Saisine du juge de l’exécution : 12 mai 2023 Cour d’appel de Rennes RG n° 22/04533

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Saisine du juge de l’exécution : 12 mai 2023 Cour d’appel de Rennes RG n° 22/04533

2ème Chambre

ARRÊT N°243

N° RG 22/04533

N° Portalis DBVL-V-B7G-S6R6

Mme [D] [J]

M. [G] [J]

C/

M. [P] [B]

M. [V] [B]

Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l’égard de toutes les parties au recours

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

– Me HAMON

– Me LE BERRE BOIVIN

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 12 MAI 2023

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Président : Monsieur Joël CHRISTIEN, Président de Chambre,

Assesseur : Monsieur Jean-François POTHIER, Conseiller,

Assesseur : Madame Hélène BARTHE-NARI, Conseillère,

GREFFIER :

Mme Aichat ASSOUMANI, lors des débats, et Madame Ludivine MARTIN, lors du prononcé,

DÉBATS :

A l’audience publique du 16 Mars 2023

devant Monsieur Joël CHRISTIEN, magistrat rapporteur, tenant seul l’audience, sans opposition des représentants des parties et qui a rendu compte au délibéré collégial

ARRÊT :

Réputé contradictoire, prononcé publiquement le 12 Mai 2023 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l’issue des débats

****

APPELANTS :

Madame [D] [J]

née le [Date naissance 5] 1959 à [Localité 21]

[Adresse 6]

[Localité 16]

Monsieur [G] [J]

né le [Date naissance 9] 1958 à [Localité 19]

[Adresse 7]’

[Localité 15]

Tous représentés par Me Virginie HAMON, Postulant, avocat au barreau de NANTES

Tous représentés par Me Guillaume ALLAIN, Plaidant, avocat au barreau de POITIERS

INTIMÉS :

Monsieur [P] [B]

né le [Date naissance 4] 1970 à [Localité 20]

[Adresse 22]

[Localité 13] CONGO

Représenté par Me Tiphaine LE BERRE BOIVIN, Postulant, avocat au barreau de RENNES

Représenté par Me Yves FERES, Plaidant, avocat au barreau de CARCASSONNE

Monsieur [V] [B]

né le [Date naissance 8] 1942 à [Localité 18]

[Adresse 11]

[Localité 12]

Assigné par acte d’huissier en date du 27/07/2022, délivré à personne, n’ayant pas constitué

* * *

EXPOSÉ DU LITIGE

Par arrêt infirmatif du 13 avril 2018, la cour d’appel de Rennes a, en exécution de reconnaissances de dette du 1er mars 2013, condamné M. [V] [B] à payer les sommes de 118 080 euros à M. [G] [J] et de 101 800 euros à Mme [D] [J], avec intérêts au taux de 12 % à compter du 1er mars 2013.

Par ordonnance du 18 octobre 2019, le juge des référés du tribunal de grande instance de Nantes, saisi par les consorts [J] suspectant M. [B] d’avoir frauduleusement organisé son insolvabilité, a rejeté leur demande de production sous astreinte de nombreux documents comptables, bancaires et fiscaux, et d’organisation d’une mesure d’expertise portant sur la destination des fonds prêtés et la recherche d’opérations anormales qui auraient appauvri le patrimoine de M. [B] au profit de son fils ou de tiers.

Par arrêt du 20 novembre 2020, la cour d’appel de Rennes a confirmé l’ordonnance de référé, sauf sur la communication de certains relevés de comptes et a donc condamné M. [P] [B] à communiquer à M. et Mme [J], sous astreinte de 100 euros par jour de retard pendant trois mois passé un délai de deux mois à compter de la signification de l’arrêt, les relevés du compte n° 02250 248298 003 00 ouvert par celui-ci auprès de la Banque Tarneaud arrêtés aux 4 août 2011, 4 septembre 2011, 4 novembre 2011, 4 décembre 2011, 4 janvier 2012, 4 février 2012, 4 avril 2012, 4 mai 2012, 4 juin 2012, 4 juillet 2012, et du 4 octobre 2012 au 4 juillet 2013.

Puis, les consorts [J] ont, selon ordonnance sur requête du 14 décembre 2021, obtenu l’autorisation du juge de l’exécution de Nantes de pratiquer une saisie conservatoire sur les comptes ouverts par M. [P] [B] auprès du Crédit agricole Atlantique Vendée, de la Caisse d’épargne Poitou-Charentes et de la BNP Paribas, en garantie d’une créance de liquidation d’astreinte de 31 000 euros.

Exposant que l’huissier de justice avait, dans le cadre de l’exécution de cette mesure, constaté l’existence d’un solde créditeur de 100 425,22 euros sur les comptes de M. [P] [B] auprès du Crédit agricole, les consorts [J], arguant d’une circonstance nouvelle, ont, par acte du 17 février 2022, fait assigner M. [V] [B] et M. [P] [B] devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Nantes aux fins de désignation d’un expert judiciaire dans le but de déterminer l’origine et le propriétaire des fonds figurant sur l’ensemble des comptes ouverts au nom de M. [P] [B] auprès du Crédit agricole Atlantique Vendée.

Estimant que les demandeurs n’invoquaient aucun acte spécifique caractérisant un appauvrissement suspect du patrimoine de M. [V] [B] pouvant faire l’objet d’une action paulienne, et que, d’autre part, la mesure d’instruction sollicitée, sans limite de temps ou de contenu, s’apparentait à une mesure d’investigation générale qui excédait les prévisions de l’article 145 du code de procédure civile, le premier juge a, par ordonnance de référé du 5 mai 2022 :

rejeté la demande d’expertise formée par M. et Mme [J],

laissé les dépens à la charge de M. et Mme [J],

débouté les parties de leurs demandes fondées sur l’article 700 du code de procédure civile.

Les consorts [J] ont relevé appel de cette décision le 15 juillet 2022, pour demander à la cour de la réformer et de :

ordonner une expertise judiciaire aux fins de déterminer l’origine et le propriétaire des fonds figurant sur les comptes ouverts au nom de M. [P] [B] auprès de la caisse de Crédit agricole Atlantique Vendée, à savoir :

compte chèque n°[XXXXXXXXXX010],

compte chèque n°[XXXXXXXXXX017],

compte CSL n°[XXXXXXXXXX014],

compte LDD n°[XXXXXXXXXX02],

compte livret A n°[XXXXXXXXXX01],

compte Cobedis n°[XXXXXXXXXX03],

dire que cette mesure d’expertise portera sur les 5 dernières années à compter du 27 janvier 2022,

condamner in solidum MM. [P] et ‘[V]’ [B] à leur payer la somme de 4 000 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens.

M. [P] [B] conclut quant à lui à la confirmation de l’ordonnance attaquée, et sollicite la condamnation des consorts [J] au paiement d’une indemnité de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens.

M. [V] [B], auquel les consorts [J] et M. [P] [B] ont respectivement signifié leurs conclusions les 27 juillet 2022 et 26 octobre 2022, n’a pas constitué avocat devant la cour.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure ainsi que des prétentions et moyens des parties, la cour se réfère aux énonciations de la décision attaquée ainsi qu’aux dernières conclusions déposées pour les consorts [J] le 1er août 2022 et pour M. [P] [B] le 19 octobre 2022, l’ordonnance de clôture ayant été rendue le 9 février 2023.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Il résulte de l’article 145 du code de procédure civile que le juge des référés peut ordonner à la demande de tout intéressé les mesures d’instruction légalement admissibles s’il existe un motif légitime d’établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d’un litige.

Au soutien de leur demande d’expertise, les consorts [J] font valoir qu’ils justifient d’indices rendant plausibles leurs allégations selon lesquelles M. [V] [B] se servirait des comptes de son fils pour mettre son patrimoine à l’abri des poursuites des créanciers.

Ils estiment que M. [V] [B] ayant notamment bénéficié par le passé d’une procuration sur le compte de son fils ouvert sur la banque Tarneaud pour y réaliser des opérations qui lui étaient personnelles, il pourrait être soupçonné que celui-ci profite des comptes de son fils pour y placer son patrimoine et échapper aux poursuites de ses créanciers, ce qui suffirait à constituer un motif légitime pour ordonner une expertise sur les six comptes ouverts au nom de ce dernier auprès du Crédit agricole.

Il résulte cependant de l’article 488 du code de procédure civile qu’une décision de référé ne peut être modifiée ou rapportée en référé qu’en cas de circonstances nouvelles.

Il appartient donc aux consorts [J] de justifier d’éléments nouveaux permettant d’apprécier différemment la situation ayant conduit la cour, dans son arrêt du 20 novembre 2020, à rejeter la demande d’expertise, faute de caractériser une opération précise de nature à donner crédit à des soupçons d’appauvrissement frauduleux du patrimoine de M. [V] [B] en faveur de son fils afin d’échapper à leurs poursuites.

Or, hormis le solde créditeur de 100 000 euros sur le compte CSL n°[XXXXXXXXXX014], les consorts [J] n’identifient, sur les autres comptes ouverts au nom de M. [P] [B] aucun acte spécifique de nature à caractériser un appauvrissement du patrimoine de M. [V] [B] en faveur de tiers, la position de ces comptes au moment de la saisie conservatoire pratiquée le 27 janvier 2022 faisant apparaître que les deux comptes courants étaient débiteurs de, respectivement, 1 665,91 euros et 684,70 euros, tandis que les comptes LDD, Livret A et Cobedis étaient créditeurs de, respectivement, 17,17 euros, 397,78 euros et 10,27 euros.

S’agissant du compte CSL n° [XXXXXXXXXX014], M. [P] [B] explique dans ses écritures que la somme de 100 000 euros au crédit de ce compte proviendrait de la vente d’un des biens immobiliers dont il était propriétaire pour un montant de 400 000 euros.

Il ressort en effet de l’attestation de notaire produite que M. [P] [B] a vendu le 25 juin 2021 un bien immobilier lui appartenant moyennant le prix net vendeur de 311 855,09 euros, et du relevé du compte n° [XXXXXXXXXX010] que cette somme a bien été encaissée par M. [P] [B] le 29 juin 2021 puis virée le 20 juillet suivant, à hauteur de 220 000 euros, sur le compte n° [XXXXXXXXXX014].

Ces observations rendent par conséquent plausibles l’explication de ce dernier, selon laquelle le solde de 100 000 euros constaté lors de la réalisation de la saisie conservatoire du 27 janvier 2022 provenait de la vente de ce bien immobilier.

Les consorts [J] invoquent enfin l’existence d’un courriel du 3 février 2022 selon lequel M. [V] [B] aurait indiqué au clerc ayant procédé à la signification de la saisie conservatoire que celui-ci aurait procuration sur les comptes de son fils.

Mais, aucun élément au dossier ne permet de corroborer cette affirmation, le Crédit agricole ayant au contraire attester que M. [V] [B] n’avait pas procuration sur le compte personnel n°[XXXXXXXXXX010] de M. [P] [B], et aucune pièce ne permettant de soupçonner l’existence d’une procuration sur les autres comptes.

Il s’en évince que les époux [J] ne caractérisent aucun élément nouveau susceptible de justifier la légitimité d’une mesure d’instruction qui conduirait, ainsi que la cour l’a relevé dans son arrêt du 20 novembre 2020, à confier à un expert des investigations générales s’apparentant à une enquête de police sur des comptes qui ne présentent aucune anomalie particulière en lien avec un appauvrissement du patrimoine de M. [V] [B] en faveur de tiers.

Il convient donc de confirmer en tous points l’ordonnance attaquée.

Il serait enfin inéquitable de laisser à la charge de M. [P] [B] l’intégralité des frais exposés par lui à l’occasion de l’instance d’appel et non compris dans les dépens, en sorte qu’il lui sera alloué une somme de 1 500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS, LA COUR :

Confirme en l’ensemble de ses dispositions l’ordonnance de référé rendue le 5 mai 2022 par le juge des référés du tribunal judiciaire de Nantes ;

Condamne in solidum M. et Mme [J] à payer à M. [P] [B] la somme de 1 500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ;

Condamne in solidum M. et Mme [J] aux dépens d’appel ;

Accorde le bénéfice des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

 


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