ARRÊT N°
du 12 mai 2023
(B. P.)
N° RG : 22/02025
(et 22/02093 joint)
DBVQ-V-B7G-FIFT
– Mme [A] épouse [B]
– M. [B]
C/
– M. [T]
– M. [S]
– CAISSE D’EPARGNE ET DE PREVOYANCE GRAND EST EUROPE
Formule exécutoire + CCC
le 12 mai 2023
à :
– Me Emmanuel LUDOT
– SCP SAMMUT-CROON-
[D]
COUR D’APPEL DE REIMS
CHAMBRE CIVILE
CONTENTIEUX DE L’EXÉCUTION
ARRÊT DU 12 MAI 2023
Appelant :
d’un jugement rendu par le Juge de l’exécution de [Localité 10] le 4 octobre 2022 (RG n°21/00023)
1/ Mme [F] [A] épouse [B]
[Adresse 11]
[Localité 7]
2/ Monsieur [N] [B]
[Adresse 11]
[Localité 7]
Comparant, concluant par Me Emmanuel LUDOT, avocat au barreau de REIMS
Intimés :
– M. [I] [T]
[Adresse 5]
[Localité 6]
N’ayant pas constitué avocat, bien que régulièrement assigné
– M. [E] [S]
[Adresse 8]
[Localité 1]
N’ayant pas constitué avocat, bien que régulièrement assigné
– CAISSE D’EPARGNE ET DE PREVOYANCE GRAND EST EUROPE
[Adresse 2]
[Localité 9]
Comparant, concluant par la SCP SAMMUT-CROON-JOURNE-LEAU, avocats au barreau de REIMS
DÉBATS :
A l’audience publique du 11 avril 2023, où l’affaire a été mise en délibéré au 9 mai 2023, régulièrement prorogé au 12 mai 2023, sans opposition de la part des conseils des parties et en application de l’article 786 du code de procédure civile, M. Benoît PETY, Président de chambre a entendu les conseils des parties en leurs conclusions et explications, puis ce magistrat en a rendu compte à la cour dans son délibéré.
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
M. Benoît PETY, Président de chambre
Mme Anne LEFEVRE, Conseiller
Madame Christel MAGNARD, Conseiller
GREFFIER lors des débats et du prononcé
Mme Sophie BALESTRE, Greffier
ARRÊT :
Par défaut, prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour le 12 mai 2023, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile et signé par M. Benoît PETY, Président de chambre, et Mme Sophie BALESTRE, Greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
* * * *
Exposé du litige, de la procédure et des prétentions des parties :
Selon acte d’huissier de justice du 26 novembre 2020, la Caisse d’Epargne et de Prévoyance Grand Est Europe (ci-après la Caisse d’Epargne) a fait délivrer à M. [N] [B] et à Mme [F] [A] épouse [B] un commandement de payer valant saisie de l’immeuble sis à [Adresse 11], cadastré lieudit » Le château « , section A n°[Cadastre 3] pour 29 a 13 ca et n°[Cadastre 4] pour 58 ca, en exécution d’un acte de prêt reçu le 17 juin 2010 par Me [K], notaire à [Localité 13].
Ce commandement a été publié au service de la publicité foncière de [Localité 12] le 27 janvier 2021.
Par jugement du 1er février 2022, le juge de l’exécution au tribunal judiciaire de Châlons-en-Champagne a notamment :
– rejeté la fin de non-recevoir tirée de la prescription soulevée par les époux [U],
– déclaré recevables les demandes formées par la banque poursuivante,
– mentionné que la créance de la banque s’élève à la somme de 179 012,10 euros en principal, frais, intérêts et accessoires,
– ordonné la vente forcée de l’immeuble visé au commandement de payer du 26 novembre 2020 à l’audience du 3 mai 2022 sur la mise à prix fixée par le créancier poursuivant,
– rejeté la demande formée au titre de l’article 700 du code de procédure civile présentée par les époux [U],
– rejeté le surplus des demandes,
– dit que les dépens seraient compris dans les frais de vente soumis à taxe.
Par arrêt du 14 juin 2022, la cour de Reims, sur le recours des époux [U], a infirmé le jugement du 1er février 2022 et déclaré prescrite l’action en paiement de la Caisse d’Epargne du chef du prêt Primo Optionnel n°8639672 de 99 700 euros, rejeté la fin de non-recevoir soulevée par les époux [U] du chef du prêt Nouveau à 0% d’un montant de 40 350 euros, mentionné la créance de la banque à ce titre à la somme de 36 581,91 euros en principal, frais, intérêts et accessoires et confirmé pour le surplus la décision entreprise. La cour d’appel a en outre renvoyé les parties devant le juge de l’exécution de Châlons-en-Champagne pour fixation d’une nouvelle date d’audience aux fins de vente de l’immeuble saisi aux enchères publiques.
Par jugement du 5 juillet 2022, le juge de l’exécution a reporté la vente forcée à l’audience de vente du 4 octobre 2022 dans les conditions prévues au jugement d’orientation du 1er février 2022.
Par jugement du 4 octobre 2022, le juge de l’exécution au tribunal judiciaire de Châlons-en-Champagne a notamment :
– adjugé à Me François Procureur, avocat ès qualités, l’immeuble des époux [U] mis en vente et entièrement décrit et désigné au cahier des conditions de vente au prix principal de 63 000 euros, les frais préalables ayant été taxés à la somme de 4 813,15 euros,
– donné acte à Me Procureur ès qualités de ce qu’il a été déclaré adjudicataire pour le compte en indivision de MM. [I] [T] et [E] [S],
– ordonné sur la signification du jugement à tous détenteurs ou possesseurs de délaisser l’immeuble ainsi adjugé au profit de l’adjudicataire, sous peine d’y être contraints par voie d’expulsion ou tous autres moyens légaux.
M. et Mme [U] ont interjeté appel de cette décision par déclaration du 1er décembre 2022 (RG n°22/2015), leur recours portant sur l’entier dispositif du jugement.
Ils ont régularisé une seconde déclaration d’appel le 6 décembre 2022 (RG n°22/2093), intimant, outre la Caisse d’Epargne, MM. [I] [T] et [E] [S], adjudicataires de l’immeuble. Ce second recours porte également sur l’entier dispositif de la décision d’adjudication.
Aux termes de leurs deux jeux d’écritures signifiées le 12 janvier 2023 (un jeu d’écritures par dossier mais conclusions libellées en des termes strictement identiques), les époux appelants demandent à la cour de :
– Les déclarer recevables et bien-fondés en leur appel-nullité,
– Annuler le jugement rendu le 4 octobre 2022 par le juge de l’exécution au tribunal judiciaire de Châlons-en-Champagne (RG n°21/00023),
– Ordonner la publication du présent arrêt au service de la publicité foncière,
Y ajoutant,
– Débouter la Caisse d’Epargne de toutes ses demandes, fins et conclusions,
Subsidiairement,
– Transmettre à la Cour de cassation les questions préjudicielles suivantes, par application des dispositions de l’article 378 du code de procédure civile :
* La profession de commissaire de justice constitue-t-elle une nouvelle profession ou une simple réorganisation des deux professions d’huissier de justice et de commissaire-priseur ‘
* La profession de commissaire de justice nécessite-t-elle la mise en place d’une prestation de serment s’agissant d’un officier ministériel ‘
– En ce cas, surseoir à statuer,
– Déclarer le présent arrêt opposable à MM. [I] [T] et [E] [S],
– Condamner la Caisse d’Epargne à leur verser la somme de 5 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– Condamner la Caisse d’Epargne aux entiers dépens.
Au soutien de leurs prétentions, les époux appelants font valoir que :
1. S’ils n’élèvent pas une contestation au sens de l’article R. 322-60 du code des procédures civiles d’exécution, le jugement d’adjudication et nul et leur appel-nullité est en cela recevable. En effet, la signification le 18 novembre 2022 de cette décision est nulle car elle a été régularisée par le ministère de Me [L] [O] qui se dit huissier de justice à Sézannes. Or, depuis le 1er juillet 2022, la fusion des métiers d’huissier de justice et de commissaire-priseur est effective. La profession d’huissier de justice a disparu et elle est remplacée par une nouvelle profession, celle de commissaire de justice,
2. En prenant la décision de confier à un huissier de justice le mandat de signifier un jugement, la banque poursuivante a pris la décision de voir déclarer nuls des actes de signification, la nullité étant d’ordre public. Ainsi, le jugement du 5 juillet 2022 qui a reporté la vente au 4 octobre 2022 est nul pour les mêmes motifs. L’est aussi le procès-verbal de placard ainsi que tous les actes régularisés par cet » huissier de justice » à compter du 1er juillet 2022,
3. A titre subsidiaire, si la cour s’estimait insuffisamment informée sur cette question relative à la nouvelle profession de commissaire de justice, il lui reviendrait de transmettre la question préjudicielle à la Cour de cassation et de surseoir à statuer dans l’attente de sa décision.
* * * *
Par deux jeux de conclusions signifiées le 6 mars 2023 (un jeu de conclusions par numéro de répertoire général), mais par écritures libellées en des termes parfaitement identiques, la Caisse d’Epargne sollicite de la juridiction du second degré qu’elle :
– Vu l’absence de contestation tranchée par le jugement d’adjudication querellé, déclare l’appel de M. et Mme [U] irrecevable,
– Subsidiairement, vu la parfaite capacité de Me [L] [O] à instrumenter en qualité d’huissier de justice, déboute M. et Mme [U] de leurs contestations,
– Les condamne à verser à la Caisse d’Epargne la somme de 2 500 euros au visa de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.
Au soutien de ses demandes, la banque intimée expose que :
1. Le jugement d’adjudication n’ayant tranché aucune contestation, l’appel initié par les époux [U] s’en trouve irrémédiablement irrecevable,
2. M. [O] était en parfaite capacité de délivrer des actes en sa qualité d’huissier de justice. L’ordonnance du 2 juin 2016 rappelle en effet que, tant qu’ils ne remplissent pas les conditions de formation à la profession de commissaire de justice, les professionnels en exercice au 1er juillet 2022 conservent leur titre d’huissier de justice (ou de commissaire-priseur judiciaire). Ils ne peuvent exercer que celles des activités auxquelles ils pouvaient respectivement se livrer jusqu’à l’entrée en vigueur de l’ordonnance. Sous cette réserve, ils sont soumis à l’ensemble du statut de commissaire de justice. Partant, Me [O] demeure huissier de justice tant qu’elle n’aura pas accompli sa formation et les actes qu’elle régularise sont parfaitement valables. Ce n’est qu’à compter du 1er juillet 2026 que les professionnels qui ne rempliront pas les conditions de la formation spécifique cesseront d’exercer.
La déclaration d’appel (RG n°22/2093) a été délivrée à M. [I] [T] le 22 décembre 2002 à l’étude d’huissier, celle délivrée le 23 décembre 2023 à M. [E] [S] l’ayant été à domicile.
Aucun des deux adjudicataires n’ayant constitué avocat, il importera de statuer en la cause par décision prononcée par défaut.
L’instruction de chaque dossier a été clôturée par ordonnance du 21 mars 2023.
* * * *
Motifs de la décision :
– Sur la jonction des procédures :
Attendu qu’il apparaît d’une bonne administration de la justice que d’examiner les deux procédures RG n°22/2093 et 22/2025 et de statuer dans ces deux instances aux termes d’une seule et même décision, l’objet du litige dans les deux procédures étant strictement le même, les parties principales étant identiques sous réserve des adjudicataires qui n’ont été intimés que dans l’instance la plus récente ;
Qu’il y a donc lieu d’ordonner d’office la jonction de ces deux procédures conformément aux dispositions de l’article 367 du code de procédure civile, et de ne conserver qu’un seul numéro de répertoire général, soit le plus ancien (22/2025) ;
– Sur l’appel des époux [U] :
Attendu que l’article R. 322-60 du code des procédures civiles d’exécution énonce en son second alinéa que seul le jugement d’adjudication qui statue sur une contestation est susceptible d’appel de ce chef dans un délai de quinze jours à compter de sa notification ;
Attendu que les époux [U], qui reconnaissent dans les développements de leurs écritures que le jugement d’adjudication du 4 octobre 2022 (RG n°21/00023) prononcé par le juge de l’exécution de [Localité 10] n’a tranché aucune contestation, estiment que cette décision encourt la nullité à plus d’un titre, sa signification du 18 novembre 2022 étant nulle et de nul effet comme réalisée par un huissier de justice alors que cette profession n’existe plus depuis le 1er juillet 2022 suite à la fusion des professions d’huissier de justice et de commissaire-priseur en une nouvelle profession de commissaire de justice ;
Qu’ils ajoutent que, pour cette même raison, le procès-verbal de placard est également nul comme tous les actes régularisés par cet officier ministériel ;
Attendu que l’appel des époux [U] qui tend à voir annuler le jugement d’adjudication du 4 octobre 2022 n’est pas recevable puisque cette décision ne tranche aucune contestation ;
Attendu que l’appel nullité invoqué contre cette même décision par les époux appelants n’est pas davantage recevable dans la mesure où un recours est bien ouvert contre le jugement d’adjudication, mais dans les limites de l’article R. 322-60 visé ci-dessus, les époux [U], qui développent des moyens inhérents aux seuls actes instrumentés par Me [O] en qualité d’huissier de justice, n’invoquant aucun excès de pouvoir de la part du juge de l’exécution ;
Qu’il sera à cet effet rappelé que l’appel-nullité, création prétorienne qui se distingue de l’appel aux fins d’annulation du jugement, suppose une restriction du droit d’appel, aucun recours n’étant alors immédiatement ouvert, ce qui n’est pas l’occurrence présente, les appelants ne démontrant pas davantage en quoi le juge de l’exécution, en rendant la décision querellée, se serait arrogé une mission ou un droit que la loi ne lui confie pas et aurait en cela commis une excès de pouvoir, ce que les appelants n’invoquent pas du reste ;
Que ce recours spécifique n’est donc pas davantage recevable ;
Attendu, à titre surabondant, que si les époux [U] dénient à Me [O] toute capacité à instrumenter en qualité d’huissier de justice puisque cette profession selon eux a disparu le 1er juillet 2022 au profit de celle de commissaire de justice, l’ordonnance du 2 juin 2016 précise que tant qu’ils ne remplissent pas les conditions de formation à la profession de commissaire de justice, les professionnels en exercice au 1er juillet 2022 conservent leur titre d’huissier de justice ou de commissaire-priseur judiciaire et ils ne peuvent exercer que celles des activités auxquelles ils pouvaient respectivement se livrer jusqu’à l’entrée en vigueur de l’ordonnance, tous étant sous cette réserve soumis à l’ensemble du statut de commissaire de justice ;
Qu’en outre, la même ordonnance, à l’article 25, ajoute qu’à compter du 1er juillet 2026, les professionnels en exercice ne remplissant pas les conditions de la formation spécifique à la profession de commissaire de justice cesseront d’exercer ;
Qu’il faut en conclure, en l’état de ces dispositions particulièrement explicites et qui ne pourraient justifier aucune question préjudicielle, qu’en continuant, au-delà du 1er juillet 2022, à s’intituler » huissier de justice » dans les divers actes dressés par ses soins, Me [O] ne commettait aucun manquement professionnel puisqu’elle conserve sa capacité à instrumenter ;
– Sur les dépens et les frais irrépétibles :
Attendu que le sens du présent arrêt conduit à laisser à la charge exclusive des époux [U] les entiers dépens d’appel, l’équité commandant d’arrêter en faveur de la Caisse d’Epargne une indemnité pour frais irrépétibles de 1 500 euros, les époux débiteurs de cette somme étant eux-mêmes déboutés de leur propre prétention indemnitaire exprimée au visa de l’article 700 du code de procédure civile ;
* * * *
PAR CES MOTIFS,
La cour, statuant publiquement et par décision prononcée par défaut,
– Ordonne la jonction des procédures RG n°22/2093 et n°22/2025 sous ce seul et dernier numéro de répertoire général ;
– Déclare M. [N] [B] et Mme [F] [A] épouse [B] irrecevables en leurs recours dirigés contre le jugement d’adjudication rendu le 4 octobre 2022 (RG n°21/00023) par le juge de l’exécution au tribunal judiciaire de Châlons-en-Champagne ;
– Condamne in solidum M. [N] [B] et Mme [F] [A] épouse [B] aux entiers dépens d’appel ainsi qu’à verser à la Caisse d’Epargne et de Prévoyance Grand Est Europe la somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;
– Déboute M. et Mme [N] [U] de leur propre prétention indemnitaire exprimée au visa de cet article.
Le Greffier. Le Président