REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 5 – Chambre 6
ARRET DU 14 JUIN 2023
(n° , 11 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 21/13213 – N° Portalis 35L7-V-B7F-CEBRY
Décision déférée à la Cour : Jugement du 16 Juin 2021 -TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de PARIS RG n° 16/02522
APPELANTES
S.C.I. MONDORIVOLI
Agissant poursuites et diligences en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège,
[Adresse 2]
[Localité 6]
N° SIRET : 528 96 0 2 97
Représentée par Me Jessica CHUQUET de la SELEURL CABINET CHUQUET, avocat au barreau de PARIS, toque : E0595
INTIMES
Maître [X] [V]
[Adresse 3]
[Localité 4]
S.C.P. DEBON- BAUDET -RYDZYNSKI -VERCHERE
Notaires associés venant aux droits de la SCP [V] DEBON ET RABBE,
[Adresse 3]
[Localité 4]
Représentés par Me Thierry KUHN de la SCP KUHN, avocat au barreau de PARIS, toque: P0090, avocat postulant et pour avocat plaidant Maître Jean-Michel LICOINE, Avocat au Barreau d’Orléans
Maître [K] [C]
[Adresse 1]
[Localité 5]
Représenté par Me Jeanne BAECHLIN de la SCP SCP Jeanne BAECHLIN, avocat au barreau de PARIS, toque : L0034
Société MÜNCHENER HYPOTHEKENBANK EG
immatriculée au Registre des Coopératives auprès du Tribunal d’instance de Munich sous le n°G n R 396.prise en la personne de ses reprÈsentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège,[Adresse 7]
Allemagne
Représentée par Me David MEAS, avocat au barreau de PARIS, toque : D0705
S.C.P. [K] [C] ET CAROLINE HUCK
prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 1]
[Localité 5]
Représentée par Me Jeanne BAECHLIN de la SCP SCP Jeanne BAECHLIN, avocat au barreau de PARIS, toque : L0034
COMPOSITION DE LA COUR :
L’affaire a été débattue le 17 Avril 2023, en audience publique, devant la Cour composée de :
M. Marc BAILLY, Président de chambre
M. Vincent BRAUD, Président
Madame Pascale SAPPEY-GUESDON, Conseillère
qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l’audience par M. Marc BAILLY, Président de chambre dans les conditions prévues par l’article 804 du code de procédure civile.
Greffier, lors des débats : Madame Anaïs DECEBAL
ARRET :
– CONTRADICTOIRE
– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
– signé par Marc BAILLY, Président de chambre et par Anaïs DECEBAL,Greffier, présent lors de la mise à disposition.
*
* *
Par acte notarié dressé le 26 juillet 2012 par M. [X] [V], notaire, la société Münchner Hypothekenbank MH -a consenti à la SCI Mondorivoli – propriétaire d’un immeuble sis [Adresse 2] -un prêt de 10,5 millions d’euros, remboursable en 28 trimestres au taux de 3,145 %, destiné à racheter pour une somme de 8 012 588,16 euros un précédent prêt du 15 mars 2011 et à abonder la trésorerie de la SCI d’une somme de 2 487 411,84 euros.
Se prévalant d’un rapport d’expertise amiable du 20 octobre 2015, la SCI Mondorivoli a assigné la société MH devant le tribunal de grande instance de Paris le 14 janvier 2016 en nullité de la stipulation conventionnelle d’intérêts à raison de l’omission de l’indication du taux de période et de la durée de la période.
La société MH a appelé en intervention forcée M. [X] [V], notaire et la SCP notariale [V] Debon et Rabbe et M. [K] [C], notaire et la SCP notariale [C] et Huck par actes en date des 18 et 21 mars 2016, les instances étant jointes le 30 septembre 2016.
Parallèlement, une société en nom collectif SRGM, exerçant sous l’enseigne ‘Tabac de Marly’, ayant obtenu un jugement puis un arrêt de condamnation de la SCI Mondorivoli a fait délivrer un commandement de payer valant saisie vente le 5 juillet 2017 et ensuite de la mise en cause en qualités de créanciers que sont l’Administration fiscale et de la société MH, le juge de l’exécution, par jugement du 22 février 2018 a ordonné la vente de l’immeuble, fixé la créance du créancier poursuivant et retenue la créance de la société MH à hauteur des sommes de 10 068 796,26 euros en principal, de 903 423,70 euros au titre d’indemnités contractuelles dont à déduire des versements de 216 388,10 euros et ‘à défaut, en cas d’annulation du prêt, pour le montant de l’inscription définitive autorisée par le juge de l’exécution, à hauteur de ces sommes dans la limite de 12 800 000 euros’.
Par arrêt du 13 septembre 2018, la cour d’appel de Paris a déclaré caduque la déclaration d’appel de la société MH et le pourvoi de cette dernière a été rejeté par arrêt de la Cour de cassation du 9 janvier 2020.
Dans le cadre du présent litige, la société MH a notamment formé une demande reconventionnelle en nullité du prêt à raison de la fourniture d’un faux contrat de bail par la SCI Mondorivoli et, par jugement en date du 16 juin 2021, le tribunal de grande instance de Paris a ainsi statué :
‘- Prononce la nullité du contrat de prêt signé le 26 juillet 2012 entre la société Münchener Hypotheken Bank et la SCI MONDORIVOLI ;
– Condamne la SCI MONDORIVOLI à payer à la société Münchener Hypotheken Bank le montant du prêt consenti le 26 juillet 2012, déduction faite des 3mensualités qui ont été remboursées, soit à la somme de 10.247.735,62 € avec intérêts au taux légal à compter du 26 juillet 2012 ;
– Dit que les intérêts annuellement échus sur cette somme porteront eux mêmes intérêts au taux légal ;
– Condamne la SCI MONDORIVOLI à payer à la société Münchener Hypotheken Bank la somme de 3.000.000, 00 euros à titre de dommages et intérêts ;
– Déboute la SCI MONDORIVOLI de l’intégralité de ses demandes ;
-Condamne la SCI MONDORIVOLI à payer à la société Münchener Hypotheken Bank la somme de 6.000 euros au titre de l ‘article 700 du code de procédure civile;
– Déboute la société Münchener Hypotheken Bank de ses demandes en condamnation solidaire au paiement d’une indemnité formée au titre de l’ article 700 des notaires intervenus dans la rédaction de l’acte authentique du prêt;
– Condamne la société Münchener Hypotheken Bank au paiement à, d’une part Maître [K] [C] et la SCP [K] [C] et Caroline Huck, et d’autre à Maître [X] [V] et la SCP [X] [V], Thierry Debon et Georges Rabbe, de la somme de 2.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile;
– Condamne la SCI MONDORIVOLI aux entiers dépens ;
– Ordonne l’exécution provisoire de la présente décision.’
****
Par déclaration au greffe du 12 juillet 2021, la SCI Mondorivoli a interjeté appel à l’encontre de toutes les parties.
Par ordonnance du 22 mars 2022, le conseiller de la mise en état a rejeté la fin de non recevoir opposée à la société MH tendant à voir déclarer irrecevable sa demande de radiation de l’affaire du rôle mais n’a pas fait droit à ladite demande.
Par ses seules conclusions au fond du 6 octobre 2021, la SCI Mondorivoli expose :
– que le moyen tiré du dol dont aurait été victime la société MH tenant à ce qu’elle lui aurait dissimulé la nature véritable du bail donné à la société Hilditch et Keys et retenu par le tribunal est inopérant dès lors que la société MH avait fait procéder à une analyse des baux qui n’aurait pas manqué de révéler le dol, la banque ne pouvant se prévaloir de sa découverte au mois de janvier 2016 alors que l’étude à laquelle elle avait fait procéder étant antérieure au prêt du 26 juillet 2012,
– que la banque ne prouve pas qu’elle a commis les manoeuvres dénoncées, qu’en tout état de cause le faux bail qui aurait été produit n’a pas été déterminant de l’octroi du crédit qui l’a été au regard des nombreuses garanties prises dont une hypothèque après une évaluation que la banque se garde de produire mais qui établirait que le bien est d’une valeur nettement supérieure à sa créance puisqu’il a été acquis 11 millions d’euros le 21 mars 2011, sans compter les ratios de couverture des intérêts et de couverture des intérêts et amortissements imposés par l’acte notarié de prêt, la banque n’établissant pas que le bail était une condition déterminante,
– que les articles L313-1 et R313-1 du code de la consommation exigent la mention du TEG, du taux de période et de la durée de la période, ce qui n’est pas le cas du prêt litigieux du 26 juillet 2012, ce qui vicie l’indication du TEG et doit entraîner la déchéance des intérêts,
– subsidiairement, si la cour devait retenir l’existence du dol, il n’en reste pas moins que la décision du juge de l’exécution fixant la créance de la société MH est revêtue de l’autorité de la chose jugée en application de l’article 1355 du code civil contrairement à ce qu’a jugé le tribunal, un nouveau décompte de créance devant être fourni,
– plus subsidiairement, que la société MH ne démontre pas, en toute hypothèse, avoir subi un préjudice consécutif à l’annulation du contrat si elle était retenue, lequel ne peut correspondre aux intérêts non perçus et à l’indemnité de résiliation du prêt, qu’elle ne justifie pas d’une perte de chance alors que le tribunal n’a pas motivé sa décision de lui accorder une somme de 3 millions d’euros de dommages-intérêts qui est largement supérieure aux intérêts que la banque aurait perçus et alors même que la banque dispose de garantie à hauteur de 10,5 millions d’euros outre 2,1 millions d’euros d’accessoires, de sorte qu’elle demande à la cour de :
‘- RECEVOIR la société MONDORIVOLI en son appel et l’y déclarant bien-fondé
– INFIRMER le jugement rendu par le Tribunal Judiciaire de PARIS le 16 juin 2021 en toutes ses dispositions,
Et statuant à nouveau :
-A TITRE PRINCIPAL
-DIRE que le dol dont se plaint la société MÜNCHENER HYPOTHEKENBANK Engagement dans le cadre de l’octroi du prêt de 10.500.000,00 euros n’est pas caractérisé
En conséquence,
-DECLARER recevable les griefs formés par la société MONDORIVOLI sur le prêt de 10.500.000,00 euros signé le 26 juillet 2012,
– DIRE que le taux effectif global mentionné dans l’acte de prêt notarié, reçu le 26 juillet 2012 par Maître [X] [V], Notaire Associé à [Localité 4], aux termes duquel la société MÜNCHENER HYPOTHEKENBANK engagement a consenti un prêt de 10.500.000,00 euros à la société MONDORIVOLI est erroné, en raison de l’absence de mention du taux de période et de la durée de période,
-PRONONCER la déchéance des intérêts de la société MÜNCHENER HYPOTHEKENBANK Engagement au titre de ce prêt de 10.500.000,00 euros,
– CONDAMNER la société MÜNCHENER HYPOTHEKENBANK engagement, sous astreinte de 100 € par jour de retard à compter du 1 euros jour du mois suivant la signification à parti e de l’arrêt à intervenir, à produire un tableau d’amortissement rectificatif au regard des sanctions prononcées,
– A TITRE SUBSIDIAIRE, et dans l’hypothèse où, par extraordinaire, la Cour considérerait que le dol dont se plaint la société MÜNCHENER HYPOTHEKENBANK Engagement est caractérisé DIRE que le jugement rendu le 22 février 2018 par le Juge de l’Exécution du Tribunal de Grande Instance de PARIS a autorité de la chose jugée sur la fixation du quantum de la créance de la société MÜNCHENER HYPOTHEKENBANK engagement au titre du prêt de 10.500.000,00 euros consenti à la SCI MONDORIVOLI,
En conséquence,
– CONDAMNER la société MÜNCHENER HYPOTHEKENBANK engagement, sous astreinte de 100 € par jour de retard à compter du 1er jour du mois suivant la signification à partie de l’arrêt à intervenir, à produire un décompte de sa créance au titre du prêt de 10.500.000 € en conformité avec le jugement rendu le 22 février 2018 par le Juge de l’Exécution du Tribunal de Grande Instance de PARIS,
– A TITRE TRES SUBSIDIAIRE, et dans l’hypothèse où, par extraordinaire, la Cour considérerait que le jugement rendu le 22 février 2018 par le Juge de l’Exécution du Tribunal de Grande Instance de PARIS n’a pas autorité de la chose jugée sur la fixation du quantum de la créance de la société MÜNCHENER HYPOTHEKENBANK engagement au titre du prêt de 10.500.000,00 euros,
-DIRE que la société MÜNCHENER HYPOTHEKENBANK engagement ne démontre pas subir un préjudice indemnisable pour perte de chance,
-CONDAMNER la société MÜNCHENER HYPOTHEKENBANK engagement à verser à la société MONDORIVOLI la somme de 6.000 €’.
Par ses dernières conclusions en date du 25 mars 2022, la société Münchner Hypothekenbank fait valoir :
– qu’après que la SCI Mondorivoli s’est trouvée en défaut pour le paiement du prêt dans le courant de l’année 2014, elle a écrit à ses locataires pour leur demander de se libérer des loyers entre ses mains puisqu’elle disposait d’une garantie de cession des loyers mais qu’elle y a renoncé devant l’assurance de M. [H] [R], asset manager et associé de la SCI qu’une solution de revente et de refinancement allait être trouvée,
– qu’au début de l’année 2016 elle a toutefois découvert que le prétendu bail qui liait la SCI avec la société Hildicth et Keys était faux, cette dernière niant l’avoir signé dès lors qu’elle était bien liée par un bail mais à d’autres conditions,
– que comme l’a retenu le tribunal, elle a été victime d’un dol au sens de l’article 1116 du code civil puisque la SCI était liée à la Hilditch et Keys par un bail du 1er janvier 2002 au 31 décembre 2013 stipulation un loyer annuel de 122 000 euros HT toujours en cours au moment du prêt alors qu’à l’appui de la demande de crédit il lui a été produit un faux bail et un tableau mentionnant des loyers trois fois plus élevés de 360 960 euros, ce qui a été déterminant dans l’appréciation de ses garanties et donc dans l’octroi du prêt,
– que le cabinet Antares qu’elle avait mandaté n’a vu que le faux bail qui lui a été communiqué sans prendre contact avec les locataires de sorte qu’elle n’a pu s’apercevoir du dol,
– que la prise de plusieurs garanties n’empêche pas le caractère déterminant de la garantie de cession de loyer affectée par le faux bail puisqu’il s’agit d’une garantie plus aisément mise en oeuvre que les autres, que les ratios de couverture stipulés – de même que les assurances souscrites – ne sont pas des garanties et n’ont d’ailleurs pas été respectés, que la valeur estimée de l’immeuble est indifférente à l’existence amplement démontrée du dol, qui entraîne la nullité du contrat de prêt,
– s’agissant de sa demande de réparation, qu’elle a subi des préjudices consistant en la perte de chance de ne pas être liée par un contrat nul, d’avoir exposé des dépenses nécessaire à l’octroi du prêt puis celles entraînées par sa non exécution et les litiges afférents, de sorte que la condamné à lui payer la somme de 3 millions d’euros doit être confirmée,
– que dans le cadre du contentieux devant le juge de l’exécution, la SCI n’était pas présente et que sa propre créance, déclarée en vertu du prêt et en vertu d’une ordonnance précédente du juge de l’exécution n’a été contestée que par le créancier poursuivant la société SRGM, que l’article R322-8 du code des procédures civiles d’exécution ne prescrit au juge de l’exécution de ne vérifier que la créance du créancier poursuivant mais pas celle des autres créanciers inscrits, que c’est à tort que le juge de l’exécution a retenu une créance alternative à celle qui était demandée et qu’il n’avait pas à vérifier mais que ses recours n’ont pas prospéré pour des motifs procéduraux, qu’en tout état de cause aucune autorité de la chose jugée n’est attachée à cette décision du juge de l’exécution en vertu de l’article 1355 du code civil puisque les mêmes parties n’étaient pas à cette instance, que les demandes ne sont pas les mêmes puisque c’est la nullité du prêt qui est sollicitée dans le cadre du présent litige,
– subsidiairement, que la déchéance du terme a été prononcée régulièrement après des mises en demeure infructueuses,
– que les dispositions de l’article R313-1 du code de la consommation ne sont pas applicables en l’espèce, s’agissant d’un prêt consenti non à une personne physique mais à une personne morale agissant pour des besoins professionnels, que le prêt n’est pas un prêt à la consommation ni un prêt immobilier et que la règle n’est pas d’ordre public dans ces hypothèses, qu’en outre l’ordonnance du 17 juillet 2019 prévoit seulement une déchéance, en tout ou partie, du droit du prêteur aux intérêts et non la substitution du taux légal, que la SCI ne démontre pas que le TEG est erroné alors qu’il s’agit d’une condition nécessaire au prononcé de toute sanction éventuelle, le défaut de communication du taux de période ne pouvant suffire non plus que la durée de la période qui est par ailleurs indiquée,
– que le rapport Jouffroy n’a pas de force probatoire pour être émaillé de nombreuses erreurs sans toutefois stigmatiser une erreur dans l’indication du TEG et alors que la CJUE juge qu’une sanction ne peut intervenir qu’à la condition que l’emprunteur ait été empêché d’apprécier pleinement ses obligations ce qui n’est pas le cas en l’espèce, qu’en outre le prêt, lu en lien avec son annexe 8 constituée du tableau d’amortissement comporte les indications de la durée de la période et du taux d’intérêt sur chaque trimestre,
– plus subsidiairement si la cour estimait qu’il n y’avait ni dol ni erreur du TEG, elle devrait condamner la SCI Mondorivoli à lui régler les causes du prêt soit la somme de 17 341 053 euros,
– plus subsidiairement encore, que les notaires, débiteurs d’un devoir de conseil à son égard devraient la garantir puisqu’ils ne lui ont pas évité les omissions ou erreurs au titre du TEG alors qu’il est inexact d’affirmer qu’elle ne pouvait ignorer les règles de l’article R313-1 du code de la consommation qui ne concernait que les prêts à des particuliers ou des personnes morales en dehors de leurs activités professionnelles, de sorte qu’elle demande à la cour :
‘A titre principal
-CONFIRMER en toutes ses dispositions, le jugement rendu le 16 juin 2021 par le Tribunal Iudiciaire de Paris.
– DEBOUTER la SCI MONDORIVOLI de toutes ses demandes, fins et conclusions.
Subsidiairement
– CONDAMNER la SCI MONDORIVOLI à payer à la société MUNCHENER HYPOTHEKENBANK engagement la somme de 17.341053 € au titre du contrat de prêt, arrêtée à la date du 30 avril 2021, augmentée des intérêts aux taux légal.
– ORDONNER la capitalisation des intérêts.
– DEBOUTER 1a SCI MONDORIVOLI de toutes ses demandes, fins et conclusions.
Plus subsidiairement.
-DIRE ET IUGER recevable et bien fondée la société MUNCHENER HYPOTHEKENBANK engagement en ses demandes formées 21 l’encontre de Maitre [X] [V], de la SCP [X] [V], Thierry Debon et Georges Rabbe, de Maitre [K] [C], et de la SCP [K] [C] et Caroline Huck.
En conséquence,
– CONDAMNER solidairement Maitre [X] [V], la SCP [X] [V], Thierry Debon et Georges Rabbe, Maitre [K] [C], et la SCP [K] [C] et Caroline Huck a garantir la société MUNCHENER HYPOTHEKENBANK engagement de toutes les condamnations financières qui ont été prononcées à son encontre au profit de la SCI MONDORIVOLI.
– CONDAMNER solidairement Maitre [X] [V], la SCP [X] [V], Thierry Debon et Georges Rabbe, Maitre [K] [C], et la SCP [K] [C] et Caroline Huck à payer à la société MUNCHENER HYPOTHEKENBANK engagement la somme de 6.841.053,75 € a titre de dommages et intéréts.
-CONDAMNER la SCI MONDORIVOLI 21 restituer à la société MUNCHENER HYPOTHEKENBANK engagement le montant en principal de 10.500.000 € avec intéréts au taux légal à compter du 26 juillet 2012.
– ORDONNER la capitalisation des intérêts.
– DEBOUTER la SCI MONDORIVOLI et Maitre [X] [V], la SCP [X] [V], Thierry Debon et Georges Rabbe, Maitre [K] [C], et la SCP [K] [C] et Caroline Huck de toutes leurs demandes, fins et conclusions.
En toutes hypothèses.
– DEBOUTER la SCI MONDORIVOLI de toutes ses demandes, fins et conclusions.
-CONDAMNER la SCI MONDORIVOLI à payer à la société MUNCHENER HYPOTHEKENBANK engagement la somme de 200.000 € par application de l’article 700 du Code de procédure civile’.
Par leurs dernières conclusions en date du 23 juin 2022, M. [K] [C], notaire, et la SCP [C] Huck font valoir :
– qu’il y a lieu de rappeler que M. [C] a participé à l’acte dressé par M. [V], notaire, qu’alors que la SCI Mondorivoli était défaillante dans le paiement des causes du prêt depuis 2014, la société MH a tenté d’exécuter ses causes auprès des bailleurs et découvert que le bail commercial produit était un faux,
– que la cour ne pourra que confirmer le jugement ayant prononcé la nullité du prêt,
– subsidiairement, qu’il n’est formulé aucun reproche au TEG indiqué dans l’acte, lequel n’est pas erroné, qu’il ne ressort aucune sanction du défaut d’indication du taux de période de l’article R313-1 du code de la consommation alors qu’en l’espèce le TEG est exact et que la banque n’a pas fictivement pris une période de remboursement mensuelle plutôt que trimestrielle dans le but de tromper l’emprunteur, le consentement de ce dernier n’ayant pas été vicié, que dès lors qu’il est indiqué que les remboursements sont trimestriels il a été satisfait à la nécessité d’indication de la période,
– que l’analyse fournie par le cabinet Jouffroy est de nature juridique et que ses calculs sont erronés à tout le mois approximatifs,
– plus subsidiairement que la société MH ne pourrait qu’être déboutée de ses prétentions mal fondées en ce qu’elle leur reproche de ne pas l’avoir conseillée sur l’application de la loi française alors que la mention du TEG résulte de directives européennes que la banque ne pouvait ignorer, de sorte qu’ils demandent à la cour de :
‘A titre principal,
– DECLARER la SCI MONDORIVOLI mal fondée en son appel.
En conséquence,
-L’en DEBOUTER ainsi que de l’intégralité de ses fins, moyens et conclusions.
-CONFIRMER le jugement entrepris en toutes ses dispositions.
A titre subsidiaire,
-DEBOUTER la SCI MONDORIVOLI de sa demande de déchéance des intérêts de la société MÜNCHENER HYPOTHEKENBANK.
-DEBOUTER la société MÜNCHENER HYPOTHEKENBANK des demandes formées à l’encontre de Maître [K] [C] et de la SCP [K] [C] et Caroline HUCK, société civile professionnelle de Notaires ;
En tout état de cause,
-DEBOUTER les parties adverses de leurs entières prétentions et demandes dirigées à l’encontre des concluants ;
-CONDAMNER la SCI MONDORIVOLI au paiement d’une indemnité de procédure de
5 000 € au titre de l’article 700 du Code de Procédure civile’.
Par leurs dernières conclusions en date du 22 juin 2022, M. [X] [V], notaire, et la SCP Debon Baudet, Rydzynski et Verchere font valoir :
– les mêmes moyens que M. [C] sur la nullité du contrat de prêt devant être confirmée,
– que la SCI Mondorivoli qui a agi dans un but professionnel ne peut se prévaloir des dispositions du code de la consommation,
– que les parties, en page trois de l’acte, ont exclu la soumission de l’acte aux dispositions de l’article L312-12 du code de la consommation sur l’information pré contractuelle de l’emprunteur parmi laquelle figure l’indication du TEG et de ses accessoires, l’emprunteur professionnel ayant la faculté d’y renoncer,
– qu’il n’est pas prévu de sanction au défaut d’indication du taux de période et de la durée de la période et que toute sanction éventuelle est subordonnée à la démonstration d’un écart d’au moins une décimal entre le TEG indiqué et le TEG prétendument réel, ce qui n’est pas le cas en l’espèce,
– qu’en tout état de cause, la SCI Mondorivoli ne rapporte pas la preuve du montant d’intérêts indûment perçus, l’étude Jouffroy apparaissant erronée,
– que, pour les mêmes motifs que ceux exposés par son confrère et alors que la société MH est un professionnel européen du crédit l’appel en garantie de cette dernière en pourrait être accueilli, de sorte qu’elle demande à la cour de :
‘A TITRE PRINCIPAL,
-Débouter la SCI MONDORIVOLI de son appel contre le jugement rendu par le Tribunal Judiciaire de Paris (9 ème Chambre 2 ème section) le 16 Juin 2021.
-Confirmer le jugement en toutes ses dispositions
-Condamner la SCI MONDORIVOLI à payer à Maître [V] et la SCP DEBON- BAUDET-RYDZYNSKI et VERCHERE la somme de 5 000 € par application de l’article 700 du code de procédure civile.
-Condamner la SCI MONDORIVOLI aux dépens et faire application au bénéfice de la SCP [E] des dispositions de l’article 699 du CODE DE PROCÉDURE CIVILE.
A TITRE SUBSIDIAIRE,
-Si la Cour infirme les dispositions du jugement qui ont prononcé, sur le fondement du dol, la nullité de l’acte de prêt consenti par la société MUNCHENER HYPOTHEKENBANK à la SCI MONDORIVOLI,
-Débouter la SCI MONDORIVOLI de sa demande tendant à voir prononcer contre la société MUNCHENER HYPOTHEKENBANK la déchéance des intérêts conventionnels, faute pour elle de justifier du moindre écart entre le taux effectif global mentionné et le taux réel,
En conséquence, déclarer sans objet la demande en garantie qui pourrait être formée par la société MUNCHENER HYPOTHEKENBANK contre Maître [X] [V] et la SCP Thierry DEBON, Mélanie BAUDET, Frédéric RYDZYNSKI et Gaëlle VERCHERE
Si la Cour fait droit en toute ou partie aux demandes formées par la SCI
MONDORIVOLI contre la société MÛNCHENER HYPOTHEKENBANK :
– Débouter la société MÜNCHENER HYPOTHEKENBANK de sa demande en garantie formée contre Maître [X] [V] et la SCP Thierry DEBON, Mélanie BAUDET, Frédéric RYDZYNSKI et Gaëlle VERCHERE
-Condamner la SCI MONDORIVOLI à payer à Maître [V] et la SCP Thierry DEBON, Mélanie BAUDET, Frédéric RYDZYNSKI et Gaëlle VERCHERE la somme de
5 000 € par application de l’article 700 du code de procédure civile’.
L’ordonnance de clôture rendue le 17 janvier 2023.
MOTIFS
Sur la fin de non recevoir opposée à la demande de nullité du contrat de prêt
Ainsi que le prévoient les articles 122 et 480 du code de procédure civile, l’autorité de la chose jugée, invoquée par la société Mondorivoli sur le fondement de l’article 1355 du code civil, constitue une fin de non recevoir qu’il y a donc d’examiner préalablement et non subsidiairement comme elle le sollicite.
Il y a lieu de rappeler que le tribunal, dans le jugement ici entrepris dont il est demandé confirmation par la banque, a condamné la SCI Mondorivoli au paiement d’une somme de 10 247 735,62 euros avec intérêts au taux légal à compter du prêt du 26 juillet 2012 à titre de restitution ensuite du prononcé de sa nullité.
Le juge de l’exécution, dans son jugement définitif du 22 février 2018, a jugé que dans l’hypothèse de l’annulation du prêt, la créance serait fixée dans la limite de la somme demandée par la société MH pour l’inscription soit dans la limite de la somme de 12 800 000 euros.
Contrairement à ce que soutient la société MH, elle était bien, en sa qualité de créancier inscrit, partie à ladite procédure et représentée.
Toutefois, il ressort des articles R 322-6 que l’autorité de la chose jugée attachée au jugement d’orientation puis même à l’ordonnance d’homologation du juge de l’exécution pour le créancier titulaire d’une hypothèque judiciaire provisoire – non intervenue en l’espèce-, comme c’était le cas de la société MH, revêt un caractère provisoire, de sorte que la SCI Mondorivoli ne peut utilement l’opposer à la banque dans le cadre du présent litige qui statue sur la demande de nullité.
En tout état de cause, le juge de l’exécution n’a pas statué sur le sort de la demande de dommages-intérêts sollicitée par la société MH en réparation du dol qu’elle impute à la SCI Mondorivoli et il ne le pouvait puisque cette demande n’est pas fondée sur l’exécution du titre que constitue l’acte notarié dont il a seulement à connaître en vertu de l’article L 213-6 du code de l’organisation judiciaire.
En conséquence, il y a lieu de rejeter la fin de non recevoir opposée par la société Mondorivoli à la demande de nullité du contrat invoquée par la société MH.
Sur la nullité du contrat de prêt
Ainsi que le tribunal l’a énoncé, il ressort de l’article 1116 du code civil dans sa rédaction antérieure à l’ordonnance du 1er février 2016 applicable compte tenu de la date du contrat que les manoeuvres frauduleuses de l’une des parties au contrat est une cause de nullité lorsqu’il est évident qu’en leur absence l’autre partie n’aurait pas contracté.
En l’espèce, la société Mondorivoli ne conteste pas qu’elle a produit à l’appui de la demande de prêt un bail commercial la liant à une société Hilditch et Keys qui aurait été conclu pour une période de 12 ans pour un loyer annuel de 360 960 euros alors qu’en réalité elle était liée à cette société mais par un bail ayant pris effet en 2002 avec pour terme le 31 décembre 2013 et pour un loyer annuel d’environ deux-tiers inférieur puisque fixé à la somme de 122 000 euros.
Il n’est pas contestable que la production d’un faux contrat de bail liant la SCI emprunteuse à un preneur à l’appui de sa demande de prêt constitue une manoeuvre dolosive.
C’est vainement que la SCI Mondorivoli fait valoir que la banque aurait dû s’en rendre compte dès l’audit à laquelle elle a fait procéder par un prestataire préalablement à la souscription du prêt dès lors, d’une part, qu’il n’est pas établi que ce prestataire avait connaissance du bail réel et que, d’autre part, s’étant rendue responsable du dol, elle ne peut utilement reprocher à sa cocontractante de n’avoir pas obvié à ses manoeuvres par négligence.
C’est également vainement qu’elle soutient que, compte tenu de l’importance des autres garanties du prêt constituées de l’hypothèque, de la cession des créances des indemnités d’assurance et du nantissement des parts sociales de la SCI et de la stipulation conventionnelle de respect par elle de ratios de couverture des intérêts et de couverture des intérêts et amortissements, la banque aurait contracté même en connaissance de cause du bail authentique la liant à son preneur.
En effet, c’est à juste titre que la société MH fait valoir que le prêt notarié stipulait en sa faveur une garantie de cession des loyers, que ceux-ci, selon le faux bail, s’élevaient à une somme annuelle de 360 960 euros approchant le montant annuel des remboursements du prêt et ladite garantie peut être regardée comme essentielle dès lors que les baux sont énumérés avec précision dans l’acte notarié qui stipule que la conformité de la situation locative est attestée et qu’elle est plus facilement mise en oeuvre que les autres garanties.
Il en est d’autant plus ainsi que le déroulement du litige, partiellement rapporté ci-dessus, établit précisément que la SCI Mondorivoli s’est opposée à leur mise en oeuvre et que c’est justement à l’occasion de sa tentative de mise en oeuvre de la garantie de cession des loyers que la société MH a découvert l’inauthenticité du bail produit par la SCI, de sorte que c’est à juste titre que le tribunal a jugé que la manoeuvre était de nature à déterminer la banque à contracter et que tel n’aurait pas été le cas si elle n’avait pas été perpétrée.
Le jugement doit donc être confirmé en ce qu’il a prononcé la nullité du prêt notarié du 26 juillet 2012 et en ce qu’il a prononcé la condamnation subséquente de la SCI Mondorivoli à restituer les sommes obtenues en exécution du prêt, déduction faite des sommes reçues par elle en paiement.
Outre les restitutions ordonnées à la suite de l’annulation du prêt, la banque est bien fondée à solliciter des dommages-intérêts sous réserve qu’elle démontre l’existence d’un préjudice distinct des restitutions ordonnées.
C’est à juste titre que la banque fait valoir la perte de chance invoquée ainsi que le préjudice issu des tracasseries occasionnées par les procédures judiciaires à raison de la souscription du prêt nul, qui se distingue des frais irrépétibles, et compte tenu des sommes qu’elle aurait pu prétendre percevoir dans l’hypothèse de l’exécution du contrat valide, c’est par une juste appréciation que le tribunal a fixé à la somme de 3 millions d’euros le montant des dommages-intérêts alloués, que la banque demande de voir confirmé.
La solution donnée rend inutile l’examen des griefs tenant à l’indication du taux et de la durée de la période dans le prêt annulé.
Il ressort de tout ce qui précède qu’il y a lieu de confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions, de condamner la SCI Mondorivoli aux dépens d’appel à payer, en application de l’article 700 du code de procédure civile, les sommes de 30 000 euros à la société MH et de 5 000 euros à M. [K] [C] et à la SCP [C] Huck et de 5 000 euros à M. [X] [V] et à la SCP Debon Baudet, Rydzynski et Verchere.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement et contradictoirement,
CONFIRME le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;
Y ajoutant,
CONDAMNE la SCI Mondorivoli à payer à la somme de 30 000 euros à société Münchner Hypothekenbank, la somme de 5 000 euros à M. [K] [C] et à la SCP [C] Huck et la somme de 5 000 euros à M. [X] [V] et à la SCP Debon Baudet, Rydzynski et Verchere en application de l’article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNE la SCI Mondorivoli aux dépens de la présente instance qui seront recouvrés par l’AARPI Dentons Europe, Maître [L] [Z] et Maître [X] [E], comme il est disposé à l’article 699 du code de procédure civile.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,