Saisine du juge de l’exécution : 12 mai 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 21/11731

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Saisine du juge de l’exécution : 12 mai 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 21/11731

Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 5 – Chambre 11

ARRET DU 12 MAI 2023

(n° , 7 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 21/11731 – N° Portalis 35L7-V-B7F-CD5I7

Décision déférée à la Cour : Jugement du 19 Mai 2021 -Tribunal de Commerce de PARIS – RG n° 2019029685

APPELANTE

S.A.S. ALLOCAB

[Adresse 2]

[Localité 4] / France

N° SIRET : 532 050 747

représentée par Me Sophie TIDIER, avocat au barreau de VAL-DE-MARNE, toque : 483

INTIMEES

Société TECHMODE CONSULTING

Société de droit belge

[Adresse 5]

[Localité 1] / BELGIQUE

N° SIRET : 080 729 813 8

Société TECHMODE OUTSOURCING LTD

Société de droit mauricien

[Adresse 6]

[Localité 3]/ République de MAURICE

représentées par Me Anne-charlotte PASSELAC, avocat au barreau de PARIS, toque : D 1903

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 15 Février 2023, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposé, devant Mme Marie-Sophie L’ELEU DE LA SIMONE, Conseillère, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

M. Denis ARDISSON, Président de chambre

Mme Marion PRIMEVERT,Conseillère,

Mme Marie-Sophie L’ELEU DE LA SIMONE,Conseillère,

Greffier, lors des débats : M.Damien GOVINDARETTY

ARRÊT :

– contradictoire

– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– signé par Denis ARDISSON, Président de chambre et par Damien GOVINDARETTY, Greffier présent lors de la mise à disposition.

La société Allocab exploite une plateforme permettant à ses clients, passagers et transporteurs, d’être mis en relation en vue de la commande et de la fourniture d’une prestation de transport.

Souhaitant externaliser une partie de son département développement informatique, la société Allocab a conclu le 26 mars 2018 un contrat de prestations de services avec la société de droit mauricien Techmode Outsourcing LTD.

La société Allocab aurait ensuite, selon la société Techmode Outsourcing, sollicité la possibilité de procéder au règlement des prestations en Europe afin d’éviter d’avoir à assumer des frais bancaires internationaux. La société de droit belge Techmode Consulting a alors facturé les prestations à la société Allocab et un mécanisme de refacturation aurait été mis en place entre Techmode Consulting et Techmode Outsourcing.

La société Allocab a reproché à la société Techmode Outsourcing LTD d’être défaillante dans l’exécution de ses obligations et de poursuivre les facturations malgré les griefs formulés.

Les prestations accomplies entre mars et octobre 2018 ont été réglées avec retard par la société Allocab. Les factures émises au titre des prestations effectuées de novembre 2018 à mars 2019 n’ont pas été réglées, malgré trois mises en demeure émises par la société Techmode Outsourcing des 30 novembre 2018, 20 février 2019 et 21 mars 2019.

La société Techmode Consulting a sollicité et obtenu l’autorisation de pratiquer une saisie-conservatoire, par ordonnance du juge de l’exécution du tribunal de grande instance de Paris du 19 avril 2019.

Parallèlement, suivant exploit du 13 mai 2019, les sociétés Techmode Consulting et Techmode Outsourcing ont fait assigner la société Allocab en paiement devant le tribunal de commerce de Paris.

Par ailleurs, suivant assignation du 20 mai 2019, la société Allocab a sollicité la mainlevée des saisies conservatoires. Par jugement du 11 juillet 2019, le juge de l’exécution du tribunal de grande instance de Paris a ordonné la mainlevée de toutes les saisies pratiquées. La société Techmode Consulting a interjeté appel de cette décision et a saisi le premier président de la cour d’appel de Paris afin d’obtenir un sursis à exécution du jugement. Par ordonnance du 29 octobre 2019, le premier président a considéré qu’il n’entrait pas dans ses pouvoirs d’ordonner le sursis à exécution de la décision rendue par le juge de l’exécution.

Par jugement du 19 mai 2021, le tribunal de commerce de Paris a :

débouté la société Allocab de sa demande de déclarer le tribunal de céans incompétent pour connaître du présent litige,

condamné la société Allocab au paiement au profit de Techmode Consulting de la somme de 63.087,36 euros,

condamné la société Allocab au paiement au profit de Techmode Consulting de la majoration forfaitaire de 10 %, soit la somme de 6.308,74 euros,

débouté la société Allocab de sa demande reconventionnelle de condamner la société de droit mauricien Techmode Outsourcing LTD à lui payer la somme de 929.609,31 euros à titre de dommages et intérêts,

condamné la société Allocab à payer à la société de droit belge Techmode Consulting la somme de 5.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, déboutant pour le surplus demandé,

condamné la société Allocab aux dépens de l’instance,

ordonné l’exécution provisoire.

La société Allocab a formé appel du jugement par déclaration du 23 juin 2021 enregistrée le 25 juin 2021.

Suivant ses dernières conclusions transmises par le réseau privé virtuel des avocats le 14 décembre 2021, la société Allocab demande à la cour, au visa des articles 1103, 1104 et 1231-1 du code civil :

de déclarer l’appel recevable et bien fondé ;

d’infirmer le jugement du tribunal de commerce de Paris en date du 19 mai 2021 en ce qu’il a :

‘ débouté la société Allocab de sa demande de déclarer le Tribunal de commerce de Paris incompétent pour connaître du litige ;  

‘ débouté la société Allocab de sa demande de déclarer les juridictions mauriciennes seules compétentes pour connaître du litige ; 

‘ dit que Techmode apporte les preuves que les informations justifiant le contenu des factures dont Techmode demande le paiement ont été communiquées à Allocab et que les anomalies alléguées par Allocab ont été justifiées par Techmode ; 

‘ dit qu’Allocab n’apporte aucun élément permettant de démontrer les anomalies qu’elle allègue ; 

‘ jugé que la créance de Techmode Consulting sur Allocab est certaine, liquide et exigible ; 

‘ condamné la société Allocab au paiement de la somme de 63.087,36 euros au profit de la société Techmode Consulting ; 

‘ condamné la société Allocab au paiement de la majoration forfaitaire de 10 % prévue au contrat de prestation de service au profit de la société Techmode Consulting, soit la somme de 6.308,74 euros ; 

‘ débouté la société Allocab de sa demande reconventionnelle de condamner Techmode Outsourcing à lui payer la somme de 929.609,31 euros à titre de dommages et intérêts ; 

‘ condamné la société Allocab à payer à la société de droit belge Techmode Consulting la somme de 5.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ; 

‘ condamné la société Allocab aux dépens de l’instance dont ceux à recouvrer par le greffe liquidés à la somme de 95,13 euros dont 15,64 euros de TVA ; 

‘ ordonné l’exécution provisoire.

– et statuant à nouveau de :

‘ de dire et juger que seules les juridictions mauriciennes sont compétentes pour connaître du présent litige,

‘ de dire et juger que la société qui a émis les factures (la société de droit belge Techmode Consulting) n’était, ni contractuellement, ni à quel qu’autre titre que ce soit, en droit de les émettre ;

‘ de dire et juger que la société de droit mauricien Techmode Outsourcing LTD n’a émis aucune facture et ne justifie d’aucune créance à l’encontre d’Allocab, 

‘ de dire et juger que la société Techmode Consulting est mal fondée à réclamer le paiement des factures litigieuses à la société Allocab ;

‘ de dire et juger que la société Techmode Outsourcing LTD n’a ni intérêt, ni qualité à agir pour voir ordonner le règlement des factures émises par Techmode Consulting ;

‘ de dire et juger que les sociétés Techmode Consulting et Techmode Outsourcing LTD ne justifient aucunement ni du bien-fondé des factures, ni du montant qu’elles réclament ;

‘ de dire et juger irrecevables les demandes des sociétés Techmode Consulting et Techmode Outsourcing LTD ;

‘ de dire et juger n’y avoir lieu de condamner la société Allocab à verser quelque somme que ce soit aux Techmode Consulting et Techmode Outsourcing LTD.

‘ de dire et juger que la société Techmode Outsourcing LTD a manqué gravement à ses obligations contractuelles et partant engagé sa responsabilité civile contractuelle à l’égard d’Allocab ;

‘ de dire et juger que la société Allocab a subi un préjudice d’image certain et direct du fait des manquements de la société Techmode Outsourcing LTD à ses obligations contractuelles dont elle est bien-fondé à obtenir réparation et dont elle justifie pleinement

‘ de condamner la société Techmode Outsourcing LTD à payer à Allocab la somme de 929.609,31 euros à titre de dommages et intérêts ;

‘ de condamner solidairement les sociétés Techmode Consulting et Techmode Outsourcing LTD à verser à Allocab la somme de 7.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens.

Suivant ses dernières conclusions transmises par le réseau privé virtuel des avocats le 18 janvier 2023, la société de droit belge Techmode Consulting et la société de droit mauricien Techmode Outsourcing LTD demandent à la cour :

– de confirmer le jugement rendu par le Tribunal de commerce de Paris le 19 mai 2021 dans toutes ses dispositions ;

Y ajoutant :

– de condamner la société Allocab au paiement, au profit de la société Techmode Consulting, de la somme de 4.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, au titre des frais irrépétibles exposés en appel ;

– de la condamner aux entiers dépens.

*

La clôture a été prononcée suivant ordonnance en date du 8 décembre 2022.

SUR CE, LA COUR,

Sur l’exception d’incompétence

La société Allocab soutient que seules les juridictions mauriciennes sont compétentes pour connaître du présent litige. Elle se prévaut d’une clause d’attribution de compétence figurant au contrat de prestations de services du 26 mars 2018 conclu avec la société Techmode Outsourcing LTD.

Les sociétés intimées font valoir que la société Allocab n’a jamais retourné signé le contrat à la société Techmode Outsourcing LTD et que la clause litigieuse avait été souscrite dans le seul intérêt de cette société qui a donc la faculté d’y renoncer. Elles soutiennent enfin que la société Techmode Consulting s’est substituée à la société Techmode Outsourcing à la demande de la société Allocab.

Le « contrat de prestations de services ‘ plateforme de services clients » versé aux débats a été émis par la société Techmode Outsourcing LTD mais n’est pas signé par les parties car la société Allocab n’a pas retourné signée la « V1 » adressée par courriel du 13 mars 2018.

Ce contrat a reçu exécution de part et d’autre, puisque la société Techmode Outsourcing LTD a exécuté des prestations et la société Allocab a réglé des factures. D’autre part, de nombreux échanges ‘ matérialisés par des courriels ‘ manifestent la collaboration constante des parties. Il est daté du 26 mars 2018 et conclu entre la société Allocab et la société de droit mauricien Techmode Outsourcing LTD.

Le fait que des factures aient ultérieurement été émises par la société de droit belge Techmode Consulting, alors que les prestations ‘ point non contesté ‘ ont été réalisées en intégralité par la société Techmode Outsourcing LTD, et des virements réalisés par la société Allocab à destination de la société Techmode Consulting, ne remet pas en cause la conclusion du contrat entre les seules sociétés Allocab et Techmode Outsourcing LTD.

Les intimées produisent un courriel daté du 10 juillet 2018 par lequel M. [J] [K] de la société Techmode Outsourcing écrit « Je vous prie de trouver en pièce le contrat à signer entre Techmode Consulting et Allocab qui reprend les conditions actuelles de notre partenariat ; cela vous permet d’éviter les frais bancaires internationaux. S’il vous convient je vous ferai parvenir deux originaux signés rapidement. ». Une réunion zoom a manifestement eu lieu sur ce point le 19 juillet 2018 sans que son issue ne soit connue de la cour. Le document annoncé n’est pas annexé au courriel ni versé aux débats. Les intimées produisent par ailleurs un contrat cadre du 24 septembre 2015 entre Techmode – représentée par son directeur M. [J] [K] – et Techmode Consulting ‘ représentée par son président M. [C] [K] – définissant « les règles et principes de fonctionnement, régissant de manière commune la collaboration entre TO et TC pour la réalisation de prestations commerciales et administratives pour les Clients de TC. », attestant des liens existant ou ayant existé ‘ ce contrat étant à durée déterminée renouvelable tacitement ‘ entre les deux sociétés.

Le cocontractant de la société Allocab demeure donc la société Techmode Outsourcing LTD, aucun contrat n’ayant été conclu entre Techmode Consulting et Allocab et peu important que les paiements aient été faits entre les mains de la société Techmode Consulting. Si les parties s’opposent sur le demandeur à l’origine de cette modification ‘ Allocab selon Techmode Outsourcing ce que la première nie ‘ aucun élément versé aux débats ne permet de déterminer ce point, au demeurant sans incidence sur la solution du litige.

Le contrat daté du 26 mars 2018 est par conséquent intégralement applicable dans les relations entre les sociétés Allocab et Techmode Outsourcing LTD.

Son « Article 9 ‘ Droit applicable / Attribution de compétence » prévoit les dispositions suivantes :

« 8.2 Le présent Contrat est régi par la loi mauricienne, lieu d’exécution de la prestation.

8.3 (‘) A défaut de solution amiable, tout litige susceptible de s’élever entre les parties à propos de la formation, de l’exécution, de l’interprétation ou de la résiliation du présent Contrat sera de la compétence exclusive du Tribunal compétent de l’Île Maurice et ce y compris en cas de référé, de requête ou de pluralité de défendeurs. »

Il importe d’interpréter la clause afin de savoir si elle a été stipulée dans le seul intérêt de l’une des parties ou dans l’intérêt commun de celles-ci.

Le prestataire est une entreprise mauricienne, les services sont réalisés à l’Île Maurice et les paiements sont portables à l’Île Maurice comme le souligne à juste titre la société Allocab.

Surtout, le contrat conclu entre commerçants prévoit que la loi applicable est la loi mauricienne et que la compétence est dévolue exclusivement au « tribunal compétent de l’Île Maurice », expression qui ne renvoie pas à une ville ou un tribunal en particulier mais impose de déterminer, en application de la loi mauricienne, le tribunal appelé à connaître du litige.

Il en résulte que la clause d’attribution de compétence n’a pas été stipulée dans l’intérêt exclusif de la société Techmode Outsourcing LTD mais dans l’intérêt commun des deux parties cocontractantes.

Il convient par conséquent d’infirmer le jugement en ce qu’il a débouté la société Allocab de son exception d’incompétence.

En vertu de l’article 81, alinéa 1er, du code de procédure civile :

« Lorsque le juge estime que l’affaire relève de la compétence d’une juridiction répressive, administrative, arbitrale ou étrangère, il renvoie seulement les parties à mieux se pourvoir. ».

Il y a lieu de dire le tribunal de commerce de Paris incompétent pour connaître de l’affaire opposant les sociétés Techmode Outsourcing LTD et Techmode Consulting à la société Allocab suivant assignation délivrée par les premières à la seconde le 13 mai 2019 et de renvoyer les parties à mieux se pourvoir.

Sur les dépens et l’article 700 du code de procédure civile

Les sociétés Techmode Outsourcing LTD et Techmode Consulting succombant à l’action, il convient d’infirmer le jugement en ce qu’il a statué sur les dépens et les frais irrépétibles et statuant de ces chefs en cause d’appel, elles seront condamnées in solidum aux dépens. Il apparaît également équitable de les condamner in solidum à verser à la société Allocab la somme de 4.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

INFIRME le jugement en toutes ses dispositions ;

Statuant à nouveau et y ajoutant,

REÇOIT l’exception d’incompétence soulevée par la société Allocab ;

DIT le tribunal de commerce de Paris incompétent pour connaître de l’affaire opposant les sociétés Techmode Outsourcing LTD et Techmode Consulting à la société Allocab suivant assignation délivrée par les premières à la seconde le 13 mai 2019 ;

RENVOIE les parties à mieux se pourvoir ;

CONDAMNE in solidum les sociétés Techmode Outsourcing LTD et Techmode Consulting aux dépens ;

CONDAMNE in solidum les sociétés Techmode Outsourcing LTD et Techmode Consulting à payer à la société Allocab la somme de 4.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

 


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