Saisine du juge de l’exécution : 15 mai 2023 Cour d’appel de Bordeaux RG n° 22/05360

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Saisine du juge de l’exécution : 15 mai 2023 Cour d’appel de Bordeaux RG n° 22/05360

COUR D’APPEL DE BORDEAUX

PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE

————————–

ARRÊT DU : 15 MAI 2023

N° RG 22/05360 – N° Portalis DBVJ-V-B7G-M7XQ

S.A.S. LE CLUB 80

c/

[C] [X] épouse [E]

[K] [E]

[G] [E]

[P] [E]

[N] [E]

[D] [E]

Nature de la décision : AU FOND

APPEL D’UNE ORDONNANCE DE REFERE

Grosse délivrée le :

aux avocats

Décision déférée à la cour : ordonnance de référé rendue le 09 novembre 2022 par le Président du Tribunal Judiciaire D’ANGOULEME ( RG : 22/00215) suivant déclaration d’appel du 25 novembre 2022

APPELANTE :

S.A.S. LE CLUB 80 agissant poursuites et diligences de son représentant légal, domicilié en cette qualité audit siège sis [Adresse 2]

représentée par Maître Mathieu RAFFY de la SELARL MATHIEU RAFFY – MICHEL PUYBARAUD, avocat postulant au barreau de BORDEAUX, et assistée de Maître Jean-paul POLLEUX de la SELARL CABINET VALOIS, avocat plaidant au barreau de CHARENTE

INTIMÉS :

[C] [X] épouse [E]

née le 04 Octobre 1949 à [Localité 10]

de nationalité Française,

demeurant [Adresse 6]

[K] [E]

née le 09 Juillet 1975 à [Localité 13]

de nationalité Française,

demeurant [Adresse 1]

[G] [E]

né le 19 Mai 1960 à [Localité 11]

de nationalité Française,

demeurant [Adresse 8]

[P] [E]

née 31 Décembre 2002 à [Localité 12]

de nationalité Française,

demeurant [Adresse 4]

[N] [E]

né le 13 Avril 1990 à [Localité 9]

de nationalité Française,

demeurant [Adresse 5]

[D] [E]

né le 27 Novembre 1974 à [Localité 13]

de nationalité Française,

demeurant [Adresse 7]

représentés par Maître Josiane MOREL-FAURY, avocat au barreau de BORDEAUX

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 912 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 20 mars 2023 en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Emmanuel BREARD, conseiller, chargé du rapport,

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Roland POTEE, président,

Bérengère VALLEE, conseiller,

Emmanuel BREARD, conseiller,

Greffier lors des débats : Véronique SAIGE

En présence de Bertrand MAUMONT, magistrat détaché en stage à la cour d’appel de Bordeaux

ARRÊT :

– contradictoire

– prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile.

* * *

EXPOSE DU LITIGE ET DE LA PROCÉDURE

Par acte du 6 septembre 2013, Mme [C] [X] épouse [E], Mme [K] [E], M. [G] [E], et Mme [P] [E], M. [N] [E] et M. [D] [E] ont donné à bail commercial à la société 30-40 Piano Retro Club des locaux sis [Adresse 3], moyennant un loyer annuel de 20 734,08 euros, payable mensuellement par avance.

Par acte sous seing privé du 4 juin 2014, la société 30-40 Piano Retro Club a cédé ses droits à bail à la société Jacar, laquelle a consenti une location-gérance à la société le Crystal Club.

Par jugement du tribunal de commerce d’Angoulême du 12 décembre 2019, la société le Crystal Club a été placée en liquidation judiciaire.

Par acte du 6 décembre 2021, la société Jacar a cédé son droit au bail à la SAS le Club 80.

Des loyers étant demeurés impayés, les consorts [E] ont délivré à la société le Club 80 le 4 avril 2022 un commandement visant la clause résolutoire, et mettant en demeure de payer une somme de 3 455,68 euros au titre de l’arriéré locatif à compter d’avril 2022.

Les consorts [E] ont assigné par acte d’huissier du 26 juillet 2022 la société le Club 80 devant le juge des référés du tribunal judiciaire d’Angoulême aux fins de voir constater l’acquisition de la clause résolutoire insérée au bail, la résiliation de plein droit du bail au 20 juin 2022, d’ordonner l’expulsion de la société le Club 80, et de la voir condamner au paiement à diverses sommes provisionnelles :

* 5 183,52 euros au titre des loyers impayés,

* 1 988,22 euros d’indemnité d’occupation mensuelle,

* 2 500 euros au titre des frais irrépétibles, outre les entiers dépens.

Par ordonnance de référé du 9 novembre 2022, le tribunal judiciaire d’Angoulême a:

– constaté la résiliation du bail cédé le 6 décembre 2021 à la société le Club 80 pour des locaux sis [Adresse 3], de plein droit conformément à la clause résolutoire,

Par conséquent au titre des effets de la clause résolutoire :

– condamné la société le Club 80 à libérer les lieux loués situés [Adresse 3], dans le délai d’un mois suivant la signification de l’ordonnance,

– dit qu’à défaut pour le Club 80 de libérer volontairement ces locaux commerciaux, il sera procédé à son expulsion et à celle de tous occupants de son chef avec si nécessaire le concours et l’assistance de la force publique,

– dit qu’en cas de besoin, les meubles se trouvant sur les lieux seront remis aux frais de la société le Club 80 dans un lieu désigné par lui et qu’à défaut, ils seront laissés sur place ou entreposés en un autre lieu approprié et décrits avec précision par l’huissier chargé de l’exécution, avec sommation à la société le Club 80 d’avoir à les retirer dans un délai d’un mois non renouvelable à compter de la signification de l’acte, à l’expiration duquel il sera procédé à leur mise en vente aux enchères publiques, sur autorisation du juge de l’exécution, ce conformément aux articles L. 433-1 et suivants et R. 433-1 et suivants du code des procédures civiles d’exécution,

– condamner la société le Club 80 à payer aux consorts [E] :

* une somme totale de 7 575,20 euros à titre de provision sur loyers et charges impayées et sur indemnité d’occupation du 21 juin 2022 au 30 octobre 2022,

* la somme mensuelle de 1 988,22 euros à titre d’indemnité d’occupation du 1er novembre et jusqu’à libération effective des lieux et remise des clés, l’indemnité d’occupation mensuelle,

– débouté la société le Club 80 de ses demandes tendant à l’octroi de délais de paiement et à la suspension de la réalisation et des effets de la clause résolutoire,

– condamné la société le Club 80 aux entiers dépens, en ce compris le coût du commandement du 20 mai 2022 et le coût de l’état des inscriptions au greffe du tribunal de commerce,

– condamné la société le Club 80 à payer aux consorts [E] la somme totale de 2 000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

– rejeté toutes les autres demandes des parties,

– rappelé que l’ordonnance de référé rendue en matière de clause résolutoire insérée dans le bail commercial a seulement autorité de chose jugée provisoire,

– rappelé que la décision est exécutoire à titre provisoire.

La société le Club 80 a relevé appel de l’ordonnance de référé par déclaration du 25 novembre 2022.

Par conclusions déposées le 2 mars 2023, la société le Club 80 demande à la cour de :

– infirmer l’ordonnance de référé du 9 novembre 2022,

Statuant de nouveau,

– octroyer un délai de paiement sur 12 mois à la société le Club 80 à l’effet d’apurer la totalité de sa dette,

– suspendre la réalisation et les effets de la clause résolutoire,

– débouter les consorts [E] de l’intégralité de leurs demandes,

– condamner les consorts [E] à verser à la société le Club 80 la somme de 2 500 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamner les consorts [E] aux entiers dépens.

Par conclusions déposées le 3 mars 2023, les consorts [E] demandent à la cour de :

– déclarer l’appel de la société le Club 80 recevable et non fondé,

– au principal, confirmer l’ordonnance de référé en toutes ces dispositions, sauf conformément à l’article 565 du code de procédure civile, à condamner la société le Club 80 à payer aux consorts [E] là titre provisionnel la somme de 10 084,53 euros correspondant au solde dû à ce jour, indemnité d’occupation pour le mois de mars 2023 comprise,

– à titre infiniment subsidiaire, pour le cas où la société le Club 80 justifierait de circonstances lui permettant d’obtenir des délais de paiement et la suspension des effets de la clause résolutoire,

– limiter les délais de paiement à 6 mois et juger qu’à défaut de règlement d’une seule échéance à valoir sur l’arriéré à la date convenue et/ou de règlement d’un seul terme du loyer d’avance, l’intégralité des sommes sera due et la clause résolutoire reprendra son plein et entier effet,

– y ajoutant, condamner tant au principal qu’au subsidiaire, la société le Club 80 à payer aux consorts [E] une somme de 2 500 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure pour compenser les frais qu’ils ont dû assumer pour faire assurer leur défense devant la cour.

L’affaire a été fixée à l’audience rapporteur du 20 mars 2023 par ordonnance et avis de fixation de l’affaire à bref délai, avec clôture de la procédure à la date du 6 mars 2023.

MOTIFS DE LA DÉCISION

I Sur la créance des consorts [E].

L’article 1315 du code civil applicable énonce que celui qui réclame l’exécution d’une obligation doit la prouver et que réciproquement, celui qui se prétend libéré, doit justifier le payement ou le fait qui a produit l’extinction de son obligation.

La société le Club 80 observe qu’il ressort du décompte d’huissier du 26 juillet 2022 qu’elle était à cette date à jour de ses loyers. Elle admet qu’il lui a été opposé une créance de loyer d’un montant de 7.575,20 € par le premier juge au 30 octobre 2022. Elle met en avant avoir réglé postérieurement les sommes de 3.455,33 € le 22 novembre 2022, de 3.976,44 € le 1er mars 2023.

Cependant, il est exact qu’il convient d’ajouter aux montants précités ceux découlant de l’occupation des lieux par l’appelante lors des mois de novembre, décembre 2022, janvier, février et mars 2023, soit 9.941,10 €.

Il reste donc dû la somme de 10.084,53 € au 30 mars 2023, à laquelle la société le Club 80 sera condamnée à titre de provision.

L’ordonnance attaquée sera donc infirmée de ce chef au vu de ces nouveaux éléments.

II Sur la demande d’octroi de délai et de suspension des effets de la clause résolutoire.

L’article 1343-5 du code civil prévoit que ‘Le juge peut, compte tenu de la situation du débiteur et en considération des besoins du créancier, reporter ou échelonner, dans la limite de deux années, le paiement des sommes dues.

Par décision spéciale et motivée, il peut ordonner que les sommes correspondant aux échéances reportées porteront intérêt à un taux réduit au moins égal au taux légal, ou que les paiements s’imputeront d’abord sur le capital.

Il peut subordonner ces mesures à l’accomplissement par le débiteur d’actes propres à faciliter ou à garantir le paiement de la dette.

La décision du juge suspend les procédures d’exécution qui auraient été engagées par le créancier. Les majorations d’intérêts ou les pénalités prévues en cas de retard ne sont pas encourues pendant le délai fixé par le juge.

Toute stipulation contraire est réputée non écrite.

Les dispositions du présent article ne sont pas applicables aux dettes d’aliment’.

L’article L.145-41 du code de commerce ajoute que ‘Toute clause insérée dans le bail prévoyant la résiliation de plein droit ne produit effet qu’un mois après un commandement demeuré infructueux. Le commandement doit, à peine de nullité, mentionner ce délai.

Les juges saisis d’une demande présentée dans les formes et conditions prévues à l’article 1343-5 du code civil peuvent, en accordant des délais, suspendre la réalisation et les effets des clauses de résiliation, lorsque la résiliation n’est pas constatée ou prononcée par une décision de justice ayant acquis l’autorité de la chose jugée. La clause résolutoire ne joue pas, si le locataire se libère dans les conditions fixées par le juge’.

L’appelante soutient avoir réalisé l’ensemble des travaux réglementaires en vue de l’ouverture de la discothèque, celle-ci étant intervenue le 10 novembre 2022 et permettant le paiement des loyers en cours et la régularisation du passif.

Elle indique ne pas avoir réglé les montants locatifs précités du fait des retards sur les travaux qu’elle a dû réaliser pour la mise en conformité et donc l’absence d’activité de la société, mais que la quasi-totalité des loyers a été verséé et donc qu’elle est de bonne foi.

S’agissant de la situation de Mme [X] veuve [E], elle remarque qu’il n’est pas établi que la totalité des loyers lui reviennent, qu’aucun paiement n’interviendra si le bail est résilié et que cette mesure n’est pas dans l’intérêt des bailleurs.

***

Il apparaît néanmoins à la lecture des éléments versés aux débats que la société le Club 80 est un professionnel gérant un établissement de divertissement et ne pouvait ignorer de ce fait les normes applicables et la nécessité d’une mise en conformité des lieux concernés pour y recevoir du public.

De même, ainsi qu’il résulte des éléments qui précèdent, l’appelante reste redevable d’un montant équivalent à plus de 5 mois de loyer ou d’indemnité d’occupation

S’il est exact que son associé a effectivement réalisé des efforts pour apurer une partie du passif, il s’agissait toutefois d’une condition indispensable à l’ouverture de son entreprise au public, ces règlements n’ayant été réalisés qu’avant les échéances de la présente procédure et surtout ne sont plus intervenus suite à la reprise de l’activité.

Il résulte de ces seules constatations que la société le Club 80 ne saurait être considérée comme un débiteur de bonne foi et donc bénéficier d’un délai de paiement ou de suspension des effets de la clause résolutoire.

La décision attaquée sera donc confirmée de ce chef.

III Sur les demandes annexes.

Aux termes de l’article 696 alinéa premier du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge d’une autre partie. Sur ce fondement, la société le Club 80, qui succombe au principal, supportera la charge des dépens.

En application de l’article 700 du code de procédure civile, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

En l’espèce, l’équité commande que la société le Club 80 soit condamnée à verser aux consorts [E], ensemble, la somme de 2.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

LA COUR,

CONFIRME la décision rendue par le juge des référés du tribunal judiciaire d’Angoulême le 9 novembre 2022 sauf en ce qu’elle a condamné la société le Club 80 à payer à Mme [C] [X] épouse [E], Mme [K] [E], M. [G] [E], et Mme [P] [E], M. [N] [E] et M. [D] [E] :

– une somme totale de 7.575,20 € à titre de provision sur loyers et charges impayées et sur indemnité d’occupation du 21 juin 2022 au 30 octobre 2022 ;

– la somme mensuelle de 1.988,22 € à titre d’indemnité d’occupation du 1er novembre 2022 et jusqu’à libération effective des lieux et remise des clés, l’indemnité d’occupation mensuelle ;

Statuant à nouveau,

CONDAMNE la société le Club 80 à payer à Mme [C] [X] épouse [E], Mme [K] [E], M. [G] [E], et Mme [P] [E], M. [N] [E] et M. [D] [E] ensemble :

– une somme totale de 10.084,53 € à titre de provision sur loyers et charges impayées et sur indemnité d’occupation du 21 juin 2022 au 30 mars 2023 ;

– la somme mensuelle de 1.988,22 € à titre d’indemnité d’occupation mensuelle du 1er avril 2023 et jusqu’à libération effective des lieux et remise des clés ;

REJETTE le surplus des demandes

Y ajoutant,

CONDAMNE la société le Club 80 à verser aux consorts [E] ensemble la somme de 2.000 € sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE la société le Club 80 aux entiers dépens.

Le présent arrêt a été signé par Monsieur Roland POTEE, président, et par Madame Véronique SAIGE, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le Greffier, Le Président,

 


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