1ère Chambre
ARRÊT N°145/2023
N° RG 22/07532 – N° Portalis DBVL-V-B7G-TMJ7
M. [H] [O]
C/
S.A. CRÉDIT IMMOBILIER DE FRANCE DÉVELOPPEMENT
CAISSE DE CREDIT MUTUEL DE [Localité 13] INDRE
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE RENNES
ARRÊT DU 16 MAI 2023
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
Président : Madame Aline DELIÈRE, Présidente de chambre,
Assesseur : Madame Véronique VEILLARD, Présidente de chambre,
Assesseur : Madame Caroline BRISSIAUD, Conseillère,
GREFFIER :
Madame Marie-Claude COURQUIN, lors des débats et lors du prononcé
DÉBATS :
A l’audience publique du 20 février 2023 devant Madame Caroline BRISSIAUD, magistrat rapporteur, tenant seul l’audience, sans opposition des représentants des parties et qui a rendu compte au délibéré collégial
ARRÊT :
Contradictoire, prononcé publiquement le 16 mai 2023 par mise à disposition au greffe après prorogation du délibéré annoncé au 11 avril 2023 à l’issue des débats
****
APPELANT :
Monsieur [H] [O]
né le [Date naissance 5] 1969 à [Localité 10] (13)
[Adresse 1]
[Localité 7]
Représenté par Me Vincent DUTTO de la SELARL CRESSARD & LE GOFF, AVOCATS, avocat au barreau de RENNES
INTIMÉES :
La société CRÉDIT IMMOBILIER DE FRANCE DÉVELOPPEMENT (CIFD) venant aux droits du CRÉDIT IMMOBILIER DE FRANCE OUEST lui-même venant aux droits du CRÉDIT IMMOBILIER DE FRANCE NORMANDIE suite à une fusion absorption intervenue entre cette même société et le CRÉDIT IMMOBILIER DE FRANCE PAYS DE LA LOIRE, immatriculée au registre du commerce et des sociétés de Paris sous le n°379.502.644, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège
[Adresse 6]
[Localité 11]
Représentée par Me Jacques-Yves COUETMEUR de la SCP CADORET-TOUSSAINT, DENIS & ASSOCIES, Postulant, avocat au barreau de SAINT-NAZAIRE
Représentée par Me Matthieu ROQUEL de la SCP DESILETS ROBBE ROQUEL, plaidant, avocat au barreau de LYON
La CAISSSE DE CREDIT MUTUEL DE [Localité 14]-INDRE, SCCV immatriculée au registre du commerce et des sociétés de Nantes sous le n°786.054.429, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège
Représentée par Me Pierre SIROT de la SELARL RACINE, avocat au barreau de NANTES
EXPOSÉ DU LITIGE
Suivant acte authentique reçu le 10 août 2006 par Me [B] [L], titulaire d’un office notarial à [Localité 9] (44), la société Crédit immobilier de France pays de la Loire, aux droits de laquelle vient désormais la société Crédit immobilier de France développement (CIFD) a consenti à M. [H] [O], un prêt n°502610102064003 d’un montant de 135.200,00 €. Ce prêt est garanti par une inscription de privilège de prêteur de deniers et d’hypothèque conventionnelle publié à la conservation des hypothèques de [Localité 15] 1, le 9 octobre 2006, volume 2006 V n°4182 avec reprise pour ordre publiée le 3 novembre 2006 sous les références 2006 V n°4596.
Ce prêt a servi au financement d’un appartement, d’un garage et d’une place de parking constituant les lots 6, 9, 14 et 20 de la copropriété cadastrée section C n°[Cadastre 2] et n°[Cadastre 3] de la commune de [Localité 9], lieu dit « La mare Aubier ».
Le 6 janvier 2022, la société CIFD a fait délivrer à M. [O] un commandement de payer la somme de71.360,19 €, valant saisie immobilière de ce bien.
Par acte d’huissier du 21 février 2022, la société CIFD a fait assigner M. [O] devant le juge de l’exécution du tribunal judiciaire de Saint-Nazaire à l’audience d’orientation en vue d’obtenir la vente forcée de l’immeuble saisi.
Le 23 février 2022, le cahier des conditions de vente contenant l’état descriptif de l’immeuble saisi et les modalités de la vente a été déposé au greffe du tribunal judiciaire de Saint-Nazaire.
Le 20 juillet 2022, la Caisse de crédit mutuel de Saint-Herblain-Indre a dénoncé à M. [O] une inscription d’hypothèque judiciaire provisoire portant notamment sur les lots de copropriété 6, 9, 14 et 20 de l’immeuble, sis [Adresse 4]) et est intervenue volontairement à la procédure de saisie immobilière initiée par la société CIFD.
Par jugement du 15 décembre 2022, le juge de l’exécution du tribunal judiciaire de Saint-Nazaire a :
-Fixé la créance dont le recouvrement est poursuivi par la société CIFD sur M. [H] [O] à la somme de 58.290,82 € outre intérêts au taux contractuel de 1% sur la somme de 52.560,36 € à compter du 30 octobre 2021 jusqu’au jour du règlement définitif,
-Ordonné la vente forcée des biens saisis,
-Fixé la date à laquelle il sera procédé à la vente, sur la requête du créancier,
-Dit que le débiteur sera obligé de permettre une visite d’une heure des biens saisis, l’huissier pouvant être assisté lors de la visite par un expert chargé d’étabIir les diagnostics obligatoires,
-Désigné la SELARLVeyrac Gigout Deschamps Cardin Geairon, commissaires de justice associés à [Localité 15], pour assurer cette visite en se faisant assister si besoin est d’un serrurier et de la force publique, l’huissier devant prévenir M. [O], ou les occupants des lieux, par lettre recommandée avec accusé de réception acheminée au moins 8 jours avant la date prévue pour la visite, et pouvant y procéder, que la lettre recommandée soit retirée, refusée ou non,
-Rappelé que les frais devront impérativement être taxés avant l’audience d’adjudication, le CIFD étant invité à produire son état de frais actualisé 8 jours au moins avant la date d’adjudication,
-Autorisé le remplacement des deux avis simplifiés prévus à l’article R.322-32 du Code des procédures civiles d’exécution, par une publication sur les sites internet « enchères-publiques.com » et « axiojuris.com », dans la limite d’un montant maximal de 1.000 € au total, en ne publiant que des photographies extérieures du bien,
-Déclaré la demande en nullité du commandement de payer valant saisie-vente du 13 janvier 2022 irrecevable,
-Débouté les parties du surplus de leurs demandes,
-Condamné le CIFD à payer à M. [H] [O] la somme de 1.500 € sur le fondement des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile,
-Dit que les dépens seront compris dans les frais de vente soumis à taxe,
-Rappelé que l’exécution provisoire est de droit.
Par déclaration du 28 décembre 2022, M. [O] a interjeté appel de ce jugement à l’encontre du CIFD ( enregistrée sous le RG n°22/07532).
Par déclaration du 5 janvier 2023, une seconde déclaration d’appel a été réalisée pour intimer la Caisse de crédit mutuel de Saint-Herblain-Indre, (enregistrée sous le RG n°23/00101).
Par requête du 5 janvier 2023, M. [O] a sollicité l’autorisation de M. le Premier président de la Cour aux fins d’assigner à jour fixe le Crédit Immobilier de France Développement, créancier poursuivant, ainsi que la Caisse de Crédit Mutuel de Saint-Herblain-Indre, intervenante volontaire.
Suivant deux ordonnances du 12 janvier 2023, il a été autorisé à assigner à jour fixe le Crédit Immobilier de France Développement ainsi que la Caisse de Crédit Mutuel de Saint-Herblain-Indre pour l’audience du 20 février 2023.
PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Aux termes de ses dernières conclusions transmises et notifiées au greffe le 16 février 2023, auxquelles il est renvoyé pour l’exposé détaillé des moyens et prétentions, M. [H] [O] demande à la cour de :
-Déclarer M. [O] recevable en son appel,
– Infirmer le jugement rendu le 15 décembre 2022 par le juge de l’exécution de Saint-Nazaire,
Statuant à nouveau :
– Ordonner la jonction des instances à l’encontre du Crédit immobilier de France développement (RG n°22/07532) et de la Caisse de crédit mutuel de Saint-Herblain-Indre (RG n°23/00101),
-Prononcer la nullité du commandement de payer valant saisie immobilière délivré le 6 janvier 2022,
-Prononcer la nullité du commandement de payer valant saisie-vente délivrée le 13 janvier 2022,
En conséquence,
-Dire que le CIFD est prescrit en sa créance fondant la saisie immobilière du 6 janvier 2022,
-Ordonner la radiation du commandement de payer valant saisie immobilière,
-Condamner le CIFD à lever, à ses frais, dans le délai d’un mois suivant la décision à intervenir, les hypothèques et inscriptions prises en vertu de l’acte notarié du 10 août 2006, et ce sous astreinte de 100 € par jour de retard,
A titre subsidiaire,
-Ramener la créance du CIFD à la somme de 56.782,96 €,
-Ordonner un moratoire d’une durée de 24 mois à M. [O] pour le paiement de la créance invoquée par le CIFD,
A titre infiniment subsidiaire,
-Autoriser la vente amiable du bien immobilier situé [Adresse 4] à intervenir dans un délai de 4 mois suivant la décision à intervenir,
-Fixer le montant en deçà duquel le bien ne pourra être cédé à la somme de 100.000 €,
-Ordonner le cantonnement des saisies réalisées par le CIFD au bien immobilier situé à [Localité 9],
-Ordonner la suspension des saisies immobilières réalisées sur les biens immobiliers de M. [O] situés [Adresse 8],
A titre encore plus subsidiaire,
-Fixer la mise à prix de l’appartement situé à [Localité 9] à la somme de 100.000 €,
En tout état de cause,
-Débouter le CIFD de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
-Condamner le CIFD sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile, à verser à M. [O] la somme de 6.000 € au titre de la première instance, et de 6.000 € au titre de la procédure d’appel,
-Condamner le CIFD aux entiers dépens de l’instance.
Aux termes de ses dernières conclusions transmises et notifiées au greffe le 14 février 2023, auxquelles il est renvoyé pour l’exposé détaillé des moyens et prétentions, la société Crédit Immobilier de France Développement (CIFD) demande à la cour de :
-Confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,
En conséquence :
-Débouter M. [O] de l’ensemble de ses fins, prétentions et demandes,
-Condamner M. [O] au paiement d’une somme de 3.000 € sur le fondement des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile,
-Ordonner l’emploi des dépens en frais privilégiés de vente.
La société Caisse de Crédit Mutuel de Saint-Herblain-Indre n’a pas conclu.
MOTIVATION DE LA COUR
1°/ Sur la jonction
L’article 367 du Code de procédure civile dispose que : «Le juge peut, à la demande des parties ou d’office, ordonner la jonction de plusieurs instances pendantes devant lui s’il existe entre les litiges un lien tel qu’il soit de l’intérêt d’une bonne justice de les faire instruire ou juger ensemble ».
L’article 553 du même code énonce : « En cas d’indivisibilité à l’égard de plusieurs parties, l’appel de l’une produit effet à l’égard des autres même si celles-ci ne se sont pas jointes à l’instance ; l’appel formé contre l’une n’est recevable que si toutes sont appelées à l’instance ».
Le 28 décembre 2022, M. [O] a interjeté appel du jugement d’orientation du juge de l’exécution de Saint-Nazaire à l’encontre du CIFD, créancier poursuivant. Cet appel a été enregistré sous le RG n°22/07532.
Le 5 janvier 2023, M. [O] a intimé la Caisse de Crédit Mutuel de Saint-Herblain-Indre, créancier inscrit. Cet appel a été enregistré sous le RG n°23/00101.
Il est de l’intérêt d’une bonne administration de la justice d’ordonner la jonction de ces deux instances, enregistrées sous les RG n°22/07532 et 23/00101 qui concernent la même saisie immobilière. Celles-ci se poursuivront et seront jugées sous le RG n°22/07532.
2°/ Sur la demande de nullité du commandement valant saisie immobilière
M. [O] sollicite la nullité du commandement valant saisie immobilière compte tenu de l’inopposabilité de la transmission de la créance d’une part et de l’imprécision du décompte d’autre part.
a. En raison de l’inopposabilité de la transmission de la créance invoquée
M. [O] fait grief au commandement de payer de ne pas viser précisément les actes de transmission de la créance détenue par la banque.
L’article R.321-3 al. 2 du Code des procédures civiles d’exécution dispose que « si le créancier saisissant agit en vertu d’une transmission, à quelque titre que ce soit, de la créance contenue dans le triture exécutoire fondant les poursuites, le commandement doit viser l’acte de transmission à moins que le débiteur n’en ait été régulièrement avisé au préalable ».
Cette mention est requise à peine de nullité.
En l’espèce, le commandement de payer délivré le 6 janvier 2022 rappelle la chaîne de droits en tête du commandement, notamment en mentionnant expressément les deux actes successifs de fusion-absorption qui ont nécessairement eu pour effet de transmettre la créance dans la mesure où la fusion-absorption emporte transmission de l’universalité des éléments patrimoniaux actifs et passifs de la société absorbée à la société absorbante.
De fait, le commandement mentionne qu’il est délivré à la requête de « La société CREDIT IMMOBILIER DE FRANCE DEVELOPPEMENT (CIFD), venant aux droits de la société CREDIT IMMOBILIER DE FRANCE OUEST suite à une fusion-absorption selon PV d’AGE du 26 novembre 2015 et déclaration de conformité du 1er décembre 2015, lui-même venant aux droits du CREDIT IMMOBILIER DE FRANCE NORMANDIE suite à une fusion-absorption intervenue entre cette même société et le CREDIT IMMOBILIER DE FRANCE PAYS DE LA LOIRE accompagnée d’un changement de dénomination sociale selon PV d’AGE du 02 juillet 2008, Société Anonyme au capital de 124 821 566,00 €, immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de PARIS sous le n°379 502 644, dont le siège social est [Adresse 6], poursuites et diligences de ses représentants légaux en exercice domiciliés en cette qualité de droit audit siège »
L’article R.321-3 al. 2 du Code des procédures civiles d’exécution exige seulement que le commandement vise l’acte de transmission. Tel est le cas en l’espèce. Contrairement à ce que soutient M. [O], pour être régulier en la forme, le commandement de payer n’a pas à comporter en annexe les justificatifs des fusions-absorptions, ni la copie des procès-verbaux d’assemblée générale évoqués dans le commandement, pas plus que les justificatifs de leur dépôt au greffe ou de leur publication.
Au surplus, il est constant que le défaut de l’une des mentions exigées par l’article R.321-3 précité est sanctionné par une nullité pour vice de forme, laquelle ne peut être prononcée que si celui qui l’invoque démontre l’existence du grief causé par l’irrégularité soulevée, conformément aux dispositions de l’article 112 du Code de procédure civile.
Or, en l’occurrence, M. [O] qui ne remet pas en cause la qualité à agir du CIFD ne justifie d’aucun grief.
b. En raison de l’imprécision du décompte
L’article R. 321-3 du Code des procédures civiles d’exécution dispose que : « Outre les mentions prescrites pour les actes d’huissier de justice, le commandement de payer valant saisie comporte :
(‘)
3° Le décompte des sommes réclamées en principal, frais et intérêts échus ainsi que l’indication du taux des intérêts moratoires ;
(‘.)
Les mentions prévues au présent article sont prescrites à peine de nullité ».
En l’espèce, le commandement reproduit le décompte de la créance arrêté au 5 février 2020 et actualisé au 29 octobre 2021 des sommes dues au titre du prêt n°50261010206403 :
-Capital restant du au 5/02/2020 : 52 560,36 €
-Échéances échues impayées au 5/02/2020 : 13 069,37 €
-Indemnité d’exigibilité anticipée 7% : 4 594,08 €
-Échéances d’assurance échues : 371,85 €
-Intérêts échus du 06/02/2020 au 29/10/2021 : 1 136,38 €
-Frais et intérêts à échoir : mémoire
-Règlement reçus : 371,85 € .
Ce décompte est conforme à celui qui était annexé à la lettre valant déchéance du terme du 5 février 2020 et à l’historique de fonctionnement du prêt qui a été communiqué à M. [O] à cette occasion.
M. [O] critique le taux des intérêts moratoires, mais le premier juge a justement rappelé que le taux des intérêts de retard était bien mentionné. Il appartient à M. [O], s’il estime ce taux inexact, de le discuter le cas échéant dans le cadre de la contestation du montant de la créance. Il est rappelé que le texte précité n’exige pas que le commandement de payer reproduise le détail des modes de calculs des intérêts ayant couru pendant l’exécution du contrat. Aucune nullité n’était encourue à ce titre.
M. [O] fait vainement valoir que le décompte ne distinguerait pas entre la part en capital impayé et la part en intérêts impayés, en ce qu’il comporte une ligne « échéances échues impayées ».
L’article 17 C du contrat stipule que le prêteur pourra exiger de l’emprunteur le remboursement immédiat du capital restant dû et le paiement des intérêts échus. Ces sommes restant dues porteront intérêts de retard au taux du prêt jusqu’à la date de règlement effectif.
Il est exact que les échéances échues impayées incluent des intérêts. Toutefois, ces échéances échues impayées, comme sur toute somme due au titre du prêt, sont devenues productives d’intérêts moratoires à compter de la déchéance du terme. Elles ont donc de fait, intégré le principal.
La somme de 13 069,37 € correspondant aux échéances impayées aurait donc pu figurer dans la ligne correspondant au principal avec le capital restant dû. Le fait d’être mentionnée séparément ne contrevient pas au texte précité et ne fait que rendre le décompte plus détaillé.
A toutes fins, le premier juge a exactement rappelé que le texte précité exige la mention des sommes dues en principal, intérêts et frais échus mais n’exige pas le détail de chaque poste et qu’il n’y a pas lieu de distinguer entre le capital et les intérêts capitalisés.
Il s’en suit que le décompte mentionne bien les sommes dues en principal, frais et intérêts échus mais également le taux des intérêts moratoires (1%) de sorte qu’il est conforme aux dispositions de l’article R.321-3 précité. Il est constant que, quand bien même les sommes réclamées seraient supérieures à celles qui sont dues par M. [O], cette éventuelle erreur du décompte ne serait pas de nature à entraîner la nullité du commandement querellé.
M. [O] fait encore vainement valoir que ce décompte ne fait pas apparaître le délai de grâce d’une durée de 12 mois qui lui a été octroyé le 3 mai 2018 par le tribunal d’instance de Nantes, sans toutefois en tirer de conséquences claires au regard des exigences de l’article R.321-3 précité. Le décompte produit par le CIFD rend compte de la créance au jour de la déchéance du terme, soit le 5 février 2020. Il n’y avait donc pas lieu de mentionner un délai de grâce prononcé deux ans auparavant, pour une durée de 12 mois.
En outre, M. [O] reproche au décompte de faire état d’échéances d’assurances échues sans préciser la date de ces échéances, en faisant valoir qu’il a toujours réglé ces dernières. Ce moyen est tout aussi inopérant au regard des exigences formelles de l’article R.321-3 précité, dès lors qu’il tend en réalité à contester le montant de la créance réclamée au titre des échéances d’assurance.
Enfin, sont uniquement mentionnés pour ‘Mémoire’, les frais et les intérêts dus postérieurement au 29/10/2021, date d’arrêté des intérêts chiffrés dans le commandement. Cette mention signifie que le créancier poursuivant se réserve le droit d’actualiser sa créance au titre des intérêts de retard courus depuis le 29/10/2021et des frais postérieurs mais n’a nullement pour objet ou effet de rendre la créance concernée indéterminée ou invérifiable. Ce moyen est inopérant.
La jugement sera par conséquent confirmé en ce qu’il a rejeté la demande en nullité du commandement de payer.
2°/ Sur la demande de nullité du commandement aux fins de saisie-vente
L’article R.322-5 2° du Code des procédures civiles d’exécution dispose que « l’audience d’orientation a pour objet d’examiner la validité de la saisie, de statuer sur les contestations et demandes incidentes liées à celle-ci et de déterminer les modalités selon lesquelles la procédure sera poursuivie ».
M. [O] fait grief au premier juge d’avoir considéré que la demande de nullité du commandement au fins de saisie vente délivré le 13 janvier 2022 n’est pas une contestation sur laquelle le juge de l’exécution a compétence pour statuer dans le cadre de l’audience d’orientation.
Pour dire que sa demande incidente en nullité du commandement de payer aux fins de saisie-vente est de nature à exercer une influence immédiate et directe sur la procédure de saisie-immobilière, M. [O] fait principalement valoir qu’en raison de la nullité conjuguée de ces deux commandements, la créance du CIFD serait prescrite.
La demande incidente se définit en matière de saisie immobilière comme toute contestation née de la procédure de saisie immobilière ou s’y référant directement et qui est de nature à exercer une influence immédiate et directe sur cette procédure, même portant sur le fond du droit.
En l’espèce, le CIDF a fait délivrer un commandement aux fins de saisie-vente le 13 janvier 2022 soit postérieurement au commandement de payer valant saisie immobilière du 6 janvier 2022.
Dans la mesure où le commandement aux fins de saisie immobilière du 6 janvier 2022 n’est pas nul, il a valablement interrompu le délai biennal de prescription de l’article L.218-2 du Code de la consommation ayant commencé à courir à compter de la déchéance du terme intervenue le 5 février 2020.
De ce seul fait, aucune prescription de la créance du CIFD n’est encourue.
Par conséquent, contrairement à ce qu’il prétend, la demande incidente présentée par M. [O] au cours de l’audience d’orientation tendant à voir le juge de l’exécution statuer sur la nullité du commandement de payer aux fins de saisie-vente ne présente aucune incidence immédiate et directe sur le cours de la saisie-immobilière.
C’est donc à juste titre que le premier juge a considéré que cette demande était irrecevable comme ne relevant pas des pouvoirs du juge de l’exécution statuant dans le cadre d’une audience d’orientation.
3°/ Sur la prescription de la créance du CIFD
Comme précédemment indiqué et comme l’a retenu le premier juge, le créance du CIFD n’était pas prescrite au moment où la procédure de saisie immobilière a été initiée, puisque le commandement de payer aux fins de saisie immobilière a été délivré le 6 janvier 2022, soit dans le délai biennal de prescription édicté par l’article L.218-2 du Code de la consommation, ayant commencé à courir à compter de la déchéance du terme intervenue le 5 février 2020.
Ce moyen est donc rejeté.
4°/ Sur le montant de la créance
M. [O] soulève la prescription des échéances échues impayées dues avant le 6 janvier 2020. Il conteste par ailleurs devoir des échéances d’assurances (qu’il dit avoir toujours réglées), l’indemnité d’exigibilité de 7% (qui ne peut selon lui se cumuler avec les intérêts en cas de demande de remboursement immédiat du capital restant dû) ainsi que les frais et intérêts mentionnés « pour mémoire » dans le décompte. Il demande que la créance du CIFD soit ramenée à la somme de 56.782,96 € .
Le CIFD sollicite la confirmation du jugement en ce qui concerne le montant de la créance retenue. Il ne conteste pas que les échéances échues impayées étaient prescrites, excepté celle correspondant à la mensualité du mois de janvier 2020, pour la somme de 800,48 €.
C’est en effet par des motifs pertinents, adoptés par la cour, que le premier juge a considéré que les échéances échues impayées étaient prescrites, excepté celle due au titre de la mensualité du mois de janvier 2020 et qu’il a rejeté le moyen tendant à écarter l’application de l’indemnité contractuelle d’exigibilité de 7%.
S’agissant des échéances d’assurance échues, la cour observe, d’après l’historique de fonctionnement du prêt, que M. [O] a continué à régler les échéances d’assurance jusqu’à la déchéance du terme. Or, cela ressort parfaitement du décompte produit, lequel mentionne des règlements reçus à hauteur de 371,85 €, soit très exactement le montant de la créance figurant dans le décompte au titre des échéances d’assurance échues. M. [O] feint donc de ne pas comprendre qu’en réalité aucune somme ne lui est réclamée à ce titre et qu’il s’agit seulement pour le créancier de faire apparaître dans le décompte l’affectation des paiements reçus.
Au total, il convient de confirmer le jugement en ce qu’il a fixé la créance du CIFD à la somme de 58.290,82 € outre les intérêts au taux contractuel de 1% sur la somme de 52. 560,36 € à compter du 30 octobre 2021.
Le CIFD agit donc bien en vertu d’un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible sur un immeuble saisissable. La procédure de saisie immobilière est régulière.
5°/ Sur les délais de paiement
L’article 1343-5 du Code civil dispose que « Le juge peut, compte tenu de la situation du débiteur et en considération des besoins du créancier, reporter ou échelonner, dans la limite de deux années, le paiement des sommes dues ».
Il est constant que, le 9 avril 2021, M. [O] avait proposé de désintéresser au moins partiellement le créancier en vendant un bien immobilier dont il serait propriétaire à [Localité 12]. Cette proposition, refusée par la banque, tendait à verser 50.000 € au jour de la cession et à régler le surplus en reprenant le règlement des échéances mensuelles.
M. [O] ne fournit aucune estimation de valeur de ce bien et ne justifie pas en quoi celui-ci ne constituerait pas un actif disponible, facilement réalisable. Il ne justifie pas de sa situation de manière complète, notamment au plan patrimonial, de sorte qu’il ne peut prétendre aux délais de paiement sollicités.
Au surplus, ce dernier se contente de demander un moratoire de 24 mois sans faire aucune proposition concrète d’apurement à l’issue, étant précisé que M. [O] a déjà bénéficié d’un moratoire de 12 mois en 2018.
C’est à bon droit que le premier juge a rejeté la demande de délais de paiement. Le jugement sera confirmé de ce chef.
6°/ Sur la vente amiable des immeubles, le cantonnement des saisies et la revalorisation de la mise à prix du bien
a. Sur la vente amiable
L’article R. 322-21 du Code des procédures civiles d’exécution dispose que : « Le juge de l’exécution qui autorise la vente amiable fixe le montant du prix en deçà duquel l’immeuble ne peut être vendu eu égard aux conditions économiques du marché ainsi que, le cas échéant, les conditions particulières de la vente.
Le juge taxe les frais de poursuite à la demande du créancier poursuivant.
Il fixe la date de l’audience à laquelle l’affaire sera rappelée dans un délai qui ne peut excéder quatre mois.
A cette audience, le juge ne peut accorder un délai supplémentaire que si le demandeur justifie d’un engagement écrit d’acquisition et qu’à fin de permettre la rédaction et la conclusion de l’acte authentique de vente. Ce délai ne peut excéder trois mois ».
M. [O] a certes fait procéder en cause d’appel à une estimation du bien saisi mais il n’est justifié d’aucun mandat de vente, ce qu’usuellement les débiteurs souhaitant de bonne foi vendre leur bien à l’amiable ne manquent pas de produire, nonobstant la saisie en cours.
Le premier juge a retenu à juste titre qu’il n’existait pas d’éléments suffisants permettant de s’assurer que la vente amiable pourra être réalisée dans des conditions suffisantes.
b. Sur les demandes de cantonnement des saisies et la suspension de la saisie immobilière en cours sur le bien situé [Adresse 8]
M. [O] sollicite le cantonnement des saisies immobilières simultanées pratiquées par le CIFD au bien immobilier concerné par la présente procédure, situé à [Localité 9]. Il sollicite donc la suspension de la saisie en cours sur un bien situé à [Localité 11].
L’article L. 321-6 du Code des procédures civiles d’exécution précise : « En cas de saisies simultanées de plusieurs de ses immeubles, le débiteur peut demander au juge le cantonnement de celles-ci ».
L’article L. 311-5 du même code dispose : « Le créancier ne peut procéder à la saisie de plusieurs immeubles de son débiteur que dans le cas où la saisie d’un seul ou de certains d’entre eux n’est pas suffisante pour le désintéresser et désintéresser les créanciers inscrits.
Le créancier ne peut saisir les immeubles qui ne sont pas hypothéqués en sa faveur que dans le cas où l’hypothèque dont il bénéficie ne lui permet pas d’être rempli de ses droits ».
Il ressort enfin de l’article R. 321-12 du Code des procédures civiles d’exécution que « Le juge de l’exécution fait droit à la demande du débiteur tendant à ce que les effets de la saisie soient provisoirement cantonnés à un ou plusieurs de ses immeubles lorsque celui-ci établit que la valeur de ces biens est suffisante pour désintéresser le créancier poursuivant et les créanciers inscrits.
Le jugement rendu indique les immeubles sur lesquels les poursuites sont provisoirement suspendues. Après la vente définitive, le créancier peut reprendre les poursuites sur les biens ainsi exceptés si le prix des biens adjugés ne suffit pas à le désintéresser.
Lorsque, dans les mêmes conditions, le juge ordonne la radiation de la saisie sur les immeubles initialement saisis qu’il désigne et l’inscription d’une hypothèque judiciaire, le créancier poursuivant, pour voir l’inscription prendre rang à la date de la publication du commandement de payer valant saisie, fait procéder à la publication du jugement en marge de la copie du commandement et à l’inscription de l’hypothèque, dans les conditions du droit commun ».
En l’espèce, la demande tendant au cantonnement de la saisie constitue bien une contestation sur laquelle il peut être statué par le juge de l’exécution dans le cadre de l’audience d’orientation.
Toutefois, dans la présente procédure, le CIFD ne poursuit pas la saisie de la même créance sur plusieurs biens simultanément. Le commandement de payer fondant la saisie immobilière dont la cour est saisie ne concerne en effet qu’un seul appartement constitutif des lots n° 6, 9, 14 et 20 de la copropriété située à [Localité 9]. Les autres commandements de payer délivrés par le CIFD concernent d’autres biens en vertu de titres exécutoires distincts.
Les conditions du cantonnement ne sont donc pas réunies. C’est à juste titre que cette demande et celle subséquente de suspension de la saisie en cours sur un immeuble situé à [Localité 11] ont été rejetées.
7°/ Sur la mise à prix
M. [O] sollicite une mise à prix à hauteur de 100.000 € en se prévalant de l’estimation de son bien au prix de 150.000 €. Il estime que la mise à prix fixée à 40.000 € dans le cahier des conditions de vente est dérisoire au regard de la valeur vénale du bien.
En application de l’article L322-6 du Code des procédures civiles d’exécution, le débiteur saisi peut contester le montant de la mise à prix en cas d’insuffisance manifeste. La charge de la preuve incombe au saisi demandeur qui doit produire des éléments permettant de considérer que la mise à prix est manifestement insuffisante, étant précisé que la mise à prix n’a pas à être en corrélation avec la valeur vénale de l’immeuble puisque la mise à prix est simplement destinée à attirer le plus grand nombre d’enchérisseurs ( Civ1ère, 1er mars 2018, n°16-28.042).
En l’occurrence, M. [O] ne produit qu’une seule attestation de valeur récente faisant état d’un prix de vente de 150.000 €.
La mise à prix à hauteur de 40.000 € figurant au cahier des conditions de vente est en l’espèce comprise entre le quart et le tiers de la valeur vénale du bien, ce qui est usuel en matière de saisie immobilière et de nature à attirer le plus grand nombre possible d’enchérisseurs.
Le premier juge a exactement retenu qu’il n’était pas démontré que cette mise à prix était manifestement insuffisante. Elle apparaît au contraire attractive. Le jugement sera donc confirmé de ce chef.
8°/ Sur les frais irrépétibles et les dépens
Le jugement sera confirmé en ce qu’il a dit que les dépens seront compris dans les frais de vente soumis à taxe et infirmé en ce qu’il a condamné le CIFD à payer à M. [O] la somme de 1.500 € sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile.
Aucune raison tirée de l’équité ou de la situation économique respective des parties ne justifie de faire application des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile. Le CIFD et M. [O] seront déboutés respectivement de leurs demandes sur ce fondement.
Les dépens d’appel seront compris dans les frais de vente soumis à taxe.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Ordonne la jonction sous le RG n°22/07532 des procédures enregistrées sous les n°s 22/07532 et 23/00101 ;
Confirme le jugement d’orientation rendu par le juge de l’exécution de Saint-Nazaire le 15 décembre 2022, SAUF en ce qu’il a condamné la SA Crédit Immobilier de France Développement à payer à M. [O] la somme de 1.500 € sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile ;
Statuant à nouveau du chef du jugement infirmé et y ajoutant :
Déboute M. [O] de sa demande sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile ;
Déboute la SA Crédit Immobilier de France Développement de sa demande sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile ;
Dit que les dépens d’appel seront compris dans les frais de vente soumis à taxe.
LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE