Saisine du juge de l’exécution : 17 mai 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 22/18434

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Saisine du juge de l’exécution : 17 mai 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 22/18434

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 1 – Chambre 10

ARRÊT DU 17 MAI 2023

(n° , 5 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général :

N° RG 22/18434 – N° Portalis 35L7-V-B7G-CGT2P

Décision déférée à la cour :

Jugement du 22 juillet 2022-Juge de l’exécution de PARIS

APPELANT

Monsieur [Z] [Y]

Chez Me Yann VERNON

[Localité 3]

Représenté par Me Yann VERNON, avocat au barreau de PARIS, toque : E0015

(bénéficie d’une aide juridictionnelle totale numéro 2022/024709 du 14/09/2022 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de PARIS)

INTIMÉE

[6]

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentée par Me Sylvie KONG THONG de l’AARPI Dominique OLIVIER – Sylvie KONG THONG, avocat au barreau de PARIS, toque : L0069

Plaidant par Me Aude LACROIX de l’ASSOCIATION LEGITIA, avocat au barreau de PARIS, toque : E1971

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 805 et 905 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 7 avril 2023, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposé, devant Monsieur Raphaël TRARIEUX, conseiller, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Bénédicte PRUVOST, président de chambre

Madame Catherine LEFORT, conseiller

Monsieur Raphaël TRARIEUX, conseiller

GREFFIER lors des débats : Monsieur Grégoire GROSPELLIER

ARRÊT

-contradictoire

-par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

-signé par Madame Bénédicte PRUVOST, présidente et par Monsieur Grégoire GROSPELLIER, greffier, présent lors de la mise à disposition.

L’Epic [6] a consenti à M. [Y] un bail d’habitation portant sur un appartement sis [Adresse 2].

Par ordonnance de référé du 18 mai 2017, le juge du Tribunal d’instance du 19ème arrondissement de Paris a, sous le bénéfice de 1’exécution provisoire :

– condamné M. [Y] à payer à l’Epic [6], en deniers ou quittance, la somme de 338,11 euros et autorisé le débiteur à se libérer de sa dette en 10 mensualités de 33 euros ;

– constaté que les conditions d’acquisition de la clause résolutoire contenue dans le bail contracté entre les parties en cause sont réunies à la date du 1er décembre 2016 ;

– dit que les effets de la clause résolutoire seront suspendus et cette clause réputée n’avoir jamais joué si ces délais sont respectés ;

– à défaut de respect des délais, ordonné 1’expulsion de M. [Y] de l’immeuble sis [Adresse 2] et celle de toute personne occupant les lieux.

Cette décision a été signifiée à M. [Y] 1e 24 juillet 2017. Un commandement de quitter les lieux dans un délai de deux mois lui a ensuite été délivré le 19 décembre 2017. Le 9 janvier 2018, un procès-verbal d’expulsion par reprise des locaux a été dressé par Maître [E] [G], huissier de justice, et il sera dénoncé à M. [Y] le 17 janvier 2018.

Par jugement en date du 22 juillet 2022, le juge de l’exécution de Paris qui avait été saisi par M. [Y] selon requête parvenue au greffe le 27 avril 2022, a :

– déclaré recevable l’action en contestation de l’expulsion ;

– débouté M. [Y] de sa demande d’annulation du procès-verbal de reprise des lieux du 9 janvier 2018 ;

– débouté M. [Y] de sa demande de réintégration dans les lieux ;

– débouté M. [Y] de sa demande de dommages et intérêts ;

– rejeté les demandes en application de l’article 700 du code de procédure civile ;

– condamné M. [Y] aux dépens.

Pour statuer ainsi, ce magistrat a notamment relevé :

– que si l’article 7-1 de la loi du 6 juillet 1989 édicte un délai de prescription de trois ans, et que M. [Y] devait donc le saisir normalement au plus tard le 17 janvier 2021, il devait être fait application de l’article 38 du décret du 10 décembre 2019 en sa version applicable au litige, selon lequel l’action est recevable lorsque une demande d’aide juridictionnelle a été formée dans ce délai, M. [Y] ayant déposé un dossier à cette fin le 27 août 2019 ;

– qu’il importe peu, cet égard, que l’attribution de l’aide juridictionnelle ait été déclarée caduque ;

– que le logement était vide lors de la venue de l’huissier de justice, si bien que les dispositions de l’article L 412-6 du code des procédures civiles d’exécution, selon lesquelles aucune expulsion n’est possible du 1er novembre au 15 mars, ne sont pas applicables.

Selon déclaration en date du 27 octobre 2022, M. [Y] a relevé appel de ce jugement.

En ses conclusions notifiées le 14 décembre 2022, il expose :

– que l’expulsion dont il a fait l’objet est illégale ;

– qu’en effet, en application de l’article 14-1 de la loi du 6 juillet 1989, en cas d’abandon du logement, la délivrance d’une mise en demeure est obligatoire pour que l’huissier de justice puisse constater cet abandon ;

– que cet auxiliaire de justice est venu sur place à l’occasion d’une simple visite en vue d’une saisie-vente, alors même que l’Epic [6] savait pertinemment qu’il serait absent durant les fêtes de fin d’année ; qu’il lui avait bien précisé qu’il reviendrait courant janvier 2018 ;

– qu’il n’a nullement abandonné le logement dont s’agit ;

– que le procès-verbal comporte des mentions contradictoires, à savoir ‘libération volontaire’ et ‘abandon des lieux’, alors que dans le premier cas la délivrance d’un commandement de quitter les lieux est obligatoire, tandis que dans le second, l’abandon doit être constaté par une décision de justice, aboutissant à la reprise des lieux abandonnés ;

– que l’Epic [6] aurait dû avoir la certitude d’un abandon et non pas se contenter d’une simple vraisemblance ;

– que le 20 décembre 2017, l’Epic [6] avait donné son accord pour signer un protocole, ce qui démontre que pour sa part il n’avait nulle intention de partir ;

– qu’il s’agit ici d’une véritable expulsion, laquelle ne pouvait intervenir avant le 19 février 2018 soit deux mois après la délivrance du commandement de quitter les lieux ;

– qu’il a dressé une liste de biens lui appartenant qu’il n’a pas retrouvés ;

– qu’il souffre d’une pathologie ; qu’à la suite de l’expulsion dont s’agit, il est contraint de dormir dans un véhicule.

M. [Y] demande en conséquence à la Cour de :

– infirmer le jugement ;

– annuler le procès-verbal d’expulsion ;

– condamner l’Epic [6] au paiement de la somme de 28 000 euros à titre de dommages et intérêts, avec intérêts au taux légal à compter de l’assignation et capitalisation desdits intérêts ;

– ordonner sa réintégration dans le logement objet du litige ou, subsidiairement, dans un logement équivalent ;

– condamner l’Epic [6] à régler à son conseil la somme de 2 000 euros en vertu de l’article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;

– le condamner au paiement du droit de plaidoirie (13 euros) ;

– le condamner aux dépens qui seront recouvrés directement par Maître Vernon ;

– subsidiairement, pour le cas où il ne prospérerait pas en son appel, rejeter la demande de l’Epic [6] en application de l’article 700 du code de procédure civile et le condamner aux dépens.

Dans ses conclusions notifiées le 16 janvier 2023, l’Epic [6] réplique :

– qu’il dispose d’un titre exécutoire pour expulser M. [Y] si bien que la procédure susvisée, prévue à l’article 14-1 de la loi du 6 juillet 1989, n’est pas applicable ;

– qu’il a bien délivré un commandement de quitter les lieux à l’appelant ;

– que l’intéressé ayant quitté les lieux, il n’était pas tenu de respecter le délai de deux mois avant d’en reprendre possession, conformément aux dispositions de l’article R 451-3 du code des procédures civiles d’exécution ;

– que l’appartement était complètement vide lors de la reprise des lieux, ne s’y trouvant notamment aucun vêtement ni aucun effet personnel ;

– qu’il n’est pas possible d’ordonner la réintégration de M. [Y], car le bien a été reloué à compter du 28 juin 2018.

L’Epic [6] demande en conséquence à la Cour de :

– confirmer le jugement ;

– condamner M. [Y] au paiement de la somme de 2 160 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ;

– le condamner aux dépens, qui seront recouvrés par Maître Kong-Thong dans les conditions de l’article 699 du code de procédure civile.

MOTIFS

M. [Y] n’ayant pas réglé les loyers dus à l’Epic [6], un commandement de payer visant la clause résolutoire lui a été délivré le 30 septembre 2016, et selon ordonnance de référé en date du 18 mai 2017, qui sera signifiée le 24 juillet 2017, le juge du Tribunal d’instance de Paris 19ème arrondissement a octroyé des délais de paiement à l’intéressé, constaté que les conditions d’acquisition de la clause résolutoire sont réunies, a dit que les effets de ladite clause seront suspendus et qu’elle sera réputée n’avoir jamais joué si ces délais sont respectés, et dit qu’à défaut de règlement de la somme mensuelle de 33 euros en sus du loyer courant, la clause résolutoire aura joué, l’expulsion du débiteur étant alors ordonnée.

L’appel formé contre cette ordonnance de référé par M. [Y] a été déclaré irrecevable par un arrêt de la Cour d’appel de Paris en date du 31 mai 2018, signifié le 26 juillet 2018.

En application de l’article L 451-1 du code des procédures civiles d’exécution, l’huissier de justice chargé de l’exécution de la mesure d’expulsion peut procéder comme il est dit à l’article L 142-1 pour constater que la personne expulsée et les occupants de son chef ont volontairement libéré les locaux postérieurement à la signification du commandement prévu à l’article L 411-1 et pour procéder à la reprise des lieux.

L’article R 451-1 du même code dispose que pour l’application des dispositions de l’article L 451-1,1’huissier de justice chargé de l’exécution procède aux opérations de reprise des lieux :

1° Lorsqu’il constate que la personne expulsée et les occupants de son chef ont volontairement libéré les lieux postérieurement à la signification du commandement prévu à l’article L 411-1 ;

2° Lorsqu’il est autorisé par décision de justice passée en force de chose jugée à reprendre des locaux abandonnés, dans les conditions prévues par les articles 1er à 8 du décret n° 2011-945 du 10 août 2011 pris pour l’application de l’article 14-1 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989.

En outre, l’article R 451-3 prévoit que dans le cas prévu au 1° de l’article R 451-1, le procès-verbal de reprise des lieux peut être dressé avant l’expiration du délai fixé dans le commandement d’avoir à libérer les locaux.

L’article 14-1 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989, qui prévoit que lorsque des éléments laissent à penser que le logement est abandonné par ses occupants, le bailleur peut mettre le locataire en demeure de justifier qu’il occupe ce logement, le juge pouvant ensuite constater la résiliation du bail, n’est pas applicable au présent litige. En effet, l’Epic [6] n’a jamais fait usage de cette procédure, et la résiliation du bail a été constatée en raison du défaut de paiement des loyers.

Il convient donc de vérifier s’il pouvait être fait application de l’article R 451-1 1°) du code des procédures civiles d’exécution, à savoir si la personne expulsée et les occupants de son chef avaient volontairement libéré les lieux postérieurement à la signification du commandement de le faire délivré le 19 décembre 2017.

Il résulte de la lecture du procès-verbal d’expulsion par reprise des locaux que la personne faisant l’objet de l’expulsion avait vraisemblablement volontairement quitté les lieux, lesquels étaient complètement vides de tous meubles, mobiliers et toutes affaires personnelles ayant pu appartenir au locataire, à l’exception du mobilier inventorié ci-après (à savoir une chaise, une centaine de livres, et une valise). Cette liste ne correspond pas à celle rédigée par le débiteur qui fait état de nombreux meubles, appareils électro-ménager, et autres. Cet état de fait est confirmé par le jugement du juge de l’exécution en date du 3 avril 2018 ayant statué sur le sort de biens qui a relevé que les objets laissés dans les lieux précédemment occupés par l’appelant étaient abandonnés.

En cet état, le logement n’était manifestement plus habitable, ne comportant notamment aucun ustensile ou appareil destiné à y préparer des repas, ni de lit.

Il s’avère que le 20 décembre 2017, l’Epic [6] avait rappelé à M. [Y] que son expulsion était ordonnée mais qu’il était disposé à lui accorder le bénéfice d’un protocole par lequel il s’engagerait à reprendre le paiement des échéances en cours et à respecter le plan d’apurement, en contrepartie de quoi la procédure d’expulsion serait suspendue. M. [Y] était invité à prendre contact, sous quinzaine, avec la conseillère sociale afin d’étudier les modalités de mise en oeuvre de ce protocole. Le 28 décembre 2017, M. [Y] répondait par message électronique qu’il avait déjà envisagé ces mesures et qu’il reprendrait contact avec Mme [I] courant janvier 2018 pour solliciter l’octroi d’un dossier FSl et/ou d’APL. Mais force est de constater que ce protocole n’a en réalité finalement pas été régularisé, alors que si, dans son mail susvisé, l’appelant envisageait son retour à [Localité 5] il ne signalait pas qu’il reviendrait dans le logement dont s’agit.

Il en résulte qu’en dépit des contestations qu’il oppose, au 9 janvier 2018, l’appelant avait bel et bien quitté les lieux. C’est donc dans des conditions exemptes de critiques que l’huissier de justice instrumentaire a procédé à leur reprise. La demande d’annulation du procès-verbal d’expulsion ainsi que celle de condamnation de l’Epic [6] à régler au débiteur des dommages et intérêts ainsi qu’à le réintégrer dans les lieux doivent être en conséquence rejetées. Le jugement est confirmé en l’ensemble de ses dispositions.

L’équité ne commande pas de faire application de l’article 700 du code de procédure civile au bénéfice de l’Epic [6].

M. [Y] sera condamné aux dépens d’appel.

PAR CES MOTIFS

– CONFIRME le jugement en date du 22 juillet 2022 ;

– REJETTE la demande de l’Epic [6] en application de l’article 700 du code de procédure civile ;

– CONDAMNE M. [Z] [Y] aux dépens d’appel, qui seront recouvrés par Maître Kong Thong conformément à l’article 699 du code de procédure civile.

Le greffier, Le président,

 


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