ARRET N°265
FV/KP
N° RG 21/01862 – N° Portalis DBV5-V-B7F-GJOX
[E]
C/
[U]
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE POITIERS
2ème Chambre Civile
ARRÊT DU 13 JUIN 2023
Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 21/01862 – N° Portalis DBV5-V-B7F-GJOX
Décision déférée à la Cour : jugement du 21 mai 2021 rendu(e) par le Juge de l’exécution de LA ROCHELLE.
APPELANT :
Monsieur [Y] [A] [E]
né le [Date naissance 1] 1958 à [Localité 6]
[Adresse 3]
[Adresse 3]
Ayant pour avocat postulant Me Christelle LANCIEN, avocat au barreau de LA ROCHELLE-ROCHEFORT
Ayant pour avocat plaidant Me Aouatif ABIDA, avocat au barreau de PARIS.
INTIMEE :
Madame [T] [U]
née le [Date naissance 2] 1959 à [Localité 5]
[Adresse 4]
[Adresse 4]
Ayant pour avocat postulant Me Maxime THURET, avocat au barreau de LA ROCHELLE-ROCHEFORT.
Ayant pour avocat plaidant Me Audrey BERNERON, avocat au barreau de ANGOULEME.
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des articles 907 et 786 du Code de Procédure Civile, l’affaire a été débattue le 04 Avril 2023, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant :
Monsieur Fabrice VETU, Conseiller
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Monsieur Claude PASCOT, Président
Monsieur Fabrice VETU, Conseiller
Monsieur Cédric LECLER, Conseiller
GREFFIER, lors des débats : Madame Véronique DEDIEU,
ARRÊT :
– CONTRADICTOIRE
– Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile,
– Signé par Monsieur Claude PASCOT, Président, et par Madame Véronique DEDIEU, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSE DU LITIGE
Par jugement en date du 26 novembre 1999, le juge aux affaires familiales de Sens a prononcé le divorce de Monsieur [Y] [E] et Madame [T] [U] et notamment condamné M. [E] à verser à Mme [U] une prestation compensatoire sous forme de capital d’un montant de 200.000 francs (30.490 €) payable pour moitié lors du jugement de divorce et pour l’autre, au 31 décembre 2001.
Le 08 décembre 2020, se fondant sur cette décision, Mme [U] a procédé à la saisie attribution des sommes pouvant être détenues par M. [E] auprès de Maître [K] [O], notaire à [Localité 6], pour obtenir paiement d’une somme totale de 25.594,50 €.
Cette saisie a été dénoncée à M. [E] le 15 décembre 2020 par procès-verbal de vaines recherches.
Indiquant avoir été informé par le notaire de cette saisie, M. [E] a formé une contestation par assignation délivrée le 07 janvier 2021.
Mme [U] a procédé à la mainlevée de cette saisie le 11 février 2021. Se fondant sur la même décision, néanmoins, elle a le même jour procédé à la saisie attribution auprès du même notaire pour paiement de la somme de 23.318,50 €. Cette saisie a été dénoncée à M. [E] le 16 février 2021, à domicile.
Cette saisie a été contestée par M. [E] devant le juge de l’exécution du tribunal judiciaire de La Rochelle.
Par jugement en date du 21 mai 2021, cette juridiction a :
– Déclaré M. [Y] [E] recevable en sa contestation ;
– Dit que Mme [T] [U] dispose d’un titre exécutoire valablement signifié ;
– Déclaré non prescrite l’action en recouvrement du titre exécutoire engagée par Mme [T] [U] ;
– Constaté que la saisie porte sur des sommes indivises ;
– Ordonné la mainlevée de la saisie attribution ;
– Débouté Madame [T] [U] de sa demande de communication de pièces ;
– dit n’y avoir lieu à application des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile ;
– dit que chaque partie conservera la charge de ses dépens ;
– rappelé que la décision est exécutoire de plein droit.
Par déclaration au greffe en date du 14 juin 2021, M. [E] a interjeté appel de cette décision en ses chefs expressément critiqués.
Par arrêt daté du 22 mars 2022, la Cour d’appel de Poitiers, constatant qu’une première somme avait été payée par M. [E] avant l’acte litigieux, ledit paiement étant susceptible d’être analysé comme une exécution volontaire du jugement, a ordonné, avant dire droit, la révocation de l’ordonnance de clôture et la réouverture des débats devant le conseiller de la mise en état afin que les parties :
s’expliquent sur le paiement par l’appelant d’une première somme de 100.000 francs (15.244,90€) payable au prononcé de leur divorce en exécution du jugement daté du 26 novembre 1999 précité ;
et, plus généralement, s’expliquent sur tout paiement intervenu préalablement au procès-verbal de saisie-attribution en date du 08 décembre 2020, en fournissent les justificatifs idoines, et sur la possibilité d’invoquer (ou non) une exécution volontaire du jugement ;
– réservé les dépens.
Dans ses dernières conclusions RPVA du 24 juin 2022, M. [E] sollicite de la cour de :
Vu l’article L111-2 1° du Code des procédures civiles d’exécution,
Vu l’article 503 du Code de procédure civile,
Vu l’article 1353 du Code civil,
Vu l’article 122 du Code de procédure civile,
Vu l’article L114-4 du Code des procédures civiles d’exécution,
– Infirmer le jugement du juge de l’exécution de La Rochelle en date du 21 mai 2021 en ce qu’il a :
dit que Madame [T] [U] dispose d’un titre exécutoire valablement signifié ;
déclaré non prescrite l’action en recouvrement du titre exécutoire engagée par Mme [T] [U] ;
dit n’y avoir lieu à application des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile ;
dit que chaque partie conservera la charge de ses dépens.
Jugeant à nouveau,
– Juger qu’il n’est pas justifié que le jugement du 26 novembre 1999 a été régulièrement signifié,
– Juger que la prescription doit s’appliquer et Mme [U] irrecevable à poursuivre l’exécution du jugement du tribunal de grande instance de Sens en date du 26 novembre 1999,
– Condamner Madame [U] à payer à Monsieur [Y] [E] la somme de 4000 € au titre de l’article 700 du Code de procédure civile et aux entiers dépens.
Par conclusions RPVA du 25 avril 2022, Mme [U] sollicite de la cour qu’elle :
Vu l’article 410 du Code de procédure civile,
Vu le jugement déféré rendu par le juge de l’exécution de La Rochelle,
Vu les pièces,
Déclare l’appel de Monsieur [E] non fondé,
En conséquence,
Confirme la décision rendu par le juge de l’exécution de La Rochelle en ce qu’il a dit et jugé :
– que Madame [U] disposait d’un titre exécutoire ;
– que l’action en recouvrement de ce titre n’était pas prescrite ;
Déboute purement et simplement Monsieur [E] de toutes ses demandes, fins et conclusions,
Le condamne aux entiers dépens ainsi qu’au paiement d’une somme de 4.000 € sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile.
Pour un plus ample exposé des faits, prétention et moyens des parties, il convient de se reporter à leurs dernières conclusions récapitulatives conformément à l’article 455 du Code de procédure civile.
L’instruction de l’affaire a été clôturée suivant ordonnance datée du 07 mars 2023 en vue d’être plaidée à l’audience du 04 avril 2023, date à compter de laquelle elle a été mise en délibéré à ce jour.
MOTIFS
Sur l’exécution volontaire d’un jugement non exécutoire
1. Il résulte des articles 500 et 501 du code de procédure civile que le jugement est exécutoire à partir du moment où il passe en force de chose jugée, c’est-à-dire lorsqu’il n’est plus susceptible d’aucun recours suspensif d’exécution.
2. L’article 504 du même code dispose que la preuve du caractère exécutoire ressort du jugement lorsque celui-ci n’est susceptible d’aucun recours suspensif ou qu’il bénéficie de l’exécution provisoire. Dans les autres cas, cette preuve résulte :
– soit de l’acquiescement de la partie condamnée,
– soit de la notification de la décision et d’un certificat permettant d’établir, par rapprochement avec cette notification, l’absence, dans le délai, d’une opposition, d’un appel, ou d’un pourvoi en cassation lorsque le pourvoi est suspensif.
3. Selon l’article 410 du même code, l’acquiescement peut être exprès ou implicite. L’exécution sans réserve d’un jugement non exécutoire vaut acquiescement, hors les cas où celui-ci n’est pas permis.
4. Il est ainsi établi une présomption d’acquiescement, dès lors qu’il y a eu exécution, même partielle, d’un jugement non exécutoire.
5. Il résulte de la jurisprudence de la Cour de cassation que l’acquiescement implicite résulte d’actes ou de faits démontrant avec évidence et sans équivoque l’intention de la partie à laquelle on l’oppose d’accepter la décision.
6. L’acquiescement implicite au jugement doit résulter d’actes incompatibles avec la volonté de faire appel. Cependant, l’expiration du délai pour exercer une voie de recours n’emporte pas, à elle seule, acquiescement au jugement.
7. La cour constate, à la suite de l’appelant, que le juge de l’exécution dans sa décision déférée a constaté l’absence d’acte de signification mais a relevé que les parties ‘conviennent de la réalité de celle-ci’.
8. Au regard des éléments produits aux débats, notamment la lettre de Maître [X] [N], commissaire de justice à [Localité 5], la cour constate qu’aucune archive de la signification de la décision de justice prononçant le divorce des parties n’a pu être communiquée à la cour.
9. Mme [U], se disant créancière de M. [E] en vertu de ce jugement, n’est pas davantage en mesure de justifier de l’acte de signification de celui-ci, de sorte qu’elle échoue à apporter la preuve de notification de ce jugement de divorce, peu important, comme elle le soutient à tort, qu’elle disposât d’un courrier d’un officier d’état civil soulignant que le jugement ‘a été précédemment signifié’.
10. A défaut d’apporter cette preuve, le jugement de divorce du tribunal de grande instance de sens daté du 26 novembre 1999 ne peut être considéré comme exécutoire.
11. Cependant, la cour constate que par six chèques CARPA déposés le 29 décembre 2000 sur le compte bancaire de Mme [U], ouvert dans les livres de la Banque [J], M. [E] a commencé à honorer la disposition du jugement précité le condamnant au paiement d’une prestation compensatoire de 200.000 francs en versant, conformément à son dispositif, une somme de 100.000 francs à la suite du prononcé du divorce, le jugement prévoyant le versement des autres 100.000 francs ultérieurement (le 31 décembre 2001).
12. En s’acquittant volontairement du premier terme de la prestation compensatoire à laquelle il avait été condamné par une décision de divorce non exécutoire dont les chefs de jugement sont indépendants, M. [E] a manifesté sans équivoque son intention d’exécuter sa condamnation relative à cette seule prestation compensatoire, étant précisé que cette exécution était forcément partielle en raison des termes mêmes du dispositif de ce jugement.
13. Par conséquent, la cour considère qu’il y a en l’espèce acquiescement au seul chef partiellement exécuté de ce jugement, lequel est donc bien exécutoire. Il convient donc de rejeter la fin de non-recevoir invoquée par M. [E] tirée du défaut de force de chose jugée s’agissant de ce seul chef du jugement attaqué.
14. Consécutivement, la décision déférée sera infirmée en ce qu’elle a dit que Mme [U] disposait d’un titre exécutoire valablement signifié, la cour lui substituant l’exécution partielle par M. [E] des termes du jugement de divorce du tribunal de grande instance de Sens en date du 26 novembre 1999, par paiement volontaire et non équivoque, du premier terme de la prestation compensatoire mise à sa charge.
Sur la prescription
15. L’article L. 111-4 du Code des procédures civiles d’exécution applicable à la cause dispose que l’exécution des titres exécutoires mentionnés aux 1° à 3° de l’article L 111-3 ne peut être poursuivie que pendant 10 ans, sauf si les actions en recouvrement des créances qui y sont constatées se prescrivent par un délai plus long.
16. C’est à bon droit que le premier juge, constatant que par application des dispositions transitoires de la loi du 17 juin 2008, le jugement du 26 novembre 1999 bénéficiait d’une prescription trentenaire, a considéré que la prescription était acquise au 19 juin 2018.
17. C’est également par une application rigoureuse des lois et principe gouvernant la prescription en la matière qu’elle a déclaré, au constat que Mme [U] avait délivré à M. [E] un commandement aux fins de saisie vente le 28 mai 2018 que l’action n’était pas prescrite, ledit commandement ayant interrompu la prescription par application des dispositions de l’article 2244 du Code civil .
18. La cour observe que sur ce point, les parties ne font que reprendre devant la cour leurs prétentions et leurs moyens de première instance.
19. Conformément aux dispositions de l’article 955 du Code de procédure civile, en l’absence d’élément nouveau soumis à son appréciation, la cour estime que le premier juge, par des motifs pertinents qu’elle approuve, a fait une exacte appréciation des faits de la cause et des droits des parties.
20. Il convient en conséquence de confirmer la décision déférée sur ce point.
Sur les autres demandes
21. Il apparaît équitable de condamner M. [E] à payer à Mme [U] une somme de 3.000€ en application des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile.
22. M. [E] qui échoue en ses prétentions devra supporter les dépens générés par la présente instance.
PAR CES MOTIFS
La cour,
déclare recevable l’appel formé par Monsieur [Y] [E],
Confirme en toutes ses dispositions attaquées la décision du juge de l’exécution du tribunal judiciaire de La Rochelle datée du 21 mai 2021 sauf en ce qu’elle a :
– Dit que Madame [T] [U] dispose d’une titre exécutoire valablement signifié.
Statuant à nouveau,
Constate l’exécution partielle par Monsieur [Y] [E] des termes du jugement de divorce du tribunal de grande instance de Sens en date du 26 novembre 1999, par paiement volontaire et non équivoque, de 100.000 francs représentant le premier terme de la prestation compensatoire mise à sa charge,
Dit que ce paiement vaut acquiescement implicite au seul chef partiellement exécuté de ce jugement,
Y ajoutant,
Condamne Monsieur [Y] [E] à payer à Madame [T] [U] une somme de 3.000 € par application des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile,
Rejette le surplus mal fondé de toute autre demande,
Condamne Monsieur [Y] [E] aux dépens d’appel.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,