Saisine du juge de l’exécution : 15 mai 2023 Cour d’appel d’Agen RG n° 22/00937

·

·

Saisine du juge de l’exécution : 15 mai 2023 Cour d’appel d’Agen RG n° 22/00937

ARRÊT DU

15 Mai 2023

VS / NC

——————–

N° RG 22/00937

N° Portalis DBVO-V-B7G -DBXQ

——————–

SAS M.C.S. ET ASSOCIES

C/

[Z] [N]

——————-

GROSSES le

aux avocats

ARRÊT n° 217-23

COUR D’APPEL D’AGEN

Chambre Civile

LA COUR D’APPEL D’AGEN, 1ère chambre dans l’affaire,

ENTRE :

SAS M.C.S. ET ASSOCIES pris en la personne de son représentant légal actuellement en fonctions domicilié en cette qualité au siège RCS PARIS B 334 537 206

[Adresse 2]

[Localité 5]

représentée par Me David LLAMAS, avocat postulant au barreau d’AGEN

et Me Johanna GUILHEM, membre de l’association LASNIER BEROSE & GUILHEM, avocate plaidante au barreau de PARIS

APPELANTE d’un jugement du juge de l’exécution du tribunal judiciaire d’Auch, pôle proximité, en date du 07 novembre 2022, RG 21/00692

D’une part,

ET :

Monsieur [Z] [N]

né le [Date naissance 1] 1947 à [Localité 6] (Martinique)

de nationalité française

domicilié : [Adresse 4]

[Localité 3]

représenté par Me Isabelle BRU, SCP SEGUY BRU, avocate au barreau du GERS

INTIMÉ

D’autre part,

COMPOSITION DE LA COUR :

l’affaire a été débattue et plaidée en audience publique le 20 février 2023, sans opposition des parties, devant la cour composée de :

Présidente : Valérie SCHMIDT, Conseiller, qui a fait un rapport oral à l’audience

Assesseur : Hervé LECLAINCHE, Magistrat honoraire

qui en ont rendu compte dans le délibéré de la cour composée outre eux-mêmes de :

Pascale FOUQUET, Conseiller

en application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, et après qu’il en a été délibéré par les magistrats ci-dessus nommés,

Greffière : Nathalie CAILHETON

ARRÊT : prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile

‘ ‘

EXPOSÉ DU LITIGE

Par acte notarié du 20 octobre 2006, la Caisse d’Epargne et de Prévoyance des Pays de la Loire a consenti à M. [Z] [N] et Mme [E] [P] épouse [N] (les époux [N] en suivant) un prêt d’un montant de 160.300 euros d’une durée de 300 mois, remboursable au taux de 4,38 %, destiné à l’acquisition d’un bien immobilier.

Faute de règlement des échéances par les époux [N], la déchéance du prêt a été prononcée le 04 novembre 2013.

Un commandement aux fins de saisie immobilière a été délivré le 18 juillet 2014 aux époux [N] et un jugement d’adjudication est intervenu le 15 décembre 2015. Une procédure de distribution a été engagée par la Caisse d’Epargne et de Prévoyance des Pays de la Loire à l’issue de laquelle le 21 septembre 2018 elle se voyait affecter une somme de 152.811,13 euros ne lui permettant pas de recouvrer le solde de sa créance.

Par acte sous seing privé du 26 juin 2019, la Caisse d’Epargne et de Prévoyance des Pays de la Loire a cédé à la société MCS et Associés un portefeuille de créances comprenant celles détenues à l’égard des époux [N].

Par requête aux fins de saisie des rémunérations des débiteurs du 30 mars 2021, la société MCS et Associés a saisi le tribunal judiciaire d’Auch.

Par jugement du 07 novembre 2022, le juge de l’exécution d’Auch a :

– débouté la société MCS et Associés de l’intégralité de ses prétentions,

– condamné la société MCS et Associés à payer à M. [N] la somme de 500 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

– condamné la société MCS et Associés aux entiers dépens de l’instance.

La société MCS et Associés a interjeté appel le 25 novembre 2022 de cette décision en sollicitant son infirmation et en visant l’intégralité des chefs de jugement.

L’avis de fixation de l’affaire à bref délai est du 07 décembre 2022.

Par dernières conclusions du 02 février 2023, la société MCS et Associés demande à la cour de :

– infirmer le jugement du 07 novembre 2022 en toutes ses dispositions.

– juger la société MCS et Associés venant aux droits de la Caisse d’Epargne et de Prévoyance des Pays de la Loire recevable et bien fondée en ses demandes,

– juger que la cession de créance intervenue entre la Caisse d’Epargne et de Prévoyance des Pays de la Loire et la société MCS et Associés est opposable à M. [N],

– juger que la créance de la société MCS et Associés à l’encontre de M. [N] n’est pas prescrite,

– ordonner la saisie des rémunérations de M. [N] au profit de la société MCS et Associés pour la somme de 26 539,38 euros, avec intérêts au taux légal sur le principal de 25 334,26 euros, à compter du 1er mars 2022, date de l’arrêté de compte,

– débouter M. [N] de toutes ses demandes, fins, moyens et conclusions,

– infirmer le jugement en ce qu’il a condamné la société MCS et Associés à payer à M. [N] la somme de 500 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamner M. [N] à payer à la société MCS et Associés la somme de 3.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– infirmer le jugement en ce qu’il a condamné la société MCS et Associés aux dépens de

première instance,

– condamner M. [N] aux entiers dépens de première instance et d’appel.

A l’appui de ses prétentions, la société MCS et Associés fait valoir que :

– la cession de créances a été notifiée aux époux [N] par courriers recommandés avec accusés de réception du 16 octobre 2019,

– les époux [N] n’ont pas cru devoir aller chercher les courriers recommandés et aucun texte n’exige que l’accusé de réception soit impérativement signé par les destinataires et qu’une signification par huissier doive être effectuée,

– le nouveau texte a allégé les formalités d’information qui pèsent sur le créancier en cas de cession de créances de sorte que cette dernière est opposable aux époux [N],

– le jugement dont appel a ajouté une condition non prévue par le texte de 1324 du code de procédure civile en procédant par analogie,

– le commandement aux fins de saisie vente délivré aux époux [N] a de toutes façons été porté à leur connaissance la cession intervenue,

– les conditions d’exercice du retrait litigieux ne sont pas réunies et ce moyen n’est pas repris par les époux [N],

– la prescription n’est pas acquise car le point de départ de la prescription en matière de prêt immobilier ne court pas à compter de la première échéance impayée, mais se prescrit à compter de leurs dates d’échéances successives,

– l’action en paiement du capital restant dû se prescrit à compter de la déchéance du terme, qui emporte son exigibilité,

– la prescription a été interrompue par la procédure de saisie immobilière engagée par la Caisse d’Epargne et de Prévoyance des Pays de la Loire,

– la prescription est interrompue jusqu’à la date de l’ordonnance d’homologation du 21 septembre 2018 qui fait courir un nouveau délai de prescription,

– la délivrance d’un commandement aux fins de saisie-vente interrompt la prescription,

– la cession de créance intervenue en 2019 n’est pas soumise aux mêmes règles de droit,

– la notification est parfaitement valable quand bien même elle comprend une coquille,

– elle verse un décompte rectifié.

Par uniques conclusions du 29 décembre 2022, M. [N] sollicite de la cour de :

– confirmer le jugement déféré des chefs critiqués,

– juger l’acte de cession d’un portefeuille de créances inopposable à M. [N],

– débouter la société MCS et Associés de l’intégralité de ses prétentions comme étant prescrites,

en conséquence :

– la débouter de sa demande de saisie des rémunérations,

à titre subsidiaire :

– limiter le montant des sommes dues à 16.476,80 euros en principal et à 391,55 euros pour les intérêts,

en toutes hypothèses :

– condamner la société MCS et Associés au paiement d’une indemnité de 3.000 euros en

vertu des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

– la condamner au paiement des entiers dépens.

A l’appui de ses prétentions, M. [N] fait valoir que :

– si aucune forme n’est exigée pour la notification au débiteur de la cession de créance, il résulte des dispositions de l’article 669 du code de procédure civile que le destinataire de l’envoi à qui la lettre n’est pas remise est réputé ne pas l’avoir reçue,

– il convient de procéder par voie d’analogie avec l’article 670-1 du code de procédure civile qui prévoit la signification par acte d’huissier lorsque la lettre n’est pas signée par le destinataire ou une personne munie d’un pouvoir, ce qui est le cas en l’espèce,

– l’assouplissement du formalisme n’a pas pour but de laisser le destinataire de l’information dans l’ignorance de l’identité du nouveau créancier,

– le commandement de payer délivré n’a pu pallier cette carence car il comprend une coquille sur l’identité de la banque ayant cédé sa créance,

– la prescription biennale est acquise en application de l’article L. 137-2 du code de la consommation, et son point de départ court à compter de la première échéance impayée,

– l’ordonnance d’homologation du 21 septembre 2018 est une instance distincte prise dans le cadre de la saisie immobilière et l’action de la société MCS et Associés dans le cadre de la saisie des rémunérations est prescrite.

– un acte de saisie fondé sur un titre exécutoire obtenu par le cédant ne peut être valablement délivré par le cessionnaire au débiteur cédé qu’en vertu d’une cession de titre exécutoire valablement notifiée à ce dernier au préalable,

– la société MCS ne peut prétendre qu’aux intérêts échus pour la période de mars 2019 à mars 2021, date de dépôt de la requête afin de saisie des rémunérations, les intérêts échus du 30 décembre 2016 au 31 décembre 2018 sont prescrits.

La cour pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des prétentions et moyens des parties fait expressément référence à la décision entreprise et aux dernières conclusions régulièrement déposées en application des dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.

L’affaire a été fixée à plaider le 20 février 2023.

MOTIFS

Considérations liminaires

Il sera constaté que M. [N] ne reprend pas à hauteur d’appel son moyen tiré du retrait litigieux de sorte que celui-ci sera réputé avoir été abandonné.

Sur l’opposabilité de la cession de créances

Aux termes de l’article 1324 du code civil ‘la cession n’est opposable au débiteur, s’il n’y a déjà consenti, que si elle lui a été notifiée ou s’il en a pris acte.’

En l’espèce, la société MCS Associés a adressé à chacun des époux [N] une lettre recommandée avec accusé de réception en date du 16 octobre 2019 lesquelles n’ont pas été réclamées par leurs destinataires qui en concluent que la cession de créances réalisée ne leur est pas opposable.

Or, le consentement du débiteur cédé n’est classiquement pas requis concernant une cession de créance, lequel doit seulement être informé qu’il a changé de créancier, cette information conditionnant l’opposabilité de ladite cession peut résulter d’une simple notification sans qu’aucune forme ne soit requise de sorte que l’analogie opérée par le premier juge avec les articles 669 et 670-1 du code de procédure civile est inopérante.

Dès lors, la société MCS et Associés en procédant à la notification de la cession de créances par lettre recommandée avec accusé de réception à la date du 16 octobre 2019 à l’attention du débiteur cédé justifie des formalités exigées par l’article 1324 du code civil conditionnant son opposabilité, ce pli avisé le 19 octobre 2019 n’ayant pas été réclamé par M. [N].

Sur la prescription

Au titre de l’article L137-2 du code de la consommation ‘l’action des professionnels pour les biens ou les services qu’ils fournissent aux consommateurs se prescrit par deux ans.’

Aux termes de l’article 2244 du code civil ‘ le délai de prescription ou le délai de forclusion est également interrompu par une mesure conservatoire prise en application du code des procédures civiles d’exécution ou un acte d’exécution forcée’.

Il est constant que l’action en paiement des mensualités impayées se prescrit à compter de leurs dates d’échéances successives et celle du capital restant dû à compter de la déchéance du terme emportant exigibilité.

Il n’est pas contesté que la première échéance impayée date du 1er novembre 2012 tandis que la déchéance du terme a été prononcée le 04 novembre 2013.

En l’espèce, la prescription a été interrompue par la procédure de saisie immobilière engagée le 18 juillet 2014 qui a conduit au prononcé d’un jugement d’adjudication le 15 décembre 2015, cette interruption résultant de la demande en justice, conformément à l’article 2242 du code civil, a produit ses effets jusqu’à extinction de l’instance.

En conséquence, contrairement à ce que soutient M. [N], l’effet interruptif de prescription s’est maintenu jusqu’à la distribution des prix à savoir jusqu’à l’ordonnance d’homologation du projet de distribution du 21 septembre 2018, date à partir de laquelle, un nouveau délai de deux ans a commencé à courir sans qu’il soit besoin que ledit projet ait été notifié aux débiteurs.

Enfin, le commandement de payer aux fins de saisie vente délivré aux époux [N] le 17 août 2020 a interrompu la prescription alors que, de première part, la cession de créance réalisée le 26 juin 2019 ne peut se voir appliquer les exigences formelles préexistant à la réforme du 10 février 2016 et que, de seconde part, l’erreur matérielle sur la dénomination de l’ancien créancier est sans effet sur la connaissance de cette identité par le débiteur dès lors que le commandement mentionne bien le nom du nouveau créancier et le titre exécutoire en vertu duquel il agit.

Ainsi, la prescription n’est pas acquise lorsque la société MCS et Associés a saisi le tribunal judiciaire d’Auch le 30 mars 2021 d’une requête aux fins de saisie des rémunérations de M. [N].

Sur le décompte des sommes dues

Il est constant que l’interruption de prescription profite au principal mais aussi aux intérêts de sorte que les arguments avancés au soutien de ce moyen par M. [N] sont inopérants.

En outre, la société MCS et Associés produit un décompte rectifié expurgé de l’indemnité de 2000 euros et modifiant l’imputation des remboursements réalisés par les époux [N] sur les échéances, le capital et les intérêts.

En conséquence, il en découle un montant de 26.539,38 euros avec intérêts au taux légal sur le principal de 25.334,26 euros à compter du 1er mars 2022, date de l’arrêté de compte tandis que M. [N] sera débouté de sa demande tendant à voir réduire la créance à hauteur de la somme de 16.476,80 euros en principal et 391,55 euros en intérêts.

Dès lors, le jugement déféré sera infirmé en toutes ses dispositions et il sera ordonné la saisie des rémunérations de M. [N] pour ledit montant.

Sur les dépens et les frais irrépétibles

M. [N], succombant à l’instance, sera condamné aux entiers dépens de première instance et d’appel.

L’équité commande de ne pas faire application de l’article 700 du code de procédure civile tant en première instance qu’en appel.

PAR CES MOTIFS :

La Cour, après en avoir délibéré conformément à la loi, statuant par arrêt contradictoire prononcé par mise à disposition et en dernier ressort,

INFIRME le jugement déféré en toutes ses dispositions ;

Statuant de nouveau,

ORDONNE la saisie des rémunérations de M. [N] au profit de la société MCS et Associés pour la somme de 26.539,38 euros avec intérêts au taux légal sur le principal de 25.334,26 euros à compter du 1er mars 2022, date de l’arrêté de compte ;

DÉBOUTE M. [N] de l’intégralité de ses demandes ;

Y ajoutant,

CONDAMNE M. [N] aux entiers dépens de première instance et d’appel ;

DIT n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile en première instance et en cause d’appel.

Le présent arrêt a été signé par Valérie SCHMIDT, présidente, et par Nathalie CAILHETON, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

La Greffière, La Présidente,

 


0 0 votes
Je supporte LegalPlanet avec 5 étoiles
S’abonner
Notification pour
guest
0 Commentaires
Le plus ancien
Le plus récent Le plus populaire
Commentaires en ligne
Afficher tous les commentaires
Chat Icon
0
Nous aimerions avoir votre avis, veuillez laisser un commentaire.x