1ère Chambre
ARRÊT N°177/2023
N° RG 23/00808 – N° Portalis DBVL-V-B7H-TPW4
M. [Z] [F]
C/
S.A. CRÉDIT IMMOBILIER DE FRANCE DÉVELOPPEMENT
Ste Coopérative banque Pop. BANQUE POPULAIRE GRAND OUEST
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE RENNES
ARRÊT DU 13 JUIN 2023
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
Président : Madame Aline DELIÈRE, Présidente de chambre,
Assesseur : Madame Véronique VEILLARD, Présidente de chambre,
Assesseur : Madame Caroline BRISSIAUD, Conseillère,
GREFFIER :
Madame Marie-Claude COURQUIN, lors des débats et lors du prononcé
DÉBATS :
A l’audience publique du 27 mars 2023 devant Madame Aline DELIÈRE, magistrat rapporteur, tenant seul l’audience, sans opposition des représentants des parties et qui a rendu compte au délibéré collégial
ARRÊT :
Contradictoire, prononcé publiquement le 13 juin 2023 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l’issue des débats
****
APPELANT :
Monsieur [Z] [F]
né le [Date naissance 3] 1969 à [Localité 12]
[Adresse 1]
[Adresse 1]
Représenté par Me Vincent DUTTO de la SELARL CRESSARD & LE GOFF, AVOCATS, avocat au barreau de RENNES
INTIMÉES :
La société CRÉDIT IMMOBILIER DE FRANCE DÉVELOPPEMENT (CIFD) venant aux droits de la société CRÉDIT IMMOBILIER DE FRANCE OUEST suite à une fusion-absorption du 26/1182015, lui-même venant aux droits du CRÉDIT IMMOBILIER DE FRANCE NORMANDIE suite à une fusion-absorption intervenue entre cette même société et le CRÉDIT IMMOBILIER DE FRANCE PAYS DE LOIRE, SA agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège
[Adresse 4]
[Adresse 4]
Représentée par Me Jacques-Yves COUETMEUR de la SCP CADORET-TOUSSAINT, DENIS & ASSOCIES, Postulant, avocat au barreau de SAINT-NAZAIRE
Représentée par Me Mathieu ROQUEL de la SCP DESILETS ROBBE ROQUEL, Plaidant, avocat au barreau de LYON
La BANQUE POPULAIRE GRAND OUEST, nouvelle dénomination de la BANQUE POPULAIRE ATLANTIQUE, société anonyme coopérative de Banque Populaire, immatriculée au registre du commerce et des sociétés de Rennes sous le n°857.500.227, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège
[Adresse 2]
[Adresse 2]
[Adresse 2]
Représentée par Me Jacques-Yves COUETMEUR de la SCP CADORET-TOUSSAINT, DENIS & ASSOCIES, Postulant, avocat au barreau de SAINT-NAZAIRE
Représentée par Me Jean-Philippe RIOU de la SELARL PARTHEMA, Plaidant, avocat au barreau de NANTES
FAITS ET PROCÉDURE
Par acte authentique du 2 décembre 2004, dressé par Me [Y] [H], notaire à [Localité 9], (44), la société Crédit immobilier de France pays de la Loire, aux droits de laquelle vient désormais la société Crédit immobilier de France développement (CIFD), a consenti à M. [Z] [F], un prêt de 164 570 euros, garanti par une inscription de privilège de prêteur de deniers et d’hypothèque conventionnelle publiés à la conservation des hypothèques de [Localité 18] 1, le 14 janvier 2005, volume 2005 V n°181.
Ce prêt a financé l’acquisition, par le même acte, d’un bien immobilier (une maison et un garage sur une parcelle de 378 m²) située à [Localité 8], au [Adresse 17].
Après l’envoi le 14 janvier 2020 d’une mise en demeure de payer les échéances échues impayées, la société CIFD a informé M. [F] de la déchéance du terme pour défaut de paiement des échéances du prêt, par courrier recommandé du 5 février 2020.
Le 6 janvier 2022, la société CIFD a fait délivrer à M. [F] un commandement de payer valant saisie immobilière du bien situé à [Localité 8], pour la somme de 102 080,70 euros arrêtée au 29 octobre 2021. Ce commandement a été régulièrement publié au service de la publicité foncière de [Localité 18].
Le 28 mars 2022 la société CIFD a assigné M. [F] à l’audience d’orientation du juge de l’exécution du tribunal judiciaire de Saint-Nazaire.
Le 30 mars 2022 le cahier des conditions de vente a été déposé au greffe du tribunal judiciaire de Saint-Nazaire.
Le 3 janvier 2023 la société Banque populaire grand ouest (la société BPGO), titulaire d’une hypothèque légale sur le bien saisi, a dénoncé sa déclaration de créance à la société CIFD et à M. [F].
Par jugement du 19 janvier 2023 le juge de l’exécution du tribunal judiciaire de Saint-Nazaire a :
-fixé la créance dont le recouvrement est poursuivi par la société CIFD sur M. [F] à la somme de 89 016,40 euros outre intérêts au taux contractuel de 1,597 % sur la somme de 80 789,50 euros à compter du 30 octobre 2021 jusqu’au jour du règlement définitif,
-ordonné la vente forcée des biens saisis,
-dit que cette vente se fera sur la mise à prix fixée par le créancier poursuivant et selon le cahier des conditions de vente,
-fixé au 5 mai 2023 à 10 heures la date de la vente au tribunal judiciaire de Saint-Nazaire,
-dit que le débiteur sera obligé de permettre une visite d’une heure des biens saisis, l’huissier pouvant être assisté lors de la visite par un expert chargé d’établir les diagnostics obligatoires,
-désigné la SELARLVeyrac Gigout Deschamps Cardin Geairon, commissaires de justice associés à [Localité 18], pour assurer cette visite en se faisant assister si besoin est d’un serrurier et de la force publique, l’huissier devant prévenir M. [F], ou les occupants des lieux, par lettre recommandée avec accusé de réception acheminée au moins 8 jours avant la date prévue pour la visite, et pouvant y procéder, que la lettre recommandée soit retirée, refusée ou non,
-rappelé que les frais devront impérativement être taxés avant l’audience d’adjudication, la société CIFD étant invitée à produire son état de frais actualisé 8 jours au moins avant la date d’adjudication,
-autorisé le remplacement des deux avis simplifiés prévus à l’article R322-32 du code des procédures civiles d’exécution, par une publication sur les sites internet « enchères-publiques.com » et « axiojuris.com », dans la limite d’un montant maximal de 1000 euros au total, en ne publiant que des photographies extérieures du bien,
-déclaré la demande en nullité du commandement de payer valant saisie-vente du 6 janvier 2022 irrecevable,
-débouté les parties du surplus de leurs demandes,
-condamné la société CIFD à payer à M. [F] la somme de 1500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
-dit que les dépens seront compris dans les frais de vente soumis à taxe,
-rappelé que le jugement est assorti de plein droit de l’exécution provisoire.
Le 6 février 2023, M. [F] a fait appel de tous les chefs du jugement, à l’exception du chef lui allouant une indemnité au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Par ordonnance du magistrat délégué par le premier président de la cour d’appel il a été autorisé à assigner la société CIFD et la société BPGO à jour fixe à l’audience du 27 mars 2023.
Les assignations ont été signifiées les 24 et 27 février 2023.
M. [F] expose ses moyens et ses demandes dans ses conclusions n°2 déposées au greffe et notifiées le 24 mars 2023, auxquelles il est renvoyé.
Il demande à la cour de’:
-infirmer le jugement,
-statuant à nouveau, débouter la société CIFD de toutes ses demandes,
-prononcer la nullité du commandement de payer valant saisie immobilière délivré le 6 janvier 2022,
-prononcer la nullité du commandement de payer valant saisie-vente délivré le 13 janvier 2022,
-dire que la société CIFD est prescrite en sa créance fondant la saisie immobilière du 6 janvier 2022,
-ordonner la radiation du commandement de payer valant saisie immobilière,
-condamner la société CIFD à lever, à ses frais, dans le délai d’un mois suivant la décision à intervenir, les hypothèques et inscriptions prises en vertu de l’acte notarié du 23 décembre 2004, sous astreinte de 100 euros par jour de retard.
A titre subsidiaire, il demande à la cour de’:
-ramener sa créance à la somme de 56 782,96 euros,
-ordonner un moratoire d’une durée de 24 mois pour le paiement de la créance invoquée par la société CIFD.
A titre infiniment subsidiaire, il demande à la cour de’:
-autoriser la vente amiable du bien immobilier situé à [Localité 8], dans un délai de 4 mois suivant la décision à intervenir,
-fixer le montant en deçà duquel le bien ne pourra être cédé à la somme de 250 000 euros,
-ordonner le cantonnement des saisies réalisées par la société CIFD au bien immobilier situé à [Localité 8],
-ordonner la suspension de la saisie immobilière réalisées sur le bien immobilier de M. [F] situé à [Localité 9], lieudit [Localité 11].
A titre encore plus subsidiaire, il demande à la cour de’:
-fixer la mise à prix de la maison située à [Localité 8] à la somme de 150 000 euros.
En tout état de cause, il demande à la cour de’:
-débouter la société CIFD de l’ensemble de ses demandes,
-la condamner à lui verser la somme de 6000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile pour les frais de première instance et 6000 euros pour les frais de la procédure d’appel,
-la condamner aux entiers dépens de l’instance,
-condamner la société BPGO à lui payer la somme de 2000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
La société CIFD expose ses moyens et ses demandes dans ses conclusions déposées au greffe et notifiées le 22 mars 2023, auxquelles il est renvoyé.
Elle demande à la cour de :
-confirmer le jugement en toutes ses dispositions,
-débouter M. [F] de l’ensemble de ses demandes,
-le condamner à lui payer la somme de 3000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
-ordonner l’emploi des dépens en frais privilégiés de vente.
La société BPGO expose ses moyens et ses demandes dans ses conclusions déposées au greffe et notifiées le 24 mars 2023, auxquelles il est renvoyé.
Elle demande à la cour de’:
-confirmer le jugement,
-condamner M. [F] aux entiers dépens de l’instance et à lui payer la somme de 2000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
MOTIFS DE L’ARRÊT
1) Sur la demande de nullité du commandement valant saisie immobilière
M. [F] demande à la cour d’annuler le commandement valant saisie immobilière aux motifs que le bien saisi est un bien indivis, que la transmission de la créance lui est inopposable et que le décompte est imprécis.
Sur la nature du bien saisi
Aux termes de l’article 815-17 alinéas 2 et 3 du code civil les créanciers personnels d’un indivisaire ne peuvent saisir sa part sur les biens indivis, meubles ou immeubles mais ils ont la faculté de provoquer le partage au nom de leur débiteur ou d’intervenir dans le partage provoqué par lui.
Il ressort de l’acte de vente du 23 décembre 2004 que le bien immobilier comprend une maison, une cour au Sud et un bâtiment à usage de remise et de garage au Sud de la cour, le tout sur des parcelles cadastrées section [Cadastre 10], [Cadastre 6] et [Cadastre 7]. L’acte précise que la parcelle [Cadastre 6] bénéficie d’un droit de passage sous la voûte existant à l’Ouest de la maison, pour accéder de la [Adresse 17] à «’ladite’» cour commune, ainsi qu’il sera précisé sous le titre «’Rappel de servitude’».
Le paragraphe «’Rappel de servitude’» mentionne’: «’D’un acte reçu par Me [O] [I], notaire à [Localité 8], le 19 décembre 1968 (…) il est extrait ce qui suit littéralement reproduit’: «’Au midi de ladite maison, cour indivise avec M. [A] et famille [T], avec droit de passage sous la voûte existant à l’ouest de la maison pour accéder de la [Adresse 17] à ladite cour commune, sur laquelle existent un puits et une pompe, ainsi que des water-closets communs avec M. [A] et la famille [T].’»
Aucun acte portant sur le bien dit indivis et désignant les propriétaires actuels en indivision de la parcelle, assiette de la cour, n’est versé à la procédure par M. [F]. Il ne produit pas non plus de plan des lieux.
Dans l’acte du 23 décembre 2004, la cour est désignée soit comme indivise soit comme commune. Dans l’attestation du 6 janvier 2023 de Me [H], notaire à [Localité 9], il est fait état de la cour entre la maison et le bâtiment en pierres mais il n’est pas indiqué que la cour est en indivision.
Au regard de la description des lieux qui ressort de l’acte du 23 décembre 2004, il n’est pas établi que la cour commune, le puits, la pompe et les water-closets, qui existaient en 1968 (dont il n’est pas démontré qu’ils existent toujours à ce jour), sont des biens indivis au sens de l’article 815-17 du code civil, alors qu’il apparaît que la cour et les équipements qui y sont situés étaient partagés par trois familles proches, qui en avaient besoin au quotidien et que, comme l’a relevé le premier juge, il peut s’agir d’une indivision forcée et perpétuelle en raison notamment de la situation des lieux, sur des biens affectés à titre accessoire et indispensables à l’usage commun de deux ou plusieurs fonds appartenant à des propriétaires différents.
M. [F] ne démontre donc pas que les dispositions de l’article 815-17 du code civil s’appliquent au bien saisi.
Sur l’inopposabilité de la transmission de la créance
M. [F] fait valoir que le commandement de payer ne vise pas précisément les actes de transmission de la créance détenue par la CIFD à son encontre.
L’article R321-3 al. 2 du code des procédures civiles d’exécution dispose’: «’Si le créancier saisissant agit en vertu d’une transmission, à quelque titre que ce soit, de la créance contenue dans le titre exécutoire fondant les poursuites, le commandement doit viser l’acte de transmission à moins que le débiteur n’en ait été régulièrement avisé au préalable ». Cette mention est prescrite à peine de nullité.
Le commandement de payer du 6 janvier 2022 mentionne qu’il est délivré à la requête de « La société CRÉDIT IMMOBILIER DE FRANCE DÉVELOPPEMENT (CIFD), venant aux droits de la société CRÉDIT IMMOBILIER DE FRANCE OUEST suite à une fusion-absorption selon PV d’AGE du 26 novembre 2015 et déclaration de conformité du 1er décembre 2015, lui-même venant aux droits du CRÉDIT IMMOBILIER DE FRANCE NORMANDIE suite à une fusion-absorption intervenue entre cette même société et le CRÉDIT IMMOBILIER DE FRANCE PAYS DE LA LOIRE accompagnée d’un changement de dénomination sociale selon PV d’AGE du 02 juillet 2008, Société Anonyme au capital de 124 821 566,00 €, immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de PARIS sous le n°379 502 644, dont le siège social est [Adresse 5], poursuites et diligences de ses représentants légaux en exercice domiciliés en cette qualité de droit audit siège ».
Il rappelle bien la chaîne de droits, notamment en mentionnant expressément les deux actes successifs de fusion-absorption qui ont nécessairement eu pour effet de transmettre la créance dans la mesure où la fusion-absorption emporte transmission de l’universalité des éléments patrimoniaux actifs et passifs de la société absorbée à la société absorbante.
L’article R321-3 al. 2 du code des procédures civiles d’exécution exige seulement que le commandement vise l’acte de transmission, ce qui est visé en l’espèce.
Contrairement à ce que soutient M. [F], pour être régulier en la forme, le commandement de payer n’a pas à comporter en annexe les justificatifs des fusions-absorptions, ni la copie des procès-verbaux d’assemblée générale évoqués dans le commandement, pas plus que les justificatifs de leur dépôt au greffe ou de leur publication.
Par ailleurs, le défaut de l’une des mentions exigées par l’article R321-3 du code des procédures civiles d’exécution relève des nullités pour vice de forme.
Or M. [F] ne justifie d’aucun grief qui lui aurait été causé par l’irrégularité qu’il invoque. Il n’explique pas en quoi, s’il avait bénéficié de toutes les informations qu’il invoque, la vérification de l’identité du titulaire de la créance à son encontre aurait changé sa situation, alors qu’il ne conteste pas que la société CIFD est bien titulaire d’une créance à son encontre.
Sur le décompte
L’article R321-3 alinéa 1 3° du code des procédures civiles d’exécution dispose : « Outre les mentions prescrites pour les actes d’huissier de justice, le commandement de payer valant saisie comporte : (‘)
3° Le décompte des sommes réclamées en principal, frais et intérêts échus ainsi que l’indication du taux des intérêts moratoires’;’»
Le commandement de payer valant saisie du 6 janvier 2022 reproduit le décompte de la créance arrêté au 29 octobre 2021 au titre du prêt n°502610102064001 :
-capital restant du au 5 février 2020 80 789,50 euros
-échéances échues impayées au 5 février 2020 12 209,63 euros
-échéances d’assurance échues 452,55 euros
-indemnité d’exigibilité anticipée 7 % 6509,94 euros
-frais de poursuite exposés mémoire
-intérêts échus du 5 février 2020 au 29 octobre 2021 au taux de 1,597 % 2571,63 euros
-règlements reçus 452,55 euros
Total dû, outre mémoire 102 080,70 euros
Le délai de grâce d’une durée de 12 mois accordé à M. [F] par le tribunal d’instance de Nantes, le 3 mai 2018, a été appliqué avant la déchéance du terme du 5 février 2020. C’est à tort qu’il soutient, sans préciser en quoi les conséquences du délai de grâce impactent le montant de la créance après la déchéance du terme, que le décompte ne lui permet pas de vérifier le montant des sommes réclamées.
M. [F] reproche au décompte de ne pas distinguer, s’agissant des échéances échues impayées, entre la part en capital et la part en intérêts impayés.
Les échéances échues impayées correspondent comme le capital restant dû au montant principal de la créance. Aux termes du contrat de prêt, comme le capital restant dû à la date de déchéance du terme, elles produisent des intérêts de retard au taux contractuel. Le tout ressort bien du décompte. Le fait que le montant des échéances échues impayées est distingué, dans le décompte, du capital restant dû ne contrevient pas au texte précité, qui exige seulement que le principal et le taux des intérêts moratoire soient mentionnés dans le décompte.
Contrairement à ce qui est soutenu, l’article R321-3 alinéa 1 3° du code des procédures civiles d’exécution n’exige pas que le créancier mentionne de façon distincte les intérêts contractuels échus et impayés, sur lesquels les intérêts moratoires vont courir.
Le taux des intérêts moratoires figure bien dans le décompte, soit 1,597 %. Il appartient à M. [F], s’il estime ce taux inexact, de le discuter le cas échéant dans le cadre de la contestation du montant de la créance. Le contrat de prêt a été souscrit pour un taux d’intérêt révisable. M. [F] ne peut donc soutenir que le taux mentionné dans le commandement de payer est inexact parce qu’il diffère du taux mentionné dans un courrier de la banque du 21 août 2018, alors que le taux mentionné dans le commandement est le taux applicable à la déchéance du terme, le 5 février 2020.
M. [F] reproche également au décompte de faire état d’échéances d’assurance échues sans préciser la date de ces échéances, en faisant valoir qu’il a toujours réglé ces dernières. Ce moyen est inopérant au regard des exigences formelles de l’article R321-3 du code des procédures civiles d’exécution, car il tend à contester le montant de la créance réclamée au titre des échéances d’assurance.
Enfin, si les frais et intérêts à échoir à compter du 29 octobre 2021 sont mentionnés pour ‘mémoire’ il n’en ressort pas que le décompte ne respecte pas les dispositions de l’article R321-3, ces frais et intérêts ne pouvant en tout état de cause, hors le coût de l’acte lui-même, indiqué dans l’acte, pas être chiffrés au moment de la délivrance du commandement de payer.
Les moyens de nullité soulevés par M. [F] ont été à juste titre écartés par le tribunal et le jugement sera confirmé en ce qu’il a rejeté la demande de nullité du commandement de payer.
2) Sur la demande de nullité du commandement aux fins de saisie-vente
Le 13 janvier 2022 la société CIFD a signifié à M. [F] un commandement aux fins de saisie-vente, visant la créance née du défaut de remboursement du prêt accordé par l’acte du 23 décembre 2004. M. [F] demande à la cour d’annuler cet acte, soutenant qu’il s’agit d’une demande incidente dont peut connaître le juge de l’exécution.
Selon l’article R322-5 2° du code des procédures civiles d’exécution, l’audience d’orientation a pour objet d’examiner la validité de la saisie, de statuer sur les contestations et demandes incidentes liées à celle-ci et de déterminer les modalités selon lesquelles la procédure sera poursuivie, ce qui doit être mentionné dans l’assignation.
Le juge de l’exécution a retenu que la demande de nullité du commandement au fins de saisie vente n’est pas une contestation sur laquelle le juge de l’exécution a compétence pour statuer dans le cadre de l’audience d’orientation.
En effet, les contestations et demandes incidentes au sens de l’article R322-5 2° du code des procédures civiles d’exécution visent toute contestation née de la procédure de saisie immobilière ou s’y référant directement, de nature à exercer une influence immédiate et directe sur cette procédure, même portant sur le fond du droit.
L’annulation du commandement aux fins de saisie-vente n’aurait aucun effet sur le cours de la prescription, la procédure de saisie-immobilière ayant bien été engagée le 6 janvier 2022, avant la délivrance du commandement, dans le délai de deux ans à compter de la déchéance du terme.
En conséquence, c’est à juste titre que le juge de l’exécution a retenu que la demande de nullité du commandement aux fins de saisie-vente n’est pas de nature à exercer une influence directe et immédiate sur la procédure de saisie-immobilière, qu’il ne s’agit pas d’une demande incidente au sens de l’article R322-5 2° du code des procédures civiles d’exécution et qu’il n’a pas le pouvoir de statuer sur la demande.
Le jugement sera confirmé pour avoir déclaré irrecevable la demande de nullité du commandement aux fins de saisie-vente.
3) Sur la prescription de la créance du CIFD
Comme il est dit ci-dessus, la créance du CIFD n’était pas prescrite au moment où la procédure de saisie immobilière a été engagée le 6 janvier 2022, soit dans le délai biennal de prescription prévu par l’article L218-2 du code de la consommation, qui a commencé à courir à compter de la déchéance du terme du 5 février 2020.
Le jugement sera confirmé pour avoir rejeté le moyen tiré de la prescription de la créance de la société CIFD.
4) Sur le montant de la créance
Le juge de l’exécution a retenu, au visa de l’article L218-2 du code de la consommation, que la créance de la société CIFD au titre des échéances échues impayées antérieures au 6 janvier 2020, soit plus de deux ans avant la signification du commandement de payer valant saisie-immobilière, est prescrite.
Il a exclu du montant de la créance la somme de 12 209,63 euros. Cette décision n’est pas contestée devant la cour par la société CIFD.
S’agissant des échéances d’assurance échues, il ressort du décompte que M. [F] a payé la somme de 452,55 euros après la déchéance du terme et des échanges de courriers versés à la procédure que ce montant correspondant aux cotisations d’assurance. La somme de 452,55 euros (15 x 30,17 euros par mois) a été déduite des sommes dues et M. [F] ne démontre pas qu’il a payé davantage au titre des cotisations d’assurance.
A juste titre, la créance au titre des échéances échues impayées étant prescrite, le premier juge a réduit le montant de la clause pénale à 7 % du capital restant dû, soit 7 % de 80 789,50 euros, ce qui n’est pas contesté par la société CIFD.
La contestation de M. [F] sur le cumul de la clause pénale et des intérêts de retard sur les échéances échues impayées est désormais sans objet.
Au regard de ces éléments, le jugement sera confirmé pour avoir fixé le montant de la créance à la somme totale de 89 016,40 euros, avec intérêts au taux de 1,597 % sur la somme de 80 789,50 euros à compter du 30 octobre 2021.
5) Sur la régularité de la procédure de saisie-immobilière
La société CIFD justifie bien agi d’un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible sur un immeuble saisissable.
La procédure de saisie immobilière est régulière et c’est à juste titre que le juge de l’exécution a rejeté la demande de radiation du commandement de payer et validé la procédure.
6) Sur la demande de délais de paiement
L’article 1343-5 du code civil dispose’: « Le juge peut, compte tenu de la situation du débiteur et en considération des besoins du créancier, reporter ou échelonner, dans la limite de deux années, le paiement des sommes dues ».
M. [F] demande un délai de paiement de deux ans afin d’attendre que la cour d’appel de Rennes statue sur les indemnités réclamées par les sociétés dont il est le gérant en raison de malfaçons affectant un local commercial donné en location et exploité par ces sociétés.
M. [F] est propriétaire de plusieurs biens immobiliers, ainsi qu’il ressort de la liste dressée par la société BPGO, à l’occasion de l’octroi d’un prêt à la société dont M. [F] était le gérant et qu’il a cautionné le 18 octobre 2012. Outre sa résidence principale à [Localité 13], il possédait des murs commerciaux à [Localité 14] et des biens donnés en location (à [Localité 16], [Localité 9], [Localité 8] et [Localité 15]). La valeur vénale de son patrimoine immobilier était estimée à 2 850 000 euros et le montant des prêts restant à rembourser à la somme de 1 385 211,87 euros.
Si M. [F] justifie de revenus imposables pour l’année 2020 à hauteur de 4193 euros (revenus fonciers) il ne justifie pas de ses revenus postérieurs et dispose d’un patrimoine immobilier qui lui permet de faire face à ses dettes. Il aurait notamment mis en vente, ce qui ressort d’un courrier du 9 avril 2021, le bien immobilier situé à [Localité 16], estimé 250 000 euros en 2012, mais ne fait pas état cependant des suites données à ce projet.
Par ailleurs il ne propose devant la cour aucun plan d’apurement de ses dettes. Il a déjà bénéficié d’un moratoire de 24 mois en 2018, qui ne lui a pas permis de redresser sa situation.
Enfin, il fait valoir dans ses conclusions que l’affaire qui concerne les malfaçons d’un local commercial et la perte d’exploitation de ses sociétés doit être plaidée le 7 juillet 2022. Il n’indique cependant pas quelle est la décision qui a été rendue et si elle va lui permettre de faire face, par un moyen ou un autre, au paiement de ses dettes, dans un contexte où les sociétés sont en liquidation judiciaire.
Sa demande de délais de paiement n’est pas justifiée et le jugement qui l’a rejetée sera confirmé.
8) Sur la demande de vente amiable du bien saisi
L’article R322-21 du code des procédures civiles d’exécution dispose : « Le juge de l’exécution qui autorise la vente amiable fixe le montant du prix en deçà duquel l’immeuble ne peut être vendu eu égard aux conditions économiques du marché ainsi que, le cas échéant, les conditions particulières de la vente.
Le juge taxe les frais de poursuite à la demande du créancier poursuivant.
Il fixe la date de l’audience à laquelle l’affaire sera rappelée dans un délai qui ne peut excéder quatre mois.
A cette audience, le juge ne peut accorder un délai supplémentaire que si le demandeur justifie d’un engagement écrit d’acquisition et qu’à fin de permettre la rédaction et la conclusion de l’acte authentique de vente. Ce délai ne peut excéder trois mois ».
Si M. [F] a fait procéder, le 6 janvier 2023, en cause d’appel à une estimation du bien saisi, il ne justifie d’aucun mandat de vente et promet seulement de confier la vente du bien à un notaire.
A défaut d’éléments convaincants sur les conditions dans lesquelles le bien pourrait être vendu à l’amiable et de démarches effectives pour le mettre en vente, il y a lieu de confirmer le jugement qui a rejeté la demande d’autorisation de vente amiable.
9) Sur la demande de cantonnement des saisies
M. [F] sollicite le cantonnement de la saisie immobilière pratiquée par la société CIFD au bien immobilier concerné par la présente procédure, situé à [Localité 8], et demande à la cour de suspendre la saisie en cours sur un bien situé à [Localité 15].
L’article L321-6 du code des procédures civiles d’exécution dispose : « En cas de saisies simultanées de plusieurs de ses immeubles, le débiteur peut demander au juge le cantonnement de celles-ci ».
L’article L311-5 du même code dispose : « Le créancier ne peut procéder à la saisie de plusieurs immeubles de son débiteur que dans le cas où la saisie d’un seul ou de certains d’entre eux n’est pas suffisante pour le désintéresser et désintéresser les créanciers inscrits.
Le créancier ne peut saisir les immeubles qui ne sont pas hypothéqués en sa faveur que dans le cas où l’hypothèque dont il bénéficie ne lui permet pas d’être rempli de ses droits ».
La demande tendant au cantonnement de la saisie constitue bien une contestation sur laquelle il peut être statué par le juge de l’exécution dans le cadre de l’audience d’orientation, contrairement à ce que soutient la société CIFD.
Il ressort des textes cités ci-dessus que la demande de cantonnement ne peut être formée devant le juge de l’exécution que si plusieurs immeubles ont été saisis simultanément par le même créancier et que la demande de vente forcée porte sur ces immeubles, dans le cadre d’une même instance.
En l’espèce le commandement de payer valant saisie immobilière dont la cour est saisie ne concerne que le bien situé à [Localité 8], en exécution de l’acte authentique du 23 décembre 2004. Les autres commandements de payer signifiés par la société CIFD, dont il est justifié, concernent d’autres biens en vertu de titres exécutoires distincts’: commandement de payer valant saisie immobilière d’un bien situé à [Localité 9], en exécution d’un acte authentique du 10 août 2006 (prêt immobilier de 135 200 euros)’; commandement de payer valant saisie immobilière d’un bien situé à [Localité 15], en exécution d’un acte authentique du 30 juin 2005 (prêt immobilier de 100 215 euros).
Les conditions du cantonnement ne sont pas réunies et le jugement sera confirmé pour avoir rejeté cette demande, ainsi que la demande conséquente de suspension de la saisie en cours sur l’immeuble situé à [Localité 15].
10) Sur la demande au titre de la mise à prix
La mise à prix a été fixée à la somme de 63 000 euros dans le cahier des conditions de vente et M. [F] demande qu’elle soit fixée à 150 000 euros. La société CIFD ne conteste pas cette demande.
Le bien a été acquis au prix de 155 000 euros en 2004 et d’après une attestation notariée du 6 janvier 2023 il vaut entre 330 et 350 000 euros. Il s’agit d’une maison divisée en 4 appartements, donnés en location.
Le montant de la mise à prix, inférieur au prix d’acquisition et qui ne tient pas compte de l’évolution des prix du marché immobilier, est manifestement insuffisant.
Après infirmation du jugement, en application de l’article L322-9 du code des procédures civiles d’exécution, le montant de la mise à prix sera fixé à la somme de 150 000 euros.
11) Sur les dépens et les frais non compris dans les dépens
Le jugement sera confirmé de ces deux chefs, la cour n’étant saisie d’aucun appel en ce qui concerne la condamnation de la société CIFD à payer à M. [F] une indemnité au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Aucune raison tirée de l’équité ou de la situation économique respective des parties ne justifie de faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile. La société CIFD, M. [F] et la société BPGO seront déboutés de leurs demandes respective sur ce fondement.
Les dépens d’appel seront compris dans les frais de vente soumis à taxe.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Confirme le jugement d’orientation rendu par le juge de l’exécution du tribunal judiciaire de Saint-Nazaire le 19 janvier 2023 SAUF en ce qu’il a débouté M. [Z] [F] de sa demande de fixation de la mise à prix au montant de 150 000 euros,
Infirme le jugement de ce chef,
Statuant à nouveau et y ajoutant,
Fixe le montant de la mise à prix du bien saisi situé à [Localité 8], au [Adresse 17], à la somme de 150 000 euros,
Déboute la société Crédit immobilier de France développement, M. [Z] [F] et la société Banque populaire grand Ouest de leurs demandes au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
Dit que les dépens d’appel seront compris dans les frais de vente soumis à taxe.
LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE