JG/ND
Numéro 23/2059
COUR D’APPEL DE PAU
2ème CH – Section 1
ARRÊT DU 15/06/2023
Dossier : N° RG 22/02056 – N° Portalis DBVV-V-B7G-IIWH
Nature affaire :
Demande en nullité et/ou en mainlevée, en suspension ou en exécution d’une saisie mobilière
Affaire :
[W] [X]
C/
[T] [I]
Grosse délivrée le :
à :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
A R R Ê T
Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour le 15 Juin 2023, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de Procédure Civile.
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APRES DÉBATS
à l’audience publique tenue le 23 Mars 2023, devant :
Madame Joëlle GUIROY, magistrat chargé du rapport,
assistée de Madame SAYOUS, greffier présent à l’appel des causes,
Joëlle GUIROY, en application des articles 805 et 907 du Code de Procédure Civile et à défaut d’opposition a tenu l’audience pour entendre les plaidoiries et en a rendu compte à la Cour composée de :
Madame Jeanne PELLEFIGUES, Présidente
Madame Joëlle GUIROY, Conseillère
Monsieur Marc MAGNON, Conseiller
qui en ont délibéré conformément à la loi.
dans l’affaire opposant :
APPELANT :
Monsieur [W] [X]
né le [Date naissance 4] 1973 à [Localité 9] (59)
de nationalité française
entrepreneur individuel exerçant sous le dénominaton ‘SEB CARRELAGE’, SIREN 447 835 000
[Adresse 3]
[Localité 5]
Représenté par Me Olivia MARIOL de la SCP LONGIN/MARIOL, avocat au barreau de PAU
INTIMEE :
Madame [T] [I]
née le [Date naissance 2] 1979 à [Localité 8]
de nationalité française
[Adresse 1]
[Localité 6]
Représentée par Me Marion COUSIN-CERES, avocat au barreau de MONT-DE-MARSAN
sur appel de la décision
en date du 28 JUIN 2022
rendue par le JUGE DE L’EXECUTION DE MONT DE MARSAN
Exposé du litige et des prétentions des parties :
Madame [T] [I] est propriétaire d’un immeuble à usage d’habitation comportant quatre logements destinés à la location à [Localité 7]) et a confié à Monsieur [W] [X], entrepreneur individuel exerçant sous le nom de SEB Carrelage, des travaux de rénovation d’une salle de bain selon devis du 30 juin 2016.
Se plaignant notamment de malfaçons, par ordonnance de référé du 6 septembre 2018, [T] [I] a obtenu la désignation d’un expert.
Sur la base du rapport qu’il a déposé le 16 janvier 2019, par acte du 10 février 2021, elle a attrait Monsieur [X] devant le tribunal judiciaire de Mont-de-Marsan.
Par jugement réputé contradictoire du 26 octobre 2021, signifié 18 novembre 2021, le tribunal judiciaire de Mont-de-Marsan a condamné [W] [X] à verser à [T] [I] les sommes de :
– 3.605,71 euros à titre de dommages et intérêts pour non respect du contrat d’entreprise liant les parties, augmentée des intérêts à.taux légal à compter du 11 octobre 2017,
– 14.688 euros en réparation de son préjudice de jouissance, augmentée des intérêts à taux légal à cornpter de la décision,
– 1.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
[W] [X] n’a pas interjeté appel de cette décision.
Poursuivant l’exécution de ce jugement, le 29 décembre 2021, [T] [I] a fait délivrer un commandement aux fins de saisie-vente à [W] [X].
Celui-ci restant infructueux, selon acte délivré le 12 janvier 2022, [T] [I] a fait procéder à une saisie-attribution sur les sommes portées au compte bancaire de [W] [X] entre les mains du Crédit Lyonnais de Capbreton pour le paiement de la somme de 18.293,71 euros.
Cette saisie a été dénoncée à [W] [X] selon acte d’huissier du 19 janvier 2022.
Contestant cette mesure d’exécution forcée, par acte d’huissier de justice du 15 février. 2022, [W] [X] a fait assigner [T] [I] devant le juge de l’exécution du tribunal judiciaire de Mont-de-Marsan aux fins voir, à titre principal, ordonner un échelonnement de sa dette en 24 mensualités de 865,90 euros et ordonner la-mainlevée de la saisie-attribution du 12 janvier 2022
Par jugement du 28 juin 2022, le juge de l’exécution de Mont-de-Marsan a :
– débouté Monsieur [W] [X] de toutes ses demandes ;
– condamné Monsieur [W] [X] à payer à Madame [T] [I] la somme de 800 euros (huit-cents euros) en application de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamné Monsieur [W] [X] aux entiers dépens ;
– rappelé que la décision est de droit assortie de l’exécution provisoire.
Par déclaration au greffe du 19 juillet 2022, [W] [X] a interjeté appel du jugement.
L’ordonnance de clôture a été rendue le 8 février 2023 et l’audience de plaidoirie a eu lieu le 23 mars 2023.
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Dans ses dernières conclusions notifiées au RPVA le 12 décembre 2022, [W] [X] demande à la cour d’infirmer le jugement dont appel et :
– à titre liminaire, débouter Madame [I] de sa demande de radiation de l’appel.
Vu l’article 1343-5 du Code civil,
– ordonner un échelonnement de sa dette envers elle d’un montant total de 20.781,70 € de la manière suivante : 24 mensualités de 865,90 euros ;
– ordonner la mainlevée de la saisie-attribution du 12 janvier 2022 entre les mains du Crédit Lyonnais de Capbreton ;
– condamner Madame [I] à lui payer la somme de 1.500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
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Dans ses dernières conclusions notifiées au RPVA le 11 novembre 2022, [T] [I] sollicite de la cour qu’elle :
A titre liminaire, vu l’article 524 al 1 du code de procédure civile,
– procède à la radiation de l’appel de Monsieur [X] ;
En tout état de cause,
Vu l’article 1343-5 du code civil,
– confirme le jugement entrepris en ce qu’il a
– débouté Monsieur [X] de ses demandes,
– condamné Monsieur [X] à lui verser la somme de 800 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure pénale.
Y ajoutant
– condamne Monsieur [X] à lui payer 1.500 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure pénale outre les entiers dépens.
Au-delà de ce qui sera repris pour les besoins de la discussion et faisant application en l’espèce des dispositions de l’article 455 du Code de procédure civile, la cour entend se référer pour l’exposé plus ample des moyens et prétentions des parties aux dernières de leurs écritures visées ci-dessus.
MOTIVATION :
– sur la demande de radiation pour absence d’exécution du jugement
L’article 524 du code de procédure civile dispose, en son premier alinéa, que lorsque l’exécution provisoire est de droit ou a été ordonnée, le premier président ou, dès lors qu’il est saisi, le conseiller de la mise en état peut, en cas d’appel, décider, à la demande de l’intimé et après avoir recueilli les observations des parties, la radiation du rôle de l’affaire lorsque l’appelant ne justifie pas avoir exécuté la décision frappée d’appel ou avoir procédé à la consignation autorisée dans les conditions prévues à l’article 521, à moins qu’il lui apparaisse que l’exécution serait de nature à entraîner des conséquences manifestement excessives ou que l’appelant est dans l’impossibilité d’exécuter la décision.
La demande de l’intimé doit, à peine d’irrecevabilité prononcée d’office, être présentée avant l’expiration des délais prescrits aux articles 905-2, 909, 910 et 911 du code de procédure civile.
En l’espèce, le jugement entrepris est assorti de l’exécution provisoire et il n’est pas contesté qu’il n’a pas reçu exécution de la part de l’appelant.
Toutefois, les parties ont été avisées par l’avis de fixation à bref délai transmis par voie électronique le 15 septembre 2022 et signifié à [T] [I] sur diligence de l’appelant par assignation du 19 septembre 2022, de ce que la procédure était soumise aux dispositions de l’article 905 du code de procédure civile.
Le 11 octobre 2022, l’appelant a signifié ses conclusions, auxquelles il a joint l’avis de fixation et sa déclaration d’appel.
L’intimée a constitué avocat le 8 novembre 2022 et le 11 novembre 2022 elle a notifiée par RPVA des conclusions par lesquelles elle demande à la cour de, notamment, procéder à la radiation de l’appel de Monsieur [X] sur le fondement de l’article 524 du code de procédure civile pour défaut d’exécution de la décision de première instance.
Ces conclusions ont été adressées uniquement à la cour et non au premier président de la cour d’appel qu’il appartenait pourtant à l’intimée de saisir.
Au regard de ces éléments, il convient de déclarer irrecevable la demande de radiation présentée par l’intimée.
-Sur la demande en délais de paiement et mainlevée de la mesure de saisie-attribution :
Pour rejeter la demande de Monsieur [X], le juge de l’exécution a retenu que la mesure de saisie-attribution effectuée à la requête de l’intimée n’avait permis d’appréhender que la somme de 1.316,80 euros et qu’il restait redevable du surplus mais qu’il n’établissait pas que sa situation financière justifiait que des délais de paiement lui soient octroyés.
Monsieur [X] fait cependant valoir qu’il a connu deux cancers et a subi des retards et négligences dans le traitement de son dossier par son assureur ainsi que les conséquences dommageables de la pandémie de la covid-19 de telle sorte que sa situation financière et comptable ne lui permet pas de s’acquitter des sommes qu’il doit à Madame [I].
Il maintient dès lors la proposition de règlement de sa dette qu’il avait soumise au premier juge par un échelonnement de ses paiements par 24 mensualités de 865 euros et sa demande de mainlevée de la saisie-attribution mise en place.
Au soutien de son argumentation, il produit ses relevés de comptes de plus en plus débiteurs entre novembre 2021 et juin 2022, des documents en lien avec les prêts qu’il dit avoir été contraint de souscrire ainsi que ses déclarations de revenus pour les années 2021 (20.389 euros) et 2022 (26.240), précisant que ses charges mensuelles personnelles s’élèvent à la somme de 1.510,24 euros et que ses charges mensuelles professionnelles sont de 8.261,79 euros.
Il ajoute que Madame [I] n’est pas transparente sur sa situation financière car elle a vendu sa maison, passé le permis moto et s’est achetée une moto.
En réplique, [T] [I] relève que Monsieur [X] ne conteste pas le principe de sa dette ni la validité de la saisie-attribution qu’elle a mise en ‘uvre à la suite de ses défaillances dans l’exécution des travaux qu’elle lui a confiés en 2016.
Elle souligne que, depuis, il ne s’est pas constitué dans le cadre des procédures qu’elle a diligentées pour obtenir sa condamnation à lui payer les sommes dont elle poursuit le recouvrement et qu’il n’a formulé ni proposition de règlement amiable ni effectué de paiement de telle sorte qu’il n’a procédé à aucun commencement d’exécution du jugement du 26 octobre 2021.
Elle estime que les renseignements qu’il communique sur sa situation ne montrent pas d’arrêt de son activité professionnelle et qu’il a bénéficié de soutiens et aides financières dont, de son côté, elle n’a pu bénéficier.
En effet, elle fait valoir qu’elle a perdu son emploi et élève seule ses enfants depuis sa séparation conjugale.
Elle remet les justificatifs de ses ressources constituées d’allocations diverses.
Selon l’article L. 213-6 du code de l’organisation judiciaire, le juge de l’exécution connaît, de manière exclusive, des difficultés relatives aux titres exécutoires et des contestations qui s’élèvent à l’occasion de l’exécution forcée, même si elles portent sur le fond du droit à moins qu’elles n’échappent à la compétence des juridictions de l’ordre judiciaire.
En application de l’article R. 121-1 du code des procédures civiles d’exécution, il ne peut cependant ni modifier le dispositif de la décision de justice qui sert de fondement aux poursuites, ni en suspendre l’exécution.
Et, l’article 1343-5 du code civil, sur lequel Monsieur [X] fonde sa demande principale, prévoit que le juge peut, compte tenu de la situation du débiteur et en considération des besoins du créancier, reporter ou échelonner, dans la limite de deux années, le paiement des sommes dues.
Cependant, une telle possibilité n’est offerte par la loi qu’au débiteur en capacité financière de régler l’intégralité de sa dette dans le délai fixé par le juge et désireux de sortir de cette situation d’endettement.
La charge de la preuve pèse sur le demandeur aux délais de paiement.
En l’espèce, Monsieur [X] ne produit aucun document permettant à la cour d’apprécier s’il est en mesure de respecter le rééchelonnement qu’il propose.
De fait, alors même qu’il justifie avoir bénéficié de prêts pour des montants conséquents et en tout cas supérieurs, au moins ponctuellement à ses charges personnelles et professionnelles dont il ne justifie d’ailleurs pas, il n’a procédé à aucun paiement de sa dette dont il ne conteste pourtant ni le principe ni le montant.
De même, compte tenu des délais écoulés, il a déjà bénéficié de larges délais qu’il n’a pas mis à profit pour proposer un règlement amiable de la situation.
Il ne justifie pas ainsi de sa réelle intention de règlement de la créance dont dispose Madame [I] à son endroit alors que les revenus et dépenses dont il fait état laissent craindre que ses capacités contributives ne sont pas suffisantes pour lui permettre un apurement de sa dette dans le délai envisagé par une mensualité du montant qu’il propose, de 865 euros, laquelle viendrait s’ajouter à ses autres charges.
En parallèle, la situation économique de Madame [I] a évolué défavorablement, ce qui rend nécessaire l’exécution de la décision de justice.
Il convient donc de confirmer la décision entreprise en ce qu’elle a rejeté la demande de délais de paiement formée par Monsieur [X].
S’agissant de sa demande en mainlevée de la mesure de saisie-attribution, le premier juge a justement relevé que la validité de la mesure n’était pas contestée par Monsieur [X].
Or, il ne justifie pas avoir réglé par d’autres modalités les montants dont le recouvrement est poursuivi et la mesure d’exécution forcée a emporté le transfert immédiat de la somme saisie (1.316,80 euros) entre les mains de [T] [I], le surplus restant encore dû.
En conséquence, le rejet de sa demande en mainlevée de cette mesure sera également confirmé.
– Sur les demandes accessoires :
Eu égard à la solution du litige, les dispositions du jugement déféré, s’agissant des dépens et de l’article 700 du code de procédure civile, seront confirmées.
A hauteur d’appel, Monsieur [X] qui succombe en l’intégralité de ses prétentions sera condamné aux dépens conformément aux dispositions de l’article 696 du code de procédure civile et sa demande fondée sur les dispositions de l’article 700 du code de procédure civile sera rejetée.
En revanche, compte tenu de la situation des parties et de leur positionnement, il sera fait droit la demande de [T] [I] sur ce fondement à hauteur de la somme de 1.000 euros.
PAR CES MOTIFS
la cour, après en avoir délibéré, statuant publiquement par mise à disposition au greffe, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,
Déclare irrecevable la demande de [T] [I] en radiation de l’appel ;
Confirme le jugement du juge de l’exécution de Mont-de-Marsan du 28 juin 2022 en toutes ses dispositions,
Déboute [W] [W] [X] de ses demandes ;
Condamne [W] [W] [X] aux dépens ;
Condamne [W] [X] à verser à [T] [I] la somme de 1.000 € en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
Le présent arrêt a été signé par Madame Joëlle GUIROY, conseillère, suite à l’empêchement de Madame Jeanne PELLEFIGUES, Présidente, et par Madame Nathalène DENIS, greffière suivant les dispositions de l’article 456 du Code de Procédure Civile.
La Greffière La Présidente