Copies exécutoires République française
délivrées aux parties le : Au nom du peuple français
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 1 – Chambre 5
ORDONNANCE DU 14 JUIN 2023
(n° /2023)
Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 23/06915 – N° Portalis 35L7-V-B7H-CHOO3
Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 13 Octobre 2022 du TJ de BOBIGNY – RG n° 22/01332
Nature de la décision : Contradictoire
NOUS, Jean-Paul BESSON, Premier Président de chambre, agissant par délégation du Premier Président de cette Cour, assisté de Sonia DAIRAIN, Greffière lors des débats et de Cécilie MARTEL, greffière lors de la mise à disposition.
Vu l’assignation délivrée à la requête de :
DEMANDERESSE
S.A.S.U. LOCA’GLASS 93
[Adresse 2]
[Localité 4]
Représentée par Me Myriam MALKA, avocat au barreau de PARIS, toque : E2134
à
DEFENDERESSE
Madame [Y] [W] épouse [K]
[Adresse 3]
[Localité 5]
Représentée par Me Sylvain DROUVILLÉ, avocat au barreau de VAL-DE-MARNE, toque : PC 143
Et après avoir appelé les parties lors des débats de l’audience publique du 09 Mai 2023 :
Par ordonnance de référé du 13 octobre 2022 rendu entre d’une part Mme [W] épouse [K], et d’autre part la SASU Loca’Glass 93, le juge des référés du tribunal judiciaire de Bobigny a :
– renvoyé les parties à se pourvoir sur le fond du litige;
– constaté l’occupation sans droit ni titre de la société Loca’Glass 93 des locaux sis [Adresse 1]) à compter du 1er mai 2022;
– ordonné, si besoin, avec le concours de la force publique et d’un serrurier, l’expulsion de la société Loca’Glass 93 ou de tous les occupants de son chef des locaux situés [Adresse 1], et ce sous astreinte de 100 euros par jour de retard, à l’expiration d’un délai de 1 mois à compter de la signification de la présente ordonnance;
– dit que les meubles et objets mobiliers se trouvant sur place donneront lieu à application des dispositions des articles L433-1 et L433-2 du code des procédures civiles d’exécution;
– condamné la société Loca’Glass 93 à payer, à compter du 1er mai 2022, à Mme [K] née [W], une indemnité d’occupation provisionnelle de 5 770 euros par mois jusqu’à libération effective des lieux et remise des clefs;
– condamné la société Loca’Glass 93 à payer à Mme [K] née [W] la somme de 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile;
– condamné la société Loca’Glass 93 aux entiers dépens de la présente procédure;
– rappelé que la présente décision est exécutoire par provision.
Par déclaration d’appel du 13 mars 2023, la SASU Loca’Glass 93 a interjeté appel de cette ordonnance.
Par acte d’huissier du 24 avril 2023, la société Loca’Glass 93 a fait assigné en référé Mme [K] devant le premier président de cette Cour afin d’ordonner la suspension de l’exécution provisoire de l’ordonnance de référé rendue le 13 octobre 2022 par le tribunal judiciaire de Bobigny, et ce dans l’attente de l’examen au fond de la décision attaquée.
La SASU Loca’Glass 93 a déposé des conclusions en réponse lors de l’audience des plaidoiries du 9 mai 2023, qu’elle a soutenues oralement, où elle a demandé que la société Loca’Glass 93 soit déclarée recevable et bien fondée en son instance et y faire droit, d’ordonner la suspension de l’exécution provisoire de l’ordonnance de référé du 13 octobre 2022 par le tribunal judiciaire de Bobigny, et de condamner Mme [K] à payer lui payer la somme de 3000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens.
En réponse, Mme [K] a déposé des conclusions en défense lors de l’audience des plaidoiries du 9 mai 2023, qu’elle a soutenues oralement, selon lesquelles il y a lieu de dire et juger Mme [K] recevable et bien fondée en l’ensemble de ses demandes, et de constater l’exécution de l’ordonnance du 13 octobre 2023, et donc de déclarer irrecevable car mal fondée les demandes de la société Loca’Glass 93, et de débouter la société Loca’Glass 93 de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions, de condamner cette société à lui payer la somme de 2 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, et de condamner cette société aux entiers dépens.
SUR CE,
En vertu de l’article 514-3 du code de procédure civile, dans sa rédaction en vigueur le 1er janvier 2020, en cas d’appel, le premier président peut être saisi afin d’arrêter l’exécution provisoire de la décision lorsqu’il existe un moyen sérieux d’annulation ou de réformation et que l’exécution risque d’entraîner des conséquences manifestement excessives. La demande de la partie qui a comparu en première instance sans faire valoir d’observations sur l’exécution provisoire n’est recevable que si, outre l’existence d’un moyen sérieux d’annulation ou de réformation, l’exécution provisoire risque d’entraîner des conséquences manifestement excessives qui se sont révélées postérieurement à la décision de première instance.
Il ressort du texte précité que deux conditions cumulatives doivent être réunies pour que le premier président puisse suspendre l’exécution provisoire prononcée : il existe un moyen sérieux d’annulation ou de réformation de la décision entreprise et l’exécution provisoire risque d’entraîner des conséquences manifestement excessives.
En l’espèce, l’assignation délivrée à la SASU Loca’Glass 93 devant le tribunal de Bobigny est du 1er juillet 2022, et les dispositions de l’article 514-3 du code de procédure civile ont bien vocation à s’appliquer à la présente situation. En outre, la SASU Loca’Glass 93 n’était ni comparante ni représentée, et n’a pas pu présenter d’observation sur les risques du prononcé de l’exécution provisoire de la décision à intervenir.
Il ressort des pièces produites aux débats que par acte sous seing privé signé le 1er mars, Mme [K] a signé avec la société Loca’Glass 93 une convention d’occupation à titre précaire pour un local situé [Adresse 1]), pour une durée de 14 mois du 1er mars 2021 au 30 avril 2022, moyennant une redevance mensuelle de 5 770 euros. Le 21 janvier 2022, Mme [K] a rappelé à la société Loca’Glass 93 l’obligation de quitter les lieux avant le 1er mai 2022 par lettre recommandée avec accusé de réception, puis l’a fait assigner le 1er juillet 2022 en référé devant le tribunal judiciaire de Bobigny.
Le juge des référés du tribunal judiciaire de Bobigny a constaté l’occupation sans droit ni titre de la société Loca’Glass 93 des locaux litigieux depuis le 1er mai 2022, et a décidé son expulsion sous astreinte.
Sur la recevabilité de la demande de suspension de l’exécution provisoire :
La société Loca’Glass 93 estime que sa demande de suspension de l’exécution provisoire de l’ordonnance de référé du tribunal judiciaire de Bobigny est recevable. Elle rappelle à cette fin qu’elle disposait d’un délai de 1 mois à compter du procès-verbal d’expulsion du 13 avril 2023 pour contester les opération d’expertise, de sorte que ce délai serait échu le 15 mai 2023, le 13 étant un samedi et le délai étant prorogé jusqu’au premier jour ouvrable suivant les dispositions de l’article 642 du code de procédure civile. Ce délai n’étant pas expiré à l’audience du 9 mai 2023, le premier président reste compétent pour suspendre l’exécution provisoire. De plus, la société Loca’Glass 93 sollicite la nullité des actes de la procédure d’expulsion in limine litis devant le juge de l’exécution près du tribunal judiciaire de Bobigny. Elle produit à cet égard une assignation en cours de délivrance, qui sera délivrée en tout état de cause au plus tard le 15 mai 2023. Par conséquent, les effets de la procédure d’expulsion seront différés jusqu’à la décision du juge de l’exécution. Sa demande de suspension de l’exécution provisoire est donc recevable.
En réponse, Mme [K] indique qu’à la date de l’assignation devant le premier président du 24 avril 2023, et même à la date de la requête afin d’être autorisé à assigner à jour fixe soit au 19 avril 2023, l’ordonnance de référé rendue le 13 octobre 2022 par le tribunal judiciaire de Bobigny a déjà été exécutée. Elle rappelle à cette occasion que l’ordonnance du premier président ne produit d’effet que pour l’avenir, et n’a aucun effet rétroactif, et ne pourrait remettre en cause des actes d’exécution accomplis antérieurement à sa décision. Selon elle la société Loca’Glass 93 sollicite la suspension de l’ordonnance de référé pour empêcher une expulsion qui a déjà eu lieu. Mme [K] affirme donc que la présente procédure est sans objet, et donc irrecevable.
Il ressort des pièces produites aux débats qu’en vertu de l’ordonnance de référé dont appel, la société Loca’Glass 93 était tenue au paiement de plusieurs sommes d’argent qu’elle n’a pas payée malgré la mesure d’exécution provisoire. C’est pourquoi Mme [K] a fait délivrer un commandement de payer puis procéder à deux saisies attributions qui se sont révélées fructueuses les 10 février et 31 mars 2023. Aucune de ces deux saisies-attributions n’ont fait l’objet d’une contestation judiciaire dans le délai imparti.
Par ailleurs, Mme [K] a fait délivrer à la société Loca’Glass 93 un commandement d’avoir à quitter les lieux le 4 janvier 2023, ce que la société n’a pas fait. Aussi, par acte du 13 avril 2023, la société Loca’Glass 93 a fait l’objet d’une mesure d’expulsion des lieux qu’elle occupait sans droit ni titre. Dans le délai imparti d’un mois, qui expire normalement le 13 mai 2023, la société Loca’Glass 93 n’a pas exercé un recours contre cette procédure d’expulsion devant le juge de l’exécution du tribunal judiciaire de Bobigny. Même si à la date de l’audience de plaidoirie du 9 mai 2023, le délai de recours n’a pas complètement expiré, il n’en demeure pas moins qu’à cette même date aucune assignation devant le juge de l’exécution n’a été délivrée à Mme [K] et n’est produit aux débats qu’un projet d’assignation en ce sens qui reste purement hypothétique puisque ce projet n’a été ni notifié, l’éventuelle assignation n’a pas non plus été placée et que rien ne permet d’avoir la certitude que cet acte sera effectivement délivré dans le délai imparti qui expire 4 jours après la date de l’audience de plaidoirie.
C’est ainsi que l’expulsion de la société Loca’Glass 93 peut être considérée comme ayant été effectivement exécutée et, dans ces conditions, la demande d’arrêt de l’exécution provisoire présentée par la société Loca’Glass 93 est irrecevable.
Il est inéquitable de laisser à la charge de Mme [K] ses frais irrépétibles non compris dans les dépens, et il lui sera alloué une somme de 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Les dépens seront laissés à la charge de la société Loca’Glass 93.
PAR CES MOTIFS,
Déclarons la demande d’arrêt de l’exécution provisoire de l’ordonnance du 13 octobre 2022 du tribunal judiciaire de Bobigny présentée par la SASU Loca’Glass 93 irrecevable ;
Condamnons la SASU Loca’Glass 93 a payer à Mme [K] la somme de 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
Laissons à la SASU Loca’Glass 93 la charge des dépens de l’instance.
ORDONNANCE rendue par M. Jean-Paul BESSON, Premier Président de chambre, assisté de Mme Cécilie MARTEL, greffière présente lors de la mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
La Greffière, Le Président