Saisine du juge de l’exécution : 15 juin 2023 Cour d’appel de Bourges RG n° 22/01018

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Saisine du juge de l’exécution : 15 juin 2023 Cour d’appel de Bourges RG n° 22/01018

SM/RP

COPIE OFFICIEUSE

COPIE EXÉCUTOIRE

à :

– SELARL CABINET D’AVOCATS FLORENCE CHAUMETTE ET BRICE TAYON

– SELAS TERRAJURIS AVOCATS

– SCP SOREL

LE : 15 JUIN 2023

COUR D’APPEL DE BOURGES

CHAMBRE CIVILE

ARRÊT DU 15 JUIN 2023

N° 298 – 7 Pages

N° RG 22/01018 – N° Portalis DBVD-V-B7G-DPXP

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Commerce de CHATEAUROUX en date du 14 Septembre 2022

PARTIES EN CAUSE :

I – M. [D] [T]

né le [Date naissance 1] 1967 à [Localité 9]

[Adresse 10]

Représenté par la SELARL CABINET D’AVOCATS FLORENCE CHAUMETTE ET BRICE TAYON, avocat au barreau de CHATEAUROUX

Plaidant par Me Jessy RENNER, avocat au barreau de POITIERS, substituée à l’audience par Me Justine NIBAUDEAU, avocat au barreau de POITIERS

timbre fiscal acquitté

APPELANT suivant déclaration du 18/10/2022

II – Mme [B] [N] épouse [T]

née le [Date naissance 2] 1975 à [Localité 8]

[Adresse 4]

[Localité 6] – BELGIQUE

Représentée ey plaidant par la SELAS TERRAJURIS AVOCATS, avocat au barreau de BOURGES

timbre fiscal acquitté

INTIMÉE

III – S.A.S. SAULNIER-[V] ASSOCIES ès qualité de liquidateur de la SA DOMAINE DE [Adresse 11], agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social :

[Adresse 5]

[Localité 3]

N° SIRET : 841 65 3 5 53

Représentée et plaidant par la SCP SOREL & ASSOCIES, avocat au barreau de BOURGES

timbre fiscal acquitté

INTIMÉE

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 03 Mai 2023 en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant M. TESSIER-FLOHIC, Président chargé du rapport.

Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

M. TESSIER-FLOHIC Président de Chambre

M. PERINETTI Conseiller

Mme CIABRINI Conseillère

***************

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Mme MAGIS

***************

ARRÊT : CONTRADICTOIRE

prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

**************

EXPOSÉ :

[D] [T] et son frère [H] [T], ont hérité, à la suite du décès de leurs parents, d’un domaine situé [Adresse 11], lieudit [Adresse 11], sur la Commune du [Localité 7] (36).

Dans le cadre d’un litige successoral opposant les deux frères, deux protocoles d’accord transactionnels ont été rédigés en avril 2005 et avril 2007 attribuant :

– la propriété des parts sociales de la SA Domaine de [Adresse 11] à [H] [T]

– la jouissance des parcelles du domaine à [D] [T].

La SA Domaine de [Adresse 11] dont [H] [T] était président a été placée en liquidation judiciaire par décision du tribunal de Commerce de Châteauroux en date du 13 décembre 2011.

Le mandataire liquidateur Maître [V] a fait procéder à la vente aux enchères du domaine appartenant à la société.

Par un jugement en date du 2 juillet 2019, le juge de l’exécution du tribunal de grande instance de Châteauroux a adjugé l’immeuble, au prix de 1.010.000 €, à [B] [N], épouse de [H] [T].

[D] [T] a alors saisi le tribunal judiciaire de Châteauroux aux fins d’obtenir l’annulation de ce jugement d’adjudication sur le fondement de l’article L.642 ‘ 3 du code de commerce.

Par des conclusions d’incident, la SAS SAULNIER [V] & Associés, ès-qualités de liquidateur de la SA DOMAINE DE [Adresse 11] et Madame [N], ont soulevé l’incompétence du tribunal judiciaire de Châteauroux au profit du tribunal de commerce de Châteauroux.

Par ordonnance du 6 avril 2021, le juge de la mise en état a retenu l’incompétence du tribunal judiciaire de Châteauroux au profit de la compétence du tribunal de commerce.

Par jugement en date du 14 septembre 2022, le tribunal de commerce de Châteauroux a :

– Débouté Monsieur [D] [T] de l’ensemble de ses demandes, comme irrecevables, et au surplus mal-fondées ;

– Condamné Monsieur [D] [T] à payer à Madame [B] [N] épouse [T] la somme de 3.000€ à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive ;

– Condamné Monsieur [D] [T] à payer à la SELAS SAULNIER [V], prise en la personne de Maître [L] [V], ès-qualités de liquidateur de la SA DOMAINE DE [Adresse 11], la somme de 2.500 € à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive ;

– Condamné Monsieur [D] [T] à payer à Madame [B] [N] épouse [T] la somme de 8.000 € en application des dispositions de l’article 700 du Code de Procédure civile ;

– Condamné Monsieur [D] [T] à payer à la SELAS SAULNIER [V], prise en la personne de Maître [L] [V], ès-qualités de liquidateur de la SA DOMAINE DE [Adresse 11], la somme de 5.000 € en application des dispositions de l’article 700 du Code de Procédure civile ;

– Ecarté l’exécution provisoire en application des articles 514-1 du Code de procédure civile ;

– Condamné Monsieur [D] [T] aux dépens de l’instance.

[D] [T] a interjeté appel de cette décision par déclaration enregistrée le 18 octobre 2022 et demande à la cour, dans ses dernières écritures en date du 24 mars 2023, à la lecture desquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des moyens en application de l’article 455 du code de procédure civile, de :

Vu les dispositions du Code de procédure civile

Vu les dispositions du Code de commerce

Vu la jurisprudence citée

Vu les pièces versées aux débats,

– JUGER recevable et bien fondé son appel,

– DEBOUTER Madame [N] et la SAS SAULNIER [V] de l’intégralité de leurs prétentions.

A TITRE PRINCIPAL :

– INFIRMER le jugement rendu par le Tribunal de Commerce de CHATEAUROUX en date du 14 septembre 2022 ;

Statuant à nouveau :

– JUGER que Monsieur [D] [T] a intérêt à agir à la présente procédure.

– JUGER recevable la contestation du jugement d’adjudication en date du 2 juillet 2019.

En conséquence :

– PRONONCER l’annulation de la vente de l’immeuble adjugé à Madame [N] en vertu du jugement rendu par le Juge de l’Exécution de Châteauroux, le 2 juillet 2019, sis [Adresse 11], lieudit [Adresse 11] Commune du [Localité 7] et cadastré comme suit :

[B] [N] épouse [T], intimée, demande à la cour, dans ses dernières écritures en date du 7 mars 2023, à la lecture desquelles il est pareillement renvoyé pour plus ample exposé des moyens en application de l’article 455 du code de procédure civile, de :

CONFIRMER le jugement du Tribunal de commerce de CHATEAUROUX le 14 septembre 2022 en toutes ses dispositions,

Y ajoutant

CONDAMNER M. [D] [T] à régler à Mme [B] [N] la somme de 6.000€ au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens d’appel.

La S.A.S SAULNIER [V] prise en la personne de Me [L] [V] es qualité de liquidateur de la SA DOMAINE DE [Adresse 11], intimée, demande pour sa part à la cour dans ses dernières écritures notifiées par voie électronique le 14 mars 2023, à la lecture desquelles il est pareillement renvoyé pour plus ample exposé des moyens en application de l’article 455 du code de procédure civile précité, de :

– JUGER irrecevable ou à tout le moins non fondé Monsieur [D] [T] en ses prétentions et l’en débouter

– JUGER la S.A.S SAULNIER [V] prise en la personne de Me [L] [V] es qualité de liquidateur de la SA DOMAINE DE [Adresse 11] recevable et bien fondée en toutes ses demandes, fins et conclusions,

– CONFIRMER le Jugement rendu par le Tribunal de commerce de Châteauroux le 14 septembre 2022,

A titre subsidiaire, statuant à nouveau,

– DECLARER la S.A.S SAULNIER [V] prise en la personne de Me [L] [V] ès qualité de liquidateur de la SA DOMAINE DE [Adresse 11] recevable et bien fondée en toutes ses demandes, fins et conclusions,

– AUTORISER Madame [N] à demeurer adjudicataire des biens susmentionnés conformément à l’article L642-3 alinéa 2 du Code de commerce, sauf à considérer qu’elle y a d’ores et déjà été autorisée par le Juge de l’Exécution du Tribunal judiciaire de CHATEAUROUX dans son jugement du 02 juillet 2020,

En tout état de cause,

– DEBOUTER Monsieur [D] [T] de ses demandes fins et conclusions plus amples et contraires ;

– CONDAMNER Monsieur [D] [T] à payer et porter à la SAS SAULNIER [V] es qualité de liquidateur de la SA [Adresse 11] une somme de 5.000 Euros à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive ;

– CONDAMNER Monsieur [D] [T] à payer et porter à la SAS SAULNIER [V] es qualité de liquidateur de la SA [Adresse 11] une somme de 5.000 Euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du Code de Procédure Civile ainsi qu’aux entiers dépens dont distraction au profit de son conseil,

L’ordonnance de clôture est intervenue le 12 avril 2023.

Sur quoi :

Selon l’article 31 du code de procédure civile, l’action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d’une prétention, sous réserve des cas dans lesquels la loi attribue le droit d’agir aux seules personnes qu’elle qualifie pour élever ou combattre une prétention, ou pour défendre un intérêt déterminé.

[B] [N] épouse [T] et la SAS SAULNIER [V] en qualité de liquidateur de la SA DOMAINE DE [Adresse 11] concluent à l’irrecevabilité, pour défaut d’intérêt à agir, de l’action exercée par [D] [T] aux fins d’obtenir l’annulation du jugement d’adjudication en date du 2 juillet 2019.

Il convient de rappeler que [D] [T], faisant valoir que [B] [N] est l’épouse de [H] [T], président de la SA DOMAINE DE [Adresse 11], agit sur le fondement de l’article L642 ‘ 3 du code de commerce selon lequel : « ni le débiteur, au titre de l’un quelconque de ses patrimoines, ni les dirigeants de droit ou de fait de la personne morale en liquidation judiciaire, ni les parents ou alliés jusqu’au deuxième degré inclusivement de ses dirigeants ou du débiteur personne physique, ni les personnes ayant ou ayant eu la qualité de contrôleur au cours de la procédure ne sont admis, directement ou par personne interposée, à présenter une offre. De même, il est fait interdiction à ces personnes d’acquérir, dans les cinq années suivant la cession, tout ou partie des biens compris dans cette cession, directement ou indirectement, ainsi que d’acquérir des parts ou titres de capital de toute société ayant dans son patrimoine, directement ou indirectement, tout ou partie de ces biens, ainsi que des valeurs mobilières donnant accès, dans le même délai, au capital de cette société.

Toutefois, lorsqu’il s’agit d’une exploitation agricole, le tribunal peut déroger à ces interdictions et autoriser la cession à l’une des personnes visées au premier alinéa, à l’exception des contrôleurs et du débiteur au titre de l’un quelconque de ses patrimoines. Dans les autres cas et sous réserve des mêmes exceptions, le tribunal, sur requête du ministère public, peut autoriser la cession à l’une des personnes visées au premier alinéa par un jugement spécialement motivé, après avoir demandé l’avis des contrôleurs.

Tout acte passé en violation du présent article est annulé à la demande de tout intéressé ou du ministère public, présentée dans un délai de trois ans à compter de la conclusion de l’acte. Lorsque l’acte est soumis à publicité, le délai court à compter de celle-ci. »

Il appartient à l’appelant de rapporter la preuve d’un intérêt juridique, légitime, né et actuel, direct et personnel devant s’apprécier au jour de l’introduction de sa demande en justice.

[D] [T] soutient qu’il dispose bel et bien d’un intérêt à agir dès lors qu’il verse au dossier la signification du procès-verbal d’expulsion établi le 4 février 2020 par Maître [P], huissier de justice à [Localité 9], précisant : « agissant en vertu du jugement numéro RG 19/00029 prononcé contradictoirement et en dernier ressort par le juge de l’exécution du tribunal de grande instance de Châteauroux le 02/07/2019 ».

Il doit être rappelé que par l’effet de l’ouverture de la procédure de liquidation judiciaire de la société DOMAINE DE [Adresse 11] selon jugement rendu le 5 mars 2014 par le tribunal de commerce de Châteauroux, celui-ci se trouve dépourvu du droit d’agir.

En outre, au sens du dernier alinéa de l’article L642 ‘ 3 du code de commerce précité, la notion de « tout intéressé », admis à solliciter l’annulation d’un acte d’adjudication immobilière passé en violation de la prohibition édictée au premier alinéa de ce texte, ne peut concerner qu’une personne pouvant justifier d’un droit d’occupation des lieux, fût-il précaire et gratuit, à l’exception de tout occupant sans droit ni titre.

Or, il est constant en l’espèce qu’aucun bail rural n’a été formalisé et que les protocoles d’accord régularisés en 2005 et 2007, qui prévoyaient au bénéfice de l’appelant un droit précaire d’occupation de certaines parcelles, sont désormais caducs dès lors que ni [H] [T] ni la société DOMAINE DE [Adresse 11] ne sont plus désormais propriétaires des parcelles en cause, étant par ailleurs remarqué que le cahier des conditions de vente établi dans le cadre de la procédure de saisie immobilière ayant abouti à l’adjudication désormais contestée prévoyait expressément que « les terres sont quant à elle occupées sans que les bénéficiaires ne disposent d’un bail et sans paiement de fermage et/ou contrepartie financière » (page numéro 10 de la pièce numéro 2 du dossier de Madame [N]).

Par ailleurs, il est établi que [D] [T], pourtant sommé de prendre connaissance du cahier des conditions de vente et d’assister à la vente à l’audience d’adjudication, s’est abstenu de présenter une quelconque contestation au moment de l’audience lorsque l’identité de l’adjudicataire a été révélée, alors même que l’article R322 ‘ 49 du code des procédures civiles d’exécution dispose que « les contestations relatives à la validité des enchères sont formées verbalement à l’audience, par ministère d’avocat. Le juge statue sur-le-champ et, le cas échéant, reprend immédiatement les enchères dans les conditions prévues à l’article R322 ‘ 43 ».

En considération de l’ensemble de ces éléments, c’est à juste titre que le tribunal de commerce, après avoir considéré que l’appelant était occupant sans droit ni titre du bien immobilier ayant fait l’objet de l’adjudication, a estimé que la demande formée en application de l’article L642 ‘ 3 du code de commerce et tendant à l’annulation du jugement d’adjudication du 2 juillet 2019 devait être déclarée irrecevable.

La décision de première instance devra donc être confirmée, y compris en ce qu’elle a alloué à Madame [N] et au mandataire liquidateur des dommages-intérêts justement évalués aux sommes de 3000 € et 2500 € pour procédure abusive, l’équité commandant, en outre, d’allouer à ces derniers, en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, des indemnités que l’équité commande de fixer à 2000 € chacun au titre des frais irrépétibles qu’ils ont dû exposer en cause d’appel.

Par ces motifs :

La cour

‘ Confirme le jugement entrepris

Y ajoutant

‘ Condamne [D] [T] à verser à [B] [N] et à la SAS SAULNIER [V], ès qualités de liquidateur de la SA DOMAINE DE [Adresse 11], une indemnité de 2000€, chacun, en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile

‘ Rejette toutes autres demandes, plus amples ou contraires

‘ Dit que les entiers dépens d’appel seront à la charge de [D] [T].

L’arrêt a été signé par A. TESSIER-FLOHIC, Président, et par S. MAGIS, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le Greffier, Le Président,

S. MAGIS A. TESSIER-FLOHIC

 


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