VCF/LL
[Y] [D] épouse [B]
C/
[I] [X]
[W] [M]
SAS FH HOLDING
expédition et copie exécutoire
délivrées aux avocats le
COUR D’APPEL DE DIJON
1ère Chambre Civile
ARRÊT DU 16 MAI 2023
N° RG 22/01378 – N° Portalis DBVF-V-B7G-GB3R
MINUTE N°
Décision déférée à la Cour : jugement du 25 octobre 2022,
rendu par le juge de l’exécution près le tribunal judiciaire de Mâcon – RG : 22/00003
APPELANTE :
Madame [Y] [D] épouse [B]
née le [Date naissance 1] 1954 à [Localité 8]
[Adresse 5]
[Adresse 5]
assistée de Me Dominique TOUSSAINT, membre de la SELARL TOUSSAINT DOMINIQUE, avocat au barreau de RENNES, plaidant, et représentée par Me Florent SOULARD, membre de la SCP SOULARD- RAIMBAULT, avocat au barreau de DIJON, postulant, vestiaire : 127
INTIMÉS :
Maître [I] [X] agissant en qualité de mandataire judiciaire à la sauvegarde de la SAS FH HOLDING
[Adresse 3]
[Localité 10]
Maître [W] [M] agissant en qualité de commissaire à l’exécution du plan de sauvegarde de la SAS FH HOLDING
[Adresse 2]
[Localité 10]
non représentées
S.A.S. FH HOLDING, prise en la personne de son représentant légal en exercice M. [R] [P]
[Adresse 4]
[Adresse 4]
assistée de Me Amélie LEFEBVRE, membre de la SELARL RINEAU & ASSOCIES, avocat au barreau de NANTES, plaidant, et représentée par Me Georges BUISSON, membre de la SELARL CABINET COTESSAT-BUISSON, avocat au barreau de MACON, postulant
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 14 mars 2023 en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant Viviane CAULLIREAU-FOREL, Président de Chambre, chargée du rapport, et Sophie BAILLY, Conseiller. Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries lors du délibéré, la cour étant alors composée de :
Viviane CAULLIREAU-FOREL, Président de Chambre,
Sophie BAILLY, Conseiller,
Leslie CHARBONNIER, Conseiller,
qui en ont délibéré.
GREFFIER LORS DES DÉBATS : Aurore VUILLEMOT, Greffier
DÉBATS : l’affaire a été mise en délibéré au 16 Mai 2023,
ARRÊT : rendu par défaut,
PRONONCÉ : publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile,
SIGNÉ : par Viviane CAULLIREAU-FOREL, Président de Chambre, et par Aurore VUILLEMOT, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
*****
FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
I. Par acte sous seing privé du 28 octobre 2009, les actionnaires de la SAS Vert Import, parmi lesquels Mme [Y] [D] épouse [B], ont cédé l’intégralité des actions de cette société à la SAS FH Holding, moyennant un prix provisoire de 8 850 000 euros, révisable à la hausse comme à la baisse à proportion de celle des capitaux propres qui ressortirait du bilan au 31 octobre 2009.
Le solde du prix à régler par l’acquéreur a été arbitré par les experts-comptables des parties à la somme de 503 934 euros.
Assignée en paiement devant le tribunal de commerce, la société FH Holding a, à titre reconventionnel, conclu à l’annulation de la cession et subsidiairement à l’allocation de dommages et intérêts.
Saisie sur appel du jugement rendu le 13 décembre 2012 par le tribunal de commerce de Rennes, la cour d’appel de Rennes a, par un arrêt du 23 septembre 2014, rectifié le 18 novembre 2014, et interprété le 7 avril 2015, essentiellement :
– annulé la cession des actions de la société Vert Import pour dol,
– condamné les cédants à restituer à la société FH Holding les sommes perçues en règlement du prix de cession, à proportion du nombre de titres cédés, soit 25 % pour Mme [Y] [D] épouse [B],
– ordonné la restitution des actions par la société FH Holding
– et avant dire droit sur le préjudice de la société FH Holding, invité celle-ci à s’expliquer et à chiffrer sa demande.
Par jugement du 5 novembre 2014, le tribunal de commerce de Rennes a ouvert une procédure de sauvegarde à l’égard de la société FH Holding et a désigné Maître [W] [M] en qualité d’administrateur judiciaire et la SCP [I] [X] en qualité de mandataire judiciaire.
Par jugement ultérieur du 18 mai 2016, le tribunal de commerce a arrêté le plan de sauvegarde de la société FH Holding.
Par jugement du 15 décembre 2014, le tribunal de commerce de Rennes a prononcé la liquidation judiciaire de la société Vert Import.
II. Le 29 septembre 2015, la société FH Holding, assistée de Me [M], ès qualités, et de Me [X], ès qualités, a fait délivrer à Mme [D] un commandement aux fins de saisie immobilière portant sur diverses parcelles de vigne, bois et pré situées sur les communes de Charnay-les Mâcon, Bussières, Vergisson, Berzé le Châtel et Laizé, pour recouvrer une créance évaluée à 2 300 249,82 euros en vertu de l’arrêt de la cour d’appel de Rennes du 23 septembre 2014.
Ce commandement a été publié le 27 octobre 2015 au service de la publicité foncière de [Localité 8], volume 2015 S n°24.
Par acte du 9 novembre 2015, un second commandement aux fins de saisie immobilière a été délivré à Mme [D] concernant d’autres parcelles de vigne situées sur les communes de [Localité 7], [Localité 11], [Localité 6] et [Localité 8], publié le 19 novembre 2015 au volume 2015 S n°26.
Par acte du 19 novembre 2015, la société FH Holding a fait signifier à Mme [K] [D], titulaire d’un bail rural sur les biens saisis, une opposition au paiement des fermages à Mme [Y] [D] épouse [B], lui faisant obligation de les verser à la Selarl Stéphane Godillot et [G] [O], huissier de justice instrumentaire.
Par acte du 18 décembre 2015, la société FH Holding, assistée de Me [M], ès qualités, et de Me [X], ès qualités, a fait assigner Mme [D] à l’audience d’orientation du juge de l’exécution du tribunal de grande instance de Mâcon afin de voir ordonner la vente forcée des immeubles saisis en deux lots.
Par jugement du 24 mai 2016, le juge de l’exécution a rejeté la demande de sursis à statuer ainsi que les contestations formées par Mme [D], a retenu la créance de la société FH Holding à la somme de 2 338 490,35 euros et a ordonné la vente forcée des immeubles saisis.
Ce jugement a été confirmé en toutes ses dispositions par un arrêt rendu le 15 novembre 2016 par la présente cour et l’affaire a été renvoyée devant le juge de l’exécution de [Localité 8] pour la poursuite de la procédure.
Le pourvoi formé par Mme [D] à l’encontre de cet arrêt a été rejeté par un arrêt de la deuxième chambre civile de la Cour de cassation rendu le 6 septembre 2018.
Par jugement du 22 novembre 2016, le juge de l’exécution du tribunal de grande instance de Mâcon, après avoir déclaré irrecevable par application des dispositions de l’article R 311-5 du code des procédures civiles d’exécution, la contestation de Mme [B] tenant à l’absence de créance liquide et exigible en raison des effets de la saisie conservatoire autorisée par le président du tribunal de commerce de Saint Malo sur la créance détenue par la société FH Holding à son encontre, a procédé à la vente des biens saisis et a déclaré adjudicataire du lot n°1 M. [C] [J] moyennant le prix de 255 000 euros, et adjudicataire du lot n°2 l’EARL Bernard Germain moyennant le prix de 450 000 euros.
Ce jugement, publié le 29 novembre et le 6 décembre 2016, a été confirmé en toutes ses dispositions par un arrêt rendu par la présente cour le 27 juin 2017 sous le n° RG 16/1866. Cet arrêt a été publié le 18 juillet 2017.
Le pourvoi formé à l’encontre de cet arrêt par Mme [D] a fait l’objet d’une ordonnance de déchéance rendue le 29 mars 2018.
A la suite d’une déclaration de surenchère du 5 décembre 2016, l’affaire a été rappelée devant le juge de l’exécution du tribunal de grande instance de Mâcon à l’audience du 28 mars 2017.
La veille, soit le 27 mars 2017, dans le cadre d’une information ouverte pour escroquerie au jugement et faux, sur plainte avec constitution de partie civile des cédants à l’acte du 28 octobre 2009, un juge d’instruction du tribunal de grande instance de Rennes a ordonné la saisie de la créance détenue par la société FH Holding sur Mme [D].
Se fondant sur cette saisie pénale, Mme [D] a demandé au juge de l’exécution du tribunal de grande instance de Mâcon la suspension de la procédure de saisie immobilière.
Par jugement du 28 mars 2017, le juge de l’exécution du tribunal de grande instance de Mâcon a rejeté cette demande et les deux lots ont été vendus sur surenchère, aux mêmes adjudicataires, aux prix de 360 500 euros et 525 000 euros.
Le 13 avril 2017, Mme [K] [D] a exercé son droit de préemption sur l’ensemble des parcelles constituant les deux lots vendus, en application de l’article L. 412-11 du code rural et de la pêche maritime, pour la somme de 885 500 euros.
L’exercice de ce droit de préemption a été publié le 6 octobre 2017.
Le jugement du 28 mars 2017 a été confirmé en toutes ses dispositions par un arrêt rendu par la présente cour le 27 juin 2017 sous le n° RG 17 / 543.
Par arrêt rendu le 5 décembre 2019, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation a cassé en toutes ses dispositions cet arrêt et a renvoyé l’affaire devant la cour d’appel de Nancy qui, par un arrêt rendu le 22 avril 2021, a notamment :
– déclaré recevable la contestation tendant à la suspension de la saisie immobilière du fait de la saisie pénale de la créance, cause de la saisie immobilière,
– rejeté le moyen tiré de l’inopposabilité de la saisie pénale au juge de l’exécution,
– infirmé le jugement rendu le 28 mars 2017
– prononcé la suspension de la procédure d’adjudication,
– dit que par l’effet de la saisie pénale de la créance cause de la saisie immobilière, ordonnée après la surenchère mais avant l’adjudication définitive, Mme [D] demeure propriétaire des lots n°1 et 2.
Cet arrêt a été publié au service de la publicité foncière de [Localité 8] le 28 mai 2021.
Le pourvoi formé à l’encontre de cet arrêt a fait l’objet d’une ordonnance de déchéance rendue le 10 mars 2022.
III. C’est dans ces conditions que, par conclusions reçues au greffe le 8 avril 2022, Mme [D] a demandé au juge de l’exécution du tribunal judiciaire de Mâcon de :
– juger que les commandements de saisie-immobilière des 29 septembre 2015 et 9 novembre 2015 sont périmés et ont cessé de produire effet,
– subsidiairement, ordonner la mainlevée de l’opposition au paiement des fermages signifiée le 19 novembre 2015 à la demande de la société FH Holding entre les mains de Mme [K] [D], et dire que la SELARL Godillot, commissaire de justice à [Localité 9], devra lui remettre les sommes encaissées,
– en toute hypothèse, condamner la FH Holding :
. à lui payer la somme de 30 000 euros de dommages et intérêts, outre 12 000 euros en application de l’article 700 du code de-procédure civile
. aux dépens.
Elle se fondait sur les dispositions de l’article R 321-20 du code des procédures civiles d’exécution pour prétendre que, les droits des adjudicataires du jugement du 22 novembre 2016 ayant été résolus du fait de la surenchère et le jugement du 28 mars 2017 ayant été infirmé en toutes ses dispositions, il n’a pas été mentionné en marge de la publication des commandements valant saisie immobilière un jugement constatant la vente des biens saisis dans les deux ans de cette publication, de sorte que les commandements sont périmés depuis les 27 octobre 2017 et 19 novembre 2017.
Dans l’hypothèse où il serait considéré que l’article 12 du décret du 27 novembre 2020, qui a modifié le délai de péremption, serait applicable à l’instance en cours, elle soutenait que les commandements seraient alors périmés depuis les 27 octobre 2020 et 19 novembre 2020, l’arrêt de la cour d’appel de Nancy ayant été publié postérieurement à l’acquisition de la péremption.
La société FH Holding a conclu au rejet de l’ensemble des demandes formées par Mme [D], en sollicitant le retrait de la page 17 de ses écritures pour atteinte à la présomption d’innocence, et en relevant que sa demande subsidiaire était devenue sans objet depuis la mainlevée de l’opposition au paiement des fermages signifiée le 11 avril 2022.
Elle a sollicité l’allocation d’une indemnité de procédure de 12 000 euros.
Par jugement rendu le 25 octobre 2022, le juge de l’exécution du tribunal judiciaire de Mâcon a :
– débouté la société FH Holding de sa demande avant dire droit de retrait de pièces,
– débouté Mme [Y] [D]-[B] de sa demande relative à la péremption des commandements de payer du 29 septembre et 9 novembre 2015,
– débouté Mme [Y] [D]-[B] de sa demande de mainlevée de l’opposition au paiement des fermages,
– débouté Mme [Y] [D]-[B] de sa demande de dommages et intérêts,
– débouté Mme [Y] [D]-[B] de sa demande sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamné Mme [Y] [D]-[B] à verser à la société FH Holding la somme de 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamné Mme [Y] [D]-[B] aux dépens.
Le juge de l’exécution a jugé que le fait pour Mme [D] d’avoir mentionné en page 17 de ses conclusions que Me [N] ‘ a été le maître d’oeuvre des faux témoignages que la concluante considère comme des faux témoignages sous toutes ses formes : fausses attestations ou fausses réponses à sommations interpellatives’ ne pouvait pas être considéré comme l’affirmation de la culpabilité de Me [N] ni comme attentatoire à la présomption d’innocence et à son honneur ou à sa considération.
Se fondant sur les articles R 321-20 et R 321-21 du code des procédures civiles d’exécution, le premier juge a relevé que le jugement d’adjudication du 22 novembre 2016 avait été publié dans le délai de deux ans de la publication des commandements valant saisie immobilière, que l’exercice d’un droit de préemption à la suite de la vente sur surenchères à l’audience du 28 mars 2017, avait été publié le 6 octobre 2017, dans le délai de deux ans, et qu’enfin le jugement d’adjudication sur surenchère du 28 mars 2017 avait été publié dans les deux ans de la publication des commandements, mettant un terme au délai de deux ans prévu par l’article R 321-20, jusqu’à son infirmation par l’arrêt de la cour d’appel de Nancy rendu le 22 avril 2021.
Il a ensuite jugé, qu’en application de l’article R 321-22 du code des procédures civiles d’exécution, le délai de péremption avait été suspendu par la mention en marge des commandements publiés de l’arrêt du 22 avril 2021 jugeant que la procédure de saisie immobilière était suspendue depuis l’ordonnance de saisie pénale du 27 mars 2017, publié le 28 mai 2021.
Il a considéré que la demande de mainlevée de l’opposition au paiement des fermages était sans objet, cette mainlevée ayant été signifiée à Mme [D] le 11 avril 2022.
Il a enfin rejeté la demande de dommages-intérêts au motif que la requérante ne démontrait pas l’existence d’un préjudice en lien avec l’exécution ou l’inexécution des mesures d’exécution forcées querellées.
Par déclaration du 4 novembre 2022, Mme [D] a relevé appel de ce jugement, critiquant expressément l’ensemble des chefs de la décision, à l’exception de celui rejetant la demande de retrait de pièces de la société FH Holding.
Au terme de ses conclusions n°5 notifiées le 10 mars 2023, auxquelles il est renvoyé pour l’exposé des moyens au soutien de ses prétentions, Mme [D] demande à la cour, au visa des articles R 321-20 et R 321-22 du code des procédures civiles d’exécution, 706-145 du code de procédure pénale et L 213-6 alinéa 4 du code de l’organisation judiciaire, de :
– infirmer le jugement dont appel,
– juger que le commandement de saisie immobilière du 29 septembre 2015, publié au service de la publicité foncière de [Localité 8] le 27 octobre 2015, Volume 2015 S n°24, est périmé et a cessé de produire effet,
– juger que le commandement de saisie immobilière du 9 novembre 2015, publié au service de la publicité foncière de [Localité 8] le 19 novembre 2015, Volume 2015 S n°26, est périmé et a cessé de produire effet,
– condamner la société FH Holding à lui payer la somme de 30 000 euros à titre de dommages et intérêts,
– condamner la société FH Holding à lui payer la somme de 12 000 euros par application de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamner la société FH Holding aux entiers dépens.
Au terme de ses conclusions notifiées le 10 mars 2023, auxquelles il est renvoyé pour l’exposé des moyens au soutien de ses prétentions, la société FH Holding demande à la cour, au visa des articles R. 320-20 et R. 320-22 du code des procédures civiles d’exécution, 9 de la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen, 9-1 du code civil et 6§1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, de :
– confirmer le jugement dont appel en ce qu’il a :
‘ débouté Mme [Y] [D] épouse [B] de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
‘ condamné Mme [Y] [D] épouse [B] à lui payer la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
‘ condamné Mme [Y] [D] épouse [B] aux entiers dépens,
En outre,
– condamner Mme [Y] [D] épouse [B] à lui payer la somme de 12 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamner Mme [Y] [D] épouse [B] aux entiers dépens d’appel.
Mme [D] a fait signifier sa déclaration d’appel et ses conclusions :
– à la Selarl [I] [X], en sa qualité de mandataire judiciaire de la société FH Holding par acte du 9 décembre 2022 remis à personne habilitée,
– à Me [W] [M], en sa qualité de commissaire à l’exécution du plan de sauvegarde de la société FH Holding, par acte du 9 décembre 2022 remis en l’étude de Me [S], huissier de justice à [Localité 10].
Ni l’une, ni l’autre n’ont constitué avocat.
La clôture de la procédure a été prononcée le 14 mars 2023, avant l’ouverture des débats.
SUR CE
A titre liminaire, la cour constate que ne lui sont pas soumises les deux questions suivantes sur lesquelles le jugement dont appel n’est pas critiqué :
– le retrait de certaines passages des conclusions de l’appelante,
– la mainlevée de l’opposition au paiement des fermages dus par Mme [K] [D].
Sur la péremption des commandements valant saisie immobilière
Selon l’article R. 321-20 du code des procédures civiles d’exécution dans sa rédaction applicable à la date de la délivrance des deux commandements aux fins de saisie immobilière litigieux, Le commandement de payer valant saisie cesse de plein droit de produire effet si, dans les deux ans de sa publication, il n’a pas été mentionné en marge de cette publication un jugement constatant la vente du bien saisi .
Le délai de deux ans a été allongé à cinq ans par le décret n°2020-1452 du 27 novembre 2020, applicable à compter du 1er janvier 2021, aux instances en cours, c’est à dire aux commandements non périmés à cette date.
Selon l’article R 321-22 du code des procédures civiles d’exécution, Ce délai est suspendu ou prorogé, selon le cas, par la mention en marge de la copie du commandement publié d’une décision de justice ordonnant la suspension des procédures d’exécution, le report de la vente, la prorogation des effets du commandement ou la décision ordonnant la réitération des enchères.
Il résulte de ces dispositions que :
– d’une part le délai de péremption du commandement valant saisie immobilière est suspendu par la mention en marge de sa copie publiée :
. d’une décision de justice emportant la suspension des procédures d’exécution, tant que cette décision produit ses effets,
. ainsi que d’une décision ordonnant le report, en vertu d’une disposition particulière, de l’adjudication ou la réitération des enchères, dans l’attente de l’adjudication à intervenir,
– d’autre part, qu’en dehors de ces cas, le délai est prorogé par la publication d’un jugement ordonnant la prorogation des effets du commandement.
Sur la suspension du délai de péremption
Aux termes du deuxième alinéa de l’article 706-145 du code de procédure pénale, A compter de la date à laquelle elle devient opposable et jusqu’à sa mainlevée ou la confiscation du bien saisi, la saisie pénale suspend ou interdit toute procédure civile d’exécution sur le bien objet de la saisie pénale.
En application de ces dispositions et de l’article R. 321-22 du code des procédures civiles d’exécution, la date à laquelle la saisie pénale devient opposable et a suspendu le délai de péremption des commandements litigieux est la date à laquelle la décision ordonnant cette saisie a été publiée en marge de la copie publiée des dits commandements.
Or, en l’espèce, aucune des parties n’allègue et il n’est pas établi par le relevé des formalités du service de la publicité foncière produit aux débats par les deux parties (pièce 60 de l’appelante et pièce 71 de l’intimée) que l’ordonnance rendue le 27 mars 2017 par un juge d’instruction de Rennes a été publiée.
En conséquence, la société FH Holding n’est pas fondée à soutenir que le délai de péremption des commandements litigieux a été de plein droit suspendu à compter du 27 mars 2017.
Sur l’effet de la publication d’une part du jugement d’adjudication du 22 novembre 2016 et d’autre part de l’exercice par Mme [K] [D] de son droit de préemption suite au jugement d’adjudication sur surenchère du 28 mars 2017
La cour rappelle qu’il résulte des pièces du dossier et n’est pas contesté que :
– les commandements litigieux ont été publiés le 27 octobre et le 9 novembre 2015
– le jugement d’adjudication du 22 novembre 2016 et l’arrêt confirmatif du 27 juin 2017 ont été publiés les 29 novembre et 6 décembre 2016 et le 18 juillet 2017
– l’exercice par Mme [K] [D] le 13 avril 2017, de son droit de préemption suite au jugement d’adjudication sur surenchère du 28 mars 2017, a été publié le 6 octobre 2017.
L’appelante soutient que :
– d’une part, du fait de la surenchère dont la validité n’a été constestée par personne, les droits de l’adjudicaire désigné par le jugement du 22 novembre 2016 ont été résolus,
– d’autre part, du fait de l’infirmation du jugement du 28 mars 2017 par l’arrêt de la cour d’appel de Nancy rendu le 22 avril 2021, ce jugement a rétroactivement disparu de l’ordonnancement juridique et que la publication de ce jugement et de l’exercice du droit de préemption de Mme [K] [D] est nulle et non avenue.
Elle fait en conséquence valoir que les commandements litigieux étaient périmés lorsque la cour d’appel de Nancy a statué et a fortiori lorsque son arrêt a été publié.
Elle observe qu’il aurait été prématuré de soulever la question de la péremption des commandements devant la cour de Nancy et que cette question ne peut être posée avec pertinence que depuis la déchéance du pourvoi inscrit contre cet arrêt par la société FH Holding.
La péremption du commandement constitue une sanction d’un défaut de diligences du créancier poursuivant, soit à obtenir la vente des biens saisis et à la publier dans les deux ans qui suivent la publication de cet acte, soit à avoir sollicité en temps utile la prorogation des effets de cet acte.
D’ailleurs, selon l’article R. 321-21 du même code, la demande en constat de la péremption du commandement doit être présentée après l’expiration du délai prévu à l’article L. 321-20 mais avant la publication du titre de vente.
Or, en l’espèce, il est établi que les deux jugements constatant la vente des biens saisis ont été publiés dans les deux ans qui ont suivi la publication des deux commandements litigieux. Dès lors, la péremption de ces actes n’est pas encourue, ce d’autant qu’ainsi que le soutient l’intimée, elle aurait été irrecevable à demander, postérieurement à la publication des jugements constatant la vente des biens saisis, la prorogation des effets des commandements.
Par ailleurs, l’intimée rappelle à juste titre que le jugement du 28 mars 2017 était assorti de droit de l’exécution provisoire, Mme [D] n’ayant jamais agi aux fins d’obtenir un sursis à exécution de ce jugement, si bien que les effets de ce jugement, et ceux de sa publication sur la validité des commandements litigieux, se sont poursuivis jusqu’à son infirmation par la cour d’appel de Nancy le 22 avril 2021, étant observé que :
– l’arrêt confirmatif rendu le 27 juin 2017 par la présente cour dans l’affaire enrôlée sous le n° RG 17 / 543 était également exécutoire,
– en vertu des dispositions de l’article 625 du code de procédure civile, l’arrêt de la Cour de cassation du 5 décembre 2019 ayant cassé cet arrêt confirmatif du 27 juin 2017 a replacé les parties dans l’état où elles se trouvaient avant l’arrêt cassé, si bien que le jugement du 28 mars 2017 a repris ses effets au titre de l’exécution provisoire,
– dès lors qu’il est de jurisprudence constante que la prorogation du commandement n’est qu’une mesure conservatoire, le maintien des effets de la publication du jugement du 28 mars 2017 sur la validité des commandements, postérieurement à la publication des jugements constatant la vente des biens saisis, doit être regardé comme purement conservatoire, et ne constitue pas une mesure d’exécution de ce jugement réalisée aux risques et périls de la société FH Holding, susceptible d’ouvrir droit à des restitutions, ce d’autant que l’opposition au paiement des fermages n’a jamais été fructueuse.
Il résulte de tout ce qui précède que la péremption des commandements litigieux ne peut pas être constatée antérieurement à l’arrêt rendu le 22 avril 2021 par la cour d’appel de Nancy qui a prononcé la suspension de la procédure d’adjudication.
L’arrêt de la cour d’appel de Nancy du 22 avril 2021 a été publié le 28 mai 2021.
La cour constate que le délai écoulé entre ces deux dates n’est nullement discuté par l’appelante qui n’en tire aucune conséquence.
Cet arrêt a eu pour effet de faire reprendre son cours à la procédure de saisie immobilière, ce postérieurement à la vente des biens saisis. La cour en déduit qu’à l’instar d’un commandement initial aux fins de saisie immobilière, il devait être publié dans les deux mois de sa date.
Ce délai ayant été respecté, la péremption des commandements litigieux ne peut pas davantage être constatée postérieurement à l’arrêt de la cour d’appel de Nancy.
Le jugement dont appel doit donc être confirmé en ce qu’il a débouté Mme [D] de sa demande tendant à constater la péremption des commandements aux fins de saisie immobilière des 29 septembre et 9 novembre 2015.
Sur la demande indemnitaire de Mme [D]
Elle fonde cette demande sur les dispositions de l’article L. 213-6 du code de l’organisation judiciaire qui ne fait que donner compétence au juge de l’exécution pour connaître des demandes en réparation fondées sur l’exécution ou l’inexécution dommageables des mesures d’exécution forcée.
L’article L. 121-2 du code des procédures civiles d’exécution dispose que le juge de l’exécution peut condamner le créancier à des dommages-intérêts en cas d’abus de saisie.
Mme [D] expose que la ‘procédure de saisie immobilière n’aurait jamais dû se développer comme elle s’est développée si l’effet de la saisie pénale avait été respecté’, saisie en violation de laquelle la vente de ses biens est intervenue.
Aussi regrettable soit-elle, cette situation n’est pas imputable à la société FH Holding et ne caractérise pas un abus de saisie.
En conséquence, il convient de confirmer le jugement déféré en ce qu’il a débouté Mme [D] de sa demande indemnitaire.
Sur les frais de procès
Conformément à l’article 696 du code de procédure civile, le jugement dont appel doit être confirmé en ce qu’il a mis les dépens de première instance à la charge de Mme [D], qui doit également supporter les dépens d’appel.
Les dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ne sont réunies qu’en faveur de la société FH Holding.
Il convient de confirmer la disposition du jugement dont appel lui ayant alloué la somme de 3 000 euros au titre des frais non compris dans les dépens qu’elle a exposés en première instance.
En cause d’appel, la cour lui octroie une indemnité de procédure de 2 000 euros.
PAR CES MOTIFS,
La cour,
Confirme les dispositions critiquées du jugement dont appel,
Y ajoutant,
Condamne Mme [Y] [D] épouse [B]
– aux dépens d’appel,
– à payer à la SAS FH Holding la somme de 2 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel.
Le Greffier, Le Président,