Saisine du juge de l’exécution : 17 mai 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 22/09759

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Saisine du juge de l’exécution : 17 mai 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 22/09759

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 1 – Chambre 10

ARRÊT DU 17 MAI 2023

(n° , 6 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général :

N° RG 22/09759 – N° Portalis 35L7-V-B7G-CF3BR

Décision déférée à la cour :

Jugement du 10 mai 2022-Juge de l’exécution de PARIS-RG n° 21/82149

APPELANTE

S.N.C. SOFAXIS

[Adresse 3]

[Adresse 3]

Représentée par Me Anne-Laure LEBOUTEILLER, avocat au barreau de PARIS, toque : G0344

INTIMÉ

DIRECTION SPÉCIALISÉE DES FINANCES PUBLIQUES POUR L’APHP

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représenté par Me Laurine SALOMONI de la SARL FRICAUDET LARROUMET SALOMONI, avocat au barreau de VAL-DE-MARNE, toque : PC : 333

COMPOSITION DE LA COUR

L’affaire a été débattue le 5 avril 2023, en audience publique, devant la cour composée de :

Madame Bénédicte PRUVOST, président de chambre

Madame Catherine LEFORT, conseiller

Monsieur Raphaël TRARIEUX, conseiller

qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l’audience par Monsieur Raphaël TRARIEUX, conseiller, dans les conditions prévues par l’article 804 du code de procédure civile.

GREFFIER lors des débats : Monsieur Grégoire GROSPELLIER

ARRÊT

-contradictoire

-par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

-signé par Madame Bénédicte PRUVOST, président de chambre et par Monsieur Grégoire GROSPELLIER, greffier présent lors de la mise à disposition.

La SNC Sofaxis est assureur du risque d’accident du travail et de maladie professionnelle pour des collectivités territoriales ayant souscrit un contrat directement auprès d’elle, ou par l’intermédiaire d’un contrat-cadre géré par les Centres de gestion interdépartementaux, ou en tant que délégataire des contrats d’assurance de compagnies d’assurance. Dans ce cadre, elle assure la gestion des contrats conclus avec des personnes publiques employeurs et se substitue à ces dernières, contre rémunération, pour assumer pleinement le rôle de débiteur pour les prestations assurées par les établissements de santé, au titre des soins liés aux accidents de travail et maladies professionnelles des agents des collectivités territoriales.

Les 2 juillet 2020, 7 avril 2021 et 14 avril 2021, la Direction spécialisée des finances publiques pour l’Assistance publique-Hôpitaux de [Localité 2] de [Localité 2] a procédé à trois saisies administratives à tiers détenteur à l’encontre de la SNC Sofaxis, pour avoir paiement des sommes de 210 960,89 euros, 81 079,56 euros et 51 361,52 euros.

L’intéressée ayant saisi le juge de l’exécution de Paris de contestations de ces trois mesures d’exécution par assignation datée du 26 octobre 2021, ce magistrat a, par jugement en date du 10 mai 2022 :

– déclaré irrecevables les demandes de la SNC Sofaxis à fin d’annulation, de mainlevée, de cantonnement des saisies administratives à tiers détenteur ainsi que sa demande à fin de restitution des sommes perçues ;

– condamné la SNC Sofaxis au paiement de la somme de 3 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ;

– condamné la SNC Sofaxis aux dépens.

Pour statuer ainsi, il a relevé :

– que la saisine préalable du comptable public est rendue obligatoire par l’article L 281 du Livre des procédures fiscales ;

– que par application des articles R 281 et suivants du Livre des procédures fiscales, la juridiction ne peut être saisie que dans les deux mois de la réponse que le comptable public donne ou dans les deux mois de l’expiration du délai qui lui est imparti pour répondre ;

– que les actes de saisie administrative à tiers détenteur litigieux mentionnaient bien qu’en cas de contestation de l’acte de poursuite, un recours préalable devait être régularisé.

Selon déclaration en date du 18 mai 2022, la SNC Sofaxis a relevé appel de ce jugement.

En ses conclusions notifiées le 30 mars 2023, la SNC Sofaxis expose :

– qu’elle a saisi le Tribunal administratif de Paris de ses contestations ; que cette juridiction a rendu le 27 septembre 2021 une ordonnance d’incompétence, qui sera confirmée par un arrêt de la Cour administrative d’appel de Paris en date du 15 février 2022, le pourvoi en cassation formé contre cet arrêt ayant été déclaré non admis par le Conseil d’Etat le 14 octobre 2022 ;

– qu’elle a saisi le Tribunal administratif de Paris le 16 mars 2023 d’un nouveau recours ;

– que les dispositions de l’article L 1617-5 du code général des collectivités territoriales s’appliquent aux établissements de santé ; qu’elles renvoient à l’article R 281 du Livre des procédures fiscales qui prévoient que les contestations relatives au recouvrement prévues à l’article L 281 doivent faire l’objet d’un recours préalable ;

– qu’en effet, l’obligation d’introduire un tel recours s’applique strictement quant à son champ d’application ;

– qu’il n’y a pas lieu à recours préalable lorsque c’est la régularité de l’acte de poursuite qui est contestée ;

– que les sommes ont été payées, ainsi que l’ont constaté le Tribunal administratif de Paris puis la Cour administrative d’appel en son arrêt daté du 25 juin 2021 ;

– que les sommes en cause ne sont pas dues, car il s’agit de sinistres qui ne sont pas couverts par le contrat d’assurance, les faits en cause ne sont pas imputables à un accident de service ou une maladie professionnelle, les sommes engagées excèdent les termes du contrat, et les agents en cause ne sont pas couverts par ledit contrat ;

– que les titres exécutoires ne lui ont jamais été notifiés ;

– subsidiairement, qu’il y a lieu de saisir le Tribunal administratif de Paris d’une question préjudicielle au sujet du bien fondé des créances.

La SNC Sofaxis demande en conséquence à la Cour de :

– ordonner un sursis à statuer dans l’attente de la décision du Tribunal administratif de Paris actuellement saisi par ses soins ;

– infirmer le jugement ;

– ordonner la mainlevée des saisies administratives à tiers détenteur ;

– condamner la Direction spécialisée des finances publiques pour l’assistance Publique-Hôpitaux de [Localité 2] au remboursement de la somme de 343 401,97 euros ;

– ordonner l’exécution provisoire de la décision ;

– subsidiairement, saisir le Tribunal administratif de Paris d’une question préjudicielle afin qu’il se prononce sur le bien fondé des créances de la Direction spécialisée des finances publiques pour l’assistance Publique-Hôpitaux de [Localité 2] ;

– la condamner au paiement de la somme de 5 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ;

– la condamner aux dépens.

Dans ses conclusions notifiées le 29 mars 2023, la Direction spécialisée des finances publiques pour l’Assistance publique-Hôpitaux de [Localité 2] réplique :

– qu’à la suite de la survenance d’impayés, divers titres exécutoires ont été émis à l’encontre de la SNC Sofaxis ;

– qu’il n’y a pas lieu d’ordonner un sursis à statuer, la saisine du Tribunal administratif de Paris dont se prévaut l’appelante étant très tardive, alors que l’intéressée est de toute évidence forclose à saisir cette juridiction en vue de contester le montant des sommes dues, le délai de deux mois prévu à l’article L 1617-5 1°) du code général des collectivités territoriales étant écoulé ;

– que la contestation devant le juge de l’exécution doit être déclarée irrecevable sans qu’il n’y ait lieu d’ examiner le fond de l’affaire ;

– qu’un recours préalable n’est pas obligatoire uniquement si c’est la régularité en la forme de l’acte de poursuite qui est contestée ;

– que la jurisprudence invoquée par l’appelante n’est plus applicable eu égard à la modification ultérieure des textes ;

– que faute d’avoir exercé un tel recours, la SNC Sofaxis est irrecevable à agir ;

– subsidiairement, que les sommes réclamées ne sont pas réglées, les relevés bancaires produits par l’appelante étant insuffisants à en constituer la preuve du paiement ;

– que la SNC Sofaxis a bien été destinataire des titres exécutoires qui lui ont été envoyés par lettre simple, l’article L 1617-5 du code général des collectivités territoriales ne prescrivant aucun formalisme particulier ;

– qu’en réalité, la SNC Sofaxis cherche à remettre en cause le contenu des titres exécutoires, ce que le juge de l’exécution ne peut pas faire ;

– que la question préjudicielle soulevée par la SNC Sofaxis est irrecevable car il s’agit là d’une exception de procédure, et l’appelante ne l’a pas soulevée en première instance, alors qu’elle a conclu sur le fond devant la Cour avant de le faire ;

– que de plus, cette question ne présente aucun moyen suffisamment précis et sérieux.

La Direction spécialisée des finances publiques pour l’assistance Publique-Hôpitaux de [Localité 2] demande en conséquence à la Cour de :

– rejeter la demande de sursis à statuer ;

– confirmer le jugement ;

– se déclarer incompétente au bénéfice du Tribunal administratif de Paris en ce qui concerne les contestations portant sur le montant des sommes dues ;

– déclarer irrecevable la question préjudicielle ;

– condamner la SNC Sofaxis au paiement de la somme de 5 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ;

– la condamner aux dépens.

A l’audience du 5 avril 2023, la Cour a révoqué l’ordonnance de clôture afin de rendre recevables les dernières conclusions des parties, et a ordonné à nouveau la clôture.

MOTIFS

La SNC Sofaxis sollicite le prononcé d’un sursis à statuer dans l’attente de la décision du Tribunal administratif de Paris qu’elle a saisi le 16 mars 2023 d’une contestation portant sur le principe de la créance.

L’article L 6145-9 du code de la santé publique renvoie vers les articles L 1611-5 et L 1617-5 du code général des collectivités territoriales pour les modalités du recouvrement des créances des établissements publics de santé.

En vertu de l’article L 1617-5 du code général des collectivités territoriales, les dispositions du présent article s’appliquent également aux établissements publics de santé.

1° En l’absence de contestation, le titre de recettes individuel ou collectif émis par la collectivité territoriale ou l’établissement public local permet l’exécution forcée d’office contre le débiteur.

Toutefois, l’introduction devant une juridiction de l’instance ayant pour objet de contester le bien-fondé d’une créance assise et liquidée par une collectivité territoriale ou un établissement public local suspend la force exécutoire du titre.

L’action dont dispose le débiteur d’une créance assise et liquidée par une collectivité territoriale ou un établissement public local pour contester directement devant la juridiction compétente le bien-fondé de ladite créance se prescrit dans le délai de deux mois à compter de la réception du titre exécutoire ou, à défaut, du premier acte procédant de ce titre ou de la notification d’un acte de poursuite.

2° La contestation qui porte sur la régularité d’un acte de poursuite est présentée selon les modalités prévues à l’article L 281 du livre des procédures fiscales. La revendication par une tierce personne d’objets saisis s’effectue selon les modalités prévues à l’article L 283 du même livre.

(…)

L’article L 281 du Livre des procédures fiscales prévoit que :

Les contestations relatives au recouvrement des impôts, taxes, redevances, amendes, condamnations pécuniaires et sommes quelconques dont la perception incombe aux comptables publics doivent être adressées à l’administration dont dépend le comptable qui exerce les poursuites.

Lorsque les contestations portent sur le recouvrement de créances détenues par les établissements publics de l’Etat, par un de ses groupements d’intérêt public ou par les autorités publiques indépendantes, dotés d’un agent comptable, ces contestations sont adressées à l’ordonnateur de l’établissement public, du groupement d’intérêt public ou de l’autorité publique indépendante pour le compte duquel l’agent comptable a exercé ces poursuites.

Les contestations relatives au recouvrement ne peuvent pas remettre en cause le bien-fondé de la créance. Elles peuvent porter :

1° Sur la régularité en la forme de l’acte ;

2° A l’exclusion des amendes et condamnations pécuniaires, sur l’obligation au paiement, sur le montant de la dette compte tenu des paiements effectués et sur l’exigibilité de la somme réclamée.

Les recours contre les décisions prises par l’administration sur ces contestations sont portés dans le cas prévu au 1° devant le juge de l’exécution. Dans les cas prévus au 2°, ils sont portés :

a) Pour les créances fiscales, devant le juge de l’impôt prévu à l’article L 199 ;

b) Pour les créances non fiscales de l’Etat, des établissements publics de l’Etat, de ses groupements d’intérêt public et des autorités publiques indépendantes, dotés d’un agent comptable, devant le juge de droit commun selon la nature de la créance ;

c) Pour les créances non fiscales des collectivités territoriales, des établissements publics locaux et des établissements publics de santé, devant le juge de l’exécution.

Le juge de l’exécution a justement relevé que les articles L 1617-5 du code général des collectivités territoriales et L 281 du Livre des procédures fiscales s’appliquent concomitamment. L’alinéa 2 de l’article L 281 du Livre des procédures fiscales qui régit les contestations portant sur le recouvrement de créances détenues par les établissements publics de l’Etat, par un de ses groupements d’intérêt public ou par les autorités publiques indépendantes, dotés d’un agent comptable, n’établit aucune distinction selon que c’est la créance proprement dite qui est contestée ou un acte d’exécution tel qu’une saisie administrative à tiers détenteur.

L’alinéa 1er de ce texte traite des contestations relatives au recouvrement des impôts, taxes, redevances, amendes, condamnations pécuniaires et sommes quelconques dont la perception incombe aux comptables publics, là encore sans aucune distinction.

Et l’alinéa 3 de ce texte prévoit que les recours contre les décisions prises par l’administration sur ces contestations sont portés dans le cas prévu au 1° devant le juge de l’exécution, ce qui infère nécessairement que ce dernier ne peut être utilement saisi qu’une fois que le recours préalable a été rejeté.

De plus, la SNC Sofaxis était informée de la nécessité qu’il y avait à saisir l’autorité compétente d’un recours préalable, car les lettres de notification des saisies administratives à tiers détenteur mentionnaient expressément que si la contestation portait sur le bien fondé de la créance le Tribunal administratif devait être saisi, alors que si elle portait sur la régularité de l’acte de poursuite, le juge de l’exécution devait être saisi, mais qu’il était nécessaire de saisir au préalable le comptable public.

Partant, si l’appelante justifie avoir saisi le Tribunal administratif de Paris, le 16 mars 2023, d’une contestation de la décision implicite de rejet du comptable faisant suite à sa demande d’annulation de la créance et à sa demande de décharge de la dette, cette procédure et la décision qui sera rendue n’ont aucune incidence sur le fait que la présente contestation est irrecevable. La demande de sursis à statuer doit en conséquence être rejetée.

Subsidiairement, la SNC Sofaxis sollicite la saisine du Tribunal administratif de Paris d’une question préjudicielle afin qu’il se prononce sur le bien fondé des créances de la Direction spécialisée des finances publiques pour l’assistance Publique-Hôpitaux de [Localité 2].

Une telle demande constitue une exception de procédure qui, aux termes de l’article 74 du code de procédure civile, doit à peine d’irrecevabilité être soulevée simultanément et avant toute défense au fond ou fin de non-recevoir.

A l’appui de celle-ci, la SNC Sofaxis fait valoir qu’elle a saisi le Tribunal administratif de Paris le 16 mars 2023 d’un nouveau recours. Or c’est dans ses conclusions du 16 mars 2023 qu’elle a soulevé pour la première fois cette demande, et elle ne pouvait pas le faire dans ses précédentes écritures, car le recours susvisé n’était pas encore introduit ; elle ne pouvait pas davantage le faire au stade de la première instance. Ladite demande est donc recevable.

Pour les mêmes raisons que précédemment, cette question préjudicielle n’a pas d’intérêt sur le sort de la présente instance.

Le jugement qui, faisant application des textes susvisés, a déclaré irrecevables les prétentions de la SNC Sofaxis, faute par l’intéressée d’avoir exercé un recours préalable, sera ainsi confirmé.

La SNC Sofaxis, qui succombe en son appel, sera condamnée au paiement de la somme de 3 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux dépens d’appel.

Le présent arrêt étant rendu contradictoirement et en dernier ressort, la voie de l’appel comme celle de l’opposition est fermée aux parties, si bien que ledit arrêt n’étant susceptible d’aucune voie de recours à effet suspensif il n’y a pas lieu de statuer sur la demande d’exécution provisoire.

PAR CES MOTIFS

– REJETTE la demande de sursis à statuer ;

– DECLARE recevable mais REJETTE la demande de question préjudicielle ;

– CONFIRME le jugement en date du 10 mai 2022 ;

– CONDAMNE la SNC Sofaxis à payer à la Direction spécialisée des finances publiques pour l’assistance Publique-Hôpitaux de [Localité 2] la somme de 3 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ;

– CONDAMNE la SNC Sofaxis aux dépens d’appel ;

– DIT n’y avoir lieu d’ordonner l’exécution provisoire.

Le greffier, Le président,

 


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