Saisine du juge de l’exécution : 16 mai 2023 Cour d’appel de Poitiers RG n° 22/02347

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Saisine du juge de l’exécution : 16 mai 2023 Cour d’appel de Poitiers RG n° 22/02347

ARRET N°225

N° RG 22/02347 – N° Portalis DBV5-V-B7G-GUH2

S.A.S. MCS ET ASSOCIES

C/

[G] EPOUSE [J]

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE POITIERS

2ème Chambre Civile

ARRÊT DU 16 MAI 2023

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 22/02347 – N° Portalis DBV5-V-B7G-GUH2

Décision déférée à la Cour : jugement du 05 septembre 2022 rendu(e) par le Juge de l’exécution de [Localité 17].

APPELANTE :

S.A.S. MCS ET ASSOCIES prise en la personne de ses S.A.S. MCS ET ASSOCIES

[Adresse 3]

[Localité 8]

Ayant pour avocat postulant Me Jérôme CLERC de la SELARL LEXAVOUE POITIERS-ORLEANS, avocat au barreau de POITIERS

Ayant pour avocat plaidant Me Johanna GUILHEM, avocat au barreau de PARIS.

INTIMEE :

Madame [O] [G] épouse [J]

née le [Date naissance 1] 1960 à [Localité 9]

[Adresse 4]

[Localité 9]

Ayant pour avocat plaidant Me Guillaume GERMAIN de la SCP AUXILIA AVOCATS, avocat au barreau de DEUX-SEVRES.

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des articles 907 et 786 du Code de Procédure Civile, l’affaire a été débattue le 07 Mars 2023, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant :

Monsieur Cédric LECLER, Conseiller

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Monsieur Claude PASCOT, Président

Monsieur Fabrice VETU, Conseiller

Monsieur Cédric LECLER, Conseiller

GREFFIER, lors des débats : Madame Véronique DEDIEU,

ARRÊT :

– CONTRADICTOIRE

– Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile,

– Signé par Monsieur Claude PASCOT, Président, et par Madame Véronique DEDIEU, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

*****

Par acte notarié du 26 juillet 2007, la caisse régionale de Crédit Agricole Charente-Maritime Deux-Sèvres (la banque) a consenti à la société à responsabilité limitée [Localité 16] un prêt court terme aux professionnels d’un montant de 150 000 euros d’une durée de 12 mois, garanti notamment par un cautionnement solidaire de Madame [O] [J] et par une hypothèque inscrite sur un immeuble situé à [Adresse 10], cadastré section [Cadastre 15], lui appartenant avec son époux, également caution solidaire.

Le 16 juillet 2010, le tribunal de commerce de Niort a clôturé la liquidation judiciaire de la société [Localité 16] pour insuffisance d’actifs.

Le 12 décembre 2019, la banque Crédit Agricole a cédé sa créance à la société par actions simplifiée Mcs & Associés.

Le 27 juillet 2021, la cessionnaire a fait dénoncer à Madame [J] une inscription d’hypothèque judiciaire provisoire, réalisée le 22 juillet 2021, sur des parcelles situées à [Localité 9] (79 230), cadastrées section [Cadastre 14] et [Cadastre 7], [Cadastre 19] et [Cadastre 24], [Cadastre 5] et [Cadastre 6].

Le 16 août 2021, Madame [J] a attrait la société Mcs & Associés devant le juge de l’exécution du tribunal judiciaire de Niort.

Dans le dernier état de ses demandes, Madame [J] a demandé de:

– dire que l’acte de dénonciation d’inscription d’hypothèque judiciaire provisoire était nul;

– ordonner la mainlevée aux frais de la société Mcs & Associés de l’inscription d’hypothèque judiciaire provisoire litigieuse;

– condamner la société Mcs & Associés à lui payer la somme de 3000 euros au titre des frais irrépétibles.

En dernier lieu, la société Mcs & Associés a demandé de :

– débouter Madame [J] de l’ensemble de ses demandes;

– valider l’hypothèque judiciaire à hauteur de 236 442,23 euros et à défaut de 236 133,04 euros;

– condamner Madame [J] à lui payer la somme de 3000 euros au titre des frais irrépétibles.

Par jugement contradictoire en date du 05 septembre 2022, le juge de l’exécution du tribunal judiciaire de Niort a :

– rejeté la demande de nullité de l’acte de dénonciation d’hypothèque judiciaire provisoire formulée par Madame [J];

– ordonné la mainlevée de l’inscription d’hypothèque judiciaire provisoire réalisée par acte du 22 juillet 2021 par la société Mcs & Associés, dénoncée à Madame [J] par acte du 27 juillet 2021, portant sur les parcelles situées à [Localité 9] (79 230), cadastrées section [Cadastre 14] et [Cadastre 7], [Cadastre 20] et [Cadastre 24], [Cadastre 5] et [Cadastre 6];

– condamné la société Mcs & Associés à payer à Madame [J] une somme de 1200 euros au titre des frais irrépétibles.

Le 21 septembre 2022, la société Mcs & Associés a relevé appel de ce jugement, en intimant Madame [J].

Le 2 février 2023, la société Mcs & Associés a demandé:

– d’infirmer le jugement en ce qu’il a ordonné la mainlevée de l’inscription d’hypothèque judiciaire provisoire réalisée par acte du 22 juillet 2021 à l’encontre de Madame [J] sur les parcelles situées à [Localité 9] (79), cadastrées sections [Cadastre 11], [Cadastre 12], [Cadastre 18], [Cadastre 21], [Cadastre 22] et [Cadastre 23];

– d’infirmer le jugement en ce qu’il l’a condamnée au paiement de la somme de 1.200 euros au titre des frais irrépétibles;

Statuant à nouveau :

– juger que la cession de créance intervenue le 12 décembre 2019 entre elle-même et la banque Crédit agricole était opposable à Madame [J] en sa qualité de caution solidaire de la société [Localité 16] ;

– juger qu’elle détenait une créance fondée en son principe ;

– valider l’hypothèque judiciaire provisoire qu’elle avait inscrite par acte du 22 juillet 2021 à l’encontre de Madame [J] sur les parcelles situées à [Localité 9] (79), cadastrées sections [Cadastre 11], [Cadastre 12], [Cadastre 18], [Cadastre 21], [Cadastre 22] et [Cadastre 23];

– cantonner le montant de l’inscription à la somme de 164 329,67 euros outre intérêts au taux légal sur la somme en principal de 161 288,13 euros à compter du 4 juin 2021;

– débouter Madame [J] de toutes ses demandes ;

– condamner Madame [J] à lui payer la somme de 4000 euros au titre des frais irrépétibles

des deux instances ;

Le 17 janvier 2023, Madame [J] a demandé de :

– débouter la société Mcs & Associés de l’intégralité de ses demandes ;

– dire et juger que la société Mcs & Associés ne disposait pas d’une créance paraissant fondée en son principe à son encontre ;

Rectifiant l’omission de statuer du jugement déféré :

– ordonner aux frais de la société Mcs & Associés la mainlevée de l’inscription d’hypothèque judiciaire provisoire réalisée par elle par acte du 22 juillet 2021, lui ayant été dénoncée par acte du 27 juillet 2021, portant sur les parcelles situées à [Localité 9] (79 230), cadastré section [Cadastre 13] et [Cadastre 7], [Cadastre 18] et [Cadastre 21], [Cadastre 22] et [Cadastre 23] ;

– confirmer le jugement rendu par le juge de l’exécution de [Localité 17] le 5 septembre 2022 ainsi rectifié en toutes ses dispositions ;

Y ajoutant :

– condamner la société Mcs & Associés à lui payer la somme de 4800 euros au titre des frais irrépétibles.

Pour plus ample exposé, il sera expressément renvoyé aux écritures des parties déposées aux dates susdites.

Le 7 février 2023, a été ordonnée la clôture de l’instruction de l’affaire.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

Sur l’extinction de l’obligation de règlement de la caution:

Selon les articles L. 511-1 et R. 512-1 du code des procédures civiles d’exécution, la personne qui justifie d’une créance fondée en son principe et de circonstances susceptibles d’en menacer le recouvrement peut obtenir du juge de l’exécution l’autorisation de pratiquer une mesure conservatoire sur les biens de son débiteur.

Selon l’article L. 512-1 du même code,

Le juge peut, à tout moment, au vu des éléments qui sont fournis par le débiteur, le créancier entendu ou appelé, donner mainlevée de la mesure conservatoire s’il apparaît que les conditions prescrites par l’article L. 511-1 ne sont pas réunies.

La garantie de la caution porte sur les dettes nées entre le débiteur principal et le créancier durant la période de couverture.

Mais la caution n’est plus tenue au paiement des dettes nées après la survenance du terme.

Le terme ne vise qu’à déterminer les dettes garanties, sans affecter la période durant laquelle le créancier peut réclamer paiement à la caution.

Il en ressort que le fait que le créancier n’introduise son action que postérieurement à la date limite de l’engagement de la caution est sans incidence sur l’obligation de la caution dès lors que la dette du débiteur est antérieure à cette date limite.

La stipulation d’un terme dans un acte de cautionnement peut tendre à limiter soit l’obligation de couverture, de telle sorte que la garantie ne couvre que les dettes nées antérieurement à l’expiration du terme fixé, soit l’obligation de règlement, de telle sorte que soit fixé un terme suspensif avant lequel la caution ne peut pas être appelée, ou plus fréquemment, un terme extinctif au-delà duquel les poursuites ne pourront plus intervenir.

Les parties ont ainsi la faculté de limiter conventionnellement le délai d’engagement des poursuites par le créancier contre la caution, ce délai constituant un délai de forclusion.

La seule mention d’un terme dans l’acte de cautionnnement ne suffit pas à établir que les parties ont entendu limiter dans le temps l’obligation de règlement, et non seulement l’obligation de couverture.

En présence d’une clause fixant un terme à l’engagement de caution, la détermination de la volonté des parties quant à la stipulation d’un terme à l’obligation de couverture ou à l’obligation de règlement relève du pouvoir souverain des juges du fond.

Sauf clause contraire restreignant dans le temps le droit de poursuite du créancier, l’engagement de la caution pour une durée limitée demeure pour les obligations nées avant le terme fixé, peut important la date de leur exigibilité et celle des poursuites (Cass. com, 28 février 2018, n°16-25.069).

Par acte notarié du 26 juillet 2007, la banque a consenti à la société [Localité 16] un prêt court terme aux professionnels d’un montant de 150 000 euros d’une durée de 12 mois, la première mise à disposition des fonds devant intervenir le 2 juillet 2007 au plus tard, la mise à disposition totale des fonds devant être effectuée le 29 décembre 2007 au plus tard (page 3).

L’acte de prêt notarié vient énoncer que l’emprunteur vient fournir à l’établissement de crédit le cautionnement solidaire de Madame [J], dans la limite de la somme de 195 000 euros (130 % du capital cautionné couvrant le paiement du principal, des intérêts et le cas échéant, des intérêts de retard) (page 4).

Dans ses stipulations afférentes au cautionnement, cet acte rapporte l’engagement de Madame [J] de se rendre caution solidaire de l’emprunteur, pour le paiement de toutes les sommes qui seraient dues au prêteur par l’emprunteur en vertu de l’acte de prêt, et de s’obliger, sans bénéfice de discussion et de division, tant au remboursement du montant du prêt qu’au paiement de tous intérêts, frais et accessoires qui y seraient afférents, le tout aux époques et de la manière qui y avaient été stipulées.

Il vient y préciser que la caution entend, sans réserve aucune, que son présent engagement demeure valable jusqu’au remboursement total et définitif du prêt consenti par le prêteur à l’emprunteur et au parfait règlement de tous intérêts et accessoires qui y seraient afférents.

Mais l’engagement manuscrit de caution de Madame [J], annexé à l’acte de prêt et ainsi rédigé: ‘En me portant caution de la SARL [Localité 16], dans la limite de la somme de 195 000 E couvrant le paiement du principal, des intérêts, et le cas échéant, des pénalités et intérêts de retard et pour la durée de 36 mois, je m’engage à rembourser au prêteur …(etc).

La société Mcs & Associés fait grief au jugement d’avoir interprété les clauses susdites en ce que la mention manuscrite de la caution aurait limité à 36 mois l’obligation de règlement de celle-ci, alors que la stipulation d’une telle durée ne pouvait porter au mieux que sur son obligation de couverture, tandis qu’aucune stipulation contractuelle n’avait restreint dans le temps son propre droit de poursuite.

La seule circonstance que la caution ait entendu se porter garante du prêt consenti à hauteur de 195 000 euros n’est, en elle-même, pas de nature à fournir une indication quelconque quant à la durée de l’engagement de la caution, ni de l’objet sur lequel porte la durée de 36 mois: obligation de couverture ou obligation de règlement.

Selon les mentions dactylographiées de l’acte, la caution avait stipulé que son présent engagement demeurerait valable jusqu’au remboursement total et définitif du prêt consenti par le prêteur à l’emprunteur et au parfait règlement de tous intérêts et accessoires qui y seraient afférents.

Selon les mentions manuscrites, la caution avait stipulé s’être portée caution et solidaire pour une durée de 36 mois.

La lecture combinée de ces deux stipulations, loin d’être contradictoires l’une de l’autre, peut valablement s’interpréter en ce que la clause manuscrite avait entendu limiter dans le temps l’obligation de couverture de la caution, tandis que la clause dactylographiée vient expressément porter renonciation de la caution à toute limitation dans le temps de son obligation de règlement.

Il est constant entre parties que le prêt, consenti le 26 juillet 2007 à la débitrice principale, pour une durée de 12 mois, est arrivé à échéance le 26 juillet 2008 sans avoir été remboursé, de telle sorte que les sommes dues sont intégralement exigibles depuis de cette date.

Dès lors, la créance est née pendant la période que la caution s’était engagée à couvrir, soit entre le 26 juillet 2007 et le 26 juillet 2010.

Ainsi, l’obligation de règlement de la caution n’était pas éteinte.

Sur l’absence de mise en demeure de la caution préalablement à tout recours:

Les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites.

Les conditions générales de l’acte de prêt, signé par la caution, avaient prévu que la caution reconnaissait que le prêteur pourrait, sans avoir à respecter d’autre formalité que l’envoi d’une lettre recommandée, exercer son recours contre elle dès que sa créance sur l’emprunteur deviendrait exigible pour une raison quelconque, notamment en cas de déchéance du terme.

Madame [J] fait grief à la banque de l’irrespect de cette formalité, pour ne jamais lui avoir adressé une lettre recommandée de mise en demeure, à laquelle ne saurait lui être substitué le commandement aux fins de saisie de payer qui lui a été délivré le 18 octobre 2017, qui constitue non pas un acte préparatoire, mais le premier acte d’une procédure d’intervention forcée.

Mais l’imposition, par la stipulation contractuelle susdite, du formalisme tenant à l’envoi à la caution d’une lettre recommandée avec accusé de réception avait pour objet et pour effet de ménager aux parties la preuve d’une interpellation suffisante de la caution.

Et la délivrance à cet égard d’un acte extrajudiciaire, certes excédant le formalisme contractuel, mais répondant exactement à son objectif, sera réputé valoir mise en demeure au sens du contrat.

Dès lors, Madame [J] ne pas peut venir faire grief à la banque d’un défaut de mise en demeure susceptible d’affecter l’exigibilité de sa créance.

Sur la notification à la caution de la cession et de créance et sur l’opposabilité à celle-ci de la cession:

Selon l’article 1324 alinéa 1 du code civil, dans sa version applicable au 1er octobre 2016, la cession n’est opposable au débiteur, s’il y a déjà consenti, que si elle lui a été notifiée, ou s’il en a pris acte.

La notification de la cession de créance peut résulter de la signification du commandement aux fins de saisie, s’il contient tous les éléments d’information du débiteur cédé tels qu’envisagés par la loi.

Pour que la cession soit opposable au débiteur, il n’est pas exigé que l’acte de notification comporte la copie intégrale de l’acte de cession, ni même qu’il le reproduise par extraits; il suffit qu’il contienne les mentions nécessaires à l’information du débiteur cédé.

L’existence des mentions nécessaires à l’information du débiteur cédé relève de l’appréciation souveraine des juges du fond.

Le débiteur doit être mis en mesure de vérifier que sa dette a bien été cédée.

L’indication précise du prix de la créance cédée n’est pas prescrite à peine de nullité d’un acte de cession de créance (Cass. com., 4 novembre 2014, n°13-21.201, diffusé).

L’information du débiteur cédé doit contenir les mentions nécessaires à la cession et à l’identification des créances cédées (Cass. com., 1er décembre 1987, n°85-10.510, Bull. 1987, IV, n°251).

Madame [J] soutient que le courrier d’information en date du 21 avril 2021, qui ne comporte aucune pièce jointe, ne contient aucun élément d’identification de la créance prétendument cédée, de telle sorte qu’il ne peut valoir signification à son encontre de la cession de créance.

Elle entend en voir déduire que cette cession de créance prétendue ne lui serait pas opposable.

Mais le texte susdit n’impose aucune signification de la cession au débiteur cédé, mais sa seule notification.

Et avec la banque, il y a lieu d’observer que le courrier dont se prévaut la caution, et que celle-ci a produit, fait mention d’une lettre recommandée avec accusé de réception: elle vaut ainsi notification.

Ce courrier, indique que le Crédit Agricole a cédé à la société par actions simplifiée Mcs & Associés un portefeuille de créances, par acte sous seing privé en date du 12 décembre 2019; il précise à son destinataire que celui-ci fait partie des clients cédés, et porte comme référence [Localité 16] Sarl et le numéro [Localité 2].

Or, ce numéro est précisément celui utilisé par la banque dans ses correspondances avec la mandataire judiciaire de la société débitrice principale, ainsi qu’il en résulte de la déclaration de créance de la banque du 2 avril 2013 et du certificat d’irrecouvrabilité du 8 septembre 2014.

Ainsi, ce courrier d’information comporte tous les éléments nécessaires à l’information du débiteur cédé.

Il y aura donc lieu de considérer que ce courrier d’information vaut notification à la caution de la cession de créance, qui lui est dès lors valablement opposable.

Sur l’endossement du titre exécutoire au jour du dépôt de l’inscription hypothécaire:

Selon l’article L. 111-3 4°du code des procédures civiles d’exécution seuls constituent des titres exécutoires :

….

4) les actes notariés revêtus de la formule exécutoire.

Constitue un titre exécutoire un acte notarié de prêt, revêtu de la formule exécutoire (Cass. 2e civ., 6 mai 2010, n°09-67.058).

L’article 6 de la loi n°76-519 du 15 juin 1976 prévoit que l’endossement de la copie exécutoire d’une copie à ordre est obligatoirement constatée par acte notarié, et doit être portée sur la copie exécutoire elle-même.

Il dispose que le notaire signataire notifie l’endossement par lettre recommandée avec accusé de réception, au notaire qui a reçu l’acte ayant constaté la créance, au débiteur, le cas échéant au domicile élu dans l’acte constitutif de créance, et que ces notifications sont mentionnées par le notaire sur la copie exécutoire.

L’article 7 de la même loi prévoit que le paiement total ou partiel du capital ne peut être exigé que sur présentation de la copie exécutoire à ordre.

Madame [J] observe que l’acte notarié du 26 juillet 2007 avait prévu (page 7) la délivrance au prêteur d’une copie exécutoire à ordre transmissible par voie d’endossement dans les conditions prévues par la loi susdite.

Elle rappelle que par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 31 mars 2022, le notaire requis par le cédant et le cessionnaire l’a informée que par acte du même jour, la banque avait endossé à titre de transfert de créance à l’ordre de la société Mcs & Associés la copie exécutoire à ordre unique en vertu de l’acte notarié initial.

Elle entend ainsi en voir déduire qu’au 26 juillet 2021, jour d’inscription par la banque que son hypothèque judiciaire provisoire, l’endossement n’avait pas été constaté, ni porté sur la copie exécutoire, ni notifié dans les formes légales.

Elle en conclut donc qu’en l’absence de titre exécutoire à ordre endossé à son profit au 26 juillet 2021, la société Mcs & Associés ne pouvait pas valablement inscrire sur ses immeubles une hypothèque judiciaire provisoire.

Mais alors que le cessionnaire n’avait pas sollicité le paiement du capital au jour de l’inscription de l’hypothèque judiciaire provisoire le 26 juillet 2021, le fait qu’il n’ait pas encore obtenu un endossement à son nom ni ne l’ait signifié au débiteur cédé se trouve sans emport, alors que le cessionnaire s’était contenté de procéder à une inscription d’hypothèque judiciaire provisoire, et alors que cette circonstance n’est pas de nature à faire perdre à l’acte notarié initial du 26 juillet 2007 son caractère de titre exécutoire.

Au surplus, eu égard notamment à l’opposabilité à la débitrice cédée de l’acte de cession de créance, cette seule circonstance n’est pas de nature à faire perdre au droit dont se prévaut la cessionnaire son apparence de bien fondé en son principe.

Sur l’absence de créance certaine quant à son montant :

Les articles L. 511-1 et R. 512-1 du code des procédures civiles d’exécution n’exigent pas que pour procéder à une mesure conservatoire, la créance soit certaine, ni ne soit chiffrée de manière précise, de sorte qu’il importe peu que son montant soit contesté. Ce texte n’exige pas plus que la créance soit exigible.

Il requiert seulement qu’avant d’autoriser une mesure conservatoire, le juge recherche l’existence non pas d’un principe certain de créance, mais seulement d’une créance paraissant fondée en son principe.

Madame [J] fait grief au cessionnaire de l’absence de certitude de sa créance, en observant que l’acte de dénonciation de l’inscription provisoire d’hypothèque judiciaire qui lui a été délivré fait état de son évaluation provisoire à hauteur de 236 133,04 euros, qu’elle entend comparer

au plafond de son engagement de caution de 195 000 euros.

Elle ajoute que devant le premier juge, la banque s’était prévalue d’un décompte arrêté à 225 130,51 euros au 4 juin 2021, pour désormais revendiquer, à hauteur d’appel, mais à la même date, une créance de 164 329,67 euros.

Madame [J] se contente ainsi de contester le montant de la créance de la banque, et non le principe de celle-ci.

Mais Madame [J] ne vient pas utilement combattre l’apparence de défaut de paiement intégral par la société [Localité 16], des échéances du prêt qui lui avait été consenti par la banque selon acte notarié du 26 juillet 2007.

*****

Madame [J] fait grief à la banque ne pas avoir justifié de la vente des titres nantis détenus par Monsieur [J], dont le produit, à hauteur de 11 039,72 euros, ont été imputés sur les intérêts échus impayés de la créance principale.

Mais ce moyen, qui ne fait pas grief à la banque d’un défaut d’imputation sur sa créance revendiquée du produit de la vente des biens grevés de sûretés, est inopérant.

*****

Madame [J] fait grief au cessionnaire de ne pas avoir justifié de l’affectation des sommes perçues par le prêteur dans le cadre de la procédure collective visant la débitrice principale.

Elle produit les relevés de comptes de la société [Localité 16] de janvier 2012 à mai 2012, faisant état de règlements au profit de la banque dans le cadre du plan de redressement, et observe que dans son rapport du 14 novembre 2012, le mandataire judiciaire a fait état du respect de ses engagements par la débitrice.

Ainsi, Madame [J] fait état de versements opérés par la débitrice principale avant sa liquidation judiciaire prononcée le 27 mars 2013.

A l’inverse la créance de la banque, déclarée le 2 avril 2013 à hauteur de 193 392,28 euros (dont 150 000 euros en capital, 3272,33 euros d’intérêts contractuels, 22 538,84 euros d’intérêts de retard et 17 581,11 euros d’indemnité contractuelle), n’a jamais été contestée, tandis que dès le 8 septembre 2014, le mandataire liquidateur avait délivré à la banque un certificat d’irrecouvrabilité de sa créance.

Et la liquidation judiciaire de la société a été prononcée le 7 mars 2018 pour insuffisance d’actif.

Il n’est ainsi justifié d’aucun paiement à la banque à compter de la liquidation judiciaire, si ce n’est d’un versement partiel de 283,25 euros mentionné dans le décompte de l’huissier le 25 janvier 2019.

*****

L’article L. 313-22 du code monétaire et financier, dispose que:

-‘les établissements de crédit ou les sociétés de financement ayant accordé un concours financier à une entreprise, sous la condition de cautionnement par une personne physique ou une personne morale, sont tenus au plus tard avant le 31 mars de chaque année de faire connaître à la caution le montant du principal et des intérêts, commissions, frais et accessoires restant à courir au 31 décembre de l’année précédente au titre de l’obligation bénéficiant de la caution, ainsi que le terme de cet engagement. Si l’engagement est à durée indéterminée, ils rappellent la faculté de révocation à tout moment et les conditions dans lesquelles celle-ci est exercée;

– Le défaut d’accomplissement de la formalité prévue à l’alinéa précédent emporte, dans les rapports entre la caution et l’établissement tenu à cette formalité, déchéance des intérêts échus entre la précédente information jusqu’à la date de communication de la nouvelle information.

– les paiements effectués par le débiteur principal sont réputés, dans les rapports entre la caution et l’établissement, affectés prioritairement au règlement du principal de la dette.’

Cette obligation incombe au prêteur jusqu’à l’extinction de la dette.

La charge de la preuve de l’exécution de cette obligation incombe au créancier professionnel.

La production de la copie d’une lettre ne suffit pas à justifier de son envoi.

Mais il n’incombe pas au prêteur de démontrer que la caution a reçu cette lettre d’information.

Cependant, nonobstant la sanction édictée par le second de ces textes, la caution reste néanmoins tenue aux intérêts au taux légal à compter de sa mise en demeure (Cass. 1ère civ. 9 avril 2015, n°14-10.975, diffusé).

Madame [J] fait grief à la banque, puis au cessionnaire, de l’irrespect de son obligation annuelle d’information.

Avec la caution, il y aura lieu de relever que la banque ne produit aucun élément justifiant de l’envoi à celle-ci du courrier d’information annuel comportant les mentions exigées par les textes.

La déchéance des intérêts contractuels est ainsi encourue.

Et si la société Mcs & Associés soutient ne réclamer que les intérêts au taux légal à compter du 4 juin 2016, il y a lieu de relever que le décompte sur lequel elle se fonde mentionne systématiquement des intérêts au taux contractuel de 8,1%, tant avant qu’après cette date.

Ainsi, les versements réalisés par la débitrice principale dans le cadre du plan de redressement, seraient susceptibles de s’imputer en totalité sur le capital restant dû, dans les rapports entre le créancier et la caution.

Et de même, la déchéance des intérêts conventionnels et l’imputation des paiements seraient susceptibles d’avoir une incidence sur le calcul de l’indemnité de recouvrement due (si le prêteur a recours à un mandataire de justice, exerce des poursuites, ou produit à un ordre), alors que cette indemnité forfaitaire est évaluée à 10 % du montant des sommes exigibles avec un montant minimum de 2000 euros.

Mais les effets de ce texte, et des paiements partiels de la débitrice, n’auront que pour objet et pour effet de réduire dans de très faibles proportions la créance de la banque, alors qu’il est avéré que la débitrice principale alors in bonis n’avait réglé aucune échéance du prêt, et qu’en tout état de cause, la cessionnaire pourra réclamer les intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure.

La créance de la société Mcs & Associés apparaît ainsi bien fondée en son principe.

Enfin, il ressort de la chronologie procédurale exposée par les parties que la société Mcs & Associés n’a été que faiblement désintéressée au cours de la procédure collective de la débitrice principale et que la saisie attribution pratiquée le 11 avril 2018 n’a permis de recueillir qu’une somme de 11 039,72 euros.

Il est ainsi justifié de circonstance menaçant le recouvrement de cette créance.

Il y aura lieu de valider l’inscription d’hypothèque judiciaire litigieuse, et le jugement sera infirmé de ce chef.

Mais toutefois, eu égard à l’incertitude tenant au montant définitif de sa créance, il y aura lieu de rejeter la demande de la société Mcs & Associés tendant à cantonner le montant de l’inscription à la somme de 164 329,67 euros, outre intérêts au taux légal sur la somme en principal de 161 288,13 euros à compter du 4 juin 2021.

* * * * *

L’ordonnance sera infirmée en ce qu’elle a condamné la cessionnaire aux dépens de première et à payer à Madame [J] la somme de 1200 euros au titre des frais irrépétibles de première instance.

Madame [J] sera déboutée de sa demande au titre des frais irrépétibles de première instance et d’appel, et sera condamné à payer à la société Mcs & Associés la somme de 4000 euros.

Madame [J] sera condamnée aux dépens des deux instances.

PAR CES MOTIFS:

La cour,

statuant publiquement par mise à disposition au greffe, contradictoirement et après en avoir délibéré conformément à la loi,

Infirme l’ordonnance en toutes ses dispositions déférées à la cour ;

Statuant à nouveau:

Valide l’hypothèque judiciaire provisoire inscrite par la société par actions simplifiée Mcs & Associés par acte du 22 juillet 2021 à l’encontre de Madame [O] [G] épouse [J] sur les parcelles situées à [Localité 9] (79), cadastrées sections [Cadastre 11], [Cadastre 12], [Cadastre 18], [Cadastre 21], [Cadastre 22] et [Cadastre 23] ;

Déboute la société par actions simplifiée Mcs & Associés de sa demande tendant à cantonner le montant de l’inscription à la somme de 164 329,67 euros outre intérêts au taux légal sur la somme en principal de 161.288,13 euros à compter du 4 juin 2021;

Déboute Madame [O] [G] épouse [J] de sa demande au titre des frais irrépétibles de première instance et d’appel ;

Condamne Madame [O] [G] épouse [J] aux dépens de première instance et d’appel et à payer à la société par actions simplifiée Mcs & Associés la somme de 4000 euros au titre des frais irrépétibles de première instance et d’appel.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,

 


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