Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 5 – Chambre 8
ARRÊT DU 16 MAI 2023
(n° / 2023, 5 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 22/07123 – N° Portalis 35L7-V-B7G-CFTSF
Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 05 Avril 2022 -Cour d’Appel de PARIS – RG n° 20/15233
DEMANDEUR AU DÉFÉRÉ
Madame [U] [R]
Née le [Date naissance 4] 1966 à [Localité 8] (14)
De nationalité française
Demeurant [Adresse 1]
[Localité 6]
Représentée et assistée de Me Yann LE PENVEN de la SCP LE PENVEN- GUILLAIN Associés, avocat au barreau de PARIS, toque : P0097,
DÉFENDERESSES AU DÉFÉRÉ
S.C.I. MORGAN INVEST, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège,
Immatriculée au registre du commerce et des sociétés de PARIS sous le numéro 498 229 228
Dont le siège social est situé [Adresse 3]
[Localité 5]
Représentée et assistée de Me Olivier AUMAITRE de la SELASU OLIVIER AUMAITRE AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : D2156,
S.C.P. BECHERET THIERRY SENECHAL GORRIAS, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège,
Immatriculée au registre du commerce et des sociétés de NANTERRE sous le numéro 434 122 511,
Dont le siège social est situé [Adresse 2]
[Localité 7]
Non constituée
COMPOSITION DE LA COUR :
L’affaire a été débattue le 21 Mars 2023, en audience publique, devant la Cour, composée de :
Madame Marie-Christine HÉBERT-PAGEOT, présidente de chambre,
Madame Florence DUBOIS-STEVANT, conseillère,
Madame Constance LACHEZE, conseillère.
Un rapport a été présenté à l’audience par Madame Florence DUBOIS-STEVANT dans le respect des conditions prévues à l’article 804 du code de procédure ivile.
Greffier, lors des débats : Madame Liselotte FENOUIL
ARRÊT :
– Contradictoire
– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
– signé par Marie-Christine HÉBERT-PAGEOT, Présidente de chambre et par Liselotte FENOUIL, greffière, présente lors de la mise à disposition.
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FAITS ET PROCÉDURE:
Par jugement du 7 juin 2018, le tribunal judiciaire de Paris a ouvert une procédure de redressement judiciaire au bénéfice de la SCI Morgan invest ( » la SCI « ) et désigné la SCP BTSG en qualité de mandataire judiciaire.
Par courrier du 27 septembre 2018, Mme [R] a déclaré au passif de la SCI une créance à hauteur de 64.725,87 euros correspondant aux sommes dues selon elle au titre de son compte courant d’associée. Par courrier du 30 avril 2019, la SCP BTSG ès qualités a informé Mme [R] de la contestation de sa créance en totalité. Par courrier du 31 mai 2019, Mme [R] a maintenu sa demande d’admission.
Par ordonnance du 6 octobre 2020, le juge-commissaire a admis la créance déclarée à hauteur de 61.725,87 euros à titre chirographaire et l’a rejetée pour le surplus.
Par déclaration du 26 octobre 2020, Mme [R] a fait appel de cette ordonnance en ce qu’elle a rejeté sa créance à hauteur de 3.000 euros.
Par conclusions remises au greffe et notifiées par RPVA le 29 janvier 2022, la SCI a saisi le conseiller de la mise en état de l’irrecevabilité de l’appel tiré de ce qu’il porte sur deux créances d’un montant, chacune, de 1.500 euros inférieur au taux du premier ressort fixé à 5.000 euros.
Par ordonnance du 5 avril 2022, le conseiller de la mise en état a déclaré irrecevable l’appel de Mme [R], rejeté les demandes de dommages et intérêts pour procédure abusive, condamné Mme [R] au paiement de la somme de 2.500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens avec droit de recouvrement direct.
Pour statuer ainsi, le conseiller de la mise en état a retenu que l’admission de créance sollicitée par Mme [R] recouvrait quatre demandes en paiement de 58.548 euros, 3.177,87 euros, 1.500 euros et 1.500 euros fondées sur des faits différents et non connexes et a considéré que, le taux du ressort devant être déterminé au regard de la valeur de chacune de ces demandes considérées isolément, le juge-commissaire s’était prononcé en dernier ressort sur l’admission des deux créances de 1.500 euros, objet de l’appel.
Par requête du 15 avril 2022, Mme [R] a déféré cette ordonnance devant la cour.
Par dernières conclusions remises au greffe et notifiées par RPVA le 21 février 2023, elle demande à la cour de déclarer recevable le déféré, d’infirmer l’ordonnance entreprise en ce qu’elle a déclaré irrecevable son appel et l’a condamnée au paiement de la somme de 2.500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile, de déclarer recevable son appel, de débouter la SCI de sa demande de condamnation au paiement de la somme de 5.000 euros pour procédure abusive et de réserver les dépens.
Elle soutient que le juge-commissaire a statué en premier ressort sur l’admission de la créance déclarée à hauteur de 64.725,87 euros et contestée en totalité.
Elle fait valoir qu’elle a déclaré une seule créance de compte courant d’associée, que la créance a été discutée en totalité, que l’ordonnance porte la mention que le juge-commissaire a statué en premier ressort, que la créance contestée par le mandataire judiciaire permet de déterminer la valeur de la créance en principal sur laquelle le juge-commissaire a statué, que le détail des postes de sa créance n’implique pas l’existence de créances distinctes, que dans l’accord entre associés, annexé au plan de redressement, la SCI a elle-même reconnu que sa créance en compte courant était de 64.725,87 euros, qu’elle-même a entendu laisser à la disposition de la SCI la somme de 3.000 euros qui lui est due de sorte qu’elle est comprise dans la créance en compte courant d’associée.
Elle réplique à la SCI qu’il n’y a pas lieu au rejet de sa créance pour le montant de 3.000 euros et que ni son appel ni le déféré ne procèdent d’un abus du droit d’agir en justice.
Par dernières conclusions remises au greffe et notifiées par RPVA le 16 janvier 2023, la SCI demande à la cour de confirmer l’ordonnance en toutes ses dispositions, de dire et juger irrecevable le déféré formé par Mme [R], subsidiairement de le dire et juger mal fondé, et de condamner Mme [R] à lui payer une somme de 5.000 euros pour procédure abusive et celle de 5.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens.
Invoquant l’article 35 du code de procédure civile, elle soutient que l’ordonnance dont appel est une ordonnance de rejet de deux créances de 1.500 euros chacune et que la voie de l’appel est fermée, que le quantum de chaque créance rejetée ou le montant total de ces mêmes créances soient pris en compte. Elle fait valoir que ces deux créances, correspondant à deux condamnations au titre de l’article 700 du code de procédure civile prononcées en 2017 et 2018 par le juge des référés et le juge de l’exécution, sont sans rapport avec la créance admise correspondant à une créance en compte courant d’associée, que le défaut de connexité entre ces créances impose de considérer le montant de chaque créance objet de l’appel séparément des créances admises par le juge-commissaire à son passif.
Subsidiairement, elle considère l’appel mal fondé, le juge-commissaire ayant à bon droit rejeté les deux créances de 1.500 euros chacune compte tenu des termes mêmes de la déclaration de créance.
Elle soutient que Mme [R] a interjeté un appel manifestement abusif.
La SCP BTSG ès qualités n’a pas constitué avocat.
SUR CE,
La SCI demande à la cour de dire et juger irrecevable le déféré formé par Mme [R] sans soutenir de moyen à l’appui de cette fin de non-recevoir. Mme [R] ayant déféré à la cour l’ordonnance du conseiller de la mise en état du 5 avril 2022 par requête du 15 avril 2022, dans le délai de quinze jours à compter de l’ordonnance imparti par l’article 916 du code de procédure civile, le déféré est recevable.
Aucune des parties ne demande l’infirmation de l’ordonnance en ce qu’elle a rejeté les demandes de dommages et intérêts pour procédure abusive.
Il résulte de la combinaison des articles L. 624-4 et R. 721-6 du code de commerce que le juge-commissaire statue en dernier ressort lorsque la valeur de la créance en principal n’excède pas la somme de 5.000 euros.
Le 27 septembre 2018, Mme [R] a déclaré deux créances :
– l’une d’un montant de 64.725,87 euros, antérieure au jugement d’ouverture,
– l’autre d’un montant de 13.755,36 euros, postérieure au jugement d’ouverture.
La première créance est détaillée comme suit :
– virements sur le compte courant de la SCI : 2015 : 1.000 euros ; 2016 : 16.548 euros ; 2017 : 28.000 euros ; 2018 : 13.000 euros, chacun de ces postes étant lui-même détaillé par virement,
– règlement des échéances des prêts Cetelem pour le compte de la SCI Morgan invest par carte bleue : 2.025,76 euros et 1.152,11 euros
– condamnations à l’article 700 du CPC de la SCI Morgan invest : 1.500 euros et 1.500 euros.
La lettre de contestation du mandataire judiciaire est rédigée comme suit : » la créance de votre cliente a été contestée à hauteur de 64.725,87 euros pour le motif suivant : » compte tenu de la délicate caractérisation de la nature de cette créance, il convient de communiquer la certification de cette dernière par l’expert-comptable. » Il sera donc proposé (‘) l’inscription de cette créance de la façon suivante : 0 euro à titre privilégié, 0 euro à titre chirographaire. »
Dans sa réponse au mandataire judiciaire, Mme [R] indique qu’elle » a réglé jusqu’au jugement d’ouverture la somme de 64.725,87 euros à la SCI ou directement à la banque » et que l’ensemble des éléments justificatifs » de ces apports en compte courant » avaient été joints à sa déclaration de créance.
Le mandataire judiciaire a en outre inscrit la créance de Mme [R] sur la liste des créances pour le seul montant de 64.725,87 euros.
Le juge-commissaire a statué sur la totalité de la créance déclarée en l’admettant à hauteur de 61.725,87 euros et en la rejetant pour un montant de 3.000 euros, alors que la SCI avait demandé l’admission pour un montant de 57.598 euros.
Il résulte de l’ensemble de ces éléments que Mme [R] a déclaré une seule créance de compte courant d’associée de la SCI pour un montant de 64.725,87 euros, détaillé en autant de postes de sommes mises à la disposition de la SCI et devant selon elle être imputées sur son compte courant d’associée, que la créance déclarée a été contestée par le mandataire judiciaire en totalité, que devant le juge-commissaire la SCI n’a admis sa créance qu’à hauteur de 57.598 euros et que le juge-commissaire a statué non pas sur une première créance de 61.725,87 euros et une seconde de 3.000 euros mais sur une seule créance.
Il doit ainsi être considéré que la demande d’admission de créance soumise à l’appréciation du juge-commissaire a porté sur une seule créance de même nature, à savoir une créance en compte courant d’associée – peu importe que cette qualification soit justifiée ou non pour apprécier la valeur de la créance sur laquelle le juge-commissaire a statué – et qu’elle a été contestée par le mandataire judiciaire en totalité. Le juge-commissaire a donc statué sur l’intégralité de la créance déclarée.
Il s’ensuit que la valeur de la créance en principal sur laquelle le juge-commissaire a statué est de 64.725,87 euros de sorte qu’il n’a pas statué en dernier ressort. L’appel de
Mme [R] est donc recevable.
La cour statuant sur recours d’une ordonnance du conseiller de la mise en état n’a pas le pouvoir de statuer sur la décision dont appel. La demande subsidiaire formée par la SCI est donc irrecevable.
L’issue du déféré commande de rejeter la demande indemnitaire formée par la SCI devant la cour et d’infirmer l’ordonnance du conseiller de la mise en état en ce qu’elle a condamné Mme [R] aux dépens et au paiement d’une indemnité procédurale au titre de l’article 700 du code de procédure civile. Statuant à nouveau, la cour condamnera la SCI aux dépens de l’incident et du déféré et au paiement d’une indemnité procédurale de 1.000 euros au profit de Mme [R].
PAR CES MOTIFS,
La Cour statuant contradictoirement,
Reçoit Mme [U] [R] en son déféré ;
Infirme l’ordonnance du conseiller de la mise en état sauf en ce qu’elle a rejeté les demandes de dommages et intérêts pour procédure abusive ;
Statuant à nouveau et y ajoutant,
Déclare recevable l’appel interjeté par Mme [U] [R] ;
Déclare irrecevable la demande de la SCI Morgan invest de voir la cour statuer sur le fond;
Condamne la SCI Morgan invest à payer à Mme [U] [R] la somme de 1.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
Condamne la SCI Morgan invest aux dépens de l’incident et du déféré.
La greffière,
Liselotte FENOUIL
La présidente,
Marie-Christine HÉBERT-PAGEOT