ARRET
N°
[T]
[C]
S.C.P. CABINET [C] AVOCATS
C/
LE COMPTABLE DU SERVICE DE GESTION COMPTABLE DE [Localité 5] venant aux droits du CENTRE DES FINANCES PUBLIQUES DE [Localité 6]
VA/VB
COUR D’APPEL D’AMIENS
1ERE CHAMBRE CIVILE
ARRET DU SEIZE MAI DEUX MILLE VINGT TROIS
Numéro d’inscription de l’affaire au répertoire général de la cour : N° RG 22/05111 – N° Portalis DBV4-V-B7G-ITOP
Décision déférée à la cour : JUGEMENT DU JUGE DE L’EXECUTION D’AMIENS DU HUIT NOVEMBRE DEUX MILLE VINGT DEUX
PARTIES EN CAUSE :
Madame [O] [T] épouse [C]
de nationalité Française
[Adresse 2]
[Localité 4]
Monsieur [N] [C]
de nationalité Française
[Adresse 2]
[Localité 4]
S.C.P. CABINET [C] AVOCATS, agissant poursuites et diligences en son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 3]
[Localité 4]
Représentés par Me SMYTH, substituant Me Marcel DOYEN de la SCP MONTIGNY DOYEN, avocats au barreau d’AMIENS
Ayant pour avocat plaidant Me Alexandre BEBEN, avocat au barreau d’ARRAS
APPELANTS
ET
LE COMPTABLE DU SERVICE DE GESTION COMPTABLE DE [Localité 5] venant aux droits du CENTRE DES FINANCES PUBLIQUES DE [Localité 6]
[Adresse 1]
[Localité 5]
Représenté par Me Hélène GRAS de la SCP DEVISMES-GRAS, avocat au barreau d’AMIENS
INTIME
DÉBATS & DÉLIBÉRÉ :
L’affaire est venue à l’audience publique du 14 mars 2023 devant la cour composée de M. Pascal BRILLET, Président de chambre, M. Vincent ADRIAN et Mme Myriam SEGOND, Conseillers, qui en ont ensuite délibéré conformément à la loi.
A l’audience, la cour était assistée de Mme Vitalienne BALOCCO, greffier.
Sur le rapport de M. Vincent ADRIAN et à l’issue des débats, l’affaire a été mise en délibéré et le président a avisé les parties de ce que l’arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe le 16 mai 2023, dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile.
PRONONCÉ :
Le 16 mai 2023, l’arrêt a été prononcé par sa mise à disposition au greffe et la minute a été signée par M. Pascal BRILLET, Président de chambre et Mme Vitalienne BALOCCO, greffier.
*
* *
DECISION :
Mme [O] [T] épouse [C], demeurant à [Localité 4], propriétaire d’un bien immobilier à [Localité 7] (03), a reçu une facture de consommation d’eau d’ un montant de 659 €, datée du 29 octobre 2021, au titre de l’année 2021.
Sur la base du rôle émis par l’ordonnateur, à savoir la commune de [Localité 7], le bordereau de titre de recettes n° 4, rendu exécutoire, a été pris en charge par le comptable du Centre des Finances publiques de [Localité 6] le 3 novembre 2021.
Faute de paiement, après une relance, une ‘saisie administrative à tiers détenteur sur rémunération’ a été notifiée au ‘cabinet [C] Avocats’ établi à [Localité 4].
Par acte du 5 janvier 2022, Mme [C] et la SCP [C] ont assigné le Centre des Finances publiques-Trésorerie de [Localité 6] devant le juge de l’exécution du tribunal judiciaire d’Amiens aux fins de :
-déclarer nul l’avis à tiers détenteur,
-ordonner la mainlevée de la saisie,
-condamner le comptable du Trésor public à leur payer la somme de 2 000 € pour procédure abusive et la somme de 2 500 € en application de l’article 700 du code de procédure civile.
Monsieur [N] [C] est intervenu volontairement à l’instance.
Par jugement du 8 novembre 2022, le juge de l’exécution s’est déclaré territorialement incompétent, faute d’applicabilité de l’article 47 du code de procédure civile au litige, et a renvoyé celui-ci au juge de l’exécution du tribunal judiciaire d’Arras.
Le juge a estimé que la qualité d’avocat de M. [N] [C], non contestée, ‘ne saurait justifier à elle seule la saisine d’ une juridiction limitrophe s’agissant d’un litige entre une administration locale et [O] [T] épouse [C], contribuable, dont la profession demeure à ce jour incertaine’.
Par déclaration de saisine et selon la procédure d’assignation à jour fixe, Mme [C], la SCP Cabinet [C] avocats et Maître [C] ont relevé appel.
La cour se réfère aux dernières conclusions des parties par visa.
Vu les conclusions en réponse notifiées le 7 mars 2023 par les appelants visant à l’annulation ou à l’infirmation du jugement et à ce qu’il soit jugé, en application de l’article 47 du code de procédure civile, que le juge de l’exécution d’Amiens est compétent,
Vu les conclusions notifiées le 31 janvier 2023 par le Comptable du Service de gestion comptable de [Localité 5] venant aux droits du centre des Finances publiques de [Localité 6] sollicitant la confirmation du jugement.
MOTIFS
L’article 47 alinéa 1er du code de procédure civile dispose: ‘Lorsqu’un magistrat ou un auxiliaire de justice est partie à un litige qui relève de la compétence d’une juridiction dans le ressort de laquelle celui-ci exerce ses fonctions, le demandeur peut saisir une juridiction située dans un ressort limitrophe’.
Les dispositions du jugement qui ont mis en doute la qualité de secrétaire salariée de Mme [T] du Cabinet d’avocat de son mari sont en effet inutiles, au regard de ce que celle-ci produisait ses bulletins de salaire et qu’elle ne prétendait à aucune autre qualité.
La question est de savoir si la présence du tiers saisi dès l’assignation sous la qualité de SCP [C] et sous la qualité de Maître [C] en intervenant volontaire peut déclencher le privilège de l’article 47, étant admis sans conteste que l’avocat a la qualité d’auxiliaire de justice.
Une société civile professionnelle d’avocat a la qualité d’avocat. Chaque associé exerce les fonctions d’avocat au nom de la société (article 44 du décret du 20 juillet 1992; [F] et [J], Les règles de la profession d’avocat, 1995, § 41)
Pour que s’applique l’article 47 du code de procédure civile, le magistrat ou l’auxiliaire de justice doit être partie au litige. Cela implique donc que l’intéressé soit, en principe, à titre personnel, demandeur ou défendeur à l’action (Civ. 2eme, 7 juill. 2011, n° 10-20.712, pour une action non pas dirigée vers un auxiliaire de justice mais contre son assureur).
Cette dernière hypothèse recouvre également le cas où l’avocat est appelée en intervention forcée afin de lui rendre commun le jugement (CA Paris, ch. 19, sect. B, 18 déc. 1997 : JurisData n° 1997-024314).
En l’espèce la SCP [C] a la qualité de tiers saisi. Le tiers saisi est engagé par la saisie dans la mesure prévue par l’article L. 123-1 du code des procédures civiles d’exécution. Il est légitime à se joindre à l’action du débiteur saisi pour contester la saisie.
Sa qualité de partie au litige ne peut lui être déniée.
En outre la SCP [C] avait formé avec Mme [C] une demande de dommages et intérêts pour procédure abusive.
La SCP [C] était donc en droit de saisir une juridiction limitrophe.
L’article 47 du code de procédure civile est d’ailleurs également applicable lorsque l’auxiliaire de justice comparaît en tant que représentant légal d’une personne elle-même partie à l’instance : le représentant légal est alors partie au sens de l’article 47 du Code de procédure civile (Civ. 2e, 6 janv. 1988; Gaz. Pal. 1988, somm. p. 493, [I] [V] et [W] [R]), ce qui est le cas de Maître [N] [C].
Le jugement sera infirmé.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, en dernier ressort,
Infirme le jugement rendu par le juge de l’exécution du tribunal judiciaire d’Amiens le 8 novembre 2022,
Dit que le juge de l’exécution du tribunal judiciaire d’Amiens est territorialement compétent sur le fondement de l’article 47 du code de procédure civile,
Renvoie le dossier au juge de l’exécution du tribunal judiciaire d’Amiens,
Condamne le Comptable du Service de gestion comptable de Gannat venant aux droits du centre des Finances publiques de [Localité 6] aux dépens d’appel et à payer une somme de 1 200 € à Mme [O] [T] épouse [C], à la SCP [C] et à Maître [N] [C], unis d’intérêts, en application de l’article 700 du code de procédure civile pour l’instance d’appel.
LE GREFFIER LE PRESIDENT