ARRÊT DU
17 Mai 2023
VS / NC
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N° RG 22/00944
N° Portalis DBVO-V-B7G -DBYC
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SAS MCS & ASSOCIES
C/
[S] [P]
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GROSSES le
aux avocats
ARRÊT n° 224-23
COUR D’APPEL D’AGEN
Chambre Civile
LA COUR D’APPEL D’AGEN, 1ère chambre dans l’affaire,
ENTRE :
SAS MCS & ASSOCIES pris en la personne de son représentant légal actuellement en fonctions domicilié en cette qualité au siège RCS PARIS B 334 537 206
[Adresse 3]
[Localité 5]
représentée par Me Lynda TABART, membre de la SCP DIVONA LEX, avocate postulante au barreau du LOT
et Me Olivier TAMAIN, associé de la SCP MTBA AVOCATS, avocat plaidant au barreau de TOULOUSE
APPELANTE d’un jugement du juge de l’exécution du tribunal judiciaire de CAHORS en date du 14 novembre 2022,
RG 2022/A15
D’une part,
ET :
Monsieur [S] [P]
né le [Date naissance 1] 1956 à [Localité 7]
de nationalité française
domicilié : [Adresse 6]
[Localité 4]
représenté par Me François DELMOULY, substitué à l’audience par Me Marie-Hélène THIZY, membres de la SELARL AD-LEX, avocat postulant au barreau d’AGEN
et Me Catherine CARRIERE-PONSAN, SCP CANDELIER CARRIERE-PONSAN, avocate plaidante au barreau de TOULOUSE
INTIMÉ
D’autre part,
COMPOSITION DE LA COUR :
l’affaire a été débattue et plaidée en audience publique le 20 février 2023, sans opposition des parties, devant la cour composée de :
Présidente : Valérie SCHMIDT, Conseiller, qui a fait un rapport oral à l’audience
Assesseur : Hervé LECLAINCHE, Magistrat honoraire
qui en ont rendu compte dans le délibéré de la cour composée outre eux-mêmes de :
Pascale FOUQUET, Conseiller
en application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, et après qu’il en a été délibéré par les magistrats ci-dessus nommés,
Greffière : Nathalie CAILHETON
ARRÊT : prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile
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EXPOSÉ DU LITIGE
Par jugement réputé contradictoire du 21 juin 1996, le tribunal de grande instance de Sens a condamné solidairement la SCI Sens Saint Denis et M. [S] [P] à payer à la société BNP Paribas la somme de 311 970,73 francs avec intérêts de droit, outre les entiers dépens.
Faute de règlement, une procédure de saisie-immobilière a été poursuivie à l’encontre de la SCI Sens Saint Denis permettant à la banque créditrice de récupérer la somme de 182.619,43 francs.
Par acte de cession de créances initial du 21 décembre 2009, et acte rectificatif du 13 mars 2012, la société MCS et Associés est venue aux droits de la société BNP Paribas.
Par commandement de payer aux fins de saisie-vente délivré le 06 avril 2018, M. [P] a été mis en demeure de régler le solde de la créance.
Par requête du 07 février 2022, la société MCS et Associés a engagé une procédure de saisie des rémunérations devant le tribunal judiciaire de Cahors à l’encontre de M. [P] pour un montant de 41.190,20 euros.
Par jugement du 14 novembre 2022, le juge de l’exécution de Cahors a :
– rejeté la demande formulée par la société MCS et Associés aux fins de saisie des rémunérations à l’égard de M. [P],
– rejeté la demande reconventionnelle de M. [P],
– condamné la société MCS et Associés à payer à M. [P] la somme de 1.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamné la société MCS et Associés aux entiers dépens de l’instance,
– rappelé que l’exécution provisoire du jugement est de droit en application de l’article 514 du code de procédure civile.
La société MCS et Associés a interjeté appel le 29 novembre 2022 de cette décision en sollicitant son infirmation et en visant dans sa déclaration d’appel l’intégralité des chefs de jugement à l’exception du chef ayant débouté M. [P] de sa demande reconventionnelle.
L’avis de fixation de l’affaire à bref délai est du 07 décembre 2022.
Par dernières conclusions du 09 février 2023, la société MCS et Associés demande à la cour de :
– infirmer le jugement déféré des chefs critiqués,
statuant à nouveau :
– débouter M. [P] de sa contestation et de l’ensemble de ses demandes,
– ordonner la saisie des rémunérations à l’encontre de M. [P] entre les mains de Pôle Emploi et de la Direction Régionale Occitane, à concurrence de la somme de 41.190,20 euros au 02 juillet 2021, les fonds saisis devant être reversés directement à la société MCS et Associés,
– condamner M. [P] au paiement de la somme de 1500 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.
– confirmer le jugement déféré en ce qu’il a rejeté la demande reconventionnelle de M. [P],
en tout état de cause, y ajoutant :
– condamner M. [P] au paiement de la somme de 3.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamner M. [P] aux entiers dépens d’appel.
A l’appui de ses prétentions, la société MCS et Associés fait valoir que :
– le jugement du 21 juin 1996 a été régulièrement signifié par acte d’huissier de justice du 25 juillet 1996 à M. [P], soit dans le mois de son prononcé,
– elle dispose d’un titre exécutoire constatant une créance certaine, liquide et exigible, le jugement définitif porte condamnation au paiement de sommes clairement déterminées,
– les mentions portées dans l’acte de signification du 25 juillet 1996 indiquent que la grosse, revêtue de la formule exécutoire, a bien été remise à l’huissier de Justice qui ne peut se dessaisir de l’original,
– la grosse a bien été délivrée par la juridiction, à l’avocat de la société BNP Paribas le 26 juin 1996,
– les mentions contenues dans les actes d’huissier de justice valent jusqu’à inscription de faux,
– la signification du jugement a été faite à la dernière adresse connue et déclarée de M. [P], lequel est parti sans laisser d’adresse,
– M. [P] ne rapporte pas la preuve qu’à la date de signification du jugement, il vivait à une autre adresse,
– M. [P] ne démontre pas qu’il avait informé son créancier de son changement d’adresse et communiquer sa nouvelle domiciliation,
– l’ordre national des commissaires-priseurs ne pouvait divulguer l’adresse personnelle de M. [P] en raison du secret professionnel auquel il est nécessairement tenu,
– la signification à la SCI Sens Saint Denis dont M. [P] était le gérant a également été faite au visa de l’article 659 du code de procédure civile,
– M. [P] ne peut tout à la fois se prévaloir de l’ancienneté du dossier pour s’exonérer d’apporter des éléments de preuve et en même temps les exiger du créancier,
– M. [P] ne peut se prévaloir de la nullité d’un acte en l’absence de grief alors qu’il n’a jamais contesté les significations, régularisées à sa personne,
– l’acte de cession de créance a été réalisé par acte notarié et a été signifié à M. [P] en personne par acte d’huissier de justice le 10 février 2018,
– la prescription décennale a été interrompue par la signification à M. [P] en personne, d’un commandement de payer aux fins de saisie-vente du 06 avril 2018, qui a eu pour effet de faire courir un nouveau délai de prescription,
– l’huissier de justice a annexé un décompte détaillé au commandement de payer qui contient trois feuilles et non trois pages,
– le décompte actualisé est parfaitement conforme au titre exécutoire et ne peut être contesté de sorte que la déchéance des intérêts ne peut être recherchée,
– il n’appartient pas au juge de l’exécution de remettre en cause la validité du titre exécutoire,
– la prescription quinquenale des intérêts de retard a été interrompue par les actes d’exécution forcée successifs,
– l’erreur portant sur la somme réclamée dans un acte d’exécution n’est pas une cause de
nullité de l’acte, qui reste valable pour les sommes réellement dues,
– il n’y a aucun abus dans l’exercice de la procédure de recouvrement rendue incontournable en considération de l’inexécution de M. [P] qui n’a contesté aucun des actes,
– elle n’est à l’origine d’aucun appel au nom de M. [E].
Par uniques conclusions du 17 janvier 2023, M. [P] forme appel incident et sollicite de la cour de :
– juger la signification du jugement du 21 juin 1996 nulle et de nul effet et le jugement caduc,
– juger la signification de cession de créance au profit de la société MCS et Associés nulle et de nul effet,
– juger le commandement du 06 avril 2018 nul et de nul effet,
– juger le défaut d’intérêt à agir de la société MCS et Associés,
en conséquence :
– juger l’action de la société MCS et Associés irrecevable pour défaut d’intérêt à agir et en tout état de cause, prescrite,
à titre subsidiaire :
– juger que la société MCS et Associés est déchue de tous droits, intérêts, frais et commissions,
– juger que la créance de la société MCS et Associés n’est pas liquide et exigible,
en conséquence :
– confirmer la décision déférée des chefs critiqués,
à titre reconventionnel :
– condamner la société MCS et Associés au paiement d’une somme de 50.000 euros à titre de dommages et intérêts au bénéfice de M. [P],
si par extraordinaire des condamnations étaient ordonnées à la charge de M. [P] :
– ordonner la compensation de cette somme avec toutes sommes éventuellement mises à sa charge,
en tout état de cause :
– condamner la société MCS et Associés au paiement d’une somme de 7.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens dont distraction au bénéfice de Me [Z].
A l’appui de ses prétentions, M. [P] fait valoir que :
– le jugement du 21 juin 1996 n’a jamais été signifié à M. [P] en personne,
– la créance n’est pas liquide et exigible comme imposé par les prescriptions légales,
– la société MCS et Associés ne produit pas l’assignation ni les originaux des actes de signification,
– le jugement produit est revêtu d’une grosse datée du 28 mars 2018,
– sa dernière adresse connue au temps de la signification n’est pas celle visée par la société MCS et Associés et l’huissier instrumentaire n’a effectué aucune diligence pour trouver sa nouvelle domiciliation,
– la société MCS et Associés ne produit ni la lettre simple ni le recommandé imposé par les dispositions de l’article 659 alinéa 2,
– il appartient à l’huissier de justice de caractériser dans ces actes les diligences accomplies pour effectuer des significations à la personne du destinataire et les circonstances caractérisant l’impossibilité d’y procéder,
– il exerçait en 1998 l’activité de commissaire-priseur et sa dernière adresse connue a bien été trouvée pour lui signifier l’acte du 10 décembre 1998,
– la législation concernant les obligations de l’huissier n’a pas changé depuis 1996 de sorte que les diligences à effectuer étaient déjà les mêmes,
– la signification doit être faite à personne à peine de nullité soumise à grief et il était possible à l’huissier de demander l’adresse de M. [P] à l’ordre national des commissaires-priseurs,
– le créancier a attendu plus de deux ans pour délivrer le premier acte d’exécution à l’égard de M. [P],
– le procès-verbal de saisie-vente réalisée le 04 mars 1999 n’a pas d’effet interruptif de prescription et ne vaut pas signification d’un jugement réputé contradictoire de plus de trois ans,
– M. [P] n’a pas été destinataire d’une signification dans le délai de six mois expirant le 21 décembre 1996 en sorte que le jugement en vertu duquel agit la société MCS et Associés est caduc,
– la société MCS et Associés a attendu plus de 26 ans pour exécuter le jugement dont elle se prévaut et il ne peut rapporter la preuve impossible de sa résidence en juillet 1996,
– il n’y a pas de délai raisonnable d’exécution et le grief de M. [P] est incontestable, puisqu’il n’a pas été en mesure d’exercer les voies de recours de droit,
– l’acte ne porte pas la mention des raisons qui ont empêché de le remettre à la personne du destinataire,
– la société MCS et Associés est susceptible de se voir reprocher une escroquerie au jugement pour se référer à une décision qu’elle sait avoir été anéantie,
– la société MCS et Associés ne justifie pas de son intérêt à agir en ne produisant pas les contrats alors que M. [P], simple caution, n’en dispose pas,
– seuls des extraits de l’acte de cession conclu entre la banque et le cessionnaire sont présentés pour justifier de la signification le 10 février 2018 à M. [P] en qualité de caution qui ne contient pas les éléments nécessaires à son information et est entachée de nullité,
– le commandement aux fins de saisie-vente est nul et de nul effet car le décompte détaillé n’est pas annexé et il n’a pu interrompre la prescription décennale,
– le décompte détaillé versé en cause d’appel est erroné et ne permet pas de déterminer l’existence d’une créance liquide et exigible,
– le créancier n’apporte pas la preuve de l’information annuelle due à toute caution, personne physique ce qui entraîne la déchéance du droit aux intérêts, frais et pénalités,
– il n’y a pas eu respect du principe du délai raisonnable alors que l’exécution d’une décision, de quelque juridiction que ce soit, doit être considérée comme faisant partie intégrante du procès,
– compte tenu du caractère tardif de la procédure diligentée, il est en droit de solliciter des dommages et intérêts,
– il a été approché par un dénommé [E] le 28 avril 2021 qui a sollicité des renseignements sur sa situation personnelle tant au plan fiscal que professionnel qui caractérise la violation des principes généraux de protection du débiteur par la société MCS et Associés,
– il demande que compensation soit ordonnée au visa de l’article 1348 du code civil.
La cour pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des prétentions et moyens des parties fait expressément référence à la décision entreprise et aux dernières conclusions régulièrement déposées en application des dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.
L’affaire a été fixée à plaider le 20 février 2023.
MOTIFS
Sur l’expédition revêtue de la formule exécutoire
Aux termes des articles 502 du code de procédure civile ‘nul jugement, nul acte ne peut être mis à exécution que sur la présentation d’une expédition revêtue de la formule exécutoire à moins que la loi n’en dispose autrement ‘.
En vertu de l’article 503 du même code ‘les jugements ne peuvent être exécutés contre ceux auxquels ils sont opposés qu’après leur avoir été notifiés, à moins que l’exécution n’en soit volontaire.’
En contemplation de la signification du 25 juillet 1996, il est mentionné expressément dans l’acte que l’huissier de justice a agi en vertu d’une copie de l’expédition revêtue de la formule exécutoire d’un jugement réputé contradictoire rendu par le tribunal de grande instance de Sens le 21 juin 1996.
Il est encore exact que seule une copie est signifiée au destinataire, l’huissier de justice détenant l’original. En l’espèce, il est incontestable qu’une grosse a bien été délivrée par la juridiction le 26 juin 1996 ainsi qu’en témoigne la première page du jugement de sorte qu’il importe peu que celle-ci ayant été égarée, le créancier ait sollicité la délivrance d’une seconde grosse le 22 mars 2018, cette circonstance n’ayant aucun effet sur la validité de la procédure antérieure. Cet argumentaire est par conséquent inopérant.
Sur les modalités de la signification du jugement
L’article 654 du code de procédure civile dispose que ‘la signification doit être faite à personne (…)’.
En application de l’article 659 du code de procédure civile ‘lorsque la personne à qui l’acte doit être signifié n’a ni domicile, ni résidence, ni lieu de travail connus, l’huissier de justice dresse un procès verbal où il relate avec précisions les diligences qu’il a accomplies pour rechercher le destinataire de l’acte. Le même jour ou au plus tard le premier jour ouvrable suivant à peine de nullité, l’huissier de justice envoie au destinataire à la dernière adresse connue, par lettre recommandée avec demande d’avis de réception, une copie du procès verbal à laquelle est jointe une copie de l’acte objet de la signification. Le jour même, l’huissier de justice avise le destinataire, par lettre simple, de l’accomplissement de cette formalité.’
La société MCS et Associés soutient que la signification du jugement a été réalisée le 25 juillet 1996 à la dernière adresse connue soit le [Adresse 2] et que M. [P] n’ayant pas fait connaître son changement de domiciliation, ne peut se prévaloir de sa propre turpitude alors que cette adresse correspond à celle figurant dans le jugement du 21 juin 1996 et à celle figurant au sein des statuts de la société. Elle oppose encore que M. [P] ne démontre pas que cette adresse ne constituait pas son dernier domicile connu.
Il est constant que la procédure de l’article 659 ne peut valablement être mise en oeuvre que dans les cas où les diligences nécessaires n’ont pas permis de découvrir ni domicile, ni résidence, ni lieu de travail de la personne à qui l’acte doit être signifié.
Il n’appartient dès lors pas à M. [P] de démontrer aujourd’hui que le [Adresse 2] n’était pas sa dernière adresse connue en juillet 1996 mais à l’huissier de justice au temps de la signification de justifier le recours à l’article 659 du code de procédure civile compte tenu des diligences infructueuses qu’il a accomplies pour remplir son office et qu’il a mentionnées dans son procès verbal.
Ainsi, les vaines recherches effectuées par l’huissier doivent être décrites et d’autant plus précisément en présence d’un jugement réputé contradictoire que sa signification fait courir le délai d’appel et conditionne le droit au juge de la partie non comparante condamnée en première instance.
En l’espèce, le procès verbal note ‘je me suis présenté à la demeure sus indiquée et j’ai constaté qu’à ce jour aucune personne répondant à l’identification du destinataire de l’acte n’y a son domicile ou sa résidence. En conséquence, j’ai procédé aux diligences suivantes pour rechercher le destinataire de l’acte :
– sur place, j’ai rencontré la gardienne qui m’a déclaré qu’il était parti sans laisser d’adresse depuis quelque temps.
– mes démarches auprès des voisins et au bureau de poste sont…’
Il ressort de ces mentions qu’aucune identité n’est applicable aux personnes que l’huissier de justice indique avoir interrogées et ce d’autant plus que la phrase relative aux démarches faites auprès des voisins et du bureau de poste est incomplète et partant totalement imprécise, la suite du propos faisant l’objet d’une déduction au vu de l’établissement d’un acte au visa de l’article 659 du code de procédure civile.
En outre, la circonstance que M. [P] n’ait pas communiqué son changement d’adresse ne dispensait pas l’huissier de justice des diligences destinées à rechercher la nouvelle adresse du destinataire de l’acte de signification. En d’autres termes, s’il n’y a pas lieu de faire grief à l’huissier de justice de ne pas avoir été en mesure de connaître ou de retrouver le lieu de travail de M. [P] ou sa nouvelle domiciliation, il lui appartenait en revanche de faire les diligences suffisantes pour y parvenir ce qui n’est pas rapporté, les investigations étant notoirement lacunaires en ce sens et ne sont pas conformes aux exigences de l’article 659 du code de procédure civile.
Sur l’existence d’un grief
L’article 114 du code de procédure civile dispose que ‘aucun acte de procédure ne peut être déclaré nul pour vice de forme si la nullité n’en est pas expressément prévue par la loi sauf en cas d’inobservation d’une formalité substantielle ou d’ordre public.
La nullité ne peut être prononcée qu’à charge pour l’adversaire qui l’invoque de prouver le grief que lui cause l’irrégularité même lorsqu’il s’agit d’une formalité substantielle ou d’ordre public.’
Il est constant que la signification d’un jugement réputé contradictoire par voie de procès verbal de recherches infructueuses fait courir le délai d’appel sans être contraire à l’exigence d’un procès équitable dès lors que la régularité de cette signification est soumise par la loi à des conditions et modalités précises et à des investigations complètes de l’huissier de justice.
En l’espèce, l’irrégularité de l’acte de signification à raison de l’insuffisance des diligences de l’huissier de justice n’a pas permis à M. [P] d’avoir connaissance du jugement litigieux et lui a causé un grief en ce qu’il n’a pu exercer les voies de recours qui lui étaient ouvertes contre la décision litigieuse de sorte que cet acte encourt la nullité.
Sur l’absence de validité du titre exécutoire
Au visa de l’article 478 du code de procédure civile ‘le jugement rendu par défaut ou le jugement réputé contradictoire au seul motif qu’il est susceptible d’appel est non avenu, s’il n’a pas été notifié dans les six mois de sa date. La procédure peut être reprise après réitération de la citation primitive.’
Compte tenu de la nullité affectant l’acte de signification du 25 juillet 1996, il s’en déduit que le jugement réputé contradictoire rendu le 21 juin 1996 par le tribunal de grande instance de Sens n’a pas fait l’objet d’une signification valable dans les six mois de sa date dont il découle qu’il doit être réputé non avenu à l’égard de M. [P].
En conséquence du tout, la société MCS et Associés ne dispose pas d’un titre exécutoire valable lui permettant de poursuivre une procédure de saisie des rémunérations et elle sera déboutée de sa demande à ce titre.
La décision déférée sera confirmée de ces chefs.
Sur la demande reconventionnelle en dommages et intérêts
Aux termes de l’article 1240 du code civil ‘ Tout fait quelconque de l’homme qui cause à autrui un préjudice, oblige celui par lequel il est arrivé à le réparer.’
M. [P] articule une demande de dommages et intérêts en soutenant notamment que l’exécution forcée du jugement n’a pas été réalisée dans un délai raisonnable et que la société MCS et Associés était consciente d’agir en vertu d’un titre caduc et d’une action prescrite.
Pour confirmer le premier juge, il suffira de rappeler voire d’ajouter que :
– la nullité de l’acte de signification n’a pas été encourue du fait des agissements de la société MCS et Associés,
– seul les Etats sont comptables du délai raisonnable visé par l’article 6§ 1de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales,
– l’exercice d’une action en justice peut dégénérer en un abus du droit d’agir mais suppose la démonstration d’une faute dûment caractérisée, qui ne résulte pas du seul fait que les demandes ne sont pas fondées, pour justifier une condamnation à des dommages- intérêts.
En conséquence, M. [P] sera débouté de sa demande à ce titre.
Sur les dépens et les frais irrépétibles
La société MCS et Associés, succombant à l’instance, supportera les dépens d’appel. Les dépens pourront être recouvrés par Me [Z] pour ceux dont il a fait l’avance sans avoir reçu provision, conformément à l’article 699 du code de procédure civile.
Pour les mêmes motifs, la société MCS et Associés sera condamnée à verser à M. [P] la somme de 3.500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS :
La Cour, après en avoir délibéré conformément à la loi, statuant par arrêt contradictoire prononcé par mise à disposition et en dernier ressort,
CONFIRME le jugement déféré en toutes ses dispositions ;
Y ajoutant,
CONDAMNE la société MCS et Associés aux dépens d’appel ;
DIT qu’ils pourront être recouvrés par Me [Z] pour ceux dont il a fait l’avance sans avoir reçu provision, conformément à l’article 699 du code de procédure civile ;
CONDAMNE la société MCS et Associés à verser à M. [P] la somme de 3.500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
Le présent arrêt a été signé par Valérie SCHMIDT, présidente, et par Nathalie CAILHETON, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
La Greffière, La Présidente,