5ème Chambre
ARRÊT N°-221
N° RG 22/06416 – N° Portalis DBVL-V-B7G-THY3
S.A.S. BURTON
C/
S.C.I. SALAMANDRE
S.A. CREDIT LYONNAIS
S.C.P. BTSG
S.E.L.A.F.A. MJA
Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l’égard de toutes les parties au recours
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE RENNES
ARRÊT DU 14 JUIN 2023
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
Président : Madame Pascale LE CHAMPION, Présidente,
Assesseur : Madame Virginie PARENT, Présidente,
Assesseur : Madame Virginie HAUET, Conseiller,
GREFFIER :
Madame Catherine VILLENEUVE, lors des débats et lors du prononcé
DÉBATS :
A l’audience publique du 05 Avril 2023
ARRÊT :
Réputé contradictoire, prononcé publiquement le 14 Juin 2023 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l’issue des débats
****
APPELANTE :
S.A.S. BURTON prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 2]
[Localité 8]
Représentée par Me Luc BOURGES de la SELARL LUC BOURGES, Postulant, avocat au barreau de RENNES
Représentée par Me Antoine HINFRAY, Plaidant, avocat au barreau de PARIS
INTIMÉES :
S.C.I. SALAMANDRE
[Adresse 11]
[Localité 6]
Représentée par Me Benjamin ENGLISH de la SCP MARION-LEROUX-SIBILLOTTE-ENGLISH-COURCOUX, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de SAINT-NAZAIRE
S.A. CREDIT LYONNAIS société anonyme à conseil d’administration, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
ayant fait l’objet des significations prévues par les articles 905-1 et 911 du code de procédure civile par remise de l’acte à personne habilitée à le recevoir, n’ayant pas constitué avocat
[Adresse 5]
[Localité 7]
S.C.P. BTSG prise en la personne de Maître [E] [G] ès-qualités de mandataire judiciaire à la procédure de sauvegarde de la société BURTON SAS
[Adresse 3]
[Localité 10]
Représentée par Me Luc BOURGES de la SELARL LUC BOURGES, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de RENNES
Représentée par Me Antoine HINFRAY, Plaidant, avocat au barreau de PARIS
S.E.L.A.F.A. MJA représentée par Maître [N] [M] ès-qualités de mandataire judiciaire à la procédure de sauvegarde de la société BURTON SAS
[Adresse 1]
[Localité 9]
Représentée par Me Luc BOURGES de la SELARL LUC BOURGES, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de RENNES
Représentée par Me Antoine HINFRAY, Plaidant, avocat au barreau de PARIS
Par acte du 23 mai 2013, la société Salamandre a donné à bail commercial à la société Burton des locaux situés [Adresse 4] à [Localité 12], moyennant un loyer mensuel de 10 292,93 euros, hors charges et hors taxes, payable le 1er du mois, pour l’exploitation d’un magasin de vêtements.
Des loyers sont demeurés impayés.
Par ordonnance en date du 15 septembre 2020, le juge des référés du tribunal judiciaire de Saint-Nazaire a condamné la société Burton à payer à la société Salamandre la somme de 18 909,59 euros au titre du solde des loyers charges, accessoires et indemnités d’occupation pour les mois d’avril et mai 2020.
Suite à de nouveaux impayés, la société Salamandre a de nouveau assigné la société Burton. Par ordonnance en date du 5 octobre 2021, le juge des référés de ce même tribunal a débouté la société Salamandre de toutes ses demandes. Cette décision a été infirmée par arrêt en date du 21 septembre 2022 de la cour d’appel de Rennes condamnant la société Burton à payer à la société Salamandre la somme de 36 616,82 euros avec intérêts au taux légal, et déboutant la société Burton de sa demande en délais de paiement.
De nouveaux loyers sont demeurés impayés.
La société Salamandre a fait délivrer à la société Burton un commandement de payer, visant la clause résolutoire, par acte d’huissier du 23 mars 2022, pour une somme de 20 520,26 euros, au titre de l’arriéré locatif au 16 mars 2022.
Par acte d’huissier du 7 juin 2022, la société Salamandre a fait assigner la société Burton devant la juridiction des référés du tribunal judiciaire de Saint-Nazaire. La procédure a été dénoncée à la société Crédit Lyonnais, titulaire d’une inscription d’hypothèque sur le fonds de commerce en date du 13 juin 2016.
Par ordonnance en date du 11 octobre 2022, le juge a :
– condamné la société Burton à payer à la société Salamandre la somme provisionnelle de 10 260,14 euros en deniers et quittance au titre de l’arriéré locatif au 23 avril 2022 ;
– dit que la société Salamandre ( sic ) pourra s’acquitter de cette somme, en plus des loyers courants, dans un délai de 6 mois ;
– ordonné la suspension des effets de la clause résolutoire pendant le cours de ce délai ;
– dit que les loyers et charges courants devront être payés dans les conditions fixées par le bail commercial ;
– dit que, faute pour la société Burton de payer à bonne date, en sus du loyer, charges et accessoires courants, une seule des mensualités, et huit jours après l’envoi d’une simple mise en demeure adressée par lettre recommandée avec avis de réception,
* le tout deviendra immédiatement exigible,
* la clause résolutoire sera acquise,
* il sera procédé à l’expulsion immédiate de la société Burton et à celle de tous occupants de son chef avec l’assistance si nécessaire de la force publique des lieux loués, à savoir les locaux du [Adresse 4] à [Localité 12] (44),
* en cas de besoin, les meubles se trouvant sur les lieux seront remis aux frais de la personne expulsée dans un lieu désigné par elle et à défaut, seront laissés sur place ou entreposés en un autre lieu approprié et décrits avec précision par l’huissier chargé de l’exécution, avec sommation à la personne expulsée d’avoir à les retirer dans un délai de quatre semaines à l’expiration duquel il sera procédé à leur mise en vente aux enchères publiques, sur autorisation du juge de l’exécution, ce conformément à ce que prévoient les dispositions du code des procédures civiles d’exécution,
* une indemnité provisionnelle égale au montant du loyer contractuel augmenté des charges sera mise à sa charge, en cas de maintien dans les lieux, jusqu’à libération effective des lieux par remise des clés ;
– condamné la société Burton aux entiers dépens, en ce compris le coût du commandement;
– condamner la société Burton à payer à la société Salamandre la somme de 2 000 euros par application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;
– rejeté toutes les autres demandes des parties ;
– rappelé que l’ordonnance de référé rendue en matière de clause résolutoire insérée dans le bail commercial a seulement autorité de chose jugée provisoire ;
– rappelé que la présente décision est exécutoire à titre provisoire.
Le 7 novembre 2022, la société Burton a interjeté appel de cette décision, intimant la SCI La Salamandre, la société Credit Lyonnais, la société BTSG, et la société MJA.
Par jugement du 3 octobre 2022, le tribunal de commerce de Paris a prononcé l’ouverture d’une procédure de sauvegarde à l’égard de la société Burton. La SCP BTSG prise en la personne de Me [E] [G] et la S.E.L.A.F.A. MJA représentée par Me [N] [M], ont été désignées en qualité de mandataires judiciaires à la procédure de sauvegarde.
Aux termes de leurs dernières écritures notifiées le 2 mars 2023, les sociétés Burton, BTSG et MJA demandent à la cour de :
– infirmer l’ordonnance de référé rendue par le président du tribunal judiciaire de Saint-Nazaire le 11 octobre 2022, en toutes ses dispositions attaquées, et statuant à nouveau, dire qu’il n’y a pas lieu à référé,
En conséquence,
– débouter la société Salamandre de l’intégralité de ces demandes,
En tout état de cause,
– condamner la société Salamandre au paiement la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens.
Par dernières conclusions notifiées le 3 février 2023, la société Salamandre demande à la cour de :
– confirmer l’ordonnance dont appel en ce qu’elle a condamné la société Burton à lui payer la somme provisionnelle de 10 260,14 euros en deniers et quittance au titre de l’arriéré locatif au 23 avril 2022,
– l’infirmer en ce qu’elle a :
* dit que la société Salamandre pourra s’acquitter de cette somme, en plus des loyers courants, dans un délai de 6 mois,
* ordonné la suspension des effets de la clause résolutoire pendant le cours de ce délai,
* dit que les loyers et charges courants devront être payés dans les conditions fixées par le bail commercial,
* dit que, faute pour la société Burton de payer à bonne date, en sus du loyer, charges et accessoires courants, une seule des mensualités, et huit jours après l’envoi d’une simple mise en demeure adressée par lettre recommandée avec avis de réception,
° le tout deviendra immédiatement exigible,
° la clause résolutoire sera acquise,
° il sera procédé à l’expulsion immédiate de la société Burton et à celle de tous occupants de son chef avec l’assistance si nécessaire de la force publique des lieux loués, à savoir les locaux du [Adresse 4] à [Localité 12] (44),
° en cas de besoin, les meubles se trouvant sur les lieux seront remis aux frais de la personne expulsée dans un lieu désigné par elle et à défaut, seront laissés sur place ou entreposés en un autre lieu approprié et décrits avec précision par l’huissier chargé de l’exécution, avec sommation à la personne expulsée d’avoir à les retirer dans un délai de quatre semaines à l’expiration duquel il sera procédé à leur mise en vente aux enchères publiques, sur autorisation du juge de l’exécution, ce conformément à ce que prévoient les dispositions du code des procédures civiles d’exécution,
° une indemnité provisionnelle égale au montant du loyer contractuel augmenté des charges sera mise à sa charge, en cas de maintien dans les lieux, jusqu’à libération effective des lieux par remise des clés,
Par conséquent :
– constater l’acquisition de la clause résolutoire et la résiliation de plein droit du bail à la date du 23 avril 2022, soit un mois après la signification du commandement de payer les loyers visant la clause résolutoire,
– ordonner, en conséquence, l’expulsion de la société Burton ainsi que celle de toute personne dans les lieux de son chef, et ce avec l’assistance de la force publique s’il y a lieu,
– dire que les meubles et objets mobiliers se trouvant sur place donneront lieu à l’application des dispositions des articles 65 de la loi du 9 juillet 1991 et 201 du décret du 31 juillet 1992,
– condamner par provision la société Burton à payer à la société Salamandre la somme de 10 260,14 euros en deniers et quittance au titre du loyer et des accessoires dus à la date de l’acquisition de la clause résolutoire,
– condamner par provision, à compter du 22 avril 2022 la société Burton à payer à la société Salamandre en derniers et quittance une indemnité d’occupation mensuelle de 10 492,30 euros et ce jusqu’à la libération effective des lieux par remise des clés,
– dire que si l’occupation devait se prolonger plus d’un an après l’acquisition de la clause résolutoire, l’indemnité d’occupation ainsi fixée serait indexée sur l’indice trimestriel du coût de la construction, publié par l’INSEE, l’indice de base étant le dernier indice paru à la date de l’acquisition de la clause résolutoire,
En tout état de cause :
– condamner la société Burton au paiement des entiers dépens qui comprendront le coût du commandement de payer du 23 mars 2022, et de la présente procédure, ainsi que des états des privilèges et nantissements et la somme de 5 000 euros par application de l’article 700 du code de procédure civile,
– ordonner l’inscription de l’ensemble des condamnations au passif de la procédure collective de la société Burton.
La société Crédit Lyonnais n’a pas constitué avocat dans le délai prescrit. La déclaration d’appel ainsi que les conclusions d’appelant ont été signifiées à une personne habilitée le 20 décembre 2022 et le 6 janvier 2023.
L’ordonnance de clôture est intervenue le 16 mars 2023.
MOTIFS DE LA DÉCISION
La partie appelante, au soutien de sa demande d’infirmation de la décision, fait valoir que la société Burton a été par jugement du 3 octobre 2022 placée sous sauvegarde, soit postérieurement à l’assignation délivrée le 7 juin 2022. Selon elle, en application de l’article L 622-21 du code de commerce, il devra être dit n’y avoir lieu à référé et la société La Salamandre sera déboutée de toutes ses demandes, lesquelles tendent au paiement d’une provision à valoir sur des loyers dus au 23 avril 2022, et à la constatation de l’acquisition de la clause résolutoire, du fait de l’absence de paiement des loyers.
La société La Salamandre considère que l’appel ainsi motivé est inutile, dans la mesure où les dispositions précitées privent d’effet l’ordonnance. Elle considère que la clause résolutoire est acquise, demande à la cour de constater la résiliation du bail et donc d’infirmer l’ordonnance qui en suspend les effets et accorde à la société Burton des délais de paiement. Elle sollicite l’expulsion de cette dernière et sa condamnation au paiement d’une indemnité d’occupation égale au montant du loyer du bail résilié à hauteur de 10 492,30 euros en l’état de l’indexation du loyer et ce, jusqu’à libération des lieux par remise des clés.
Elle maintient en outre sa demande de condamnation au titre des loyers et charges dus à la date d’acquisition de la clause résolutoire tel qu’accueillie par le juge des référés.
Le moyen tiré de l’arrêt des poursuites individuelles est une fin de non-recevoir qui peut être soulevée en tout état de cause.
L’article L 622-21 I du code de commerce dispose :
Le jugement d’ouverture interrompt ou interdit toute action en justice de la part de tous les créanciers dont la créance n’est pas mentionnée au I de l’article L. 622-17 et tendant :
1° À la condamnation du débiteur au paiement d’une somme d’argent
2 À la résolution d’un contrat pour défaut de paiement d’une somme d’argent.
Lorsque le créancier engage une action en paiement avant l’ouverture de la procédure collective, l’instance en cours est interrompue et ne peut être reprise qu’une fois le liquidateur appelé en la cause et vérification par la cour d’appel que la créance a été régulièrement déclarée.
N’est toutefois pas une instance en cours interrompue par l’effet d’un jugement d’ouverture d’une procédure collective une instance en référé tendant à obtenir une condamnation provisionnelle.
La créance de loyers antérieure à l’ouverture de la procédure de sauvegarde faisant l’objet ici d’une instance en référé doit être soumise à la procédure de vérification des créances et à la décision du juge-commissaire.
Il n’entre pas dans les pouvoirs du juge des référés de fixer une créance au passif ou de constater l’absence de déclaration de créance au passif du débiteur en procédure collective.
En vertu de la règle de l’interdiction des poursuites individuelles édictée par le texte précité, les demandes en paiement de provision et tendant à constater la résiliation du bail ne peuvent être accueillies, n’étant pas recevables.
En conséquence, vu l’évolution du litige, il y a lieu, en application des dispositions précitées, d’infirmer l’ordonnance entreprise, en toutes ses dispositions, et de dire n’y avoir lieu à référé et de débouter la SCI la Salamandre de ses demandes.
L’équité ne commande pas de faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
Les dépens de première instance et d’appel seront supportés par la société La Salamandre.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement, par arrêt réputé contradictoire et par mise à disposition au greffe :
Vu l’article L 622-21 du code de commerce,
Infirme l’ordonnance déférée ;
Statuant à nouveau sur les chefs de jugement infirmés,
Dit n’y avoir lieu à référé sur les demandes formées par la SCI La Salamandre et déboute cette dernière de toutes ses demandes ;
Y ajoutant,
Déboute les parties de leurs demandes présentées sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
Condamne la SCI la Salamandre aux dépens de première instance et d’appel.
Le Greffier La Présidente