Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 5 – Chambre 3
ARRÊT DU 17 MAI 2023
(n° , 5 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 20/10977 – N° Portalis 35L7-V-B7E-CCFEW
Décision déférée à la Cour : Jugement du 16 Juillet 2020 -TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de PARIS – RG n° 19/09514
APPELANTE
S.A.R.L. ABC, agissant en la personne de ses représentants légaux, domiciliés en cette qualité au siège social:
[Adresse 2]
[Localité 3]
Immatriculée au RCS de Paris sous le n° 484 169 628
Représentée par Me Benoît FAVOT de l’AARPI NEGOTIUM AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : L0297
INTIMEE
PARIS HABITAT-OPH Etablissement public à caractère industriel et commercial, prise en la personne de son Directeur Général, Monsieur [A] [L], domicilié en cette qualité au siège social:
[Adresse 1]
[Localité 4]
Immatriculée au RCS de Paris sous le n° 344 810 825
Représentée par Me My-kim YANG PAYA de la SCP SEBAN ET ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : P0498
Assistée de Me Emilie BACQUEYRISSES, avocat au barreau de PARIS
COMPOSITION DE LA COUR :
L’affaire a été débattue le 18 Avril 2023, en audience publique, devant la Cour composée de :
Nathalie RECOULES, Présidente de chambre
Douglas BERTHE, Conseiller rapporteur
Emmanuelle LEBEE, Magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles,
qui en ont délibéré.
Greffier, lors des débats : Laurène BLANCO
ARRÊT :
– contradictoire
– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
– signé par Nathalie RECOULES, Présidente de chambre et par Laurène BLANCO, Greffier présent lors de la mise à disposition.
FAITS ET PROCÉDURE
Par acte du 18 février 2005, l’Office public d’Aménagement et de Construction (OPAC) de Paris, aux droits duquel se trouve l’établissement public à caractère industriel et commercial [Localité 5] Habitat OPH, ci-après désigné l’EPIC [Localité 5] Habitat OPH, a donné à bail commercial en renouvellement à M. [S] [C], un local situé [Adresse 2], pour 9 ans à compter du 1er décembre 2004, moyennant un loyer annuel de 3.965,85 euros, à destination de « marchands de vins et liqueurs à l’exclusion de tout autre commerce et notamment de restauration ».
Par acte sous-seing privé du 1er juillet 2004, M. [C] a cédé son fonds de commerce à M. [S] [Z]. Par acte notarié des 30 mars et 22 avril 2005, les parties ont procédé à la réitération de cette cession du bail commercial, l’OPAC de [Localité 5] étant intervenue à l’acte pour donner son accord.
Par acte sous-seing privé du 28 septembre 2005, M. [Z] a cédé son fonds de commerce à la société ABC. Par acte notarié des 11 avril et 03 mai 2006, les parties ont procédé à la réitération de la cession du droit au bail par M. [Z] au profit de la société ABC, qui exerce sous l’enseigne Le Manoir, l’OPAC de [Localité 5] étant intervenue à l’acte pour donner son accord.
Par l’effet d’un congé avec offre de renouvellement délivré le 29 décembre 2014 par la bailleresse et accepté par la locataire le 03 avril 2015, le bail s’est renouvelé pour 9 ans à compter du 1er juillet 2015, moyennant un loyer annuel de 4.887 euros, les autres clauses et conditions du bail demeurant inchangées.
Par acte du 21 juin 2016, l’EPIC [Localité 5] Habitat-OPH a fait signifier à la société ABC une sommation visant la clause résolutoire du bail de faire cesser les nuisances sonores.
Par ordonnance du 1er juin 2017, le juge des référés, saisi par l’EPIC [Localité 5] Habitat-OPH, a dit n’y avoir lieu à référé sur sa demande visant à voir constater la clause résolutoire du bail et ordonner l’expulsion de la locataire.
Autorisé par ordonnance du 31 juillet 2019, par acte d’huissier de justice du 06 août 2019, l’EPIC [Localité 5] Habitat-OPH a fait citer la société ABC devant le tribunal de grande instance de Paris aux fins principalement de voir constater l’acquisition de la clause résolutoire du bail, subsidiairement prononcer la résiliation du bail, et ordonner l’expulsion de la locataire.
Elle a produit un état délivré par la greffe du tribunal de commerce de Paris, en date du 25 avril 2015, aux termes duquel il est apparu que la société ABC ne faisait pas l’objet d’inscription de privilège ou nantissement.
Par jugement du 16 juillet 2020, le tribunal judiciaire de Paris a :
– constaté que la société ABC se désiste de sa demande tendant voir prononcer la caducité de l’assignation en application de l’article 791 du code de procédure civile ;
– débouté [Localité 5] Habitat-OPH de sa demande aux fins de voir dire que la clause résolutoire insérée dans le contrat de bail du 18 février 2005 est acquise à l’égard de la société ABC depuis le 20 juillet 2016 ;
– prononcé la résiliation judiciaire du bail commercial du 18 février 2005 renouvelé le 1er juillet 2015, liant [Localité 5] Habitat-OPH et la société ABC, aux torts de cette dernière, portant sur les locaux commerciaux situés [Adresse 2] ;
– ordonné, à défaut de restitution volontaire des lieux dans les deux mois de la signification du présent jugement, l’expulsion de la société ABC et de tout occupant de son chef des lieux situés [Adresse 2], avec le concours, en tant que de besoin, de la force publique et d’un serrurier ;
– dit n’y avoir lieu au prononcé d’une astreinte ;
– dit, en cas de besoin, que les meubles se trouvant sur les lieux seront remis aux frais de la personne expulsée dans un lieu désignée par elle et qu’à défaut, ils seront laissés sur place ou entreposés en un autre lieu approprié et décrits avec précision par l’huissier chargé de l’exécution, avec sommation à la personne expulsée d’avoir à les retirer dans un délai de quatre semaines à l’expiration duquel il sera procédé à leur mise en vente aux enchères publiques, sur autorisation du juge de l’exécution, ce conformément aux dispositions légales ;
– condamné la société ABC à payer à [Localité 5] Habitat-OPH à compter du jugement et jusqu’à la libération effective des lieux par la remise des clés, une indemnité d’occupation mensuelle égale au montant du loyer et des charges contractuels ;
– rejeté la demande de délais formée par la société ABC ;
– débouté les parties de leurs demandes fondées sur l’article 700 du code de procédure civile ;
– ordonné l’exécution provisoire de la décision ;
– rejeté les autres demandes ;
– condamné la société ABC aux entiers dépens qui comprendront le coût de la sommation du 20 juin 2016, avec distraction au profit de la société Seban & Associés, avocats en application de l’article 699 du code de procédure civile.
Par déclaration du 27 juillet 2020, la société ABC a interjeté appel partiel du jugement, soit la résiliation judiciaire prononcée et ses conséquences.
La SARL a assigné [Localité 5] HABITAT-OPH en suspension de l’exécution provisoire devant le Premier Président de la Cour d’Appel de PARIS, demande à laquelle s’est opposé [Localité 5] HABITAT-OPH. Suivant ordonnance du 9 décembre 2020, le Premier Président a débouté la SARL ABC de sa demande, au motif que l’exécution provisoire du jugement n’entraînait pas des conséquences manifestement excessives.
L’ordonnance de clôture a été prononcée le 16 novembre 2022.
Par l’ordonnance du 12 Avril 2023, la présidente de cette chambre a constaté que l’affaire a été fixée pour plaidoirie à l’audience collégiale de la chambre au 7 février 2023, que les parties ont annoncé par messages RPVA qu’elles ne se présenteraient pas à l’audience et entendaient procéder au simple dépôt de leurs dossiers, que L’EPIC [Localité 5] Habitat-OPH, intimé, a déposé les pièces visées à son bordereau récapitulatif le 7 février 2023 mais que la SARL ABC n’a pas procédé au dépôt annoncé des pièces visées à son bordereau récapitulatif, que le conseil de la SARL ABC, Me [O] [J] a été contacté à plusieurs reprises par le greffe de la cour afin de l’inviter à déposer les éléments de preuve suscités au soutien des conclusions prises aux intérêts de sa cliente, demandes qui n’ont pas été suivies d’effet et ordonné en conséquence la réouverture des débats, invité la SARL ABC à produire copie des pièces visées à son bordereau récapitulatif à l’audience collégiale du 18 avril 2023 et invité les parties à fournir tout éclaircissements sur les conséquences à tirer ou les éventuelles mesures à prendre résultant de l’absence du dépôt des pièces de la SARL ABC par son conseil à la cour quinze jours avant la date fixée pour l’audience de plaidoiries et renvoyé la cause et les parties à l’audience de la cour du 18 avril 2023. À l’audience, le conseil de la SARL ABC ne s’est pas présenté et n’ pas durant le cours du délibéré déposé ses pièces.
MOYENS ET PRÉTENTIONS
Vu les conclusions déposées le 25 septembre 2020, par lesquelles la société ABC, appelante, demande à la Cour de :
– infirmer le jugement rendu le 16 juillet 2020 par le tribunal judiciaire de Paris, 18° chambre, 1ère section, n° RG : 19/09514 ;
En tout état de cause,
– débouter [Localité 5] Habitat de ses demandes plus amples ou contraires ;
– condamner [Localité 5] Habitat-OPH au paiement d’une somme de 3.000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;
– la condamner en tous les dépens.
Vu les conclusions déposées le 22 décembre 2020, par lesquelles l’EPIC [Localité 5] Habitat-OPH, intimé, demande à la Cour de :
– dire et juger [Localité 5] Habitat-OPH recevable et bien fondé en ses demandes, fins et prétentions ;
– déclarer la société ABC mal fondée en son appel ;
– débouter la société ABC de l’ensemble de ses demandes, fins et prétentions ;
En conséquence,
– confirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu le 16 juillet 2020 par le tribunal judiciaire de Paris ;
– condamner la société ABC à verser à [Localité 5] Habitat-OPH, en cause d’appel, la somme de 4.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
– condamner la société ABC aux entiers dépens de première instance et d’appel.
En application de l’article 455 du code de procédure civile, il convient de se référer aux conclusions ci-dessus visées pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties.
Motifs de l’arrêt :
Selon l’article 1728 du code civil, le preneur a l’obligation principale d’user de la chose louée raisonnablement et suivant la destination qui lui a été donnée par le bail et selon l’article 1741 du code civil, le contrat de bail se résout par le défaut des parties à remplir leur engagement.
Le contrat de bail stipule en son paragraphe 14° de l’article relatif aux charges et conditions générales que le preneur devra prendre toutes les précautions nécessaires pour que l’exercice de son commerce ou de sa profession, ne puisse nuire en quoi que ce soit à la tranquillité, à la sécurité où à la bonne tenue de l’immeuble, ou ne puisse causer aux habitants de l’immeuble, ou des immeubles voisins, une incommodité, une gêne, un trouble ou un préjudice quelconque. Par ailleurs, selon l’article 1184 dans son ancienne rédaction applicable à l’espèce, la résolution d’un contrat synallagmatique doit être demandée en justice. Il en résulte qu’il appartient à la cour d’apprécier si le manquement contractuel invoqué est avéré et dans l’affirmative, revêt une gravité suffisante pour justifier la résiliation du bail.
Ainsi que le rappelle le premier juge, le local commercial est situé en zone de logements dont les habitants doivent pouvoir jouir paisiblement sans être perturbés dans leur tranquillité, et ce, particulièrement la nuit.
La SARL ABC soutient qu’il incombe au bailleur de démontrer à l’occasion du présent litige l’existence du dépassement des valeurs d’émergence spectrale globales par rapport aux valeurs limites réglementaires définies par les dispositions du code de la santé publique. Il est toutefois rappelé que ce sont les manquements à ses obligations d’user de la chose louée raisonnablement et suivant la destination du bail qu’il convient ici d’examiner et que le contrôle du respect des normes réglementaires afférentes incombe à l’administration.
En l’occurrence, le voisinage a adressé deux pétitions des 5 juin 2015 et du 25 juin 2015 visant le commerce exploité par la SARL ABC, à l’attention de [Localité 5] HABITAT OPH en sa qualité de bailleur et faisant état de graves nuisances (bruits, musiques, bagarres, cris, voiture incendiés, menaces à l’égard des voisins). Les 2 novembre 2015, 2 décembre 2015 et 26 février 2016, les services de police ont été saisis à raisons des nuisances sonores. Le bailleur a donc délivré à l’attention du gérant de la SARL ABC, un courrier de mise en demeure en date du 10 juin 2015 d’avoir à prendre toutes les dispositions nécessaires afin de mettre un terme aux troubles à l’encontre du voisinage. Dans ses conclusions, la SARL ABC admet que, sur cette période, la tranquillité des lieux a été troublée et que les nuisances sonores se sont poursuivies et qu’elle était consciente des nuisances occasionnées par son locataire-gérant, qu’elle rentrait à nouveau en jouissance de son fonds de commerce au début du mois de juin 2016.
Le 17 octobre 2016, les services de police ont constaté un tapage nocturne important provoqué par des bruits de musique émanant de l’établissement « LE MANOIR ». Le 4 novembre 2016, un autre tapage nocturne résultant d’éclats de voix a été constaté.
Selon procès-verbal d’huissier dressé le 9 février 2017, il a été constaté le maintien des nuisances sonores, à savoir musique émise à volume très forts, éclats de voix, les bruits étant intenses et résonnant.
Aux vus de ces faits, la fermeture administrative de l’établissement « LE MANOIR » est intervenue par arrêté préfectoral n°2017-00114 du 13 février 2017 pour une durée de 15 jours.
Le 2 mai 2017, les services de polices ont dû, de nouveau, intervenir sur place en raison des nuisances causées et un nouvel arrêté préfectoral n°2017-00391 du 2 mai 2017 a été pris prononçant une seconde fermeture administrative du local pour une durée de 21 jours.
Cependant, plusieurs voisins ont déploré la persistance des nuisances sonores diurnes et nocturnes, de menaces et insultes entre le 2 mai 2017 jusqu’au 23 novembre 2018.
En outre, Messieurs [K] [Y] et [W] [G] ont déposé plainte les 21 et 23 novembre 2018 à l’encontre de Monsieur [N], gérant la SARL ABC pour faits de menaces et violences.
Le 22 juin 2019, Maître [I], huissier de justice, a constaté les nuisances sonores provenant de la SARL ABC consistant en de musique jouée à fort volume sonore et des voix provenant de l’intérieur du bar.
De nouveaux faits de tapages nocturnes ont été constatés par les services de police le 24 juillet 2019 et la SARL ABC a fait l’objet d’une 3e fermeture administrative, cette fois-ci pour une durée de 45 jours.
La société ABC fait état « de nombreux témoignages démontrant que les nuisances sonores ont disparu » et d’une « étude d’impact acoustique qui ne révèle aucune anomalie » et s’abstient de produire ces éléments comme rappelé ci-dessus.
Il ressort donc de l’ensemble de ces considérations que l’importance, la gravité et la persistances des nuisances répétées commises par la SARL ABC constituent un manquement grave à ses obligations contractuelles justifiant de confirmer la résiliation judiciaire du bail prononcée le 16 juillet 2020 par le tribunal judiciaire de Paris. Il convient dès lors de confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions.
Sur les frais irrépétibles et les dépens :
Le jugement entrepris sera également confirmé en ses dispositions sur les frais irrépétibles et les dépens. La SARL ABC, qui succombe, devra supporter les dépens de l’appel par application de l’article 696 du code de procédure civile. En outre, il apparaît équitable de condamner la SARL ABC à rembourser à hauteur de 4.000 € à l’EPIC [Localité 5] Habitat-OPH des frais irrépétibles que cette dernière a été amenée à exposer à hauteur d’appel.
PAR CES MOTIFS :
La cour, statuant publiquement par mise à disposition au greffe, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,
CONFIRME en toutes ses dispositions le jugement du 16 juillet 2020 du tribunal judiciaire de Paris ;
Y ajoutant,
CONDAMNE la SARL ABC à payer à l’EPIC [Localité 5] Habitat-OPH la somme de 4.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNE la SARL ABC aux dépens de l’appel ;
REJETTE les autres demandes.
LE GREFFIER LA PRESIDENTE