COUR D’APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 51A
1re chambre 2e section
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 16 MAI 2023
N° RG 22/01544 – N° Portalis DBV3-V-B7G-VB6X
AFFAIRE :
Mme [S] [E] [G] épouse [Y] [F]
C/
M. [X] [Y] [F]
…
Me Franck MICHEL
Décision déférée à la cour : Arrêt rendu le 29 Janvier 2019 par la Cour d’Appel de VERSAILLES
N° Chambre : 1ère
N° Section : B
N° RG : 18/02305
Expéditions exécutoires
Expéditions
Copies
délivrées le : 16/05/23
à :
Me Mohamed el moctar TOURE
Me Fabrice HONGRE-BOYELDIEU
Me Arnaud DEBELLEIX
Me Chantal DE CARFORT
Me Benoît DESCLOZEAUX
Me Alexandre OPSOMER
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE SEIZE MAI DEUX MILLE VINGT TROIS,
La cour d’appel de Versailles, a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :
Madame [S] [E] [G] épouse [Y] [F], en qualité de propriétaire
née le [Date naissance 8] 1956 à [Localité 21]
de nationalité Française
[Adresse 11]
[Localité 18]
Représentant : Maître Mohamed el moctar TOURE, avocat Postulant et Plaidant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 33 – N° du dossier [Y] TO
DEMANDERESSE A LA TIERCE OPPOSITION
****************
Monsieur [X] [Y] [F]
né le [Date naissance 6] 1960 à [Localité 19] (ETHIOPIE)
de nationalité Française
[Adresse 3]
[Localité 17]
Représentant : Maître Fabrice HONGRE-BOYELDIEU de l’ASSOCIATION AVOCALYS, avocat Postulant et Plaidant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 620
Madame [I] [E] [G]
INTERVENANTE FORCEE A LA TIERCE OPPOSITION
née le [Date naissance 9] 1960 à [Localité 21]
de nationalité Française
[Adresse 10]
[Localité 2]
Représentant : Maître Arnaud DEBELLEIX, avocat Postulant et Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : C 2564
Monsieur [L] [A] [W] [U] [E] [G]
INTERVENANT FORCE A LA TIERCE OPPOSITION
né le [Date naissance 9] 1960 à [Localité 21]
de nationalité Française
[Adresse 5]
[Localité 16]
Représentant : Maître Chantal DE CARFORT de la SCP BUQUET-ROUSSEL-DE CARFORT, avocat Postulant et Plaidant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 462
Madame [K] [O] [R] [E] [G]
INTERVENANTE FORCEE A LA TIERCE OPPOSITION
née le [Date naissance 1] 1964 à [Localité 20]
de nationalité Française
[Adresse 14]
[Adresse 14]
[Localité 12] AUSTRALIE
Représentant : Maître Benoît DESCLOZEAUX, avocat Postulant et Plaidant, avocat au barreau de HAUTS-DE-SEINE, vestiaire 36
****************
Maître [N] [C] es-qualité d’Administrateur provisoire des indivisions successorales de Monsieur [U] et Madame [V] [P] [E] [G], désigné suivant Ordonnance en la forme des Référés rendue le 5 Avril 2016 par le Tribunal de Grande Instance de VERSAILLES, et confirmé à cette fonction selon arrêt rendu le 31 janvier 2019 par la Cour d’appel de Versailles, Membre de la SELARL AJ ASSOCIES
[Adresse 4]
[Localité 17]
Représentant : Maître Alexandre OPSOMER de la SCP OPSOMER, avocat Postulant et Plaidant, au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 269 – N° du dossier 132/22
PARTIE INTERVENANTE A LA TIERCE OPPOSITION
Composition de la cour :
En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 03 Janvier 2023 les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Monsieur Jean-Yves PINOY, conseiller, et Monsieur Philippe JAVELAS, Président chargé du rapport.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Monsieur Philippe JAVELAS, Président,
Monsieur Jean-Yves PINOY, Conseiller,
Monsieur Olivier GUICHAOUA, Conseiller,
Greffier, lors des débats : Madame Françoise DUCAMIN,
EXPOSE DU LITIGE
M. [U] [E] [G], époux en secondes noces de Mme [P] [V] [Z], est décédé le [Date décès 13] 2008, laissant pour lui succéder son épouse, et les quatre enfants issus de leur union, [S], [I], [L] et [K] [E] [G].
Il dépend de sa succession, notamment, un appartement situé [Adresse 15] à [Localité 17], occupé gratuitement de son vivant et depuis l’année 1993 par sa fille [S] [E] [G], épouse de M. [X] [Y] [F], et leurs enfants nés depuis lors.
Mme [V] [P] [Z], veuve [E] [G], bénéficiaire d’une donation au dernier vivant des quotités disponibles au jour du décès, consentie entre les époux suivant acte reçu le 8 mars 1938, a opté pour l’usufruit des biens et droits immobiliers composant la succession de son défunt mari.
Par acte de commissaire de justice délivré le 23 septembre 2010, Mme [Z] veuve [E] [G] a assigné devant le tribunal d’instance de Versailles sa fille, Mme [S] [E] [G], épouse [Y] [F], et l’époux de celle-ci, M. [Y] [F], afin de voir ordonner leur expulsion du logement de l’appartement situé [Adresse 15] à [Localité 17] et leur condamnation à lui payer notamment une indemnité d’occupation.
Par jugement contradictoire rendu le 5 avril 2012, le tribunal d’instance de [Localité 17] a :
– déclaré Mme [Z] veuve [E] [G] recevable à agir,
– ordonné à M. et Mme [Y] [F] de restituer l’appartement sis [Adresse 15] à [Localité 17] dans un délai de 6 mois à compter de la signification du jugement,
– à défaut de départ volontaire, ordonné l’expulsion immédiate de M. et Mme [Y] [F] et de tous occupants de leur chef au besoin avec l’assistance de la force publique et d’un serrurier,
– en cas d’expulsion, ordonné à l’huissier instrumentaire de dresser la liste des meubles meublants et objets mobiliers se trouvant sur les lieux avant de procéder aux opérations selon les dispositions de l’article 65 du code civil,
– fixé l’indemnité d’occupation due par M. et Mme [Y] [F] à compter de l’expiration du délai pour quitter les lieux à la somme mensuelle de 1 500 euros,
– rejeté la demande de restitution des meubles,
– dit n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamné M. et Mme [Y] [F] aux dépens,
– dit n’y avoir lieu à exécution provisoire.
Par déclaration déposée au greffe de la cour le 7 mai 2012, M. et Mme [Y] [F] ont relevé appel de ce jugement.
Mme [Z], veuve [E] [G], est décédée le [Date décès 7] 2012.
Le 14 décembre 2012, le conseiller de la mise en état a rendu une ordonnance d’interruption d’instance suite au décès de Mme [V] [P] [Z], veuve [E] [G].
Le 9 septembre 2015, M. et Mme [Y] [F] ont déposé à la cour des conclusions comportant reprise d’instance aux fins d’interventions forcées dirigées à l’encontre de Mme [I] [E] [G], M. [L] [E] [G], et Mme [K] [E] [G] épouse [J].
Par ordonnance d’incident du 5 octobre 2017, le conseiller de la mise en état de la première chambre B de la cour d’appel de Versailles a :
– déclaré caduc l’appel formé par M. [Y] [F] le 7 mai 2012,
– déclaré caduc l’appel formé par Mme [Y] [F] le 7 mai 2012,
– rejeté les autres demandes des parties,
– condamné M. et Mme [Y] [F] à payer à M. [L] [E] [G] et Mme [K] [E] [G] épouse [J] la somme de 1.000 euros chacun au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamné M. et Mme [Y] [F] aux dépens d’appel.
Par requête en date du 19 octobre 2017, M. et Mme [Y] [F] ont déféré cette ordonnance d’incident à la cour.
Par arrêt contradictoire rendu sur déféré le 6 mars 2018, la cour d’appel de Versailles a :
– infirmé l’ordonnance déférée en toutes ses dispositions,
– débouté les intimés de leur demande tendant à voir déclarer caducs les appels interjetés par M et Mme [Y] [F],
– déclaré M et Mme [Y] [F] recevables en leurs conclusions,
– débouté M. [L] [E] [G] et Mme [K] [E] [G] de leurs demandes formées tant devant le conseiller de la mise en état que devant la cour, sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
– débouté M et Mme [Y] [F] de leur demande formée sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile tant lors de la procédure d’incident qu’en cause d’appel,
– condamné M. [E] [G] et Mme [K] [G] aux dépens de l’incident et du déféré.
Par arrêt rendu contradictoirement le 29 janvier 2019, la cour d’appel de Versailles a :
– prononcé la jonction des procédures ouvertes sous les numéros 18/2305 et 18/2855 et dit qu’elles seraient suivies désormais sous le seul numéro 18/2305,
– donné acte à Me [N] [C] de son intervention volontaire en qualité d’administrateur des successions de M. et Mme [U] [E] [G], désigné à cette fonction par ordonnance rendue en la forme des référés par le tribunal de grande instance de Versailles le 5 avril 2016,
– confirmé le jugement déféré en ce qu’il a :
* déclaré Mme [Z] veuve [E] [G] recevable à agir,
* ordonné à M. et Mme [Y] [F] de restituer l’appartement sis [Adresse 15] à [Localité 17],
* à défaut de départ volontaire, ordonné l’expulsion immédiate de M. et Mme [Y] [F] et de tous occupants de leur chef au besoin avec l’assistance de la force publique et d’un serrurier,
* rejeté la demande de restitution de meubles,
* dit n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile,
– infirmé pour le surplus et statuant à nouveau,
– rejeté la demande de délais pour quitter les lieux,
– fixé l’indemnité d’occupation due par M. et Mme [Y] [F] à la somme mensuelle de :
* 1 500 euros pour la période allant du 1er mars 2008 au 1er février 2012,
* 1 800 euros pour la période allant du 2 février 2012 à la libération effective des lieux,
– condamné M. et Mme [Y] [F] à payer à Me [C], pris en sa qualité d’administrateur des successions de M. et Mme [U] [E] [G], les condamnations échues au titre de l’indemnité d’occupation, et notamment du 1er mars 2008 jusqu’à l’arrêt,
– condamné M. et Mme [Y] [F] à payer à Me [C], pris en sa qualité de gestionnaire des successions de M. et Mme [U] [E] [G], la somme de 1 500 euros au titre des frais irrépétibles,
– débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires,
– condamné M. et Mme [Y] [F] aux dépens de l’instance d’appel.
Par arrêt réputé contradictoire rendu le 31 janvier 2019, la cour d’appel de Versailles a :
– déclaré recevable l’appel principal interjeté par Mme [S] [E] [G],
– annulé en toutes ses dispositions l’ordonnance n° 15/01671 rendue le 5 avril 2016, en la forme des référés, par le président du tribunal de grande instance de Versailles,
– déclaré régulières les assignations délivrées en première instance et partant, recevable l’action formée devant le premier juge,
– dit recevable l’intervention volontaire de M. [N] [C], en sa qualité d’administrateur judiciaire des indivisions successorales de [U] et [V] [P] [E] [G],
– fait injonction à Mme [S] [E] [G] et Mme [I] [E] [G] de remettre à M. [N] [C], en sa qualité d’administrateur judiciaire des indivisions successorales de [U] et [V] [P] [E] [G], les fonds perçus par elles sur les biens appartenant auxdites indivisions, de lui remettre une reddition par chacune d’elles des comptes et de lui restituer les dossiers locatifs des successions et de cesser toute gestion locative,
– assorti l’injonction ainsi faite à Mmes [S] et [I] [E] [G] d’une astreinte provisoire de trois mois de 200 euros par jour de retard, courant à compter de la signification de l’arrêt,
– dit que la cour ne se réservait pas le contentieux de l’astreinte,
– rejeté la demande de dommages-intérêts présentée par Mme [S] [E] [G],
– rejeté toutes autres demandes en ce comprises les prétentions fondées sur l’article 700 du code de procédure civile,
– condamné in solidum Mmes [S] et [I] [E] [G] au paiement des dépens de première instance et d’appel ces derniers pouvant être recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile et à celles régissant l’aide juridictionnelle pour les parties en bénéficiant.
Par requête reçue au greffe le 11 mars 2022, Mme [S] [E] [G] a formé tierce opposition à l’arrêt rendu le 29 janvier 2019 par la cour d’appel de Versailles. Aux termes de ses conclusions signifiées le 23 octobre 2022, elle demande à la cour de :
– dépayser l’affaire auprès de la cour d’appel de Caen en vu de l’intervention volontaire de Me [C],
A défaut de dépaysement,
– dire irrecevables les conclusions d’intervention volontaire déposées le 20 septembre 2022 au nom de Me [N] [C], faute de pouvoir, intérêt et qualité pour agir,
– la recevoir en sa tierce opposition à l’encontre de l’arrêt de la chambre de céans en date du 29 janvier 2019 RG 18/02305,
-constater la caducité ou la nullité de l’arrêt du 29 janvier 2019 pour perte de fondement juridique et par voie de conséquence,
– subsidiairement le rétracter,
– dire n’y avoir lieu à statuer de nouveau,
– constater l’extinction de l’action et se dire dessaisie,
– rejeter toute demande contraire et condamner aux dépens,
– condamner Me [C] et la SELARL Ajassociés à lui verser la somme de 1 500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.
Aux termes de conclusions notifiées par la voie électronique le 2 janvier 2023, Mme [S] [E] [G] sollicite :
– le rabat de l’ordonnance de clôture,
– un sursis à statuer dans l’attente des décisions de la Cour de cassation statuant respectivement sur l’ordonnance présidentielle du 31 octobre 2022 et sur l’arrêt du 30 juin 2022 (RG n°19/03213),
– subsidiairement, un sursis à statuer dans l’attente des décisions du BAJ de la Cour de cassation
sur les demandes d’aide juridictionnelle aux fins de pourvoi à l’encontre respectivement statuant, de l’ordonnance présidentielle du 31 octobre 2022 et de l’arrêt du 30 juin 2022 (RG n°19/03213)
Aux termes de ses conclusions signifiées le 20 septembre 2022, Me [N] [C], administrateur provisoire des indivisions successorales de M. [U] et Mme [V] [P] [E] [G], demande à la cour de :
– déclarer M. [T] [Y] [F] irrecevable à former tierce opposition à l’arrêt du 29 janvier 2019,
– dire qu’il a qualité à agir en qualité d’administrateur provisoire des successions de M. [U] et Mme [V] [P] [E] [G],
– déclarer les actes contestés réguliers,
– déclarer Mme [Y] [F] mal fondée en ses demandes,
– si la cour devait déclarer régulier le commodat constater qu’il a pris fin par la perte d’usage par la requérante de la chose prêtée,
– reconventionnellement, condamner Mme [Y] [F] à lui payer une somme de 3 000 euros à titre d’indemnité pour procédure abusive,
– condamner Mme [Y] [F] à lui payer une somme de 8 000 € sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
– statuer ce que de droit sur les dépens.
Aux termes de ses conclusions signifiées le 24 octobre 2022, Mme [K] [E] [G] demande à la cour de :
– juger Mme [Y] [F] irrecevable à former tierce opposition à l’arrêt du 29 janvier 2019,
– juger Mme [Y] [F] irrecevable en ses demandes nouvelles régularisées par conclusions du 23 octobre 2022 tant sur le fondement de l’article 47 du code de procédure civile que sur l’irrecevabilité,
– juger Mme [Y] [F] mal fondée en ses demandes et la débouter de l’ensemble de ses demandes,
– si la cour devait déclarer régulier le commodat juger qu’il a pris fin d’une part, au décès de M. [U] [E] [G] puis du fait de la demande de Mme [V] [E] [G] devant le tribunal de Versailles en demande d’expulsion des consorts [Y] [F] puis du fait de l’arrêt de la cour d’appel de Versailles du 29 janvier 2019, confirmant l’expulsion, régulièrement signifié et devenu définitif et par la perte d’usage par la perte d’usage par les consorts [Y] [F] suite à leur expulsion du 3 août 2021,
– reconventionnellement, condamner Mme [Y] [F] à lui payer une somme de 10 000 euros à titre d’indemnité pour procédure abusive,
– condamner Mme [Y] [F] à lui payer une somme de 10 000 euros à titre d’indemnité pour procédure abusive,
– condamner Mme [Y] [F] à lui payer une somme de 8 000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamner Mme [Y] [F] en tous les dépens.
M. [X] [Y] [F], Mme [I] [E] [G] et M. [L] [E] [G] n’ont pas conclu sur la tierce opposition de Mme [S] [E] [G].
La clôture de l’instruction a été prononcée le 25 octobre 2022.
Conformément à l’article 455 du code de procédure civile, pour plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens soutenus par les parties, la cour se réfère à leurs écritures et à la décision déférée.
MOTIFS DE LA DÉCISION
I) Sur la demande de révocation de l’ordonnance de clôture
Mme [S] [E] [G] a formé une demande de révocation de l’ordonnance de clôture motif pris de ce qu’elle s’est pourvue en cassation contre deux décisions rendues précédemment par la cour d’appel de Versailles :
– une ordonnance du 31 octobre 2022 rejetant une demande de récusation d’un juge au motif que ce dernier s’abstenait de soulever le défaut de qualité et d’intérêt à agir de Me [C],
– un arrêt du 30 juin 2022 rejetant sa demande de constat de nullité de plein droit de l’ordonnance de référé du 26 avril 2016 par voie de conséquence de l’annulation de l’ordonnance du 5 avril 2016, par arrêt du 31 janvier 2019.
Elle expose que ces deux pourvois introduits postérieurement à la clôture, ont fait l’objet d’une demande d’aide juridictionnelle et qu’ils visent des décisions se prononçant sur l’interprétation de l’arrêt du 31 janvier 2019.
Réponse de la cour
En application de l’article 784 devenu 803 du code de procédure civile, l’ordonnance de clôture ne peut être révoquée que s’il se révèle une cause grave depuis qu’elle a été rendue.
En l’espèce, il n’est pas justifié d’une telle cause.
En effet, par ordonnance en la forme des référés en date du 5 avril 2016, M. [N] [C] a été désigné en qualité d’administrateur provisoire des indivisions successorales des époux [E] [G] et ce, en raison d’un conflit opposant les héritiers issus du mariage de [U] [E] [G] et [V] [Z] et bloquant la gestion pérenne des indivisions successorales. Il est intervenu volontairement à l’instance devant le juge du fond.
Mme [S] [E] [G] a interjeté appel à l’encontre de cette ordonnance.
Par arrêt en date du 31 janvier 2019, la cour d’appel de Versailles a notamment annulé en toutes ses dispositions l’ordonnance dont appel, dit recevable l’intervention volontaire de M. [C] ès qualités, et fait injonction à Mmes [S] et [I] [E] [G] de cesser toute gestion locative et de restituer à M. [C] les dossiers locatifs des successions, de lui remettre les fonds perçus par elles sur les biens appartenant aux deux indivisions successorales ainsi qu’une reddition par chacune d’elles des comptes.
Mme [S] [E] [G] a formé un pourvoi en cassation à l’encontre dudit arrêt, mais elle s’est désistée de son pourvoi le 5 août 2020, ce désistement emportant acquiescement à l’arrêt attaqué.
Dans ce contexte, la cour considère que les pourvois dont Mme [S] [E] [G], entend se prévaloir sans expliciter les moyens invoqués au soutien de la cassation, et qui visent, pour le premier, la contestation d’une décision ayant rejeté la demande de récusation d’un magistrat, et le deuxième, un arrêt du 30 juin 2022 ayant déclaré irrecevable l’opposition formée par Mme [S] [E] [G] à l’arrêt de la cour d’appel de Versailles du 31 janvier 2019, ne constituent pas une cause grave au sens de l’article 803 du code de procédure civile, justifiant la révocation de l’ordonnance de clôture.
La demande de révocation de l’ordonnance de clôture sera, par suite, rejetée, la cour statuant au vu des conclusions antérieures à l’ordonnance de clôture.
II) Sur la demande de sursis à statuer
Conformément à i’article 802 du code de procédure civile, les conclusions déposées par l’appelante postérieurement à l’ordonnance de clôture ne sont recevables qu’autant qu’elles tendent à la révocation de l’ordonnance de clôture.
C’est pourquoi la demande de sursis à statuer de Mme [S] [E] [G] sera jugée irrecevable.
III) Sur le dépaysement sollicité par Mme [S] [E] [G]
Mme [S] [E] [G] fait valoir qu’elle est en droit de se prévaloir des dispositions de l’article 47 du code de procédure civile pour solliciter le dépaysement de l’affaire auprès d’une cour d’appel limitrophe dans laquelle M. [C], administrateur associé au sein de la selarl AJ associés n’exerce pas ses fonctions d’auxiliaire de justice, dès lors que :
– ni M. [C] ni la selarl AJ Associés ne disposent d’un mandat de représentation des indivisions successorales,
– l’ordonnance du 5 avril 2016, qui désignait M. [C], a été annulée par l’arrêt du 31 janvier 2019, si bien que ce dernier ne peut régulièrement donner un mandat ad litem ni conclure en une qualité qu’il ne détient pas,
– l’arrêt du 31 janvier 2019 se contredit en déclarant l’administrateur judiciaire recevable en son intervention volontaire ès qualités en vertu de l’effet dévolutif de l’appel après avoir annulé sa désignation,
– la déférence partiale accordée à l’administrateur judiciaire par d’autres formations ou magistrats de la cour justifie le dépaysement de l’affaire.
Réponse de la cour
Selon l’article 47 du code procédure civile : ‘Lorsqu’un magistrat ou un auxiliaire de justice est partie à un litige qui relève de la compétence d’une juridiction dans le ressort de laquelle celui-ci exerce ses fonctions, le demandeur peut saisir une juridiction située dans un ressort limitrophe.
Le défendeur ou toutes les parties en cause d’appel peuvent demander le renvoi devant une juridiction choisie dans les mêmes conditions. À peine d’irrecevabilité, la demande est présentée dès que son auteur a connaissance de la cause de renvoi. En cas de renvoi, il est procédé comme il est dit à l’article 82.’
Il s’ensuit que si une demande de renvoi peut être formée à tous les stades de la procédure, elle doit cependant, à peine d’irrecevabilité, être présentée dès que son auteur a eu connaissance de la cause de renvoi.
Au cas d’espèce, la requête de Mme [S] [E] [G], déposée à la cour le 11 mars 2022, ne comportait aucune demande de renvoi sur le fondement de l’article 47 du code de procédure civile, alors même que la tierce opposante, connaissait la cause de renvoi, depuis le 5 avril 2016, date de la nomination de M. [N] [C], en qualité d’administrateur provisoire des indivisions successorales de [U] et [V] [E] [G].
Par suite, la demande de renvoi, formée par conclusions du 23 octobre 2022, est tardive et comme telle irrecevable.
IV) Sur la recevabilité des conclusions d’intervention volontaire de M. [C] ès qualités
Mme [S] [E] [G] conclut à l’irrecevabilité des conclusions d’intervention volontaire de M. [C], en faisant valoir que :
– la cour d’appel de Versailles ne pouvait à la fois annuler et confirmer la nomination de Me [C], et le rejet de la demande de désignation d’un autre administrateur ne peut équivaloir à une confirmation du mandat annulé,
– la décision lui conférant un double mandat ayant été annulée, M. [C] a perdu tout pouvoir et toute qualité pour intervenir en représentation de l’une ou l’autre des deux indivisions successorales,
– il résulte des motifs de l’arrêt du 29 janvier 2019, que M. [C] était bénéficiaire de cet arrêt en sa seule qualité de représentant de l’indivision successorale de Mme [Z] et l’intervention volontaire de M. [C] n’ayant été reçue par la cour qu’en qualité de représentant de l’indivision successorale de Mme [Z], il n’a pas pouvoir pour agir en exécution de l’arrêt du 29 janvier 2019 au titre d’un mandat de représentation de l’indivision successorale de M. [U] [E] [G], seul propriétaire des lieux.
Me [C] de répliquer que :
– il a été désigné par application de l’arrêt du 31 janvier 2019, Mme [S] [E] [G] s’étant désistée du pourvoi formé à l’encontre de cet arrêt, si bien qu’il n’existe point de cause de nullité des actes accomplis dans l’exercice des fonctions auxquelles il a été désigné,
– en application de l’article R.814-85 du code de commerce, il exerce les fonctions d’administrateur provisoire des successions au nom de la SELARL AJ associés, au sein de laquelle il est associé, et a, de ce fait, qualité pour agir,
Mme [K] [E] [G] fait valoir que la demande d’irrecevabilité de Mme [S] [E] [G] est mal fondée, dès lors que les conclusions de Me [C] sont des conclusions en réponse à la requête et à la tierce opposition et que sa qualité à agir a été maintes fois reconnues par le juge de la mise en état du tribunal de Versailles, par le juge de l’exécution et par la cour d’appel de céans.
Réponse de la cour
Si par arrêt du 31 janvier 2019, la cour de céans a effectivement annulé l’ordonnance du 5 avril 2016, désignant Me [N] [C], elle a également par l’effet dévolutif confirmé sa désignation en qualité d’administrateur judiciaire des indivisions successorales de [U] et [V] [E] [G], en ces termes :
‘ Le juge du fond, saisi d’une action en liquidation-partage des successions de [U] et [V] [E] [G], n’ayant pas encore pu, à cette date, mettre en état l’affaire en raison du nombre d’incidents et demandes dilatoires opposés par certaines des parties à la cause, il s’avère nécessaire qu’un administrateur, extérieur à l’indivision, puisse gérer, dans l’attente de l’issue des opérations de liquidation et licitation-partage des indivisions successorales, au regard de la carence et des fautes commises par les héritiers qui ont assuré, soit en vertu d’un mandat, soit de leur propre chef, l’administration de tout ou partie des biens indivis et au regard de la mésentente chronique, de l’opposition d’intérêts entre les indivisaires mais également de la complexité de la situation successorale et ce peu important la mission dans une précédente décision à maître [D], notaire, qui n’a pu être menée à terme et qui, en tout état de cause, ne pourra qu’être utile à la bonne exécution de celle confiée à M. [C].
La condition de l’urgence n’est pas à caractériser en application de l’article 813-1 du code civil, applicable à la cause.
Enfin, les fautes de gestion alléguées par les intimées à l’encontre de M. [C], depuis sa désignation par le premier juge et/ou son absence d’impartialité et la mise en péril de son fait des intérêts des indivisions successorales, ne sont en rien établies.
Il n’y a pas lieu en conséquence de désigner un autre administrateur des deux indivisions successorales et il convient d’ordonner à Mmes [S] et [I] [E] [G], parties à l’instance d’appel, de remettre à M. [N] [C], en sa qualité d’administrateur judiciaire des indivisions successorales de [U] et [V] [P] [E] [G], les fonds perçus par elles sur les biens appartenant aux dites indivisions, de lui remettre une reddition par chacune d’elles des comptes et de lui restituer les dossiers locatifs des successions ainsi que de cesser toute gestion locative, comme l’intervenant volontaire le revendique à bon droit, en raison de la rétention injustifiée des éléments dont il a besoin pour la bonne exécution de sa mission.
Il convient en conséquence de faire injonction à Mmes [S] et [I] [E] [G], membres de l’indivision, de remettre à l’administrateur ad hoc les fonds perçus par elles sur les biens appartenant aux successions indivises mais également une reddition par chacune d’elles des comptes et de leur ordonner de restituer à l’administrateur tous les dossiers locatifs des successions et de cesser toute gestion locative et de faire droit à la mesure d’astreinte sollicitée à l’encontre de Mmes [S] et [I] [E] [G], selon les modalités fixées au dispositif du présent arrêt afin de parvenir à une exécution rapide et loyale de la mesure ordonnée et de rejeter toutes autres demandes’.
Cette interprétation de l’arrêt du 31 janvier 2019 a, du reste, été validée par le Conseil d’Etat (C.E. 6 Août 2021 ‘ n° 455131), qui relève, alors que Mme [S] [E] [G] faisait valoir que l’arrêt du 29 janvier 2019 confirmant le jugement ordonnant son expulsion ne pouvait être regardé comme valant titre exécutoire à la suite de l’arrêt de la cour d’appel de Versailles du 31 janvier 2019 annulant l’ordonnance du 5 avril 2016 du président du tribunal de grande instance de Versailles désignant M. [C]… comme administrateur des indivisions successorales de [U] et [V] [E] [G], que :
‘ Il résulte néanmoins de l’instruction que cet arrêt…. confirme la désignation de M….. comme administrateur des indivisions successorales en faisant injonction, en vertu de l’effet dévolutif de l’appel, à deux indivisionnaires, dont Mme A… B…, de remettre à Me … les fonds perçus sur les biens appartenant auxdites indivisions, de lui remettre une reddition des comptes et de lui restituer les dossiers locatifs des successions et de cesser toute gestion locative’.
Il résulte de ce qui précède que M. [C] a qualité pour agir tant au titre de la succession de feu [U] que de celle de Mme [V] [E] née [Z].
Par suite, Mme [S] [E] [G] est mal fondée à soutenir qu’il résulterait de l’arrêt du 29 janvier 2019 que l’intervention volontaire de M. [C] n’ayant été reçue par la cour qu’en qualité de représentant de l’indivision successorale de Mme [Z], ce dernier n’a pas pouvoir pour agir en exécution de l’arrêt du 29 janvier 2019 au titre d’un mandat de représentation de l’indivision successorale de M. [U] [E] [G], seul propriétaire des lieux.
M. [C] ayant qualité pour agir, l’exception d’irrecevabilité de ses conclusions sera rejetée.
V) Sur la recevabilité de la tierce opposition de Mme [S] [E] [G]
La recevabilité de la tierce opposition de Mme [S] [E] [G] est contestée, au visa de l’article 583 du code de procédure civile, par M. [C] et par [K] [E] [G] qui font valoir de concert que :
– Mme [Y] [F] est déjà intervenue à l’instance tant en première instance qu’en cause d’appel,
– le constat de commissaire de justice du 3 août 2021 fait apparaître que le logement était vide si bien que la tierce opposante, qui a quitté spontanément les lieux et ne justifie d’aucun droit de propriété, ne peut justifier d’aucun intérêt à agir en tierce opposition après exécution de l’arrêt ni d’aucun préjudice.
Mme [Y] [F], née [E] [G], de répliquer que sa tierce opposition est parfaitement recevable, dès lors que :
– elle agit désormais en qualité de propriétaire et non plus d’occupante du bien dont elle a été expulsée,
– elle a intérêt à agir en qualité de propriétaire du bien pour voir respecter son droit d’user et de jouir du bien indivis et pour voir remplir les obligations découlant du commodat contracté par son père et tombé dans sa succession.
Réponse de la cour
Selon les dispositions de l’article 583 du code de procédure civile est recevable à former tierce opposition toute personne qui y a intérêt à la condition qu’elle n’ait été ni partie ni représentée au jugement qu’elle attaque. La tierce opposition remet en question relativement à son auteur les points jugés qu’elle critique pour qu’il soit à nouveau jugé en fait et en droit.
Aux termes de l’article 583 du code de procédure civile, la recevabilité de la tierce opposition est ainsi subordonnée à une triple condition : ne pas avoir été partie à l’instance, ne pas avoir été représenté et disposer d’un intérêt.
En d’autres termes, celui qui peut former un recours ou un appel contre un jugement n’est pas recevable à le critiquer par la voie de la tierce opposition (Cass. 1re civ., 14 mai 2014, n° 12-35.035), car il n’est pas un tiers au sens de l’article 583 du Code de procédure civile.
En l’espèce, Mme [S] [E] [G], épouse [Y] [F], fait valoir que la tierce opposition litigieuse est recevable pour avoir été formée en qualité de propriétaire indivis et non plus d’occupant du bien dont elle a été expulsée.
Il est vrai que si une personne a figuré à un jugement ou à un arrêt en une certaine qualité, elle peut y former tierce opposition en une autre qualité, du fait qu’elle est désormais un tiers par rapport à ce jugement ou à cet arrêt.
Cependant, Mme [S] [E] [G], épouse [Y] [F], était déjà occupante sans droit ni titre et indivisaire, lors de l’instance devant le premier juge, mais aussi lors de l’instance devant la cour ayant donné lieu à l’arrêt du 29 janvier 2019, contre lequel elle avait la ressource de se pourvoir en cassation.
Elle a donc été partie à l’instance devant le premier juge et devant la cour, en sa double qualité d’occupante et de propriétaire indivis du logement dont elle a été expulsée.
Dès lors, la qualité de tiers au sens de l’article 583 du code de procédure civile ne peut lui être reconnue et sa tierce opposition doit être déclarée irrecevable, sans même qu’il y ait lieu de rechercher si elle dispose d’un intérêt à former tierce opposition.
VI) Sur les demandes reconventionnelles en dommages et intérêts pour procédure abusive de M. [C], ès qualités, et de Mme [K] [E] [G]
Il résulte du caractère limité de l’effet dévolutif de la tierce opposition, que le défendeur n’est pas recevable à présenter par voie de demande reconventionnelle d’autres demandes que celles tendant à faire écarter celles du tiers opposant.
En conséquence, les demandes en dommages et intérêts pour recours abusif formulées par M. [C], ès qualités, et Mme [K] [E] [G] seront déclarées irrecevables.
VII) Sur les demandes accessoires
Mme [S] [E] [G], qui succombe, sera condamnée aux dépens de la procédure de tierce opposition.
PAR CES MOTIFS
La cour statuant par arrêt contradictoire et mise à disposition au greffe
Déboute Mme [S] [E] [G], épouse [Y] [F], de sa demande de révocation de l’ordonnance de clôture ;
Déclare Mme [S] [E] [G], épouse [Y] [F], irrecevable en ses demandes de sursis à statuer, de dépaysement de l’affaire sur le fondement de l’article 47 du code de procédure civile, et en sa tierce opposition ;
Déboute Mme [S] [E] [G], épouse [Y] [F] de la totalité de ses autres demandes ;
Déclare irrecevables les demandes reconventionnelles en dommages et intérêts de Me [N] [C], ès qualités d’administrateur provisoire des indivisions successorales de [U] et [V] [E] [G], et de Mme [K] [E] [G] ;
Vu l’article 700 du code de procédure civile, condamne Mme [S] [E] [G], épouse [Y] [F], à payer à Me [N] [C], ès qualités d’administrateur provisoire des indivisions successorales de [U] et [V] [E] [G], une indemnité de 8000 euros et à Mme [K] [E] [G] une indemnité de 8 000 euros ;
Condamne Mme [S] [E] [G], épouse [Y] [F], aux dépens de la procédure de tierce opposition.
– prononcé hors la présence du public par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
– signé par Monsieur Philippe JAVELAS, Président et par Madame Françoise DUCAMIN, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,