COUR D’APPEL de CHAMBÉRY
2ème Chambre
Arrêt du Jeudi 15 Juin 2023
N° RG 22/02066 – N° Portalis DBVY-V-B7G-HETQ
Décision déférée à la Cour : Jugement du Juge de l’exécution d’ALBERVILLE en date du 04 Novembre 2022, RG 22/00006
Appelants
M. [D], [U], [P], né le [Date naissance 4] 1965 à [Localité 11],
et
Mme [H] [R] épouse [P], née le [Date naissance 3] 1969 à [Localité 10],
demeurant ensemble [Adresse 8] [Localité 6]
Représentés par Me Michel FILLARD, avocat postulant au barreau de CHAMBERY et Me Philippe FORTABAT LABATUT, avocat plaidant au barreau de PARIS
Intimées
CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL DES SAVOIE, ayant pour nom commercial CREDIT AGRICOLE DES SAVOIE dont le siège social est sis [Adresse 5] – [Localité 7] prise en la personne de son représentant légal
Représentée par la SCP LOUCHET CAPDEVILLE, avocat au barreau D’ALBERTVILLE
CAISSE DE CREDIT MUTUEL DE [Localité 10] DUCS DE SAVOIE venant aux droits et obligations de la CAISSE DE CREDIT MUTUEL DE [Localité 10] TURIN, dont le siège social est sis [Adresse 2] – [Localité 10] – prise en la personne de son représentant légal
Représentée par la SELARL TRAVERSO-TREQUATTRINI ET ASSOCIES, avocat au barreau d’ANNECY
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COMPOSITION DE LA COUR :
Lors de l’audience publique des débats, tenue le 04 avril 2023 avec l’assistance de Madame Sylvie DURAND, Greffière,
Et lors du délibéré, par :
– Madame Alyette FOUCHARD, Conseillère faisant fonction de Présidente, à ces fins désignée par ordonnance de Madame la Première Présidente
– Monsieur Edouard THEROLLE, Conseiller,
– Monsieur Fabrice GAUVIN, Conseiller,
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EXPOSÉ DU LITIGE
Par acte du 15 novembre 2021, la Caisse régionale de crédit agricole mutuel des Savoie (le Crédit agricole) a fait délivrer un commandement de payer valant saisie immobilière à M. [D] [P], portant sur un ensemble immobilier lui appartenant situé à [Localité 12] (Savoie), pour obtenir le paiement d’une créance de 173 849,82 euros arrêtée au 15 octobre 2021, fixée par un jugement du tribunal de grande instance d’Albertville du 03 août 2018, confirmé par arrêt de la cour d’appel de Chambéry du 17 septembre 2020, aujourd’hui définitif.
Le commandement de payer a été publié au service de la publicité foncière de Chambéry le 20 décembre 2021 sous la référence 2021 S 59.
Par acte délivré le 18 février 2022, le Crédit agricole a fait assigner M. [P] en audience d’orientation devant le juge de l’exécution du tribunal judiciaire d’Albertville, statuant en matière de saisie immobilière, aux fins de poursuite de la procédure, la mise à prix des biens saisis étant fixée à 20 000 euros.
Par conclusions notifiées le 31 mai 2022, Mme [H] [R], épouse [P], est intervenue volontairement à l’instance.
M. et Mme [P] ont soulevé diverses contestations.
Par jugement contradictoire rendu le 4 novembre 2022, le juge de l’exécution du tribunal judiciaire d’Albertville a :
déclaré recevable l’intervention volontaire accessoire de Mme [H] [R], épouse [P],
débouté M. et Mme [P] de l’ensemble de leurs demandes,
constaté que le créancier poursuivant, titulaire d’une créance liquide et exigible, agit en vertu d’un titre exécutoire, comme il est dit aux articles L. 311-2 et L. 311-4 du code des procédures civiles d’exécution,
constaté que la saisie pratiquée porte sur des droits saisissables au sens de l’article L. 311-6 du code des procédures civiles d’exécution,
constaté que la créance du Crédit agricole à l’encontre de M. [P] s’élève à la somme de 165 421,34 euros en principal, intérêts et frais, arrêtés à la date du 15 octobre 2021,
ordonné qu’à la poursuite et diligence du Crédit agricole il soit procédé à la vente forcée des biens, objet de la saisie, tels que définis par le cahier des conditions de la vente établi par le créancier poursuivant,
fixé l’audience d’adjudication au vendredi 03 mars 2023 à 14 heures,
dit que la visite des locaux sera organisée dans la quinzaine précédant la date de la vente et ce du lundi au vendredi pendant une durée maximum d’une heure, sauf accord des débiteurs pour des modalités plus étendues,
autorisé l’huissier territorialement compétent et mandaté par le Crédit agricole à pénétrer dans les immeubles désignés, au besoin en cas d’absence de l’occupant du local dûment averti ou si ce dernier refuse l’accès, en présence du maire de la commune, d’un conseiller municipal ou d’un fonctionnaire municipal délégué par le maire à cette fin, d’une autorité de police ou de gendarmerie, requis pour assister au déroulement des opérations ou, à défaut, de deux témoins majeurs qui ne sont au service ni du créancier ni de l’huissier de justice chargé de l’exécution, si nécessaire avec l’assistance d’un serrurier, afin de faire visiter les biens mis en vente,
débouté le Crédit agricole de sa demande relative aux frais irrépétibles,
dit que les dépens seront compris dans les frais de vente soumis à la taxe.
Par déclaration du 14 décembre 2022, M. et Mme [P] ont interjeté appel de ce jugement.
Par ordonnance rendue le 05 janvier 2023, sur requête des appelants déposée le 20 décembre 2022, la première présidente de la cour d’appel de Chambéry a autorisé M. et Mme [P] à faire assigner le Crédit agricole, créancier poursuivant, et le Crédit mutuel, créancier inscrit, selon la procédure à jour fixe, à l’audience de la cour du 04 avril 2023.
Par actes délivrés le 30 mars 2023, M. et Mme [P] ont fait assigner le Crédit agricole et le Crédit mutuel devant la cour.
Par conclusions notifiées le 29 mars 2023, auxquelles il est expressément renvoyé pour l’exposé des moyens, M. et Mme [P] demandent en dernier lieu à la cour de :
réformer purement et simplement le jugement dont appel,
vu la citation en révision en cours, renvoyer l’affaire en l’attente de la décision à intervenir sur la procédure de révision en cours audiencée le 05 juin 2023,
en conséquence, surseoir à statuer en l’état,
Subsidiairement,
constater que les formalités de constitution de l’avocat et de domicile de l’avocat ne sont pas accomplies,
prononcer la nullité de l’acte introductif d’instance,
Plus subsidiairement,
constater que le Crédit agricole n’a pas fait l’inscription de nantissement recevable dans les délais prévus par le code et ne peut activer les cautions, et n’a jamais renouvelé cette inscription si par extraordinaire elle aurait été valide,
déclarer irrecevable l’action engagée par le Crédit agricole,
dire et juger que les défendeurs n’ont jamais été et ne sont pas cautions du prêt invoqué par le Crédit agricole,
En tout état de cause,
dire et juger que la procédure engagée par le Crédit agricole ne peut prospérer,
débouter le Crédit agricole de toutes ses demandes,
dire et juger qu’il serait inéquitable de laisser à la charge de M. [P] les frais irrépétibles qu’il a été contraint d’exposer en justice aux fins de défendre ses intérêts,
en conséquence, condamner le Crédit agricole au paiement de la somme de 4 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
condamner le Crédit agricole aux entiers dépens, dont distraction au profit de Me Fillard, avocat, en application de l’article 699 du code de procédure civile.
Par conclusions notifiées le 3 avril 2023, auxquelles il est expressément renvoyé pour l’exposé des moyens, la Caisse régionale de crédit agricole mutuel des Savoie demande en dernier lieu à la cour de :
Vu les articles R. 322-4 et suivants du code des procédures civiles d’exécution,
Vu les articles R. 322-15 et R. 322-18 du code des procédures civiles d’exécution,
juger non fondée la demande de sursis à statuer dans l’attente de la procédure de recours en révision,
juger régulière la constitution de l’avocat du Crédit agricole,
juger régulière l’inscription du nantissement du fonds de commerce de la société Bastan,
confirmer en conséquence le jugement déféré en toutes ses dispositions,
débouter M. et Mme [P] de toutes leurs demandes, fins et conclusions,
condamner in solidum M. et Mme [P] à régler au Crédit agricole la somme de 2 000 euros par application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
condamner in solidum M. et Mme [P] aux entiers dépens d’appel.
Le Crédit mutuel, créancier inscrit, a constitué avocat devant la cour mais n’a pas conclu.
L’affaire a été appelée à l’audience du 04 avril 2023, à laquelle elle a été retenue et mise en délibéré au 15 juin 2023.
MOTIFS ET DÉCISION
Sur la demande de sursis à statuer
M. et Mme [P] sollicitent le sursis à statuer dans l’attente de l’issue du recours en révision qu’ils ont exercé à l’encontre d’un arrêt rendu par la cour d’appel de Chambéry le 8 décembre 2015 confirmant un jugement du tribunal de commerce de Chambéry du 7 novembre 2014 ayant constaté l’état de cessation des paiements de la SARL Bastan et prononcé son redressement judiciaire.
Toutefois, la cour note que l’arrêt du 8 décembre 2015 n’est pas produit par les appelants, de sorte que le contenu de cette décision ne peut être vérifié.
Par ailleurs, les poursuites de saisie immobilière engagées par le Crédit agricole à l’encontre de M. [P] ont été exercées sur le fondement d’un jugement rendu par le tribunal de grande instance d’Albertville le 03 août 2018, confirmé par arrêt rendu par la cour d’appel de Chambéry le 17 septembre 2020, devenu définitif pour avoir été signifié le 15 octobre 2020 aux époux [P].
Ces décisions ont prononcé la condamnation en paiement des époux [P] au profit du Crédit agricole en leur qualité de cautions solidaires de la SARL Bastan. Le recours en révision contre l’arrêt du 8 décembre 2015, qui concerne exclusivement la procédure collective de la société Bastan, n’est donc pas susceptible d’avoir une quelconque influence sur le présent litige, aucune décharge des cautions ne pouvant en résulter, celles-ci ayant été définitivement condamnées en paiement.
En conséquence la demande de sursis à statuer ne peut qu’être rejetée.
Sur la régularité de l’acte introductif d’instance
M. et Mme [P] soutiennent que l’acte introductif d’instance serait nul en ce qu’il ne contiendrait pas la constitution régulière d’un avocat pour le Crédit agricole.
Cette demande n’est fondée sur aucun texte.
L’article 752, paragraphe 1°, du code de procédure civile dispose que, lorsque la représentation par avocat est obligatoire, outre les mentions prescrites aux articles 54 et 56, l’assignation contient à peine de nullité la constitution de l’avocat du demandeur.
En l’espèce, l’assignation délivrée à M. [P] à la requête du Crédit agricole porte la mention suivante :
«ayant pour avocat Maître Julien Capdeville, avocat au barreau d’Albertville (Savoie), y demeurant [Adresse 9] [Localité 1], membre de la SCP Louchet-Capdeville».
Il est de jurisprudence constante que la mention «ayant pour avocat», suivie du nom et de l’adresse de l’avocat, vaut constitution dès lors qu’il n’existe aucun doute sur l’avocat constitué (Civ. 2e, 23 oct. 2008, n° 07-19.700).
Aucune ambiguïté sur le nom de l’avocat du créancier poursuivant ne résulte de la mention précitée, de sorte que la constitution est régulière.
Par ailleurs, la mention de l’adresse physique de l’avocat constitué sur l’assignation n’est pas requise à peine de nullité.
Aussi, le jugement déféré sera confirmé en ce qu’il a rejeté la demande d’annulation de l’assignation.
Sur la décharge de la caution
Les appelants soutiennent qu’ils devraient être déchargés de leur obligation à l’égard du Crédit agricole, faute pour celui-ci d’avoir effectué l’inscription du nantissement du fonds de commerce de la société Bastan, tel que prévu par l’acte de prêt.
En application de l’article 2314 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l’entrée en vigueur de l’ordonnance n° 2021-1192 du 15 septembre 2021, applicable en l’espèce, la caution est déchargée, lorsque la subrogation aux droits, hypothèques et privilèges du créancier, ne peut plus, par le fait de ce créancier, s’opérer en faveur de la caution.
Ainsi que l’a justement relevé le premier juge, et contrairement aux affirmations infondées des appelants, le nantissement litigieux a bien été inscrit dans les trente jours de l’acte de prise de garantie, ce dernier étant en date du 15 mai 2012, et le nantissement ayant été inscrit le 25 mai 2012 (pièces n° 13 et 14 du Crédit agricole), de sorte que ce nantissement est parfaitement valable. Au demeurant, le Crédit agricole souligne à juste titre que le délai d’inscription était, à l’époque, de quinze jours, et que ce délai a bien été respecté.
Par ailleurs, concernant l’absence de renouvellement de cette inscription, le moyen est totalement inopérant puisque le fonds de commerce nanti a fait l’objet d’une vente en date du 10 juillet 2017, dans le cadre de la liquidation judiciaire de la société Bastan, et que les fonds qui en sont issus ont été affectés, comme il se doit, au remboursement de la créance de la banque dans le cadre de la répartition opérée par le liquidateur (pièce n° 15 du Crédit agricole).
Ainsi, M. et Mme [P] n’établissent aucune faute commise par le Crédit agricole qui les aurait privés d’une chance d’être subrogés dans les droits du prêteur au titre du nantissement et le jugement déféré sera confirmé en ce qu’il a rejeté leur demande.
Sur les demandes accessoires
Le jugement déféré n’est critiqué dans aucune autre de ses dispositions, de sorte qu’il sera confirmé en totalité.
Il serait inéquitable de laisser à la charge du Crédit agricole la totalité des frais exposés en appel, et non compris dans les dépens. Il convient en conséquence de lui allouer la somme de 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
M. et Mme [P], qui succombent en leur appel, en supporteront les entiers dépens.
PAR CES MOTIFS
La cour, après en avoir délibéré conformément à la loi, statuant publiquement, par arrêt contradictoire,
Dit n’y avoir lieu à surseoir à statuer,
Confirme le jugement rendu par le juge de l’exécution du tribunal judiciaire d’Albertville le 04 novembre 2022 en toutes ses dispositions,
Y ajoutant,
Condamne in solidum M. [D] [P] et Mme [H] [R], épouse [P], à payer à la Caisse régionale de crédit agricole mutuel des Savoie la somme de 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, pour les frais exposés en appel,
Condamne in solidum M. [D] [P] et Mme [H] [R], épouse [P], aux entiers dépens de l’appel.
Ainsi prononcé publiquement le 15 juin 2023 par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de Procédure Civile, et signé par Madame Alyette FOUCHARD, Conseillère faisant fonction de Présidente et Madame Sylvie DURAND, Greffière.
La Greffière La Présidente