SD/IC
[T] [M]
[V] [D]
C/
[A] [U] [F]
Expédition et copie exécutoire délivrées aux avocats le
COUR D’APPEL DE DIJON
1ère chambre civile
ARRÊT DU 16 MAI 2023
N° RG 22/01207 – N° Portalis DBVF-V-B7G-GBGA
MINUTE N°
Décision déférée à la Cour : jugement du 13 septembre 2022,
rendu par le juge de l’exécution près le tribunal judiciaire de Mâcon – RG : 21/00918
APPELANTS :
Madame [T] [M]
née le [Date naissance 5] 1992 à [Localité 10] (25)
[Adresse 4]
[Localité 9]
Monsieur [V] [D]
né le [Date naissance 2] 1969 à [Localité 14] (TCHECOSLOVAQUIE)
[Adresse 4]
[Localité 9]
assistés de Me Jean-François JULLIEN, avocat au barreau de LYON, plaidant, et
représentés par Me Fabien KOVAC, membre de la SCP DGK AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de DIJON, vestiaire : 46, postulant
INTIMÉ :
Monsieur [A] [U] [F]
né le [Date naissance 3] 1939 à [Localité 11] (74)
[Adresse 8]
[Localité 1]
assisté de Me Philippe DIETRICH, membre de la SELARL DIETRICH & ASSOCIES, avocat au barreau de STRASBOURG, plaidant, et représenté par Me Cécile RENEVEY – LAISSUS de la SELARL ANDRE RENEVEY, avocat au barreau de DIJON, vestiaire : 2, postulant
COMPOSITION DE LA COUR :
L’affaire a été débattue le 14 mars 2023 en audience publique devant la cour composée de :
Viviane CAULLIREAU-FOREL, Président de chambre,
Sophie DUMURGIER, Conseiller, qui a fait le rapport sur désignation du Président,
Sophie BAILLY, Conseiller,
qui en ont délibéré.
GREFFIER LORS DES DÉBATS : Aurore VUILLEMOT, Greffier
DÉBATS : l’affaire a été mise en délibéré au 16 Mai 2023,
ARRÊT : rendu contradictoirement,
PRONONCÉ : publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile,
SIGNÉ : par Viviane CAULLIREAU-FOREL, Président de chambre, et par Aurore VUILLEMOT, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
*****
FAITS PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
En vertu d’un arrêt rendu le 26 novembre 1999 par la cour d’assises de Haute Savoie, condamnant solidairement M. [V] [D] et Mme [H] [G] à lui payer la somme de 40 000 francs en réparation de son préjudice moral et la somme de 10 000 francs en application de l’article 375 du code de procédure pénale, et à payer à sa mère [I] [F] la somme de 200 000 francs en réparation de son préjudice moral et la somme de 40 000 francs en application de l’article 375 du code de procédure pénale, M. [A] [F] a fait notifier à la Banque Populaire Auvergne Rhônes Alpes une saisie-attribution portant sur les avoirs détenus pour le compte de M. [V] [D] et sa compagne [T] [M], par acte du 8 novembre 2021, pour le recouvrement de la somme de 33 993,77 euros.
Cette saisie a été dénoncée aux débiteurs saisis le 16 novembre 2021, par procès-verbaux de recherches infructueuses.
Par acte d’huissier du 14 décembre 2021, M. [D] et Mme [M] ont saisi le juge de l’exécution du tribunal judiciaire de Mâcon afin de voir prononcer la nullité des procès-verbaux de dénonciation du 16 novembre 2021 et de la saisie-attribution pratiquée le 8 novembre 2021 et ordonner la restitution des sommes irrégulièrement saisies et le remboursement des frais bancaires indûment prélevés à la suite de celle-ci :
‘ sur le fondement de l’article 659 du code de procédure civile, en raison des diligences insuffisantes de l’huissier,
‘ sur le fondement des articles L 111-1 et suivants du code de procédure civile, 2240 à 2244 du code civil au motif que la saisie porte sur une créance prescrite, non liquide ni certaine ni exigible,
‘ sur le fondement de l’article 1353 du code civil et de l’article 122 du code de procédure civile aux motifs que le créancier poursuivant ne justifie pas de sa qualité pour agir, qu’il a déjà été indemnisé par le Fonds de garantie, qu’il ne produit pas un décompte fiable des sommes réellement perçues à ce jour et que M. [D] justifie s’être intégralement acquitté des sommes dues, les intérêts échus antérieurement au 8 novembre 2015 étant prescrits.
M. [F] a conclu au rejet des contestations des débiteurs et à la validation de la saisie-attribution pratiquée, en sollicitant la condamnation des requérants au paiement d’une indemnité de procédure de 2 500 euros.
Par jugement du 13 septembre 2022, le juge de l’exécution a :
– rejeté la demande de nullité de la saisie-attribution,
– dit recevable comme non prescrite l’action en paiement des condamnations prononcées contre M. [V] [D] par la cour d’assises de Haute Savoie le 26 novembre 1999 au profit de M. [A] [F] et de Mme [I] [F],
– dit recevable l’action en paiement de ces sommes exercée par M. [A] [F], tant en son nom personnel qu’en qualité d’ayant droit de Mme [I] [F],
– précisé que le solde des créances dues par M. [V] [D] à M. [A] [F] en exécution de l’arrêt rendu par la cour d’assises de Haute Savoie le 26 novembre 1999 s’élève à 3 048,98 euros outre intérêts au taux légal majoré de cinq points depuis cinq années,
– précisé que le solde des créances dues par M. [V] [D] aux ayant-droits de Mme [I] [F] en exécution de l’arrêt rendu par la cour d’assises de Haute Savoie le 26 novembre 1999 s’élève à 24 391,76 euros, outre intérêts au taux légal majoré de cinq points depuis cinq années,
– rejeté la contestation formée contre la saisie-attribution pratiquée le 8 novembre 2021 sur le compte bancaire dont sont titulaires M. [V] [D] et Mme [T] [M] dans les livres de la Banque Populaire Auvergne Rhône Alpes à la requête de M. [A] [F],
– dit que cette saisie-attribution produira son plein et entier effet mais à concurrence de :
‘ 3 048,98 euros outre intérêts au taux légal majoré de cinq points depuis cinq années au titre de la créance due par M. [V] [D] à M. [A] [F] en exécution de l’arrêt rendu par la cour d’assises de Haute Savoie le 26 novembre 1999,
‘ 24 391,76 euros outre intérêts au taux légal majoré de cinq points depuis cinq années au titre de la créance due par M. [V] [D] aux ayant-droits de Mme [I] [F] en exécution de l’arrêt rendu par la cour d’assises de Haute Savoie le 26 novembre 1999,
outre les frais d’huissier,
– débouté M. [V] [D] et Mme [T] [M] de l’intégralité de leurs demandes,
– condamné solidairement M. [V] [D] et Mme [T] [M] à payer à M. [A] [F] la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
– laissé les dépens de l’instance à la charge des demandeurs.
Ce jugement a été notifié par lettre recommandée avec accusé de réception signé le 22 septembre 2022 à M. [D] et Mme [M], qui en ont interjeté appel par déclaration reçue au greffe le 4 octobre 2022, portant sur l’ensemble des chefs de la décision expressément critiqués.
Au terme de leurs dernières conclusions notifiées le 21 décembre 2022, auxquelles il est renvoyé pour l’exposé des moyens au soutien de leurs prétentions, les appelants demandent à la cour de :
– les recevoir en leur appel,
– réformer le jugement du juge de l’exécution de Mâcon du 13 septembre 2022 en toutes ses dispositions,
Et, statuant à nouveau,
– prononcer la nullité des procès-verbaux de signification de dénonciation de saisie-attribution en date du 16 novembre 2016 (sic),
En conséquence,
– prononcer la nullité de la saisie-attribution effectuée à la requête de M. [A] [F] en date du 8 novembre 2021,
– ordonner la restitution des sommes irrégulièrement saisies et le remboursement des frais bancaires indûment prélevés à la suite de celle-ci,
– dire et arrêter que le compte n° [XXXXXXXXXX06] comportant un solde d’un montant de 6 455,46 euros était insaisissable,
– prononcer la nullité de la saisie opérée sur le compte n° [XXXXXXXXXX06],
– ordonner la restitution de la somme de 3 455,46 euros,
En tout état de cause,
– dire et arrêter que le recouvrement des sommes allouées à M. [A] [F] et Mme [I] [F] au terme de l’arrêt rendu par la cour d’assises de Haute Savoie le 26 novembre 1999 était prescrit à la date de la saisie-attribution,
En conséquence,
– prononcer la nullité de la saisie-attribution effectuée à la requête de M. [A] [F] en date du 8 novembre 2011 (sic), comme portant sur une créance prescrite et non certaine, liquide et exigible,
– ordonner la restitution des sommes irrégulièrement saisies et le remboursement des frais bancaires indûment prélevés à la suite de celle-ci,
Subsidiairement,
– surseoir à statuer dans l’attente de l’arrêt de la chambre de l’instruction de la cour d’appel de Chambéry statuant sur la requête en rectification d’erreur matérielle.
Subsidiairement,
– dire que M. [F] ne justifie pas de son droit à agir en qualité d’héritier de Mme [I] [F],
Subsidiairement,
– dire prescrite la créance de M. [F] en qualité d’ayant-droit de Mme [I] [F],
En conséquence,
– prononcer la nullité de la saisie-attribution effectuée à la requête de M. [A] [F] en date du 8 novembre 2011 (sic), comme portant sur une créance prescrite, et non certaine, liquide et exigible,
– ordonner la restitution des sommes irrégulièrement saisies et le remboursement des frais bancaires indûment prélevés à la suite de celle-ci,
Subsidiairement,
– ordonner le cantonnement de la saisie à la somme de 2 877 euros,
– ordonner la restitution des sommes irrégulièrement saisies au-delà de la somme de 2 877 euros,
Subsidiairement,
– confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a dit que les intérêts antérieurs au 8 novembre 2015 étaient prescrits à la date de la saisie-attribution,
En tout état de cause,
– condamner M. [A] [F] à leur verser la somme de 4 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamner le même aux entiers dépens des causes principale et d’appel, avec application au profit de Me Kovac des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.
Au terme de conclusions d’intimé notifiées le 28 novembre 2022 auxquelles il est renvoyé pour l’exposé des moyens au soutien de ses prétentions, M. [F] demande à la cour de :
Sur l’appel principal,
– déclarer l’appel interjeté par M. [V] [D] et Mme [T] [M] contre l’arrêt (sic) rendu par le juge de l’exécution de Mâcon le 13 septembre 2022 mal fondé et le rejeter,
– débouter M. [V] [D] et Mme [T] [M] de l’intégralité de leurs demandes, fins, conclusions et moyens,
Sur l’appel incident,
– infirmer le jugement rendu par le juge de l’exécution de Mâcon le 13 septembre 2022 en ce qu’il a :
‘ précisé que le solde des créances dues par M. [V] [D] à M. [A] [F] en exécution de l’arrêt de la cour d’assises de Haute Savoie le 26 novembre 1999 s’élève à 3 048,98 euros outre intérêts aux taux légal majoré de cinq points depuis cinq années,
‘ précisé que le solde des créances dues par M. [V] [D] aux ayants droits de Mme [I] [F] en exécution de l’arrêt de la cour d’assises de Haute Savoie le 26 novembre 1999 s’élève à 24 391,76 euros outre intérêts aux taux légal majoré de cinq points depuis cinq années,
‘ dit que cette saisie attribution produira plein et entier effet mais à concurrence de :
‘ 3 048,98 euros, outre intérêts au taux légal majoré de cinq points depuis cinq années au titre de la créance due par M. [V] [D] à M. [A] [F] en exécution de l’arrêt rendu par la cour d’assises de Haute Savoie le 26 novembre 1999,
‘ 24 391,76 euros outre intérêts au taux légal majoré de cinq points depuis cinq années au titre de la créance due par M. [V] [D] aux ayants droits de Mme [I] [F] en exécution de l’arrêt rendu par la cour d’assises de Haute Savoie le 26 novembre 1999,
outre les frais d’huissier,
Statuant à nouveau sur appel incident,
– fixer le solde de la créance due par M. [V] [D] à M. [A] [F], tant en son nom personnel qu’en qualité de légataire universel de Mme [I] [F], en exécution de l’arrêt de la cour d’assises de Haute Savoie du 26 novembre 1999, à la somme de 26 724,24 euros outre intérêts aux taux légal majoré de cinq points depuis cinq années,
– valider la saisie attribution du 8 novembre 2021,
– juger que cette saisie attribution produira plein et entier effet à hauteur de 26 724,24 euros outre intérêts aux taux légal majoré de cinq points depuis cinq années,
Outre les frais d’huissier,
– confirmer le jugement du 13 septembre 2022 pour le surplus,
– débouter M. [V] [D] et Mme [T] [M] de l’intégralité de leurs demandes, fins, conclusions et moyens,
Y ajoutant,
– condamner in solidum M. [V] [D] et Mme [T] [M] à lui payer une somme de 4 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamner in solidum les demandeurs aux entiers dépens de l’instance.
La clôture de la procédure est intervenue le 14 mars 2023, avant l’ouverture des débats.
SUR QUOI
A titre liminaire, la cour observe que les demandes des appelants tendant à voir ‘dire’ ou ‘dire et arrêter’, ne constituent qu’un rappel de moyens ou d’arguments mais ne contiennent aucune prétention au sens des articles 4, 5 et 954 du code de procédure civile. Elles ne saisissent donc pas la cour qui ne statuera pas sur ces ‘demandes’.
Sur la validité de l’acte de dénonciation
Les appelants concluent à l’infirmation du jugement qui les a déboutés de leur demande tendant à voir prononcer la nullité de l’acte de dénonciation de la saisie-attribution signifié le 16 novembre 2021 selon les modalités de l’article 659 du code de procédure civile, lequel exige que l’huissier significateur mentionne dans le procès-verbal de signification les diligences précises et concrètes qu’il a accomplies pour rechercher le destinataire de l’acte.
Ils prétendent que l’acte est nul faute par l’huissier d’avoir accompli des diligences sérieuses pour les retrouver, en faisant valoir que le procès-verbal de signification indique qu’ils sont domiciliés [Adresse 7] à [Localité 12] alors qu’ils ne résident plus à cette adresse depuis le mois d’octobre 2020, date à laquelle ils ont déménagé à [Localité 15] où ils ont demeuré jusqu’à leur déménagement à [Localité 13] en octobre 2021.
Ils précisent avoir effectué l’ensemble des démarches administratives afférentes à ce déménagement et estiment que des diligences de l’huissier auprès des services postaux et des services fiscaux lui auraient permis d’avoir connaissance de leur nouvelle adresse.
Ils ajoutent, qu’à [Localité 12], ils partageaient la même boîte aux lettres que leurs voisins du rez-de-chaussée, ce que l’huissier n’a pas relaté dans les diligences accomplies, et que leur voisin atteste que personne ne s’est manifesté chez lui pour obtenir des renseignements à leur sujet.
Ils estiment enfin qu’une recherche rapide sur google aurait fait apparaître l’adresse de M. [D] à [Localité 13].
L’intimé objecte, à bon droit, que les prétendues irrégularités affectant les actes de dénonciation de la saisie-attribution constituent des vices de forme et que la nullité des actes ne peut être prononcée qu’à charge pour ceux qui l’invoquent de prouver le grief que leur cause l’irrégularité.
Or, en l’espèce, les appelants ne démontrent pas en quoi les irrégularités qu’ils invoquent, à les supposer établies, leur ont causé un quelconque grief, alors qu’ils ont contesté la saisie litigieuse dans le délai imparti et que la recevablité de leur contestation n’est pas remise en cause.
Les consorts [D]-[M] prétendent également que les procès-verbaux de dénonciation sont nuls faute d’indiquer en caractères très apparents la date précise à laquelle expire le délai imparti pour contester, l’acte mentionnant que le délai expire le 16 décembre 2021 alors, qu’en application des règles de computation des délais, il expirait le 17 décembre 2021 à 23 h 59.
Ils affirment que cette erreur entraîne nécessairement un grief sans qu’il soit besoin de le démontrer.
L’article R 211-3 2° du code des procédures civiles d’exécution prévoit que l’acte de dénonciation de la saisie-attribution contient, à peine de nullité, en caractères très apparents, l’indication que les contestations doivent être soulevées, à peine d’irrecevabilité, dans le délai d’un mois qui suit la signification de l’acte par assignation, et la date à laquelle expire ce délai.
Or, en l’espèce, les actes de dénonciation signifiés aux débiteurs saisis le 16 novembre 2021 indiquaient en caractères gras et en majuscules, très apparents, que le délai d’un mois expirait le jeudi 16 décembre 2021.
Le délai exprimé en mois expirant le jour du dernier mois portant le même quantième que le jour de l’acte qui le fait courir, les actes de dénonciation signifiés à M. [D] et Mme [M] ne sont entachés d’aucune irrégularité.
Le jugement sera donc confirmé en ce qu’il a débouté les débiteurs saisis de leur demande d’annulation des procès-verbaux de dénonciation de la saisie-attribution.
Sur la prescription de l’exécution du titre exécutoire
Se fondant sur les dispositions de l’article L 111-4 du code des procédures civiles d’exécution, entré en vigueur le 19 juin 2008, les appelants prétendent que l’exécution du titre exécutoire fondant la saisie ne peut être poursuivie que pendant dix ans et que l’exécution forcée était donc prescrite le 19 juin 2018.
Ils ajoutent que, si ce délai est susceptible d’interruption en application des articles 2240 et 2244 du code civil, le dernier versement effectué par M. [D] remonte au 28 octobre 2010, la saisie contestée ayant été pratiquée plus de onze ans après.
Ils affirment que la signification du titre exécutoire à M. [D] en date du 20 décembre 2019 ne constitue pas une mesure d’exécution forcée et n’interrompt pas la prescription.
Ils soutiennent enfin que le commandement aux fins de saisie immobilière notifié le 7 octobre 2013 à Mme [G] a été retenu à tort par le premier juge comme acte interruptif de prescription, car, d’une part, il ne vise que la créance de M. [F], à l’exclusion de celle de sa mère, que, d’autre part, il n’a pas été signifié à M. [D] et la solidarité résultant de la condamnation prononcée à l’encontre de M. [D], Mme [G] et M. [K] par l’arrêt de la cour d’assises est une solidarité imparfaite qui exclut l’application de l’article 2245 du code civil, et, enfin, il n’a pas été publié de sorte qu’il est caduc, ce qui le prive rétroactivement de tous ses effets.
L’intimé prétend que, comme l’a retenu le premier juge, le délai de prescription de 10 ans issu de la loi du 17 juin 2008 a été interrompu une première fois le 7 octobre 2013, par le commandement aux fins de saisie immobilière notifié à Mme [G], tenue solidairement avec M. [D] de la dette, en application de l’article 2245 alinéa 1er du code civil.
Arguant des dispositions de l’article R 221-5 du code des procédures civiles d’exécution, il affirme que l’effet interruptif de prescription du commandement demeure même dans l’hypothèse où il n’est pas suivi d’effet.
Il ajoute que, le 20 décembre 2019, il a fait signifier à M. [D] l’arrêt de la cour d’assises du 26 novembre 1999 et lui a fait délivrer un commandement aux fins de saisie vente qui a de nouveau interrompu la prescription.
Selon les articles L 111-3 et L 111-4 du code des procédures civiles d’exécution, l’exécution des décisions des juridictions de l’ordre judiciaire lorsqu’elles ont force exécutoire ne peut être poursuivie que pendant dix ans, sauf si les actions en recouvrement des créances qui y sont constatées se prescrivent par un délai plus long.
En l’espèce, l’exécution de l’arrêt rendu le 26 novembre 1999 par la cour d’assises de Haute Savoie était soumise au délai de prescription trentenaire alors en vigueur puis, en application de l’article 26 de la loi du 17 juin 2008, au délai de prescription décennal de l’article L 111-4 susvisé, de sorte que l’exécution du titre exécutoire était prescrite le 19 juin 2018.
Il résulte néanmoins de l’article 2244 du code civil que le délai de prescription est interrompu par un acte d’exécution forcée tel que le commandement aux fins de saisie immobilière signifié le 7 octobre 2013 à Mme [H] [G], codébitrice solidaire de la condamnation prononcée par l’arrêt du 26 novembre 1999.
L’article 2245 du code civil prévoit en effet que l’interpellation faite à l’un des débiteurs solidaires par un acte d’exécution forcée interrompt le délai de prescription contre tous les autres et le titre exécutoire fondant les poursuites condamne solidairement Mme [G] et M. [D] à réparer les préjudices moraux des victimes.
Cependant, l’article R 321-6 du code des procédures civiles d’exécution prévoit que le commandement aux fins de saisie immobilière est publié au fichier immobilier dans un délai de deux mois à compter de sa signification, à défaut de quoi il est caduc.
L’article R 221-5 du même code énonce que si, dans un délai de deux ans suivant le commandement de payer, aucun acte d’exécution n’est intervenu, les poursuites ne peuvent être engagées que sur un nouveau commandement, mais que toutefois, l’effet interruptif de prescription du commandement demeure. Ce texte invoqué par l’intimé n’est pas applicable au commandement aux fins de saisie immobilière dont l’absence de publicité est sanctionnée par la caducité.
La jurisprudence considère en effet que la caducité qui atteint un acte d’exécution forcée le prive rétroactivement de tous ses effets, y compris de son effet interruptif de prescription [ civ 2ème 4 septembre 2014 ].
En l’espèce, M. [F] ne conteste pas que le commandement aux fins de saisie immobilière signifié le 7 octobre 2013 n’a pas été publié et il ne justifie d’ailleurs pas de cette publication.
En l’absence d’acte interruptif de prescription mis en oeuvre avant le 19 juin 2018, l’exécution de l’arrêt de la cour d’assises de Haute Savoie du 26 novembre 1999 était prescrite lorsque la saisie-attribution contestée a été pratiquée, le 8 novembre 2021.
Le jugement entrepris sera en conséquence infirmé et il sera donné mainlevée de la mesure d’exécution forcée.
Cette mainlevée emportera restitution des sommes saisies sur les comptes bancaires de M. [V] [D] et Mme [T] [M], ouverts dans les livres de la Banque Populaire Auvergne Rhône Alpes.
Sur les frais et les dépens
L’intimé qui succombe sera condamné aux entiers dépens de première instance et d’appel.
Il est en revanche équitable de laisser à la charge des appelants l’intégralité des frais de procédure non compris dans les dépens qu’ils ont exposés.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Infirme le jugement rendu le 13 septembre 2022 par le juge de l’exécution près le tribunal judiciaire de Mâcon, sauf en ce qu’il a débouté M. [V] [D] et Mme [T] [M] de leur demande d’annulation des actes de dénonciation de la saisie-attribution pratiquée par M. [A] [F],
Statuant à nouveau,
Dit que l’exécution de l’arrêt de la cour d’assises de Haute Savoie du 26 novembre 1999 était prescrite depuis le 19 juin 2018,
Ordonne la mainlevée de la saisie-attribution pratiquée le 8 novembre 2021 sur les comptes ouverts dans les livres de la Banque Populaire Auvergne Rhône Alpes aux noms de M. [V] [D] et Mme [T] [M],
Rappelle que cette mainlevée emporte restitution aux appelants des sommes saisies sur les comptes bancaires,
Dit n’y avoir lieu à application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile au profit de M. [V] [D] et Mme [T] [M],
Condamne M. [A] [F] aux entiers dépens de première instance et d’appel.
Le Greffier, Le Président,