COUR D’APPEL DE BORDEAUX
DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE
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ARRÊT DU : 13 JUILLET 2023
N° RG 22/05627 – N° Portalis DBVJ-V-B7G-NAUD
Etablissement Public COMPTABLE PUBLIC RESPONSABLE DU POLE DE RECOUVREME NT SPECIALISE DE [Localité 2]
c/
S.A.S. FORT
Nature de la décision : AU FOND
Grosse délivrée le :
aux avocats
Décision déférée à la cour : jugement rendu le 29 novembre 2022 (R.G. 22/006619) par le Juge de l’exécution de BORDEAUX suivant déclaration d’appel du 13 décembre 2022
APPELANTE :
Etablissement Public COMPTABLE PUBLIC RESPONSABLE DU POLE DE RECOUVREMENT SPECIALISE DE [Localité 2]
demeurant [Adresse 1]
Représentée par Me Thierry WICKERS de la SELAS ELIGE BORDEAUX, avocat au barreau de BORDEAUX
INTIMÉE :
S.A.S. FORT
demeurant [Adresse 3]
Non représentée, assignée par acte d’Huissier de Justice, à personne morale, le 03 février 2023
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 912 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 07 juin 2023 en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame Christine DEFOY, Conseiller chargé du rapport,
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Paule POIREL, Président,
Monsieur Alain DESALBRES, Conseiller,
Madame Christine DEFOY, Conseiller,
Greffier lors des débats : Mme Chantal BUREAU
Greffier lors du prononcé : Mme Mélody VIGNOLLE-DELTI
ARRÊT :
– réputé contradictoire
– prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile.
FAITS ET PROCÉDURE :
S’estimant créancier d’une somme de 1 272 741,74 euros à l’encontre de Monsieur [S] [C], correspondant à un redressement fiscal sur les revenus 2010, 2011 et 2012, le comptable public responsable du pôle recouvrement spécialisé de [Localité 2] a mis en place une saisie administrative à tiers détenteur entre les mains de la SAS Fort dont M. [C] est le gérant.
La SAS Fort a répondu qu’elle procéderait à une retenue sur le salaire versé à compter du 30 avril 2019.
Considérant qu’il existait un écart de 14 991 euros entre les salaires versés et les sommes déclarées qui devaient être reversées, le comptable public responsable du pôle recouvrement spécialisé de [Localité 2] a, par acte du 5 septembre 2022, assigné la SAS Fort devant le juge de l’exécution du tribunal judiciaire de Bordeaux afin de la voir condamner à lui payer la somme de 14 991 euros assortie au taux légal à compter de l’assignation.
Par jugement du 29 novembre 2022, le juge de l’exécution du tribunal judiciaire de Bordeaux a :
– débouté le comptable public de [Localité 2] de sa demande de condamnation en principal et intérêts à l’égard de la société Fort,
– débouté le comptable public de [Localité 2] de sa demande fondée sur l’article 700 du code de procédure civile,
– condamné le comptable public de [Localité 2] aux dépens.
L’établissement public Comptable public responsable du pôle de recouvrement spécialisé de [Localité 2] a relevé appel total du jugement le 13 décembre 2022.
L’ordonnance du 2 février 2023 a fixé l’affaire à l’audience des plaidoiries du 7 juin 2023, avec clôture de la procédure au 24 mai.
Aux termes de ses dernières conclusions notifiées le 3 février 2023, le comptable public responsable du pôle de recouvrement spécialisé de [Localité 2] demande à la cour, sur le fondement des articles L.262 du livre des procédures fiscales et R.211-9 du code des procédures civiles d’exécution, de :
– réformer la décision dans toutes ses dispositions,
– condamner la SAS Fort au paiement de la somme principale de 14 991 euros augmentée des intérêts au taux légal à compter de l’assignation, ainsi qu’aux dépens de première instance et d’appel et 3 200 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile au titre de la procédure de première instance et d’appel.
La SAS Fort n’a pas constitué avocat et n’a pas conclu. La déclaration d’appel et les conclusions de l’appelant lui ont été signifiées à personne morale le 3 février 2023.
L’affaire a été évoquée à l’audience du 7 juin 2023 et mise en délibéré au 13 juillet 2023.
MOTIFS :
L’article L3252-9 du code du travail indique que le tiers employeur saisi qui s’abstient sans motif légitime de procéder au versement des sommes saisies peut être condamné par le juge au paiement d’une amende civile sans préjudice des dommages et intérêts et de l’application des dispositions du deuxième alinéa de l’article L3252-10.
L’article L3252-10 du code du travail dispose que le tiers saisi verse mensuellement au créancier les retenues pour lesquelles la saisie est opérée dans les limites des sommes disponibles. A défaut, il peut être déclaré judiciairement débiteur des retenues qui auraient dû être prélevées.
En outre, l’article L262 3° du code des procédures fiscales prévoit que les créances dont les comptables publics sont chargés du recouvrement peuvent faire l’objet d’une saisie administrative à tiers détenteur, notifiée aux dépositaires, détenteurs ou débiteurs de sommes appartenant ou devant revenir aux redevables (….). La saisie administrative à un tiers détenteur emporte l’effet d’attribution immédiate prévu à l’article L211-2 du code des procédures civiles d’exécution.
Sous peine de se voir réclamer les sommes saisies majorées du taux d’intérêt légal, le tiers saisi, destinataire de la saisie administrative à tiers détenteur est tenu de verser au lieu et place du redevable, dans les trente jours suivant la réception de la saisie, les fonds qu’il détient ou qu’il doit, à concurrence des sommes dues par ce dernier.
Dans le cadre de son appel, le comptable public responsable du pôle de recouvrement spécialisé de [Localité 2] demande la réformation du jugement entrepris qui l’a débouté de sa demande en règlement de la somme 14 991 euros correspondant au différentiel des sommes qu’il aurait dû percevoir soit 28 404 euros (789 x 36), alors qu’en réalité, il n’a touché que 13 413 euros de la part de la société Fort au titre de la saisie administrative à tiers détenteur.
Au soutien de sa prétention, il fait valoir que le juge de l’exécution de première instance a renversé la charge de la preuve,dès lors qu’il n’appartient pas au créancier de justifier de la libération de son débiteur, étant précisé que seule la société Fort aurait pu soutenir avoir réglé plus que la somme de 13 413 euros, ce qu’elle n’a pas fait, faute d’avoir comparu.
En l’espèce, il ressort de l’acte de notification de la saisie à tiers détenteur que la quotité saisissable auprès de la société Fort était de 789 euros par mois.
De plus, il n’est pas contesté que M. [C] est toujours salarié au sein de la SAS Fort.
En outre, il ressort du décompte établi par le comptable public, en sa pièce n°7 que depuis le mois de mai 2019, en exécution de la saisie à tiers détenteur du 8 avril 2019, celui-ci a percu à la somme de 13 413 euros au lieu de celle de 28 404 euros (789 x 36), qu’il aurait dû toucher sur une période de 36 mois.
Il s’ensuit que les éléments produits établissent sans conteste la créance de l’appelant, alors que la SAS Fort pour sa part non constituée ne démontre nullement s’être acquittée de la somme ainsi réclamée par son adversaire.
Il s’ensuit que le jugement déféré sera infirmé et que la SAS Fort sera condamnée à régler au comptable public responsable du pôle de recouvrement spécialisé de [Localité 2] la somme de 14 991 euros, outre les intérêts au taux légal à compter de l’assignation.
Il ne paraît pas inéquitable enfin de condamner la SAS Fort à payer au comptable public responsable du pôle de recouvrement spécialisé de [Localité 2] la somme de 3200 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ainsi que les entiers dépens de première instance et d’appel.
PAR CES MOTIFS :
La cour, statuant publiquement, par décision réputée contradictoire et en dernier ressort,
Infirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,
Statuant de nouveau,
Condamne la SAS Fort à payer au comptable public responsable du pôle de recouvrement spécialisé de [Localité 2] la somme de 14 991 euros, outre les intérêts au taux légal à compter de l’assignation,
Y ajoutant,
Condamne la SAS Fort à payer au comptable public responsable du pôle de recouvrement spécialisé de [Localité 2] la somme de 3200 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile,
Condamne la SAS Fort aux entiers dépens de première instance et d’appel.
La présente décision a été signée par Madame Paule POIREL, présidente, et Madame Mélody VIGNOLLE-DELTI, greffier, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LE GREFFIER LA PRESIDENTE