Copies exécutoires République française
délivrées aux parties le : Au nom du peuple français
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 1 – Chambre 5
ORDONNANCE DU 17 MAI 2023
(n° /2023)
Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 22/20320 – N° Portalis 35L7-V-B7G-CGZIR
Décision déférée à la Cour : Arbitrage N°221004 AI du 28 Janvier 2022 rendu par l’Arbitre Unique désigné par la Commission d’arbitrage de [Localité 4]
Nature de la décision : Contradictoire
NOUS, Rachel LE COTTY, Conseillère, agissant par délégation du Premier Président de cette Cour, assistée de Cécilie MARTEL, Greffière.
Vu l’assignation en référé délivrée à la requête de :
DEMANDEURS
Madame [V] [I]
[Adresse 2]
[Adresse 2]
[Localité 1] – CÔTE D’IVOIRE
Madame [U] [L] épouse [E]
[Adresse 2]
[Adresse 2]
[Localité 1] – CÔTE D’IVOIRE
Représentées par la SELARL GUIZARD ET ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : L0020
Et assistées de Me Aleksandra FEDOSOVA substituant Me Caroline DUCLERCQ du Cabinet MEDICI, avocat plaidant au barreau de PARIS, toque : J112
à
DÉFENDEUR
S.A.S. SOA, société de droit ivoirien représentée par son président, la SARL OVERSEAS, société de droit luxembourgeois
[Adresse 3]
[Adresse 3]
[Localité 1] – CÔTE D’IVOIRE
Représentée par Me Mathieu DUCROCQ de l’AARPI BCTG AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : T01
Et après avoir appelé les parties lors des débats de l’audience publique du 05 Avril 2023 :
Aux termes d’une sentence arbitrale rendue le 28 janvier 2022, l’arbitre saisi du litige entre la société SOA, d’une part, Mmes [I] et [E], d’autre part, s’est déclaré compétent, a dit que Mmes [I] et [E] n’étaient pas fondées à solliciter le paiement de dividendes au titre de l’exercice clos le 31 décembre 2015 de la société Sigasécurité et les a condamnées à supporter les frais judiciaires exposés par la société SOA en Côte d’Ivoire et les frais de l’arbitrage.
La sentence a été exequaturée le 28 février 2022 et la société SOA a fait pratiquer une saisie de droits d’associé et de valeurs mobilières à l’encontre de Mme [E] entre les mains de la SCI Kastelugi le 13 septembre 2022, pour avoir paiement de la somme de 134.004,21 euros.
Entre temps, le 28 février 2022, Mmes [I] et [E] ont formé un recours en annulation de la sentence devant la présente cour.
Par acte du 14 décembre 2022, elles ont saisi le premier président afin qu’il juge que l’exécution de la sentence arbitrale est suspendue depuis le 28 février 2022 en application de l’article 1496 du code de procédure civile et, subsidiairement, qu’il arrête son exécution.
Aux termes de leurs conclusions déposées et développées oralement à l’audience du 5 avril 2023, elles demandent à la juridiction du premier président de :
– les déclarer recevables et bien fondées en leur demande ;
y faisant droit,
à titre principal,
– juger que l’exécution de la sentence arbitrale rendue le 28 janvier 2022 est suspendue depuis le 28 février 2022 en application de l’article 1496 du code de procédure civile ;
à défaut, à titre subsidiaire,
– arrêter l’exécution provisoire de la sentence arbitrale ;
en tout état de cause,
– condamner la société SOA à leur payer la somme de 5.000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
Aux termes de ses conclusions déposées et développées oralement à l’audience, la société SOA demande à la juridiction du premier président de :
– débouter Mmes [I] et [E] de toutes leurs demandes ;
subsidiairement,
– constater son accord pour voir aménager l’exécution provisoire en ordonnant la consignation des sommes correspondant aux condamnations prononcées à l’encontre de Mmes [I] et [E] par la sentence, soit 134.427,29 euros en principal ;
en tout état de cause,
– condamner solidairement Mmes [I] et [E] au paiement de la somme de 5.000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.
A l’audience, les conseils des parties ont été entendus en leurs observations au soutien de leurs écritures.
Conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions des parties pour l’exposé des moyens développés au soutien de leurs prétentions respectives.
SUR CE,
Sur la demande principale tendant à voir juger que l’exécution de la sentence arbitrale rendue le 28 janvier 2022 est suspendue en application de l’article 1496 du code de procédure civile
Selon l’article 1496 du code de procédure civile, applicable en matière d’arbitrage interne, le délai pour exercer l’appel ou le recours en annulation ainsi que l’appel ou le recours exercé dans ce délai suspendent l’exécution de la sentence arbitrale à moins qu’elle soit assortie de l’exécution provisoire.
Mmes [I] et [E] soutiennent qu’en application de ce texte, l’exécution de la sentence est suspendue depuis leur recours en annulation formé le 28 février 2022, ce qu’elles demandent à la présente juridiction de constater.
Mais, ainsi que le relève la société SOA, cette demande est purement déclaratoire et ne constitue pas une prétention au sens de l’article 4 du code de procédure civile, la décision qui serait éventuellement rendue n’étant pas susceptible de conférer un droit aux demanderesses.
En effet, si l’arbitrage est un arbitrage interne, comme elles le soutiennent, la suspension de l’exécution de la sentence est acquise. A l’inverse, si l’arbitrage est international, c’est l’article 1526 du code de procédure civile qui est applicable et le recours en annulation n’est pas suspensif.
En définitive, les demanderesses saisissent la présente juridiction aux fins de qualification de l’arbitrage, ce qui ne relève pas de ses pouvoirs.
Leur demande, qui a pour objet d’« obtenir la suspension de l’exécution de la sentence pour solliciter la mainlevée de la saisie pratiquée », ainsi qu’elles l’exposent dans leurs conclusions, relève des attributions du juge de l’exécution, dont la compétence pour statuer sur les contestations qui s’élèvent à l’occasion de l’exécution forcée est exclusive en application de l’article L. 213-6 du code de l’organisation judiciaire.
Elle sera donc rejetée comme étant sans objet devant la présente juridiction.
Sur la demande subsidiaire d’arrêt de l’exécution provisoire de la sentence arbitrale en application de l’article 1526 du code de procédure civile
Il résulte de la motivation de la sentence arbitrale que l’arbitre a considéré que la sentence s’inscrivait dans le cadre d’un arbitrage international (voir, notamment, le § 157).
C’est d’ailleurs ce qu’admettent les demanderesses en le critiquant puisqu’elles indiquent, dans leur assignation, que « la sentence a été rendue dans le cadre d’un arbitrage interne et non international comme l’a retenu – à tort – l’arbitre unique et ce sans le justifier » (assignation, § 34).
Ainsi qu’il a été précédemment rappelé, il n’entre pas dans les attributions du premier président de remettre en cause cette qualification donnée à la décision par l’arbitre.
Selon l’article 1526 du code de procédure civile, applicable en matière d’arbitrage international, le recours en annulation formé contre la sentence et l’appel de l’ordonnance ayant accordé l’exequatur ne sont pas suspensifs. Toutefois, le premier président statuant en référé ou, dès qu’il est saisi, le conseiller de la mise en état peut arrêter ou aménager l’exécution de la sentence si cette exécution est susceptible de léser gravement les droits de l’une des parties.
Il est rappelé que l’arrêt ou l’aménagement de l’exécution de la sentence, qui ne peut dépendre du caractère sérieux du recours en annulation, doit être apprécié strictement, sous peine de rendre ineffectif l’absence d’effet suspensif du recours.
Le bénéfice de l’arrêt ou de l’aménagement de l’exécution provisoire est ainsi subordonné à une appréciation de la lésion grave des droits que l’exécution de la sentence est susceptible de générer, de sorte que ce risque doit être, au jour où le juge statue, suffisamment caractérisé.
La société SOA prétend que la saisie déjà pratiquée rend sans objet la demande d’arrêt de l’exécution provisoire.
Mais il est constant que cette saisie a fait l’objet d’une contestation devant le juge de l’exécution, de sorte qu’elle n’a pas, à ce jour, produit ses effets et que la demande d’arrêt de l’exécution provisoire n’est pas sans objet.
Les demanderesses font valoir, au soutien de leur demande d’arrêt de l’exécution provisoire, que leurs droits seraient gravement lésés en cas d’exécution car la sentence met à leur charge des frais qu’elles ont déjà engagés devant les juridictions ivoiriennes, risquant de les priver de moyens suffisants pour faire valoir leurs droits devant les juridictions dans les instances actuellement pendantes.
Elles ajoutent que la société SOA ne présente pas de garanties suffisantes de restitution, sa situation financière n’étant pas stable et son activité étant quasiment inexistante.
Mais elles ne produisent pas la moindre pièce pour justifier d’une grave lésion de leurs droits en cas d’exécution de la sentence et, en particulier, d’une impossibilité de régler la somme de 134.004 euros en principal, objet de la saisie pratiquée. Aucun avis d’imposition, aucun relevé de compte, aucun état de leur patrimoine n’est produit, de sorte que leurs revenus, liquidités et capacité d’endettement sont inconnus.
La société SAO fait valoir, sans être contredite sur ce point, que les demanderesses ont perçu, depuis la cession de leurs titres de la société Sigasecurité en 2016, un montant total de 4.375.933 euros.
La gravité de leur situation économique n’est donc pas démontrée.
Enfin, la société SOA justifie, en tant que société holding, détenir des participations dans les sociétés Gadnet (80% du capital) et DMT (100%) et être intégrée au groupe Seris Luxembourg/Afrique, qui a réalisé un chiffre d’affaires cumulé de plus de 46 millions d’euros en 2021 (rapport de consolidation au 31 décembre 2021 – pièce n° 27 de la société SOA).
En tout état de cause, celle-ci propose, afin de rassurer les demanderesses, une consignation de la somme de 134.327,29 euros entre les mains de la Caisse des dépôts et consignation, dans l’attente de l’arrêt de la cour d’appel, ce que Mmes [I] et [E] ont expressément refusé.
Faute de tout risque de lésion grave des droits de ces dernières, la demande d’arrêt de l’exécution provisoire sera rejetée.
Sur les frais et dépens
Mmes [I] et [E] seront tenues in solidum aux dépens de la présente instance et, par suite, condamnées in solidum à payer à la société SOA la somme de 2.000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
Rejetons les demandes formées par Mmes [I] et [E] ;
Condamnons in solidum Mmes [I] et [E] aux dépens de la présente instance ;
Les condamnons in solidum à payer à la société SOA la somme de 2.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile et rejetons leur demande fondée sur ces dispositions.
ORDONNANCE rendue par Mme Rachel LE COTTY, Conseillère, assistée de Mme Cécilie MARTEL, greffière présente lors de la mise à disposition de l’ordonnance au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
La Greffière, La Conseillère