LC/IC
S.A.S. EOS FRANCE
C/
[T] [C] veuve [M]
Expédition et copie exécutoire délivrées aux avocats le
COUR D’APPEL DE DIJON
1ère chambre civile
ARRÊT DU 13 JUIN 2023
N° RG 22/00521 – N° Portalis DBVF-V-B7G-F56J
MINUTE N°
Décision déférée à la Cour : au fond du 08 avril 2022,
rendue par le juge de l’exécution du tribunal judiciaire de Chalon sur Saône
RG : 11-21-778
APPELANTE :
S.A.S. EOS FRANCE prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège social sis :
[Adresse 4]
[Localité 5]
assistée de Me Cédric KLEIN, membre de la SELAS CREHANGE & KLEIN, avocat au barreau de PARIS, plaidant et représentée par Me Claire GERBAY, avocat au barreau de DIJON, vestiaire : 126, postulant
INTIMÉE :
Madame [T] [C] veuve [M]
née le [Date naissance 2] 1947 à [Localité 6] (71)
domiciliée :
[Adresse 1]
[Localité 3]
(bénéficie d’une aide juridictionnelle totale numéro 2022/000634 du 23/06/2022 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de Dijon)
représentée par Me Martial PERNET, avocat au barreau de DIJON, vestiaire : 81
COMPOSITION DE LA COUR :
L’affaire a été débattue le 11 avril 2023 en audience publique devant la cour composée de :
Viviane CAULLIREAU-FOREL, Président de chambre, Président,
Sophie BAILLY, Conseiller,
Leslie CHARBONNIER, Conseiller, qui a fait le rapport sur désignation du Président,
qui en ont délibéré.
GREFFIER LORS DES DÉBATS : Aurore VUILLEMOT, Greffier
DÉBATS : l’affaire a été mise en délibéré au 13 Juin 2023,
ARRÊT : rendu contradictoirement,
PRONONCÉ : publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile,
SIGNÉ : par Viviane CAULLIREAU-FOREL, Président de chambre, et par Aurore VUILLEMOT, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
FAITS, PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES
Par jugement réputé contradictoire du 11 mars 2003, se substituant à l’ordonnance d’injonction de payer n°2002 / 764 rendue le 29 octobre 2002, le tribunal d’instance de Brignoles a condamné Mme [T] [M] :
– à payer à la société Finaref les sommes suivantes au titre du crédit souscrit le 30 janvier 1992 :
* 4 819,63 euros en principal avec intérêts au taux de 18,93 % à compter du 13 janvier 2003, date de la signification de l’ordonnance,
* 351,03 euros au titre de la clause pénale,
– aux dépens.
Ce jugement a été signifié à Mme [M] par acte du 24 juin 2003.
Le 1er juillet 2003, un commandement aux fins de saisie vente lui était délivré par Finaref.
Par acte du 15 juin 2018, la société Eos Crédirec, en qualité de cessionnaire de la créance, a fait signifier à Mme [M], à nouveau le jugement du 11 mars 2003, la cession de créance et un nouveau commandement aux fins de saisie vente.
Par acte du 31 août 2018, une saisie-attribution a été pratiquée à la demande de la société Eos Crédirec sur les comptes détenus auprès de la Banque postale par Mme [M] qui a fait l’objet d’une mainlevée par acte du 5 novembre 2018.
La SAS Eos Crédirec est devenue la SAS Eos France, la modification de dénomination intervenant le 1er janvier 2019.
Par acte du 12 octobre 2021, une nouvelle saisie attribution a été pratiquée à la demande de la société Eos France sur les comptes détenus par Mme [M] auprès du Crédit Agricole Centre Est. Cette saisie-attribution a été dénoncée à l’intéressée par acte du 13 octobre 2021.
Mme [M] a contesté cette mesure d’exécution en saisissant le juge de l’exécution du tribunal judiciaire de Chalon sur Saone par acte d’huissier délivré le 15 novembre 2021.
Par jugement du 8 avril 2022, le juge de l’exécution du tribunal judiciaire de Chalon sur Saône a :
– déclaré mal fondée la fin de non-recevoir tirée de la prescription du titre exécutoire soulevée par Mme [M],
– sur le moyen d’ordre public relevé d’office relatif à l’existence d’un titre judiciaire exécutoire que la société Eos France peut invoquer à l’encontre de Mme [M] pour être l’accessoire d’une créance dont elle a acquis la propriété :
. déclaré que la société Eos France ne rapportait pas la preuve de la propriété de la créance qu’elle invoque à l’encontre de Mme [M], et qui a pour accessoire le jugement du tribunal d’instance de Brignolles du 11 mars 2003,
. constaté donc l’absence de titre judiciaire exécutoire opposable par la société Eos France à Mme [M],
– ordonné en conséquence la main-levée de la saisie attribution litigieuse,
– condamné Mme [M] aux dépens et à payer à la société Eos France la somme de 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– débouté les parties de toutes leurs autres prétentions.
La société Eos France a interjeté appel de ce jugement par déclaration du 25 avril 2022.
Par ordonnance d’incident du 13 octobre 2022, la présidente de chambre a :
– déclaré irrecevables les conclusions de Mme [M],
– rappelé qu’en application de l’article 906 du code de procédure civile, cette irrecevabilité s’étendait aux pièces communiquées et déposées au soutien des conclusions déclarées irrecevables, à l’exception de celles communiquées en première instance.
Au terme de ces dernières conclusions d’appelante notifiées le 11 octobre 2022, auxquelles il est renvoyé pour l’exposé des moyens développés au soutien des prétentions, la société EOS France demande à la cour, au visa des articles L. 111-3 et suivants, L. 221-1 et suivants, R. 221-1 et suivants du code des procédures civiles d’exécution, de :
– confirmer le jugement dont appel en ce qu’il a :
. déclaré mal fondée la fin de non recevoir émise par Mme [T] [M] née [C] sur le fondement de la prescription du titre judiciaire
. condamné Mme [T] [M] née [C] à payer la somme de 500 euros à la SAS Eos France au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– infirmer le jugement dont appel en ses autres dispositions,
– Déclarer irrecevables les conclusions et pièces notifiées tardivement par Mme [T] [M] née [C] le 13 septembre 2022,
– Déclarer la cour non saisie des demandes tendant à « constater »,
– Déclarer irrecevable et subsidiairement infondée la demande nouvelle de Mme [T] [M] née [C] devant la cour tendant à sa condamnation au paiement de la somme de 20 000 euros à titre de dommages et intérêts,
En conséquence et ‘y réformant’,
– Déclarer que la société Eos France vient aux droits de la société Finaref, et est créancière de Mme [T] [M] née [C],
– Valider la saisie-attribution pratiquée le 12 octobre 2021 sur les comptes bancaires de Mme [T] [M] née [C] détenus au Crédit Agricole Centre Est,
– Débouter Mme [T] [M] née [C] de l’ensemble de ses demandes, pour celles que n’auraient pas été déclarées irrecevables,
– Condamner Mme [T] [M] née [C] à lui payer, la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, en plus de la somme déjà attribuée sur ce fondement en première instance,
– Condamner Mme [T] [M] née [C] aux entiers dépens, de première instance et d’appel, ces derniers étant recouvrés par Maître Gerbay, avocat constitué, conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.
La clôture de l’instruction a été prononcée le 11 avril 2023.
Sur ce la cour,
Sur la saisine de la cour
Aux termes de l’article 562 du code de procédure civile, l’appel défère à la cour la connaissance des chefs de jugement qu’il critique expressément et de ceux qui en dépendent.
Selon l’article 954 dernier alinéa du même code, la partie qui ne conclut pas ou qui, sans énoncer de nouveaux moyens, demande la confirmation du jugement est réputée s’en approprier les motifs.
Les conclusions de l’intimée étant irrecevables, elle doit être regardée comme demandant la confirmation du jugement dont elle est réputée adopter les motifs.
Il convient de relever que la déclaration d’appel ne vise pas la question de la prescription du titre qui a été rejetée par le tribunal de sorte que faute de conclusions de l’intimée recevables, ce point n’est pas soumis à la cour.
Les conclusions du 13 septembre 2022 de l’intimée ont été déclarées irrecevables par le président de chambre de sorte qu’au regard de l’autorité de la chose jugée, la cour ne revient pas sur cette question.
La cour, faute de conclusions recevables de l’intimée, n’est saisie d’aucune demande de sa part de sorte qu’il n’y a pas lieu de se déclarer non saisie « des demandes tendant à constater » ni de statuer sur la demande en paiement de 20 000 euros à titre de dommages-intérêts.
Il reste donc dans le débat, au titre des fins de non recevoir, le moyen relevé d’office par le juge de l’exécution concernant le défaut de qualité de créancier de la société Eos France et donc la question de l’existence d’un titre exécutoire à son profit.
La fin de non recevoir tirée du défaut de qualité
Le juge de l’exécution a estimé que la SAS Eos France ne démontrait pas la propriété de la créance invoquée à l’encontre de Mme [M] ni en conséquence être bénéficiaire du titre exécutoire afférent.
Il ressort des pièces produites par l’appelante que :
– la société Finaref, auprès de laquelle le crédit a été souscrit par l’intimée a fait l’objet d’une fusion absorption par la société Sofinco à effet au 1er avril 2010,
– la société Sofinco a changé de dénomination sociale le 4 mai 2010 pour devenir CA Consumer Finance,
– par l’acte de cession du 31 janvier 2017, dont l’annexe est produite, la créance détenue par la SA CA Consumer à l’encontre de Mme [T] [M] n°0108060134 a été cédée à la société Eos Crédirec ; l’attestation (pièce 31) de la SA CA Consumer Finance en date du 16 février 2022, entité distincte d’Eos France, confirme que la cession de créance porte sur le contrat de crédit n°0108060134 ouvert en 1992 au profit de Mme [T] [M].
En conséquence, la preuve de la cession de créance du contrat litigieux au profit de la société Eos France étant rapportée, le jugement déféré est infirmé en ce qu’il a constaté l’absence de titre exécutoire au profit de la société Eos France.
Sur l’opposabilité de la cession de créance
En application de l’article 1324 du code civil, la cession n’est opposable au débiteur, s’il n’y a déjà consenti, que si elle lui a été notifiée ou s’il en a pris acte.
Selon commandement aux fins de saisie vente délivré le 15 juin 2018, la SAS Eos Crédirec a fait signifier à Mme [M], en sus du jugement du 11 mars 2003 rendu par le tribunal d’instance de Brignolles, la cession de créance du 31 janvier 2017. Cette cession est donc opposable à l’intimée depuis cette date, l’avis de cession antérieur par lettre simple n’apportant pas la preuve de sa délivrance.
Sur la régularité de la saisie attribution
En application de l’article L211-1 du code des procédures civiles d’exécution, tout créancier muni d’un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible peut, pour en obtenir le paiement, saisir entre les mains d’un tiers les créances de son débiteur portant sur une somme d’argent, sous réserve des dispositions particulières à la saisie des rémunérations prévue par le code du travail.
L’article R211-11 du même code prévoit qu’à peine d’irrecevabilité, les contestations relatives à la saisie sont formées dans le délai d’un mois à compter de la dénonciation de la saisie au débiteur. Sous la même sanction, elles sont dénoncées le même jour ou, au plus tard, le premier jour ouvrable suivant, par lettre recommandée avec demande d’avis de réception, à l’huissier de justice qui a procédé à la saisie.
L’auteur de la contestation en informe le tiers saisi par lettre simple. Il remet une copie de l’assignation, à peine de caducité de celle-ci, au greffe du juge de l’exécution au plus tard le jour de l’audience.
Tout comme devant le premier juge, la régularité de la procédure d’exécution n’est pas contestée en la forme.
A défaut de contestation recevable sur le fond, il convient donc d’infirmer le jugement déféré et de valider la mesure de saisie attribution pratiquée le 12 octobre 2021 sur les comptes bancaires de Mme [T] [M] détenus au Crédit Agricole Centre Est.
Sur les demandes accessoires
Le jugement déféré est confirmé sur les dépens et l’article 700 du code de procédure civile.
Mme [M], partie succombante, est condamnée aux dépens d’appel, qui seront recouvrés comme en matière d’aide juridictionnelle, l’intimée étant bénéficiaire de l’aide juridictionnelle totale, dépens qui pourront être recouvrés par Me Gerbay, conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.
L’équité conduit à ne pas faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile à hauteur de cour.
PAR CES MOTIFS
La cour dans les limites de sa saisine et vu l’irrecevabilité des conclusions de Mme [T] [M],
Infirme le jugement déféré sauf en ce qu’il a condamné Mme [T] [M] aux dépens et à payer à la SAS Eos France une somme de 500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile,
Statuant à nouveau pour le surplus,
Valide la saisie-attribution pratiquée à la demande de la SAS Eos France le 12 octobre 2021 sur les comptes bancaires de Mme [T] [M] née [C] détenus au Crédit Agricole Centre Est,
Condamne Mme [T] [M] aux dépens d’appel, qui seront recouvrés comme en matière d’aide juridictionnelle et qui pourront être recouvrés par Me Gerbay, conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile,
Dit n’y avoir lieu à application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
Le Greffier, Le Président,