Saisine du juge de l’exécution : 14 juin 2023 Cour d’appel d’Agen RG n° 22/00326

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Saisine du juge de l’exécution : 14 juin 2023 Cour d’appel d’Agen RG n° 22/00326

ARRÊT DU

14 Juin 2023

DB / NC

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N° RG 22/00326

N° Portalis DBVO-V-B7G -C7U4

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SARL SERVICES INDUSTRIES

C/

SAS HELIANTHUS

——————-

GROSSES le

aux avocats

ARRÊT n° 262-23

COUR D’APPEL D’AGEN

Chambre Civile

Section Commerciale

LA COUR D’APPEL D’AGEN, 1ère chambre dans l’affaire,

ENTRE :

SARL SERVICES INDUSTRIES prise en la personne de son gérant Monsieur [H] [J]

RCS MONTAUBAN numéro 452 329 410

[Adresse 1]

[Localité 2]

représentée par Me Céline BRANCO, avocate postulante au barreau du LOT

et Me Arnaud CLARAC, avocat plaidant au barreau de TOULOUSE

APPELANTE d’un jugement du tribunal de commerce d’AUCH en date du 25 mars 2022, RG 2021 000152

D’une part,

ET :

SAS HELIANTHUS prise en la personne de son Président actuellement en exercice domicilié en cette qualité audit siège social RCS AUCH 830 511 499

[Adresse 4]

[Localité 3]

représentée par Me Hélène GUILHOT, avocate associée de la SCP TANDONNET ET ASSOCIES, avocate postulante au barreau d’AGEN

et Me Gregory VEIGA, SELARL ARCANTHE, avocat plaidant au barreau de TOULOUSE

INTIMÉE

D’autre part,

COMPOSITION DE LA COUR :

l’affaire a été débattue et plaidée en audience publique le 05 avril 2023, sans opposition des parties, devant la cour composée de :

Président : André BEAUCLAIR, Président de chambre, qui a fait un rapport oral à l’audience

Assesseur : Jean-Yves SEGONNES, Conseiller

qui en ont rendu compte dans le délibéré de la cour composée outre eux-mêmes de :

Dominique BENON, Conseiller

en application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, et après qu’il en a été délibéré par les magistrats ci-dessus nommés,

Greffière : Nathalie CAILHETON

ARRÊT : prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile

‘ ‘

FAITS :

Selon devis accepté du 31 octobre 2017, la SAS Hélianthus a confié à la SARL Services Industries la construction d’un silo de stockage à maïs d’une capacité de 15 000 m3 composé de plusieurs cellules sur son site de [Localité 3] (32).

Le devis prévoit la réalisation des prestations suivantes : lot cellules, lot bâtiment, lot ventilation-extraction, lot manutention, lot aspiration, lot séchage, lot raccordement.

Le prix de la prestation a été fixé à 2 050 000 Euros HT, soit 2 460 000 Euros TTC.

Le contrat mentionne une date de fin de réalisation, finitions comprises, au 3 août 2018, et que ‘des pénalités de retard seront appliquées à hauteur de 0,5 % par semaine, plafonnées à 5 % du marché initial, hors finitions’.

Il a été stipulé des paiements échelonnés entre le 5 janvier 2018 et la fin de chantier.

Un avenant a ensuite porté le prix du marché à 2 519 125,20 Euros TTC.

La SARL Services Industries a réclamé paiement d’un solde dû de 182 857,86 Euros sur le marché.

La SAS Hélianthus a opposé un défaut achèvement des travaux et réclamé l’application des pénalités contractuelles de retard.

Par acte délivré le 8 février 2021, la SARL Services Industries a fait assigner la SAS Hélianthus devant le tribunal de commerce d’Auch afin de la voir condamner à lui payer le solde de sa facturation.

Par lettre recommandée du 16 avril 2021, la SAS Hélianthus a notifié à la SARL Services Industries la résiliation du marché.

La SAS Hélianthus a à nouveau opposé l’existence de travaux supplémentaires n’ayant pas fait l’objet d’une commande écrite, mis en cause l’abandon du chantier et réclamé l’application des pénalités de retard.

Par jugement rendu le 25 mars 2022, le tribunal de commerce d’Auch a :

– débouté la société Services Industries de sa demande en paiement de la somme de 47 418 Euros HT au titre de travaux supplémentaires,

– condamné la société Services Industries à payer à la société Hélianthus la somme de 102 500 Euros au titre des pénalités de retard contractuelles,

– condamné sous astreinte de 300 Euros par jour de retard, la société Services Industries à communiquer à la société Hélianthus les plans prévus au marché,

– dit que l’astreinte commencera à compter de la signification du jugement,

– débouté la société Hélianthus de sa demande en paiement du devis de la société Vidal,

– rejeté la demande d’expertise formée à titre subsidiaire par la société Hélianthus,

– dit que la société Hélianthus doit régler le solde des travaux de la société Services Industries qui s’élève à la somme de 104 963,55 Euros HT,

– ordonné la compensation et condamné la société Hélianthus à payer à la société Services Industries la somme de 2 463,55 Euros HT,

– dit qu’il n’y a pas lieu d’écarter l’exécution provisoire du jugement,

– condamné la société Services Industries à verser à la société Hélianthus la somme de 1 000 Euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamné la société Services Industries aux entiers dépens, liquidés pour le greffe à la somme de 69,59 Euros.

Le tribunal a estimé que les parties ayant conclu un marché à forfait, la SARL Services Industries ne pouvait facturer des travaux supplémentaires n’ayant pas fait l’objet d’une acceptation par le maître de l’ouvrage ; que la SARL Services Industries n’avait pas terminé les travaux et ne pouvait subordonner la poursuite de son intervention au paiement des travaux supplémentaires ; que la réception devait être fixée à la date d’effet de la résiliation le 6 mai 2021 avec des réserves constatées par huissier, mais que le devis Vidal produit n’était pas suffisamment précis pour déterminer s’il ne s’appliquait qu’aux finitions ou s’il prenait en compte des modifications substantielles du projet ; et que les pénalités plafonnées à 5 % du marché devaient être appliquées.

Par acte du 21 avril 2022, la SARL Services Industries a déclaré former appel du jugement en indiquant que l’appel porte sur les dispositions du jugement qui ont :

– rejeté sa demande de condamnation de la somme de 182 857,56 Euros TTC,

– débouté la société Services Industries de sa demande en paiement de la somme de 47 418 Euros HT au titre de travaux supplémentaires,

– condamné la société Services Industries à payer à la société Hélianthus la somme de 102 500 Euros au titre des pénalités de retard contractuelles,

– condamné sous astreinte de 300 Euros par jour de retard, la société Services Industries à communiquer à la société Hélianthus les plans prévus au marché,

– dit que l’astreinte commencera à compter de la signification du jugement,

– ordonné la compensation,

– condamné la société Services Industries à verser à la société Hélianthus la somme de 1 000 Euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamné la société Services Industries aux entiers dépens, liquidés pour le greffe à la somme de 69,59 Euros.

La clôture a été prononcée le 22 mars 2023 et l’affaire fixée à l’audience de la Cour du 5 avril 2023.

PRÉTENTIONS ET MOYENS :

Par dernières conclusions notifiées le 13 mars 2023, auxquelles il est renvoyé pour le détail de l’argumentation, (cf infra sur les conclusions déposées le 31 mars 2023), la SARL Services Industries présente l’argumentation suivante :

– Elle a respecté le contrat :

* elle a rempli ses obligations et le silo a été inauguré officiellement le 13 septembre 2018 en présence des médias et de la présidente du Conseil Régional.

* ce n’est qu’en 2019, après perception des aides européennes, que la SAS Hélianthus s’est prévalue de pénalités de retard pour éviter de payer le solde du marché.

– Les travaux supplémentaires sont dus :

* les quatre factures du 11 février 2019, d’un montant cumulé de 56 901,60 Euros TTC ont trait aux travaux supplémentaires convenus avec le maître de l’ouvrage ayant fait l’objet de devis acceptés.

* ces travaux supplémentaires sont les suivants :

– codeur poutre : devis du 16 août 2018 accepté, puis modifié, devis du 18 septembre 2018, facturation 27 760,80 Euros TTC.

– boîte 2 D asymétrique, modification de tuyauterie, rajout de freins de chute, devis du 8 novembre 2018, facturation 22 776 Euros TTC, prestation demandée par M. [M],

– déplacement du ventilateur des filtres : devis du 28 janvier 2019, facturation de 2 736 Euros TTC, prestation demandée par M. [M] qui lui a été transmise par courriel,

– moteurs spéciaux Belimos, devis du 28 janvier 2019 demandé par M. [M] comme l’atteste le tableau des comptes rendus, facturation 3 628,80 Euros TTC.

* ces travaux ont été commandés par M. [M], responsable Hélianthus des travaux neufs, qui a établi un nouveau planning le 25 juin 2018, et qui a toujours été son interlocuteur et dont elle pouvait penser qu’il engageait valablement la SAS Hélianthus.

* M. [P], président de la SAS Hélianthus a accepté le paiement de ces travaux par courriel du 4 février 2019, n’opposant un refus de paiement que pour des factures non concernées par le litige.

* tous les courriels adressés par M. [P] sont adressés en copie à M. [M].

* M. [P] a ensuite admis devoir payer les travaux supplémentaires.

– Aucun retard ne peut lui être imputé :

* par courriel du 26 juin 2018, M. [M] a modifié le planning prévu en fixant une date de fin de travaux au 5 septembre 2018.

* le silo a été achevé le 13 septembre 2018 et rempli le 21 septembre suivant, soit un retard, tout au plus, de 8 jours.

* elle n’a jamais abandonné le chantier.

– Le refus de paiement est abusif :

* les travaux commandés doivent être payés sans pouvoir se compenser avec le retard réclamé.

* les travaux actuellement réclamés (devis Vidal et Excent) correspondent à des travaux qui n’ont jamais été convenus entre eux, et ces documents ont été établis en 2021 par pure complaisance.

– Les plans du silo ont été fournis :

* Me [O], huissier de justice, les a remis le 10 mai 2022, avant même la signification du jugement.

* la clé USB contenant les plans au format informatique a été remise le 6 octobre suivant.

Au terme de ses conclusions, elle demande à la Cour de :

– infirmer le jugement,

– condamner la SAS Hélianthus à lui payer la somme de 182 857,86 Euros TTC,

– ne pas appliquer les pénalités de retard,

– débouter la SAS Hélianthus de ses demandes reconventionnelles,

– condamner la SAS Hélianthus à lui payer la somme de 4 000 Euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

– la condamner aux dépens avec distraction.

La SARL Services Industries a déposé de nouvelles conclusions le 31 mars 2023 sollicitant la révocation de l’ordonnance de clôture.

*

* *

Par dernières conclusions notifiées le 17 février 2023, auxquelles il est renvoyé pour le détail de l’argumentation (cf infra sur les conclusions déposées le 20 mars 2023), la SAS Hélianthus présente l’argumentation suivante :

– Contexte du litige :

* les travaux devaient être terminés le 3 août 2018, mais ce mois-là, le gros oeuvre n’était pas achevé.

* en mars 2019, la SARL Industries Services s’est engagée à terminer les travaux pour avril 2019, mais en exigeant le paiement de travaux supplémentaires et a finalement abandonné le chantier en août 2019.

* elle a finalement résilié le marché.

– Les travaux supplémentaires ne sont pas dus :

* le contrat conclu entre les parties constitue un marché à forfait tel que prévu à l’article 1793 du code civil.

* la mise en place d’un codeur poutre, la modification de la tuyauterie, le frein de chute et le déplacement du ventilateur correspondent à la correction d’erreurs de conception ou de réalisation.

* le bâtiment en litige est en effet identique à un autre bâtiment également construit par la SARL Services Industries.

* ces travaux n’ont fait l’objet d’aucun avenant et n’ont pas été ratifiés.

* le courriel invoqué par la SARL Industries Services ne correspond qu’à l’acceptation d’un paiement sous la condition d’achèvement des travaux, laquelle n’a pas été réalisée suite à l’abandon du chantier.

* les pièces produites n’établissent pas que les devis auraient été demandés par M. [M] et, en tout état de cause, la demande d’établissement d’un devis n’implique pas son acceptation.

– La SARL Services Industries a abandonné le chantier :

* cette société ne peut être réglée pour des prestations qui n’ont pas été réalisées et qui devront l’être par des entreprises tierces.

* elle a refusé de se présenter à une réunion fixée au 26 mai 2021 pour procéder à la réception des travaux en présence d’un huissier de justice.

* le marché a été résilié pour manquement aux obligations de l’entreprise.

– Des travaux n’ont pas été réalisés :

* elle a fait établir des devis par les sociétés Vidal et Excent pour un total de 89 697 Euros HT, alors que le solde restant dû est de 104 266,55 Euros HT, soit un différentiel de 15 266,55 Euros HT.

* le devis Vidal correspond à des postes indispensables à l’exploitation imposés par la réglementation qui entrent dans le prix du marché à forfait.

* subsidiairement, une mesure d’expertise peut être ordonnée pour chiffrer le coût des prestations restant à réaliser.

– Les pénalités de retard sont dues :

* elle n’a ni accepté le report de la fin des travaux au 5 septembre, ni renoncé à solliciter le paiement des pénalités de retard.

* le courriel du 28 juin correspond seulement à un échange opérationnel émanant du responsable travaux indiquant qu’aucun retard ne sera toléré, et le planning recalé pour tenir compte de l’intervention d’autres entreprises.

* la prise de possession du silo et son inauguration n’impliquent pas l’achèvement de l’ouvrage, compte tenu qu’elle était contrainte par la récolte et son exploitation.

* ainsi, n’étaient pas terminés, selon une réunion du 27 septembre 2018, ayant fait l’objet d’une liste envoyée le lendemain : la finition de la toiture (ayant ensuite généré des infiltrations), l’escalier dans la fosse pour descendre aux élévateurs, la mise en sécurité des accès, l’étanchéité, les accès passerelle, la ligne d’arrêt du tapis de production, les rives de toiture.

* certains travaux n’ont été réalisés qu’en 2019 : fixation des toitures et passerelles, avant que la SARL Services Industries ne quitte le chantier.

* il lui reste ainsi dû 102 500 Euros (pénalités de retard plafonnées) – 15 266,55 Euros HT (solde des travaux hors travaux supplémentaires) = 87 233,45 Euros.

– Elle a également subi des préjudices : elle a dû indemniser la société Fauche à hauteur de 16 000 Euros HT.

– Les plans lui ont été remis tardivement :

* le 22 mai 2022, la SARL Services Industries s’est limitée à lui transmettre les plans papier.

* ce n’est que le 6 octobre 2022 que les plans au format numérique lui ont été communiqués.

* elle n’a pas saisi le juge de l’exécution pour faire liquider l’astreinte, mais subit un préjudice.

Au terme de ses conclusions, elle demande à la Cour de :

– débouter la SARL Services Industries de son appel,

– réformer le jugement en ce qu’il a :

* rejeté sa demande en paiement du devis de la société Vidal,

* rejeté sa demande d’expertise formée à titre subsidiaire,

* dit qu’elle doit régler le solde de travaux de la SARL Services Industries qui s’élève à la somme de 104 963,55 Euros HT,

* prononcé condamnation à son encontre, après compensation, de payer la somme de 2 463,55 Euros HT,

– débouter la SARL Services Industries de sa demande en paiement de travaux supplémentaires,

– confirmer qu’elle a légitimement résilié le marché aux torts exclusifs de la SARL Services Industries,

– la condamner à lui payer :

* 89 697 Euros HT au titre du coût d’achèvement des travaux et prestations non réalisées, ou subsidiairement 66 817 Euros,

* 102 500 Euros à titre de pénalités de retard,

* 16 000 Euros à titre de dommages et intérêts,

– la condamner à lui remettre les plans prévus au contrat sous format papier et sous format numérique, sous astreinte de 300 Euros par jour de retard à compter de la signification de l’arrêt,

– ordonner la compensation et condamner la SARL Services Industries à lui payer 103 233,45 Euros.

– subsidiairement :

– avant-dire droit, ordonner une mesure d’expertise aux frais avancés de la SARL Services Industries afin de chiffrer le coût des prestations restant à achever ainsi que les préjudices et de permettre l’apurement des comptes,

– condamner la SARL Services Industries à lui payer la somme de 10 000 Euros à titre de dommages et intérêts,

– en tout état de cause :

– la condamner à lui payer la somme de 10 000 Euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et à supporter les dépens, avec distraction.

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MOTIFS :

1) Considérations préliminaires :

En premier lieu, aux termes de l’article 15 du code de procédure civile, les parties doivent se faire connaître mutuellement en temps utile les moyens de fait sur lesquels elles fondent leurs prétentions, les éléments de preuve qu’elles produisent et les moyens de droit qu’elles invoquent, afin que chacune soit à même d’organiser sa défense.

En l’espèce, la SARL Services Industries a déposé ses conclusions d’appelante le 8 juillet 2022.

La SAS Hélianthus a déposé ses conclusions d’intimée le 30 septembre 2022.

La SARL Services Industries a déposé de nouvelles conclusions le 9 décembre 2022.

Le 28 décembre 2022, les parties ont été informées que l’affaire serait appelée à l’audience de mise en état du mercredi 22 février 2023 pour clôture.

La SAS Hélianthus a déposé de nouvelles conclusions le vendredi 17 février 2023, soit trois jours ouvrables avant la clôture.

Le lundi 20 février 2023, la SARL Services Industries a indiqué qu’elle devait étudier ces conclusions et a sollicité le report de la clôture.

Il a été fait droit à cette demande et la clôture a été reportée au mercredi 22 mars 2023.

La SARL Services Industries a déposé de nouvelles conclusions le lundi 13 mars 2023 pour répondre à celles déposées le 17 février 2023.

Cependant, le lundi 20 mars 2023, deux jours avant la clôture, la SAS Hélianthus a déposé de nouvelles conclusions.

La clôture a été prononcée le mercredi 22 mars 2023 et l’affaire a été fixée à plaider à l’audience du 5 avril 2023.

Par conclusions déposées le vendredi 31 mars 2023, la SARL Services Industries sollicite la révocation de l’ordonnance de clôture afin de rendre recevables ses nouvelles conclusions.

Toutefois, la SAS Hélianthus a disposé de tout le temps qui lui était nécessaire pour déposer ses conclusions.

En déposant de nouvelles conclusions le 17 février 2023 trois jours ouvrables avant la clôture, elle a provoqué le différé de celle-ci afin que la SARL Services Industries y réponde, ce qu’elle a fait le 13 mars 2023.

En concluant à nouveau le 20 mars 2023, deux jours avant la nouvelle date de clôture, la SAS Hélianthus n’a, à nouveau, pas mis en mesure son adversaire de prendre connaissance de ces nouvelles conclusions.

Par conséquent il y a lieu, non pas de révoquer l’ordonnance de clôture, mais de déclarer irrecevables les conclusions déposées le 20 mars 2023 par la SAS Hélianthus.

Il ne sera statué que sur les conclusions déposées le 17 février 2023 par la SAS Hélianthus et le 13 mars 2023 par la SARL Services Industries.

En deuxième lieu, dans sa déclaration d’appel, la SARL Services Industries a, notamment, déféré à la Cour les dispositions du jugement lui ordonnant, sous astreinte, de remettre à la SAS Hélianthus les plans prévus au marché.

Dans ses conclusions, elle admet toutefois, d’une part, être débitrice de l’obligation de remise des plans et, d’autre part, ne les avoir remis qu’en exécution du jugement le 10 mai 2022.

L’intimée explique que ces documents ont fini par lui être remis postérieurement au jugement.

Par conséquent, la décision du tribunal est justifiée et doit être confirmée.

En troisième lieu, dans le dispositif de ses conclusions, la SAS Hélianthus demande à la Cour de ‘confirmer que la SAS Hélianthus a légitimement résilié le marché de travaux aux torts exclusifs de la SARL Services Industries’.

En l’absence de disposition du jugement sur ce point, de litige sur la résiliation prononcée par la SAS Hélianthus, et de demande de résiliation judiciaire du marché, cette demande est sans objet.

2) Sur les travaux supplémentaires :

L’appelante admet que le marché qu’elle a passé avec la SAS Hélianthus relève du marché à forfait prévu à l’article 1793 du code civil qui dispose :

‘Lorsqu’un architecte ou un entrepreneur s’est chargé de la construction à forfait d’un bâtiment, d’après un plan arrêté et convenu avec le propriétaire du sol, il ne peut demander aucune augmentation de prix ni sous le prétexte de l’augmentation de la main d’oeuvre ou des matériaux, ni sous celui de changement ou d’augmentations faits sur ce plan, si ces changements ou augmentations n’ont pas été autorisés par écrit, et le prix convenu avec le propriétaire.’

Toutefois, le maître de l’ouvrage doit payer les travaux qu’il a acceptés de façon expresse et non équivoque.

La SARL Services Industries réclame paiement d’une somme de 182 857,86 Euros TTC ainsi détaillée :

– 125 956,26 Euros TTC correspondant au marché initial, somme non contestée par l’intimée.

– 56 901,60 Euros TTC correspondant à des travaux supplémentaires, contestés par l’intimée.

Les travaux supplémentaires dont le paiement est réclamé sont les suivants :

1) Mise en place d’un codeur poutre :

Cette prestation fait l’objet de la facture n° FA1910014 du 11 février 2019 d’un montant de 27 760,80 Euros TTC.

Elle avait fait l’objet d’un devis du 16 août 2018 d’un montant de 11 145 Euros TTC sur lequel figure la mention ‘bon pour accord’ et le paraphe de M. [P], président de la SAS Hélianthus qui, ainsi, a commandé cette prestation et donné son accord sur ce prix.

L’appelante se prévaut du devis modifié du 10 septembre 2018 d’un montant porté à 23 134 Euros en expliquant avoir dû ajouter des boulonnages supplémentaires.

2) Mise en place d’une boîte 2D asymétrique, modification de la tuyauterie et rajout de freins de chutes :

Cette prestation fait l’objet de la facture n° FA 1910016 du 11 février 2019 d’un montant de 22 776 Euros TTC.

Elle avait fait l’objet d’un devis du 8 novembre 2018 sur lequel la mention ‘date, signature, bon pour accord’ n’est pas complétée.

3) Déplacement du ventilateur des filtres :

Cette prestation fait l’objet de la facture n° FA 1910017 du 11 février 2019 d’un montant de 2 736 Euros TTC.

Elle avait fait l’objet d’un devis du 28 janvier 2019 sur lequel la mention ‘date, signature, bon pour accord’ n’est pas complétée.

4) Mise en place de moteurs spéciaux Belimos :

Cette prestation a fait l’objet de la facture n° FA 1910018 du 11 février 2019 d’un montant de 3 628,80 Euros TTC.

Elle avait fait l’objet d’un devis du 28 janvier 2019 sur lequel la mention ‘date, signature, bon pour accord’ n’est pas complétée.

Toutefois, par courriel du 8 août 2019 adressé à la SARL Services Industries, M. [P] a demandé que les travaux soient terminés et indiqué :

‘Une fois ces travaux terminés, nous réglerons les factures suivantes :

– FA 1910014 : 27 760,80 Euros TTC

– FA 1910016 : 22 776 Euros TTC

– FA 1910017 : 2 736 Euros TTC

– FA 19 10018 : 3 628,80 Euros TTC.’

Cette acceptation du principe du paiement des factures, après exécution des travaux supplémentaires, implique sans équivoque qu’ils ont été acceptés par le maître de l’ouvrage.

Seul leur paiement est subordonné à la réalisation de finitions.

Par conséquent, la SAS Hélianthus ne peut refuser de les payer en prétendant, notamment, qu’il s’agit de prestations incluses dans le devis initial, s’agissant de prestations indispensables au bon fonctionnement de l’ouvrage, ce qui ne ressort que de ses seules affirmations et d’aucune analyse technique objective et ce que ne prétendait d’ailleurs pas M. [P] dans son courriel du 8 août 2019.

La SAS Hélianthus doit par conséquent être condamnée à payer le montant réclamé et le jugement doit être infirmé sur ce point.

3) Sur le retard imputé à la SARL Services Industries et les pénalités réclamées :

En premier lieu, la SARL Services Industries produit des courriels échangés avec [D] [M] qui les a signés en qualité de ‘responsable des travaux neufs’ de la SAS Hélianthus.

M. [M] représentait cette société lors des réunions de chantier, comme en atteste par exemple le courriel qu’il a envoyé à plusieurs parties le 24 janvier 2018 et à la SARL Services Industries le 16 février 2018.

Il disposait, par conséquent, et dès le début des travaux, aux yeux de la SARL Services Industries, d’un mandat apparent lui permettant d’engager la SAS Hélianthus envers la SARL Services Industries sur les délais de réalisation des travaux.

En deuxième lieu, l’appelante dépose aux débats un courriel envoyé par M. [M] le 26 juin 2018 dans lequel il indique :

‘Voici la mise à jour du planning suite à nos discussions d’hier soir. C’est le dernier recalage, Je suis au bout de ce que je peux faire de mon côté. A vous de bien analyser ce planning pour mettre les ressources en face et veiller à ce qu’il ne manque rien en appros.’

Est joint à ce courriel un calendrier détaillant les étapes du chantier et fixant la fin des travaux au 5 septembre 2018.

La date du 5 septembre 2018 doit par conséquent être considérée comme constituant la date contractuelle de fin des travaux, initialement fixée par le devis au 3 août 2018, étant toutefois précisé que, sur un chantier de cette importance, des interventions ultérieures de la SARL Services Industries ont pu être nécessaires pour parfaire certains points (comme par exemple pour vérifier des étanchéités et mettre un terme à des fuites).

En troisième lieu, c’est la SAS Hélianthus qui, prétendant imputer à sa co-contractante, des pénalités de retard, supporte la charge de la preuve de ce retard, étant rappelé que selon le contrat les pénalités ne sont pas dues pour les finitions.

L’appelante dépose aux débats un article de presse qui indique que le silo a été inauguré en présence de Mme [W], présidente de la région, le jeudi 13 septembre 2018, par M. [P].

Il est également constant que les essais de remplissage ont été effectués le 21 septembre 2018, ce qui implique que le silo était opérationnel.

Ces éléments fiables ne peuvent être remis en cause par les seules affirmations de la SAS Hélianthus contenues dans ses courriels prétendant que le chantier n’a pas été terminé, puis qu’il a même été abandonné, et qui ne sont pas corroborés, par exemple, par une expertise.

La SAS Hélianthus ne prétend d’ailleurs pas que le silo aurait, à cette date, en réalité, été inutilisable.

Le fait qu’il ait pu exister des réglages, finitions et même quelques réparations, inévitables sur un chantier de cette ampleur, comme l’a indiqué l’appelante dans une lettre du 28 janvier 2019 admettant ‘nous devons les finitions du chantier’ puis dans une lettre du 12 février 2019 admettant ‘quand on regarde la finition de chantier, c’est une multitude de petits travaux qui n’empêchent en rien l’exploitation du site’, ne remet pas en cause l’existence d’une mise en service conforme le 13 septembre 2018.

Les réserves mentionnées lors d’une réception unilatérale prononcée par la SAS Hélianthus le 6 mai 2021, objets d’un constat d’huissier établi le même jour, particulièrement bref dans ses constatations qui ne concernent d’ailleurs que des finitions et réglages, ne font pas preuve de ses allégations.

Ainsi, il n’existe pas d’élément technique établissant que l’ouvrage n’était alors pas opérationnel.

Finalement, faute pour le maître de l’ouvrage, de prouver le retard imputé à la SARL Services Industries, hors finitions, l’intimée ne peut réclamer que les pénalités admises par cette dernière pour un retard de 8 jours, soit 0,5 % du marché initial de 2 050 000 Euros, ce qui représente 10 250 Euros.

Après compensation, il reste dû à la SARL Services Industries la somme de 182 857,86 Euros – 10 250 Euros = 172 607,86 Euros.

4) Sur les préjudices invoqués par la SAS Hélianthus :

En premier lieu, en l’absence de faute démontrée de la SARL Services Industries dans la réalisation des prestations mises à sa charge, comme indiqué plus haut, cette demande doit être rejetée.

En deuxième lieu, il n’existe aucun élément objectif technique de nature à attester que l’installation serait affectée de désordres, de sorte qu’il ne peut être question de mettre à la charge de la SARL Services Industries le montant des devis que la SAS Hélianthus a unilatéralement fait établir par les sociétés Vidal et Groupe Excent.

La carence sur ce point de la SAS Hélianthus, en l’absence, par exemple, de production d’une expertise technique amiable du silo, ne saurait être palliée par l’organisation d’une expertise de l’ouvrage.

Il convient de préciser que faute d’être payée, au moins partiellement, des travaux supplémentaires qui avaient été acceptés par la SAS Hélianthus, la SARL Services Industries était fondée à suspendre la réalisation des prestations de finitions.

Le jugement qui a rejeté ce poste de demande, ainsi que la demande d’expertise, doit être confirmé.

En troisième lieu, dès lors que la SAS Hélianthus n’explique pas quel préjudice lui a été causé par la remise tardive, sur ordre du tribunal, des plans contractuels, sa demande de dommages et intérêts doit être rejetée.

Enfin, l’équité nécessite d’allouer à l’appelante la somme de 3 000 Euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

– la Cour, après en avoir délibéré conformément à la loi, statuant par arrêt contradictoire prononcé par mise à disposition au greffe et en dernier ressort,

– DÉCLARE les conclusions déposées le 20 mars 2023 par la SAS Hélianthus et celles déposées par la SARL Services Industries le 31 mars 2023 irrecevables ;

– INFIRME le jugement SAUF en ce qu’il a :

– condamné sous astreinte de 300 Euros par jour de retard, la société Services Industries à communiquer à la société Hélianthus les plans prévus au marché,

– dit que l’astreinte commencera à compter de la signification du jugement,

– débouté la société Hélianthus de sa demande en paiement du devis de la société Vidal,

– rejeté la demande d’expertise formée à titre subsidiaire par la société Hélianthus,

– STATUANT A NOUVEAU sur les points infirmés,

– CONDAMNE la SAS Hélianthus à payer à la SARL Services Industries :

1) 172 607,86 Euros au titre du solde du marché du 31 octobre 2017, compensation avec les pénalités de retard effectuée,

2) 3 000 Euros en application de l’article 700 du code de procédure civile,

– Y ajoutant,

– REJETTE la demande de dommages et intérêts présentée par la SAS Hélianthus pour remise tardive des plans prévus au marché et la demande présentée au titre du devis Groupe Excent ;

– CONDAMNE la SAS Hélianthus aux dépens de 1ère instance et d’appel qui pourront être recouvrés directement par Me [B] pour ceux dont elle a fait l’avance sans avoir reçu provision, conformément à l’article 699 du code de procédure civile.

– Le présent arrêt a été signé par André Beauclair, président, et par Nathalie Cailheton, greffière, à laquelle la minute a été remise.

LA GREFFIÈRE, LE PRÉSIDENT,

 


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