COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE
Chambre 1-3
ARRÊT AU FOND
DU 15 JUIN 2023
N° 2023/ 169
Rôle N° RG 20/00852 – N° Portalis DBVB-V-B7E-BFOX5
Société AXA FRANCE IARD
C/
SARL BONDIL ASSAINISSEMENT
S.A.S. AON FRANCE
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
Me Bruno ZANDOTTI
Me Charlotte SIGNOURET
Me Paul GUEDJ
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Tribunal de Grande Instance de MARSEILLE en date du 16 Décembre 2019 enregistré au répertoire général sous le n° 18/05484.
APPELANTE
Société AXA FRANCE IARD, prise en la personne de son représentant légal en exercice domiciliée [Adresse 2]
représentée par Me Bruno ZANDOTTI de la SELARL ABEILLE & ASSOCIES, avocat au barreau de MARSEILLE substituée par Me Liza SAINT-OYANT, avocat au barreau de MARSEILLE
INTIMÉES
SARL BONDIL ASSAINISSEMENT, prise en la personne de son représentant légal en exercice domiciliée [Adresse 3]
représentée et plaidée par Me Charlotte SIGNOURET de la SELARL ENSEN AVOCATS, avocat au barreau de MARSEILLE
S.A.S. AON FRANCE, prise en la personne de son représentant légal en exercice domiciliée [Adresse 1]
représentée par Me Paul GUEDJ de la SCP COHEN GUEDJ – MONTERO – DAVAL GUEDJ, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE,
assisté par Me Matthieu PATRIMONIO de la SCP RAFFIN & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS substituée et plaidée par Me Julie HARDUIN, avocat au barreau de PARIS
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L’affaire a été débattue le 23 Mars 2023 en audience publique. Conformément à l’article 804 du code de procédure civile, Madame Cathy CESARO-PAUTROT, Présidente, a fait un rapport oral de l’affaire à l’audience avant les plaidoiries.
La Cour était composée de :
Madame Cathy CESARO-PAUTROT, Présidente (rapporteure)
Madame Florence TANGUY, Conseillère
Madame Béatrice MARS, Conseillère
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Madame Angéline PLACERES.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 01 Juin 2023 prorogé au 15 Juin 2023.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcée par mise à disposition au greffe le 01 Juin 2023 prorogé au 15 Juin 2023,
Signé par Madame Cathy CESARO-PAUTROT, Présidente et Madame Angéline PLACERES, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
Le 5 août 2004, [O] [G], employé par la société Iris Intérim et mis à disposition de la société Bondil Assainissement, a été victime d’un accident mortel du travail à la suite d’une intervention dans un collecteur d’égout.
Le 25 mai 2007, la SARL Bondil Assainissement a été déclarée pénalement responsable des faits commis par son gérant, lequel a été condamné du chef d’homicide volontaire par violation délibérée d’une obligation de sécurité prévue par la loi.
Par jugement du 10 juin 2009, le tribunal des affaires de la sécurité sociale des Bouches-du-Rhône a retenu la faute inexcusable de la société Bondil Assainissement substituée dans la direction à son employeur la société Iris Intérim, ordonné la majoration de la rente servie à Mme veuve [G], alloué à cette dernière la somme de 15.000 euros en réparation de son préjudice moral, dit que la CPAM des Bouches-du-Rhône paiera à la demanderesse les sommes lui revenant et en récupérera le montant auprès de la société Iris Intérim, dit que la société Bondil Assainissement, seule responsable des causes de l’accident, relèvera indemne la société Iris Intérim des conséquences financières du litige, dit que par application de l’article L.241-5-1 alinéa 1er du code de la sécurité sociale, la société Bondil Assainissement supportera l’intégralité du coût de l’accident du travail.
Par jugement en date du 6 juin 2012, la SA Iris Intérim a été placée en redressement judiciaire, puis, par jugement en date du 17 juillet 2013, en liquidation judiciaire.
Le 13 mars 2014, elle a fait délivrer un commandement de payer à la SARL Bondil Assainissement en exécution du jugement du tribunal des affaires de sécurité sociale du 10 juin 2009 concernant notamment le capital forfaitaire relatif à la rente accident du travail versée à l’ayant droit à hauteur de 271.449,88 euros, la majoration de rente due à la reconnaissance de la faute inexcusable de l’employeur à hauteur de 213.633,04 euros, la somme de 15.000 euros allouée au titre du préjudice moral.
Le 23 avril 2014, elle a procédé à une saisie-attribution à l’encontre de la SARL Bondil Assainissement. Cette dernière a formé opposition.
Par jugement en date du 16 décembre 2014, le juge de l’exécution a :
– déclaré la contestation de la saisie-attribution du 23 avril 2014 par la SARL Bondil Assainissement recevable,
– dit que le commandement aux fins de saisie-vente du 13 mars 2014 diligenté à la requête de la SA Iris Intérim à l’encontre de la SARL Bondil Assainissement était régulier et fondé pour la somme totale de 7.624,21 euros et ordonné la mainlevée pour le surplus,
– débouté la SARL Bondil Assainissement de sa demande de nullité et de mainlevée totale du commandement aux fins de saisie-vente,
– dit que la saisie-attribution du 23 avril 2014 diligentée à la requête de la SA Iris Intérim sur les comptes bancaires de la SARL Bondil Assainissement détenus auprès de la BNP Paribas était régulière et fondée pour la somme de 8.390,32 euros et ordonné la mainlevée pour le surplus,
– débouté la SARL Bondil Assainissement de sa demande de nullité et de mainlevée totale de cette saisie ainsi que de sa demande de dommages-intérêts,
– s’est déclaré incompétent pour statuer sur la demande de relèvement et garantie de la SARL Bondil Assainissement par la SA Axa France Iard et a renvoyé les parties de ce chef devant le tribunal de grande instance de Marseille.
Par jugement en date du 9 juin 2016, le juge de l’exécution a :
– déclaré irrecevable l’intervention volontaire de la compagnie d’assurance Axa France Iard venant aux droits de l’UAP,
– déclaré régulière est bien fondée la saisie-attribution diligentée le 17 novembre 2015 par Me [P], qualité de liquidateur judiciaire de la société Iris intérim, à l’encontre de la société Bondil Assainissement pour un montant de 129.554,17 euros et ordonné mainlevée pour le surplus,
– débouté la société Bondil Assainissement de ses demandes et l’a condamnée à verser une indemnité au titre de l’article 700 du code de procédure civile et à supporter les dépens,
Par lettre recommandée en date du 8 juillet 2016, la SARL Bondil Assainissement a sollicité la garantie de son assureur, la SA Axa France Iard. Le 12 août 2016, cette dernière a accepté de prendre en charge, au titre de la faute inexcusable de l’employeur, l’indemnisation du préjudice moral, soit la somme de 15.000 euros, et la majoration de la rente de [S] [M] veuve [G], soit la somme de 8.390,31 euros.
Par actes en date des 20 avril 2018 et 23 avril 2018, la SARL Bondil Assainissement a assigné la SA Axa France Iard, son assureur, et la SAS Aon France, courtier.
*
Vu le jugement en date du 16 décembre 2019 par lequel le tribunal de grande instance de Marseille a :
– rejeté la fin de non-recevoir soulevée par la SA Axa France Iard,
– déclaré recevable l’action introduite par la SARL Bondil Assainissement,
– condamné la SA Axa France Iard à verser à la SARL Bondil Assainissement :
– la somme de 131 297,69 euros avec intérêts au taux légal à compter du 23 avril 2018 au titre de la garantie Recours de la sécurité sociale et des préposés de l’assuré,
– la somme de 8 390,32 euros avec intérêts au taux légal à compter du 23 avril 2018 au titre de la garantie Faute inexcusable,
– la somme de 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamné la SA Axa France Iard à verser à la SAS Aon France la somme de 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
– rejeté toute autre demande,
– ordonné l’exécution provisoire du jugement,
– condamné Axa France Iard aux dépens ;
Vu l’appel relevé le 17 janvier 2020 par la SA Axa France Iard ;
Vu l’appel relevé le 27 février 2020 par la SA Axa France Iard ;
Vu l’ordonnance de jonction des instances 20/00852 et 20/02986 en date du 21 octobre 2020;
Vu les dernières conclusions, notifiées par voie électronique le 9 février 2023, par lesquelles Axa France Iard demande à la cour de :
A titre liminaire,
– ordonner la jonction entre les instances 20/00852 et 20/02986
Vu l’article L.241-5-1 du code de la sécurité sociale,
Vu les articles L.452-1 et suivants du code de la sécurité sociale,
Vu le contrat d’assurance,
A titre principal,
– confirmer le jugement en ce qu’il a jugé que la société Axa France vie peut invoquer toutes les exceptions de garantie,
– confirmer le jugement en ce qu’il a débouté des demandes de la société Bondil Assainissement au titre de la garantie Faute inexcusable,
– confirmer le jugement en ce qu’il a estimé que la garantie Faute inexcusable n’est pas mobilisable,
– débouter la société Bondil Assainissement de son appel incident à ce titre,
– infirmer le jugement en ce qu’il a jugé la garantie Recours de la sécurité sociale et des préposés de l’assuré applicable,
– infirmer le jugement sur les condamnations prononcées à l’encontre de la société Axa ;
En toute hypothèse,
– infirmer le jugement en ce qu’il a déclaré les demandes indemnitaires formées par la société Bondil sans objet ;
Statuant à nouveau :
– juger que la société Axa France n’a commis aucun manquement au titre de l’obligation d’information et de conseil ;
En conséquence,
– débouter la société Bondil Assainissent de l’ensemble de ses demandes ;
– condamner la société Bondil Assainissement au paiement de la somme de 2 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens ;
Vu les dernières conclusions, notifiées par voie électronique le 14 juillet 2022, par lesquelles la société Bondil Assainissement, société à responsabilité limitée à associé unique, demande à la cour de :
Vu les dispositions des articles L.241-5 et suivants du code de la sécurité sociale,
Vu l’article L.113-17 et suivants du code des assurances,
Vu l’ancien article 1147 du code civil,
Vu le contrat d’assurance souscrit le 2 février 1988,
Confirmer le jugement rendu le 16 décembre 2019 en ce qu’il a rejeté la fin de non-recevoir soulevée par la société Axa France Iard, déclaré recevable l’action introduite par la SARL Bondil Assainissement ;
En conséquence :
– dire et juger qu’elle justifie avoir payé à Me [P], en vertu du jugement de 2016, la somme de 131 297,69 euros, et est donc recevable et bien fondée à en demander le remboursement à la compagnie Axa France, avec intérêts au taux légal à compter de la date de l’assignation, le 23 avril 2018,
– dire et juger qu’elle est également recevable et bien fondée à solliciter la condamnation de la compagnie Axa France Iard au remboursement de la somme de 8 390,32 euros avec intérêts au taux légal à compter de la date de l’assignation, le 23 avril 2018,
– débouter la compagnie Axa France de son argument tiré d’un prétendu défaut à agir,
– condamner la SA Axa France Iard à lui verser la somme de 8 390,32euros avec intérêts au taux légal à compter du 23 avril 2018 au titre de la garantie Faute inexcusable,
En conséquence :
– dire et juger que la garantie Faute inexcusable contenue dans le contrat d’assurance de la compagnie Axa France de responsabilité civile des entreprises industrielles et commerciales souscrite par la société Bondil Assainissement est acquise pour la condamnation au paiement de la majoration de la rente servie à la veuve,
– condamner la compagnie Axa France à lui payer la somme de 8.390,32euros avec intérêts au taux légal à compter de la date de l’assignation,
– déclarer l’appel incident recevable, bien fondé et réformer le jugement rendu le 16 décembre 2019 en ce qu’il a rejeté la demande de condamnation de la SARL Bondil Assainissement à l’encontre de la compagnie Axa France Iard au paiement de la somme de 131 297,69euros avec intérêts au taux légal à compter du 23 avril 2018 au titre de la garantie Faute inexcusable,
En conséquence, et statuant à nouveau :
– dire et juger que les dispositions du contrat d’assurance relatives aux sommes remboursées à l’assuré au titre de la garantie Faute inexcusable sont totalement imprécises et obscures pour un assuré profane du domaine de l’assurance qu’est la société Bondil Assainissement,
– dire et juger que les dispositions du contrat d’assurance relatives aux sommes remboursées à l’assuré au titre de la garantie Faute inexcusable devront être interprétées favorablement à l’assuré,
– dire et juger que la garantie Faute inexcusable contenue dans le contrat d’assurance de la compagnie Axa France Iard de responsabilité civile des entreprises industrielles et commerciales souscrit par la société Bondil Assainissement est acquise pour la condamnation au paiement du coût de l’accident du travail soit un montant de 129. 554,17euros,
– condamner la compagnie Axa France Iard à lui rembourser la somme de 131 297,69euros, avec intérêts au taux légal à compter de la date de l’assignation, soit le 23 avril 2018 ;
Subsidiairement :
– constater que la compagnie Axa France et le cabinet Aon France n’ont émis aucune réserve sur l’étendue de la garantie avant et pendant la procédure devant le tribunal des affaires de la sécurité sociale des Bouches-du-Rhône,
– dire et juger que la compagnie Axa France a renoncé, en prenant la direction du procès intenté à la société Bondil Assainissement devant le tribunal des affaires de la sécurité sociale des Bouches-du-Rhône, à toutes les exceptions dont elle avait connaissance,
– condamner la compagnie Axa France à payer à la société Bondil Assainissement la somme de 131 297,69 euros, avec intérêts au taux légal à compter de la date de l’assignation,
A titre subsidiaire, confirmer le jugement rendu le 16 décembre 2019 en ce qu’il a condamné la SA Axa France Iard à verser à la SARL Bondil Assainissement la somme de 131 297,69euros avec intérêts aux taux légal à compter du 23 avril 2018 au titre de la garantie Recours de la sécurité sociale et des préposés de l’assuré ;
En conséquence,
– dire et juger que la garantie » recours de la sécurité sociale et des préposés de l’assuré » contenue dans le contrat d’assurance de la compagnie Axa France de responsabilité civile des entreprises industrielles et commerciales souscrit par la société Bondil Assainissement est acquise pour la condamnation au paiement du coût de l’accident du travail soit un montant de 129. 554,17 euros,
– condamner la compagnie Axa France à rembourser à la société Bondil Assainissement la somme de 131 297,69 euros, avec intérêts au taux légal à compter de la date de l’assignation,
En toute hypothèse, confirmer le jugement rendu le 16 décembre 2019 en ce qu’il a condamné la SA Axa France Iard à lui verser la somme de 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, rejeté la demande formée par la SA Axa France Iard sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, ordonné l’exécution provisoire du jugement, condamné la SA Axa France Iard aux dépens, qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile ;
A titre très subsidiaire :
– constater que la compagnie Axa France et le cabinet Aon France ont manqué à leur obligation précontractuelle de conseil et d’information sur l’étendue de la garantie faute inexcusable.
– condamner in solidum la compagnie Axa France et le cabinet Aon France à lui payer la somme de 131 297,69 euros, avec intérêts au taux légal à compter de la date de l’assignation ;
Subsidiairement :
– dire et juger que la compagnie Axa France et le cabinet Aon France n’ont pas respecté leurs engagements contractuels tenant notamment à leur obligation d’information et de conseil de l’assuré en cours d’exécution du contrat d’assurance,
– condamner la compagnie Axa France à payer à la société Bondil Assainissement la somme de 88.112,96 euros à titre de dommages et intérêts,
En toute hypothèse :
– condamner la compagnie Axa France à lui payer la somme de 6.000 euros au titre de l’article 700 du CPC, et à prendre en charge l’intégralité des dépens d’appel dont distraction ;
Vu les dernières conclusions, notifiées par voie électronique le 15 octobre 2020, par lesquelles la société Aon France demande à la cour de :
Vu les articles 1231-1 du code civil
Vu le contrat d’assurance n° 313000493318U
In limine litis,
– rejeter la demande de jonction d’Axa France Iard entre les procédures RG 20/00852 et RG 20/02986 comme étant dépourvue d’intérêt ;
A titre principal :
– confirmer le jugement en ce qu’il a rejeté les demandes formulées à l’encontre d’Aon France,
– confirmer le jugement en ce qu’il a condamné Axa France Iard à verser à Aon France la somme de 3.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens ;
En tout état de cause :
– constater qu’Aon France n’a commis aucune faute ;
En conséquence,
– rejeter toutes les demandes formulées à l’encontre de Aon France,
– condamner tout succombant, à payer à Aon France la somme de 5 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamner tout succombant aux entiers dépens de la présente instance, ceux d’appel distraits ;
SUR CE, LA COUR
A titre liminaire, il convient de relever que la jonction des instances 20/00852 et 20/02986 a été ordonnée, de sorte que la demande de ce chef est sans objet.
Sur la direction du procès
Aux termes de l’article L. 113-17 du code des assurances, l’assureur qui prend la direction d’un procès intenté à l’assuré est censé aussi renoncer à toutes les exceptions dont il avait connaissance lorsqu’il a pris la direction du procès.
Les exceptions auxquelles l’assureur est censé renoncer, en application de l’article L. 113-17 du code des assurances, lorsqu’il prend la direction du procès intenté à l’assuré, ne concernent ni la nature des risques garantis ni le montant de la garantie.
L’assureur n’est censé avoir renoncé à se prévaloir des exceptions qu’il pouvait invoquer qu’à la condition qu’il ait dirigé le procès fait à son assuré en connaissance de ces exceptions et qu’il n’ait émis aucune réserve.
En premier lieu, le jugement en date du 10 juin 2009 prononcé par le tribunal des affaires de sécurité sociale des Bouches-du-Rhône, le jugement en date du 25 mai 2007 rendu par le tribunal correctionnel de Marseille et l’arrêt en date du 29 janvier 2010 prononcé par la chambre des appels correctionnels de la cour d’appel d’Aix-en-Provence, ne font pas apparaître la société Axa comme partie.
En second lieu, la société Axa a contesté l’étendue de sa garantie devant le juge de l’exécution ainsi qu’il ressort du jugement du 16 décembre 2014 (page 4). Le juge de l’exécution s’est déclaré incompétent pour statuer sur la demande de relèvement et garantie formée par la SARL Bondil Assainissement à l’encontre la compagnie Axa et a renvoyé les parties de ce chef devant le tribunal de grande instance de Marseille. Par courrier recommandé du 8 juillet 2016, la société Bondil a écrit à la société Axa » votre compagnie d’assurance a jusqu’à présent refusé toute prise en charge spontanée et amiable des conséquences de la faute inexcusable en se retranchant derrière l’imprécision des montants versé par Iris » et lui a demandé de donner sa position afin notamment d’éviter de faire l’avance de la somme de 129 554,17 euros. En réponse, l’assureur a indiqué, par courrier du 12 août 2016, avoir versé la somme de 15 000 euros au titre du préjudice moral et que seule la somme de 8 390,31 euros est garantie et tenue à disposition, et non le capital décès.
Aucune renonciation de la part de l’assureur à invoquer une exception ou une limitation de garantie ne peut donc être retenue.
Sur la garantie Faute inexcusable
L’appelante expose que la somme réclamée à hauteur de 129 554,17 euros correspond au capital forfaitaire de la rente versée par la société Iris à l’URSSAF (128 747 euros) à laquelle s’ajoutent les frais générés par la saisie pratiquée auprès de la société Bondil. Elle soutient que ce capital forfaitaire est dû par l’employeur du fait de l’accident du travail, au titre des articles L 444-1 et suivants du code de la sécurité sociale, indépendamment de la reconnaissance de la faute inexcusable. Elle prétend que la garantie Faute inexcusable se limite à la prise en charge des préjudices subis et à la majoration de la rente et ne garantit en aucun cas le capital forfaitaire. Elle en déduit que le coût de l’accident du travail n’est pas garanti.
La société Aon soutient que l’indemnisation complémentaire couverte l’assureur au titre de la faute inexcusable est constituée par la majoration de la rente déjà versée et par des dommages et intérêts en réparation des préjudices extrapatrimoniaux. Elle affirme que la somme de
129 554,17 euros correspond au montant de la rente accident du travail et non au montant de la majoration de la rente.
La société Bondil Assainissement estime que la garantie Faute inexcusable contenue dans le contrat d’assurance est acquise et sollicite le remboursement par la société Axa de la somme de 131 297,69 euros. Elle soutient que la répartition du coût de l’accident du travail mis pour partie à la charge de l’entreprise utilisatrice, en application de l’article L 241-5-1 du code de la sécurité sociale, est envisagé comme faisant partie des conséquences financières d’une reconnaissance de faute inexcusable.
L’article L 468 du code de la sécurité sociale a été recodifié.
L’article L 452-2 du code de la sécurité sociale dispose que :
Dans le cas mentionné à l’article précédent, la victime ou ses ayants droit reçoivent une majoration des indemnités qui leur sont dues en vertu du présent livre.
Lorsqu’une indemnité en capital a été attribuée à la victime, le montant de la majoration ne peut dépasser le montant de ladite indemnité.
Lorsqu’une rente a été attribuée à la victime, le montant de la majoration est fixé de telle sorte que la rente majorée allouée à la victime ne puisse excéder, soit la fraction du salaire annuel correspondant à la réduction de capacité, soit le montant de ce salaire dans le cas d’incapacité totale.
En cas d’accident suivi de mort, le montant de la majoration est fixé sans que le total des rentes et des majorations servies à l’ensemble des ayants droit puisse dépasser le montant du salaire annuel ; lorsque la rente d’un ayant droit cesse d’être due, le montant de la majoration correspondant à la ou aux dernières rentes servies est ajusté de façon à maintenir le montant global des rentes majorées tel qu’il avait été fixé initialement ; dans le cas où le conjoint, le partenaire d’un pacte civil de solidarité ou le concubin survivant recouvre son droit à la rente en application du troisième alinéa de l’article L. 434-9, la majoration dont il bénéficiait est rétablie à son profit.
Le salaire annuel et la majoration visée au troisième et au quatrième alinéa du présent article sont soumis à la revalorisation prévue pour les rentes par l’article L. 434-17.
La majoration est payée par la caisse, qui en récupère le montant par l’imposition d’une cotisation complémentaire dont le taux et la durée sont fixés par la caisse d’assurance retraite et de la santé au travail sur la proposition de la caisse primaire, en accord avec l’employeur, sauf recours devant la juridiction de la sécurité sociale compétente.
La cotisation complémentaire ainsi prévue ne peut être perçue au-delà d’une certaine durée et son taux excéder ni une fraction de la cotisation normale de l’employeur, ni une fraction des salaires servant de base à cette cotisation.
Dans le cas de cession ou de cessation de l’entreprise, le capital correspondant aux arrérages à échoir est immédiatement exigible.
Et de l’article L 452-3 du même code :
Indépendamment de la majoration de rente qu’elle reçoit en vertu de l’article précédent, la victime a le droit de demander à l’employeur devant la juridiction de sécurité sociale la réparation du préjudice causé par les souffrances physiques et morales par elle endurées, de ses préjudices esthétiques et d’agrément ainsi que celle du préjudice résultant de la perte ou de la diminution de ses possibilités de promotion professionnelle. Si la victime est atteinte d’un taux d’incapacité permanente de 100 %, il lui est alloué, en outre, une indemnité forfaitaire égale au montant du salaire minimum légal en vigueur à la date de consolidation.
Ainsi, en vertu de ces dispositions, la victime bénéficie d’une majoration de la rente qui lui est versée (L. 452-2) ainsi que de l’indemnisation des préjudices qu’elle a subis s’ils entrent dans les prévisions de l’article L. 452-3 du code de la sécurité sociale. La réparation de ces préjudices est versée directement à la victime par la caisse qui en récupère le montant auprès de l’employeur.
En l’espèce, les conditions générales du contrat d’assurance responsabilité civile des entreprises industrielles et commerciales souscrit par la société Bondil Assainissement mentionne au chapitre Faute inexcusable :
Ce qui est garanti :
– la défense de l’assuré et de ses proposées dans les actions amiables et judiciaires susceptibles d’aboutir à la reconnaissance de faute inexcusable ;
. le remboursement des sommes dont l’assuré est redevable à l’égard de la Caisse Primaire d’Assurance Maladie au titre :
– des cotisations supplémentaires prévues à l’article L. 468 (1° ) du code de la sécurité sociale,
– de l’indemnisation complémentaire due à la victime ou ses ayants droit aux termes du Code de la Sécurité Sociale,
– lorsque la faute inexcusable est imputable à une personne que l’assuré s’est substitué dans la direction.
Ce qui est exclu :
19.1 les conséquences de la propre faute inexcusable de l’employeur assuré ou, si cet employeur est une personne morale, de la propre faute inexcusable de son ou de ses représentants légaux.
Ces clauses sont claires et ne nécessitent aucune interprétation.
L’annexe au contrat d’assurance précise concernant la faute inexcusable que lorsqu’un accident du travail ou une maladie professionnelle atteignant un préposé de l’assuré résulte de la faute inexcusable de l’assuré ou d’une personne que l’assuré s’est substitué dans la direction de son entreprise, l’assureur garantit le remboursement des sommes dont l’assuré est redevable à l’égard de la Caisse Primaire d’Assurance Maladie :
a) au titre des cotisations complémentaires prévues à l’article L 452-2 du code de la sécurité sociale ;
b) au titre de l’indemnisation complémentaire à laquelle la victime est en droit de prétendre aux termes de l’article L. 452-3 du code de la sécurité sociale.
Le jugement du 10 juin 2009 rendu par le tribunal de sécurité sociale prévoit expressément qu’en application de l’article L 245-5-1 du code de la sécurité sociale, la société Bondil Assainissement supportera l’intégralité du coût de l’accident du travail.
Au regard de l’ensemble de ces éléments, la demande de la société Bondil tendant à condamner la société Axa à couvrir le capital forfaitaire de la rente accident du travail qui correspond au coût de l’accident du travail ne peut être accueillie favorablement.
Le juge de première instance a, à juste titre, rappelé que la garantie ne couvre que l’indemnisation relative à la majoration de la rente et certains préjudices personnels et a, par suite, rejeté l’application de la garantie au capital décès.
Par ailleurs, l’appelante conteste devoir la somme de 8 390,32 euros et fait valoir les paiements effectués entre les mains de la société Albingia, assureur de la société Iris intérim.
La société Bondil Assainissement réplique que cette somme, qui correspond à la majoration de la rente, ne lui a pas été remboursée et n’a pas été payée à la société Albingia. Elle soutient que la société Axa a remboursé la somme de 39 646,06 euros pour le dossier de M. [I] blessé dans le cadre de l’accident du travail et la somme de 112 853,94 euros au titre du capital représentatif de la majoration de la rente pour le dossier de [O] [G].
Le jugement en date du 16 décembre 2014 valide la saisie-attribution diligentée à la requête de la SA Iris sur les comptes bancaires de la SARL Bondil Assainissement détenus auprès de la BNP Paribas pour la somme de 8 390,32 €.
Les courriers de la Caisse primaire d’assurance-maladie des Bouches-du-Rhône communiqués par la société Axa, le chèque d’un montant de 152 500 euros à l’ordre de la CPAM et la fiche de règlement portant sur la somme de 164 166,93 euros HT sont insuffisants à rapporter la preuve que l’appelante s’est acquittée de la somme de 8 390,32 euros.
En conséquence, le jugement sera confirmé sur la condamnation prononcée à l’encontre de la société Axa pour un montant de 8 390,32 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 23 avril 2018, au titre de la garantie Faute inexcusable.
Sur la garantie Recours de la sécurité sociale et des préposés de l’assuré
L’appelante soutient que la garantie Recours de la sécurité sociale et des préposés de l’assuré n’a pas pour vocation d’étendre la garantie Faute inexcusable, strictement limitée à la majoration de rente et préjudices personnels, ni de contourner les exclusions de garantie.
La société Bondil Assainissement rétorque que le coût de l’accident du travail correspond et prestations servies aux ayants droit de [O] [G] et que la demande trouve son fondement dans le recours exercé par la CPM en exécution du jugement du 10 juin 2009. Elle soutient que les conditions de la garantie sont remplies et que la clause d’exclusion avancée par l’assureur ne s’applique pas.
Les conditions générales du contrat d’assurance responsabilité civile des entreprises industrielles et commerciales indiquent :
Ce qui est garanti :
– les recours que la sécurité sociale ou tout autre organisme de prévoyance peut être fondé à exercer :
– pour les prestations servies au conjoint, ascendants et descendants dans l’hypothèse où ces organismes disposent d’un recours contre l’assuré responsable,
– en application du livre IV du Code de la Sécurité Sociale, notamment en cas de faute intentionnelle d’un préposé,
– les recours que les préposés, salariés ou non, de l’assuré sont fondés à exercer à la suite de dommages corporels en application du livre IV du Code de la Sécurité Sociale.
Cette assurance reste soumise aux termes de la définition générale de la garantie, à l’exception de l’alinéa 7.3 page 7.
Ainsi que le fait valoir la société Bondil Assainissement, la clause susmentionnée n’est pas limitée à la faute intentionnelle du préposé et le coût de l’accident du travail correspond bien à une prestation servie aux ayant droits de [O] [G]. De surcroît, le dommage corporel de ce dernier ne saurait être contesté en application du livre IV du code de la sécurité sociale relatif aux accidents du travail et maladies professionnelles.
La définition générale prévoit que les conséquences pécuniaires de la responsabilité civile encourue par l’assuré en raison de dommages corporels, de dommages matériels et de dommages immatériels sont garanties.
L’appelante oppose vainement la clause d’exclusion de l’article 7.3 relative au dommages causés à l’assuré, au conjoint, aux ascendants et descendants de l’assuré responsable du dommage aux préposés de l’assuré dans l’exercice de leurs fonctions alors que sa garantie est mobilisable en vertu des clauses précitées, contrairement à ce qu’elle soutient.
Le jugement du 9 juin 2016 se réfère à des courriers de la Carsat aux termes desquels la société Iris a acquitté la somme de 135 526 euros (6 779 euros majoration de 30 et 128 747 euros capital décès) au titre de l’accident de travail mortel survenu le 5 août 2004.
Comme l’indique la juridiction de première instance, la CPAM a exercé son recours à l’encontre de la société Iris intérim, laquelle s’est retournée contre la SARL Bondil Assainissement en exécution du jugement du tribunal des affaires de sécurité sociale en date du 10 juin 2009.
Le règlement par la société Bondil à la société Iris intérim la somme de 131 297,69 euros, n’est pas contredit et est reconnu par la société Aon dans ses écritures. Il est consécutif au recours exercé par l’organisme de sécurité sociale.
Dès lors, il y lieu de confirmer le jugement sur la mise en ‘uvre de la garantie Recours de la sécurité sociale et des préposés de l’assuré et la condamnation de la société Axa à verser à la société Bondil Assainissement la somme de 131 297,69 euros, outre intérêts.
Sur les autres demandes
Au regard du sens de la présente décision, la demande subsidiaire au titre du manquement à l’obligation de conseil et d’information est sans objet.
Il sera alloué à la société Bondil Assainissement une indemnité complémentaire au titre de ses frais irrépétibles à hauteur de cour, les autres demandes formées à ce titre étant rejetées
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement et contradictoirement, par mise à disposition de la décision au greffe,
Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions ;
Y ajoutant,
Condamne la société Axa France Iard à verser à la société Bondil Assainissement la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel ;
Rejette toute autre demande ;
Condamne la société Axa France Iard aux dépens d’appel qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.
LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE