Saisine du juge de l’exécution : 17 mai 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 22/12503

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Saisine du juge de l’exécution : 17 mai 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 22/12503

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 1 – Chambre 10

ARRÊT DU 17 MAI 2023

(n° , 5 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général :

N° RG 22/12503 – N° Portalis 35L7-V-B7G-CGC6I

Décision déférée à la cour :

Jugement du 02 juin 2022-Juge de l’exécution de PARIS-RG n° 22/80206

APPELANTE

S.A.S. LEFORT & RAIMBERT

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représentée par Me Virginie DOMAIN, avocat au barreau de PARIS, toque : C2440

Ayant pour avocat plaidant Me Marie-Véronique LE FEVRE, avocat au barreau de PARIS, toque : D0353

INTIMÉE

S.C.S. PGC,

Société en commandite simple à capital variable ayant son siège social [Adresse 3], ici représentée par son gérant, la S.A.S. THE GOOD PLACE, ayant

son siège social [Adresse 1]

Représentée par Me Nicolas URBAN de l’AARPI ALMATIS, avocat au barreau de PARIS, toque : P0560

COMPOSITION DE LA COUR

L’affaire a été débattue le 5 avril 2023, en audience publique, devant la cour composée de :

Madame Bénédicte PRUVOST, président de chambre

Madame Catherine LEFORT, conseiller

Monsieur Raphaël TRARIEUX, conseiller

qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l’audience par Madame Bénédicte PRUVOST, président de chambre, dans les conditions prévues par l’article 804 du code de procédure civile.

GREFFIER lors des débats : Monsieur Grégoire GROSPELLIER

ARRÊT

-contradictoire

-par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

-signé par Madame Bénédicte PRUVOST, président de chambre et par Monsieur Grégoire GROSPELLIER, greffier présent lors de la mise à disposition.

Pour l’exploitation d’un restaurant situé dans le quartier [Localité 6], [Adresse 4] et [Adresse 5], la société en commandite simple (SCS) PGC est titulaire de deux baux, l’un conclu avec la SAS Lefort et Raimbert le 3 juillet 2001, l’autre avec la société RPB.

Par acte d’huissier du 26 novembre 2021, la société Lefort et Raimbert a fait pratiquer une saisie conservatoire sur les comptes de la société PGC détenus auprès de la Caisse fédérale de crédit mutuel pour avoir paiement de la somme de 124.753,47 euros, représentant les loyers dus du 1er mars 2020 au 30 novembre 2021. Cette saisie a été dénoncée à la société PGC le 1er décembre 2021 et s’est avérée entièrement fructueuse.

Le 23 décembre 2021, la société Lefort et Raimbert a saisi le tribunal judiciaire de Paris d’une action au fond en condamnation de la société PGC au paiement de la somme de 124.753,47 euros.

Par acte d’huissier du 18 janvier 2022, la société PGC a saisi le juge de l’exécution du tribunal judiciaire de Paris aux fins de mainlevée de la saisie conservatoire.

Parallèlement, par ordonnance du 4 mars 2022, le juge des référés du tribunal judiciaire de Paris a dit n’y avoir lieu à référé sur l’acquisition de la clause résolutoire, retenant l’existence d’une contestation sérieuse.

Par jugement du 2 juin 2022, le juge de l’exécution a :

ordonné la mainlevée de la saisie conservatoire du 26 novembre 2021 ;

rejeté la demande de la société Lefort et Raimbert formée au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

condamné la société Lefort et Raimbert à payer à la société PGC la somme de 3.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens qui comprendront les frais de saisie conservatoire et de sa dénonciation.

Pour statuer ainsi, le juge de l’exécution a retenu que la société Lefort et Raimbert ne justifiait pas d’une créance fondée en son principe, la locataire pouvant se prévaloir de l’impossibilité juridique d’exploiter les locaux loués et, par suite, de la perte partielle de la chose louée pendant les périodes de fermeture administrative ; que le juge des référés avait, pour sa part, retenu l’existence d’une contestation sérieuse s’opposant à la demande de provision sur les loyers. Il a également relevé que le décompte annexé à la saisie conservatoire reprenait un solde antérieur au 1er mars 2020 non justifié de 7.884,96 euros et que la société PGC justifiait de règlements postérieurs à la saisie conservatoire soldant tous les loyers hors périodes de restriction relatives à la crise sanitaire.

Par déclaration du 4 juillet 2022, la société Lefort et Raimbert a formé appel de ce jugement.

Par ordonnance du 22 novembre 2022, le premier président de la cour d’appel a ordonné le sursis à exécution de ce jugement, sur le fondement de l’article R.121-22 du code des procédures civiles d’exécution.

Par dernières conclusions du 14 mars 2023, la société Lefort et Raimbert demande à la cour de :

infirmer le jugement du 2 juin 2022 en toutes ses dispositions ;

Jugeant à nouveau,

Vu l’acte d’acquiescement à saisie conservatoire intervenu le 24 février 2023 à hauteur de 78.421,32 euros ;

lui donner acte de ce qu’elle considère être désormais remplie de ses créances de loyers et charges par la société PGC pour la période des mois de mars à juin 2020 et de novembre 2020 à mai 2021, et frais d’exécution ;

débouter la société PGC de l’ensemble de ses demandes ;

condamner la société PGC au paiement de la somme de 5.000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens, y compris le coût de la saisie conservatoire du 26 novembre 2021.

L’appelante soutient que :

les difficultés rencontrées par la société PGC sont antérieures à la crise sanitaire ;

les dispositions de la loi du 14 novembre 2020 s’appliquent aux loyers et charges locatives d’un preneur affecté par une mesure administrative à compter du 17 octobre 2020 alors que son commandement de payer visant la clause résolutoire a été délivré le 15 octobre 2020 ;

sa créance est certaine, liquide, exigible et non contestable ; elle réfute l’application de la notion de perte de la chose louée puisque, dans trois arrêts du 30 juin 2022, la Cour de cassation a retenu que les locataires commerciaux ne pouvaient plus l’invoquer pour s’opposer au paiement de loyers et charges dues pendant les confinements et que la résiliation du bail n’aurait pas empêché la société PGC de continuer à exploiter son restaurant dans ses locaux attenants qui font l’objet d’un autre bail ;

la société PGC a fait preuve de mauvaise foi en utilisant les aides de l’État pour réaliser d’importants travaux plutôt que pour régler sa dette locative ;

l’ordonnance de référé du 4 mars 2022 ne lie pas le juge de l’exécution ;

la société PGC a, par acte du 24 février 2023, acquiescé à la saisie conservatoire à hauteur de 78.421,32 euros.

Par dernières conclusions du 9 février 2023, la société PGC demande à la cour de :

infirmer le jugement du 2 juin 2022 dans toutes ses dispositions ;

Statuant à nouveau,

ordonner la mainlevée de la saisie conservatoire du 26 novembre 2021 seulement pour un montant de 54.612,92 euros ;

valider la saisie conservatoire du 26 novembre 2021 pour un montant de 70.140,55 euros ;

débouter la société Lefort et Raimbert de toutes ses demandes, fins et conclusions à son encontre ;

condamner la société Lefort et Raimbert à lui payer la somme de 4.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens.

L’intimée fait valoir que :

les difficultés qu’elle a rencontrées s’expliquent par les confinements et couvre-feu successifs qui l’ont empêchée de jouir du bien loué, d’exercer son activité et donc de générer du chiffre d’affaires ;

autant son bailleur principal, la société RPB a consenti des efforts (franchise des loyers pendant les confinements et la période des travaux) et s’est inscrite dans le processus de conciliation, autant la société Lefort et Raimbert a refusé de négocier en tentant, dans les mêmes circonstances, de lui imposer un bail « meublé » ayant pour effet la dévalorisation de son fonds de commerce ;

au vu des trois arrêts du 30 juin 2022 de la Cour de cassation qui écartent la suspension ou la neutralisation de l’obligation de paiement des loyers pendant les confinements, elle accepte que la somme de 70.140,55 euros, correspondant aux loyers des périodes de confinement et de fermeture administrative, soit libérée entre les mains de la société Lefort et Raimbert, ;

elle a déjà payé tous les loyers hors périodes de confinement et de fermeture administrative ;

la société Lefort et Raimbert ne justifie pas de la somme différentielle réclamée de 17.080,09 euros qui ne correspond pas à des loyers liés à la période visée par la saisie conservatoire.

Par message RPVA du 12 avril 2023, la cour a invité la SCS PGC, en application des articles 442 et 445 du code de procédure civile, à s’expliquer sur la discordance entre le dispositif de ses dernières conclusions du 9 février 2023, concluant à voir valider la saisie conservatoire pour un montant de 70.140,55 euros, et l’acte d’acquiescement à saisie conservatoire du 24 février à hauteur de 78.421,33 euros.

Par message RPVA en réponse du 14 avril 2023, le conseil de la SCS PGC a répondu à la cour que, n’ayant pas été consulté par son client avant l’acquiescement intervenu, il s’en remettait à cet acte, ce qui emporte néanmoins libération du surplus de la saisie entre les mains de son client, comme sollicité dans le dispositif de ses dernières conclusions.

MOTIFS

La cour constate, au vu de l’acte d’huissier du 24 février 2023, versé aux débats, que la société PGC a acquiescé à hauteur de la somme de 78.421,32 euros à la saisie conservatoire pratiquée le 24 février 2023. La comparaison de cet acte avec le procès-verbal de saisie conservatoire et les conclusions des parties permettent d’en déduire que cette somme correspond à une somme de 70.140,55 euros, représentant les loyers impayés du 16 mars au 31 mai 2020 et du 1er novembre 2020 au 31 mai 2021, outre des frais d’exécution. L’appelante indique expressément dans le dispositif de ses conclusions qu’elle se considère ainsi remplie de ses créances de loyers et charges dues par la société PGC pour les périodes de mars à juin 2020 et novembre 2020 à mai 2021 et des frais de l’exécution.

Par ailleurs, l’intimée justifie par la copie des virements correspondants (ses pièces n°11 et 14) s’être acquittée de tous les autres loyers visés par la mesure de saisie conservatoire, dus pour les périodes des 1er mars au 15 mars 2020, 1er juin au 31 août 2020, puis juin à novembre 2021, et même au-delà de la date de la mesure conservatoire, de novembre 2021 à avril 2022, ce que le premier juge a retenu à juste titre. L’appelante ne justifie, en sens inverse, d’aucune autre créance de loyers et charges impayés.

Tenant compte du montant à hauteur duquel la SCS PGC a acquiescé à la saisie conservatoire et au vu des conclusions de la SAS Lefort et Raimbert, laquelle indique être remplie de ses droits relatifs aux créances de loyers et charges dues par la société PGC pour les périodes de mars à juin 2020 et novembre 2020 à mai 2021 et des frais de l’exécution, il convient d’ordonner la mainlevée de la saisie conservatoire pratiquée le 26 novembre 2021 à hauteur de la somme différentielle de 124.753,47 ‘ 78.421,32 = 46.332,15 euros.

En vertu des dispositions de l’article L. 512-2 alinéa 1er du code des procédures civiles d’exécution, les frais occasionnés par une mesure conservatoire sont à la charge du débiteur, sauf décision contraire du juge. Il résulte de ce qui précède que les frais occasionnés par la saisie conservatoire ont été inclus dans l’acquiescement. Il n’y a donc pas lieu de prononcer de condamnation supplémentaire à ce titre.

Sur les demandes accessoires

L’équité justifie de ne prononcer aucune condamnation à paiement en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, tant en première instance qu’à hauteur d’appel.

Chacune des parties succombant partiellement en ses prétentions, il y a lieu de leur laisser la charge de leurs propres dépens de première instance et d’appel.

PAR CES MOTIFS

Infirme le jugement entrepris en ce qu’il a ordonné la mainlevée totale de la saisie conservatoire pratiquée le 26 novembre 2021, a condamné la SAS Lefort et Raimbert à payer à la SCS PGC la somme de 3000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile et a condamné la SAS Lefort et Raimbert aux dépens, y compris les frais de saisie conservatoire et de sa dénonciation ;

Statuant à nouveau dans cette limite et y ajoutant,

Ordonne la mainlevée de la saisie conservatoire pratiquée le 26 novembre 2021 par la SAS Lefort et Raimbert à l’encontre de la SCS PGC, entre les mains de la Caisse Fédérale de Crédit Mutuel, à hauteur de la seule somme de 46.332,15 euros, et la maintient pour le surplus, lequel comprend les frais de ladite saisie ;

Dit n’y avoir lieu de prononcer de condamnation en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, ni à hauteur de première instance ni à hauteur d’appel ;

Laisse à chacune des parties la charge de ses dépens de première instance et d’appel.

Le greffier, Le président,

 


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