SARL PARIS HOCHE, la somme de 2 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
Condamne Monsieur [Y] [Z] aux dépens.
LE GREFFIER,
LE PRÉSIDENT,