COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE
Chambre 4-2
ARRÊT AU FOND
DU 12 MAI 2023
N° 2023/167
Rôle N° RG 19/10746 – N° Portalis DBVB-V-B7D-BERF5
[J], [E] [A]
C/
SASU RISA
Copie exécutoire délivrée
le : 12 mai 2023
à :
Me Laurence OHAYON, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE
(Vestiaire 179)
Me Vanessa DIDIER, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE
(Vestiaire 290)
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de MARTIGUES en date du 29 Mai 2019 enregistré au répertoire général sous le n° 15/00391.
APPELANT
Monsieur [J], [E] [A], demeurant Lot. [Adresse 4]
représenté par Me Laurence OHAYON, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE
INTIMEE
SASU RISA, demeurant [Adresse 1]
représentée par Me Vanessa DIDIER, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE, substituée par Me Myriam BENDAFI, avocat au barreau de MARSEILLE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L’affaire a été débattue le 15 Mars 2023 en audience publique. Conformément à l’article 804 du code de procédure civile, Véronique SOULIER, Présidente suppléante a fait un rapport oral de l’affaire à l’audience avant les plaidoiries.
La Cour était composée de :
Madame Véronique SOULIER, Présidente de chambre suppléante
Madame Florence TREGUIER, Présidente de chambre
Madame Ursula BOURDON-PICQUOIN, Conseillère
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Mme Cyrielle GOUNAUD.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 12 Mai 2023.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 12 Mai 2023,
Signé par Madame Véronique SOULIER, Présidente de chambre suppléante et Mme Cyrielle GOUNAUD, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
Monsieur [J] [A] a été engagé à compter du 19 mai 2003 par la société CPMTP (Comptoir Provençal de Matériel de TP) en qualité de commercial itinérant.
La convention collective nationale applicable est celle de la Métallurgie Midi- Pyrénées.
Son contrat de travail a été transféré le 1er avril 2007 à la société CPMATP, filiale de la société CPMTP.
Par jugement du 27 octobre 2008, le Tribunal de commerce de Salon de Provence a prononcé un plan de cession au profit de la société Risa, filiale du groupe HTI (Hoche Triomphe Industrie).
La société Risa, dont l’objet est la fabrication de machines destinées à la construction, a embauché M. [A] par contrat de travail à durée indéterminée à compter du 27 octobre 2008 en qualité de commercial itinérant et coordonnateur grands comptes de la région, catégorie cadre, niveau II, coefficient 100 moyennant une rémunération forfaitaire brute mensuelle fixe de 2.500€ pour 218 jours ainsi qu’une rémunération variable définie par avenant.
Par avenant du 27 novembre 2008, M. [A] a été chargé de commercialiser des matériels de travaux publics , définis par note de service en fonction des marques distribuées, avec un objectif annuel de vente de 65 à 70 machines neuves pour un chiffre d’affaires de 3,5 millions d’euros en contrepartie de la rémunération variable suivante:
– 1% de la soulte du chiffre d’affaires sur les matériels neufs vendus avec une marge nette comprise entre 9% et 11,99%,
– 1,25 % de la soulte du chiffre d’affaire sur les matériels neufs vendus avec une marge nette comprise entre 12% et 14,99%,
– 1,50% de la soulte du chiffre d’affaires sur les matériels neufs vendus avec une marge supérieure à 15%
– 2% de la soulte du chiffre d’affaires sur les matériels d’occasion vendus directement à tout client du secteur.
Par avenant du 14 avril 2011, Monsieur [A] a été promu Directeur de l’Agence de [Localité 8] à compter du 1er mai 2011 afin d’exercer les fonctions suivantes:
‘Au niveau commercial:
– le pilotage des ventes sur les secteurs attribués (84,13,04),
– le pilotage d’un plan d’action de soutien et d’accompagnement des vendeurs,
– développer le chiffre d’affaires en maintenant la rentabilité avec les constructeurs CASE et Terex,
– participer aux opérations de démonstration, expositions et évènements de promotion commerciale,
Au niveau technique :
– piloter les actions du Responsable SAV et le magasin dans les actions de terrain,
– développer le chiffre d’affaires du magasin et de l’atelier,
Au niveau administratif:
– piloter l’administration des ventes
– gérer les relations clients
– suivre les créances
– suivre et envoyer le reporting sur le site [Localité 3]
– suivre la facturation
– veiller à la sécurité des biens et des personnes’.
En contrepartie, la rémunération forfaitaire brute mensuelle de M. [A] a été portée à 4.500 € correspondant à un forfait de 218 jours par an et la rémunération variable mensuelle définie par avenant du 14 avril 2011 a été fixée ainsi qu’il suit :
‘- 2% sur le chiffre d’affaires des ventes de matériels neufs effectuées directement hors matériels vendus à Tisaloc,
– 2% sur le chiffre d’affaires des ventes de matériels d’occasion Risa effectuées directement,
– 0,5% sur le chiffre d’affaires des ventes de matériels neufs hors matériels vendus à Risaloc, effectuées par les deux vendeurs M. [X] et M. [T].’
Par lettre recommandée avec accusé de réception du 05 mai 2014, la société Risa lui a notifié un avertissement lui reprochant d’avoir adopté un comportement agressif à l’encontre d’un autre salarié.
Par lettre recommandée avec accusé de réception du 10 septembre 2014, M. [A] a été convoqué à un entretien préalable fixé au 25 septembre 2014 dans l’éventualité d’un licenciement pour motif économique.
Par lettre recommandée avec accusé de réception du 12 septembre 2014, la société Risa a informé le salarié qu’elle avait sollicité l’ensemble des sociétés du groupe afin de rechercher un poste disponible de même catégorie ou équivalente, voire de catégorie inférieure et lui a proposé un poste de responsable d’agence sur l’agence Locamod de [Localité 5] (31) que M. [A] a refusé.
Durant l’entretien préalable la société Risa a exposé au salarié les difficultés économiques qu’elle rencontrait et l’a informé de la nécessité de procéder à la fermeture définitive de plusieurs sites dont celui de [Localité 8].
M. [A] a adhéré au contrat de sécurisation professionnelle le 9 octobre 2014 et a été licencié pour motif économique par lettre recommandée avec accusé de réception du 15 octobre 2014.
Reprochant à l’employeur une modification unilatérale de son contrat de travail et une exécution fautive de celui-ci, contestant la légitimité de son licenciement et sollicitant l’annulation de l’avertissement du 05 mai 2014 ainsi que la condamnation de la société Risa à lui payer diverses sommes à caractère salarial et indemnitaire, M. [A] a saisi le 17 avril 2015 le conseil de prud’hommes de Martigues lequel par jugement du 29 mai 2019 a:
– dit que le licenciement économique de M. [A] n’est pas sans cause réelle et sérieuse,
– dit que la société Risa SAS n’a pas procédé à la modification unilatérale du contrat de travail de M. [A],
– dit que l’avertissement du 05 mai 2014 prononcé à l’encontre de M. [A] est fondé,
– dit que la société Risa n’a pas manqué aux obligations contractuelles lui incombant,
En conséquence:
– débouté M. [A] de ses demandes suivantes:
– 75.000 € de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
– 15.000 € de dommages-intérêts pour modification unilatérale du contrat de travail par l’employeur,
– 25.000 € de dommages-intérêts pour exécution fautive du contrat de travail par l’employeur,
– 3.000 € de dommages-intérêts suite à l’annulation de l’avertissement du 05 mai 2014,
– 56.149,83 € brut au titre des rappels de commissions sur les années 2011 à 2014,
– 5.614,98 € brut au titre des congés payés afférents,
– 21.164,14 € brut au titre de l’indemnité de préavis calculée sur la base d’un salaire moyen reconstitué des douze derniers mois, outre 2.164,14 € de congés payés afférents,
– 5.979,11 € au titre du solde de l’indemnité conventionnelle de licenciement,
– n’a pas ordonné de remise des bulletins de salaire et documents légaux rectifiés sous astreinte de 50 € par jour de retard et par document,
– n’a pas ordonné la production du registre des entrées et sorties du personnel,
– n’a pas ordonné d’intérêts de droit à compter de la demande ni de capitalisation,
– débouté la société Risa de sa demande de 3000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– débouté les deux parties du surplus de leurs demandes.
M. [J] [A] a relevé appel de ce jugement le 03 juillet 2019 par déclaration adressée au greffe par voie électronique.
Aux termes de ses conclusions récapitulatives n°2 d’appelant notifiées par voie électronique le 09 février 2023 auxquelles il convient de se reporter pour l’exposé détaillé des moyens soutenus, M. [A] a demandé à la cour de :
– le déclarer recevable et bien fondé en son appel
Infirmer le jugement rendu le 29 mai 2019 par le Conseil de Prud’hommes de Martigues, en sa
formation Section Encadrement, en toutes ses dispositions
Débouter la société Risa SAS de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions
Et statuant à nouveau,
Requalifier le licenciement économique de Monsieur [J] [A] en un licenciement
dépourvu de cause réelle et sérieuse
Juger que la société Risa SAS a procédé à la modification unilatérale du contrat de travail de
Monsieur [J] [A]
Déclarer les demandes de rappels de commissions de Monsieur [J] [A] non prescrites
Juger que la société Risa SAS a, par ses agissements, exécuté le contrat de travail qui le liait
à Monsieur [J] [A] de manière fautive
Déclarer l’avertissement du 05 mai 2014 nul et de nul effet
En conséquence,
Condamner la société Risa SAS au paiement des sommes suivantes :
– 75.000 euros net de CSG et CRDS au titre des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
– 15.000 euros au titre des dommages et intérêts pour modification unilatérale du contrat de travail par l’employeur
– Dommages et intérêts pour exécution fautive du contrat de travail par l’employeur :
25.000 €
– 3000 euros au titre des dommages et intérêts suite à l’annulation de l’avertissement du
05.05.2014
– 56.149,83 € bruts au titre des rappels de commissions sur les années 2011 à 2014
– 5.614,98 € bruts au titre des congés payés afférents
– 21.641,43 € bruts au titre de l’indemnité compensatrice de préavis (calculée sur la base
du salaire moyen reconstitué des douze derniers mois)
– 2.164,14 € bruts de congés payés afférents
– 5.979,11 € au titre du solde restant dû de l’Indemnité conventionnelle de licenciement.
Fixer la moyenne des douze derniers mois de salaire à 7.213,81 € bruts
Ordonner la remise des bulletins de salaire et documents légaux rectifiés sous astreinte de 50 €
par jour de retard et par document
Ordonner la production du registre des entrées et sorties du personnel
Ordonner les intérêts de droit à compter de la demande
Ordonner la capitalisation des intérêts
Droit de recouvrement ou d’encaissement en application de l’article 10 du Décret du 12
décembre 1996
Condamner la société Risa SAS au paiement de la somme de 3000 € en vertu des dispositions
de l’article 700 du Code de Procédure Civile, ainsi qu’aux entiers dépens, de première instance
et d’appel.
Il soutient :
– que l’employeur a modifié unilatéralement sa rémunération variable, s’agissant d’un élément essentiel de son contrat de travail en appliquant un avenant sans avoir préalablement obtenu son accord et lui est ainsi redevable d’un rappel de salaire au titre des commissions dues pour la période 2011 à 2014 qui n’est pas prescrite,
– qu’il a exécuté fautivement le contrat de travail en ne lui payant pas l’intégralité de ses commissions, en ayant volontairement déstructuré l’organisation commerciale mise en place au sein de l’agence de [Localité 8] en 2012 et 2013, ce management étant à l’origine de la dégradation de son état de santé et en lui ayant infligé un avertissement infondé le 05 mai 2014,
– que son licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse alors que la pertinence du motif économique s’appréciant au niveau du groupe, les difficultés économiques résultaient en l’espèce du comportement de la direction de la société Risa ayant volontairement déstructuré certaines agences dont celle de [Localité 8] dont la décision de fermeture prise par la Direction était antérieure à la décision du constructeur Takeuchi de revoir son périmètre de distribution et n’étaient pas avérées au niveau du groupe lequel a procédé à des licenciement afin de faire des économies alors qu’en 2013, la société Risa a réalisé un chiffre d’affaires de plus de 27 millions d’euros et le groupe HTI de 112 millions d’euros et que les difficultés économiques qui n’existaient pas avant 2013 résultent d’agissements fautifs de l’employeur,
– que l’employeur a également manqué à son obligation de reclassement en ne lui proposant qu’un seul poste et en ne démontrant pas avoir effectivement tenté de le reclasser dans toutes les entreprises du groupe, l’employeur ne versant aux débats aucun registre des entrées et sorties du personnel.
Par conclusions d’intimée notifiées par voie électronique le 24 décembre 2019 auxquelles il convient de se reporter pour l’exposé détaillé des moyens soutenus, la société Risa a demandé à la cour de :
– la recevoir en ses présentes écritures, l’y déclarer bien fondée,
En conséquence:
Confirmer le jugement rendu par le conseil de prud’hommes de Martigues rendu le 29 mai 2019 en toutes ses dispositions,
Statuant à nouveau:
– débouter M. [J] [A] de l’ensemble de ses demandes,
En tout état de cause:
– condamner M. [A] aux entiers dépens et à verser à la société Risa la somme de 3.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
La société Risa fait valoir en substance :
– qu’elle n’a procédé à aucune modification unilatérale du contrat de travail de M. [A], alors qu’à compter du 1er janvier 2012, l’avenant sur lequel celui-ci fonde ses demandes de rappel de salaire sur commissions n’était plus applicable, seul son contrat de travail régissant les modalités afférentes à sa rémunération alors que si le salarié n’a signé aucun nouvel avenant au contrat de travail pour les années 2012, 2013 et 2014, pour autant les objectifs décrits dans les avenants produits ainsi que les commissions y afférentes étaient parfaitement raisonnables,ne lui étaient pas défavorables et lui ont été appliquées,
– que les demandes de rappel de salaire sur commissions au titre de l’année 2011 ainsi que sur la période du 1er/01/2012 au 15/12/2012 sont prescrites,
– que la demande d’annulation de l’avertissement prononcé à l’encontre du salarié le 5 mai 2014 doit être écartée, la sanction disciplinaire étant justifiée,
– qu’il n’y a pas eu d’exécution fautive du contrat de travail ni au titre de la rémunération variable du salarié, ni de harcèlement moral allégué dit ‘stratégique’ afin de pousser le salarié à démissionner, ce dernier n’établissant pas la matérialité de faits laissant présumer celui-ci alors qu’elle conteste formellement avoir orchestré la fermeture de l’agence de [Localité 8], que l’offre d’emploi produite permet de constater qu’elle n’était pas destinée à pourvoir le poste de M. [A] et qu’elle justifie du motif économique fondant le licenciement critiqué,
– qu’elle démontre la réalité de ses difficultés économiques l’ayant amenée à devoir licencier M. [A] en produisant les bilan et compte de résultat de celle-ci et ajoute qu’elle s’est acquittée sérieusement et loyalement de son obligation de reclassement.
La clôture de l’instruction a été ordonnée le 13 février 2023, l’audience de plaidoiries étant fixée au 15 mars 2023.
SUR CE :
Sur l’exécution du contrat de travail :
1) sur la modification unilatérale du contrat de travail et la demande de rappel de salaires au titre des commissions dues pour la période 2011 à 2014.
L’article L. 3245-1 du Code du travail dispose que : « la demande peut porter sur les sommes dues au titre des trois dernières années à compter de ce jour ou, lorsque le contrat de travail est rompu, sur les sommes dues au titre des trois années précédant la rupture du contrat ».
Par application de l’article 21 de la loi sur la sécurisation entrée en vigueur le 17 juin 2013, les dispositions du code du travail prévues à l’article L.3245-1 du code du travail ayant ramené la prescription de 5 à 3 années ‘s’appliquent aux prescriptions en cours à compter de la date de promulgation de la présente loi sans que la durée totale de la prescription puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure’.
Il existe désormais une déconnexion entre le délai d’action et la période de réclamation des sommes. En effet, le texte ouvre une option :
‘ soit la demande du salarié porte sur les salaires des trois dernières années à compter du jour où il a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d’exercer son action, donc, le plus souvent, à compter de la date habituelle de paiement des salaires,
‘ soit la demande du salarié porte sur les salaires des trois années précédant la rupture du contrat. Autrement dit, le salarié dont le contrat est rompu dispose de 3 ans pour agir à compter de la rupture (en matière salariale) et pourra demander un rappel de salaires, non pas sur les trois années précédant la date de la saisine mais, sur les trois années précédant la rupture, ce qui, au total, permet au salarié de réclamer des salaires 6 ans après leur date d’exigibilité.
Ainsi que l’a exactement indiqué M. [A], en saisissant le conseil de prud’hommes le 17 avril 2015, soit avant la prescription de son action en paiement de rappel de salaires, il est fondé à obtenir la condamnation de l’employeur à lui payer les sommes lui restant dûes à compter de l’année 2011, le moyen tiré de la prescription de son action antérieurement au 15/10/2012 devant être écarté.
L’article 5 du contrat de travail à durée indéterminée du 27 novembre 2008 (pièce n°1) consacré à la rémunération stipule que :
‘la rémunération forfaitaire brute mensuelle de M. [A] sera de 2.500 € pour 218 jours par an,
(….)
M. [A] percevra en plus une rémunération variable définie par avenant.’
Par avenant signé le 14/04/2011, valable du 01/05/2011 jusqu’au 31/12/2011, lequel ‘annule et remplace tous les avenants relatifs à la rémunération de M. [A] ‘,
Le secteur de prospection de celui-ci est défini comme suit :
Les départements des Bouches du Rhône (13), du Vaucluse (84), du Var (83) et des Alpes de Hautes Provence (04).
Sur ces secteurs, M. [A] aura pour objectif d’atteindre le chiffre d’affaires prévu pour 2011 soit 8.250 K€.
En contrepartie de ces objectifs, la rémunération de M. [A] est défini comme suit:
1°) La rémunération forfaitaire brute mensuelle est fixée à 4.500 € pour 218 jours par an,
2°) les commissions sur le chiffre d’affaires matériels sont définies comme suit:
– 2% sur le chiffre d’affaires de ventes de matériels neufs et occasions,
– 0,5% sur le chiffre d’affaires des ventes de matériels neufs et occasions effectuées par les 3 vendeurs , Messieurs [X], [T] et [A].’
Le salarié produit aux débats un avenant sur objectifs commerciaux 2012 (pièce n°4) dont il n’est pas contesté qu’il s’agit de celui qu’il n’a pas signé rédigé ainsi qu’il suit:
‘- le secteur de M. [A] est modifié comme suit:
Le secteur est composé du département des Bouches du Rhône (13), Alpes de Hautes Provence (04), Hautes Alpes (05).
Sur ce secteur M. [A] a en charge sous la responsabilité du Directeur Activité Distribution, la commercialisation des matériels Compact (gammes Takeuchi, Terex, Case, Vermeer, les occasions et les accessoires tels que les marteaux hydrauliques et les remorques).
Dans le cadre défini ci-dessus, l’objectif annuel de vente de 16 machines neuves Takeuchi, 9 machines neuves Terex, 20 machines Case a été fixé à M. [A].
En contrepartie de ces objectifs, la rémunération des commissions de M. [A] est établie comme suit:
Takeuchi : 22 machines neuves et 936 000 HT de chiffres d’affaires:
– 1,5% de la soulte du chiffres d’affaires sur les matériels neufs vendus directement aux clients et loueurs qui bénéficient du tarif 1 établi pour l’année 2012,
– 1,25% de la soulte du chiffre d’affaires sur les matériels vendus directement aux clients et loueurs qui bénéficient du tarif 2 établi pour l’année 2012,
– 1% de la la soulte du chiffre d’affaires sur les matériels vendus directement aux clients et loueurs qui bénéficient du tarif 3 établi pour l’année 2012.
Terex : 9 machines neuves et 600 000 €HT de chiffres d’affaires,
– 1,5% de la soulte du chiffres d’affaires sur les matériels neufs vendus directement aux clients et loueurs qui bénéficient du tarif 1 établi pour l’année 2012,
– 1,25% de la soulte du chiffre d’affaires sur les matériels vendus directement aux clients et loueurs qui bénéficient du tarif 2 établi pour l’année 2012,
– 1% de la la soulte du chiffre d’affaires sur les matériels vendus directement aux clients et loueurs qui bénéficient du tarif 3 établi pour l’année 2012.
L’utilisation des tarifs 2 et 3 est soumise à l’autorisation expresse du Directeur Commercial notamment pour les agents et loueurs dans le cadre de la politique tarifaire de RISA.
Case : 20 machines neuves et 1.100 000 € HT de chiffres d’affaires
– 1,5% de la soulte du chiffres d’affaires sur les matériels neufs vendus directement aux clients et loueurs qui bénéficient du tarif 1 établi pour l’année 2012,
– 1,25% de la soulte du chiffre d’affaires sur les matériels vendus directement aux clients et loueurs qui bénéficient du tarif 2 établi pour l’année 2012,
– 1% de la la soulte du chiffre d’affaires sur les matériels vendus directement aux clients et loueurs qui bénéficient du tarif 3 établi pour l’année 2012.
L’utilisation des tarifs 2 et 3 est soumise à l’autorisation expresse du Directeur Commercial notamment pour les agents et loueurs dans le cadre de la politique tarifaire de RISA.
Vermeer : 7 machines neuves et 740000€ HT de chiffres d’affaires:
– 1,5% de la soulte du chiffres d’affaires sur les matériels neufs vendus directement aux clients et loueurs qui bénéficient du tarif 1 établi pour l’année 2012,
– 1,25% de la soulte du chiffre d’affaires sur les matériels vendus directement aux clients et loueurs qui bénéficient du tarif 2 établi pour l’année 2012,
– 1% de la la soulte du chiffre d’affaires sur les matériels vendus directement aux clients et loueurs qui bénéficient du tarif 3 établi pour l’année 2012.
Occasions :
– 2% sur le prix de vente du matériel d’occasion si la marge est supérieure 10% vendus directement à tout client du secteur,
– pour une marge inférieure à 10% le calcul sera de 10% sur la marge nette,
Accessoires: : 10 accessoires et 120 000 €HT de chiffre d’affaires:
– 10% sur la marge nette sur les matériels neufs ou d’occasions vendus directement à tout client du secteur…..’
Dès le 11 janvier 2012, M. [A] s’est plaint auprès du Directeur de la société Risa (pièces n°10-14) d’erreurs ‘depuis quelques mois’ pour la partie variable de sa rémunération (absence de calcul des 0,5% du chiffre d’affaires commercial).
Il se déduit de ces éléments que l’avenant signé par M. [A] le 14/04/2011 portait exclusivement sur la période du 01/05/2011 au 31/12/2011, que toutefois contrairement aux affirmations de l’employeur, le contrat de travail n’était pas applicable en soi à compter du 1er janvier 2012 alors que l’article 5 de la clause relative à la rémunération variable renvoyait expressément à l’établissement d’un avenant lequel présenté au salarié au titre des objectifs commerciaux 2012 le 22 février 2012 (pièce n°30) et non au mois de décembre 2011 modifiant sa zone géographique de prospection, ses objectifs ainsi que la structure de sa rémunération variable, celle-ci étant désormais calculée sur la soulte du chiffres d’affaires en fonction d’un tarif pré-établi dépendant de la seule volonté de l’employeur, n’a pas été signé par ce dernier de sorte que face au refus du salarié de voir modifier un élément essentiel de son contrat de travail, la société Risa ne pouvait comme elle reconnaît l’avoir fait appliquer d’autorité ce nouvel avenant sans l’accord préalable du salarié étant tenue de maintenir la rémunération antérieure ou de saisir la juridiction prud’homale ce qu’elle n’a pas fait.
En l’absence d’accord entre l’employeur et le salarié sur la rémunération variable, il incombe à la juridiction de la déterminer en fonction des éléments dont il dispose soit en l’espèce en appliquant les critères fixés dans l’avenant précédent du 14 avril 2011.
Alors que la société Risa ne conteste pas à titre subsidiaire les calculs de M. [A] de rappels de salaire sur commissions figurant en pages 21 à 23 de ses écritures, la cour constate que les sommes réclamées qui correspondent au taux de commissionnement applicable par comparaison du montant des commisions figurant sur chaque bulletin de paie avec les tableaux mensuels annexés des commissions (pièces n° 5 à 8) ont été exactement calculés soit :
– 3.390,76 € brut au titre de l’année 2011 (absence de 0,5% calculés sur le chiffre d’affaires du service commercial)
– 28.598,34 € brut au titre de l’année 2012 (absence d’une partie du % sur CA dû à M. [A] personnellement outre 0,5% sur CA du service commercial,
– 14.290,13 € brut au titre de l’année 2013 ( absence d’une partie du pourcentage sur CA de M. [A] personnellement et 0,5% sur CA du service commercial)
– 9. 870,60 € brut au titre de l’année 2013 (absence d’une partie du pourcentage sur CA de M. [A] personnellement et 0,5% sur CA du service commercial)
et correspondent à un montant total de 56.149,83 € brut.
Par infirmation des dispositions du jugement entrepris, il convient de condamner la société Risa à payer à M. [A] une somme de 56.149,83 € brut de rappels de salaires sur commissions sur les années 2011 à 2014, outre 5.614,98 € de congés payés afférents.
En revanche, alors que M. [A] a obtenu le rappel des commissions lui étant dûes sur la période 2011-2014 résultant de la modification unilatérale de son contrat de travail, il ne démontre ni l’existence, ni l’étendue du préjudice distinct résultant de cette modification de sorte que les dispositions du jugement entrepris ayant rejeté ce chef de demande sont confirmées.
2°) Sur la demande d’annulation de l’avertissement du 05/05/2014 :
L’employeur doit fournir les éléments retenus pour prendre la sanction, le juge formant sa conviction au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié et devant vérifier la proportionnalité de la sanction.
Si un doute subsiste, il profite au salarié.
En l’espèce, la société Risa a notifié à M. [A] le 5 mai 2014 un avertissement (pièce n°21) dans les termes suivants:
‘ Le 8 avril dernier, nous avons été informés de votre comportement inacceptable face à votre collègue [K] [R].
En effet, vous avez éconduit, insulté votre collègue parce qu’il s’était installé dans le bureau dédié à Risa côté visiteur et non sur votre fauteuil afin d’y travailler quelques heures. M. [R] a été choqué de votre attitude.
Vous avez fait preuve d’un comportement intolérable ce jour là et depuis votre attitude reste identique avec votre collègue, vous ne daignez plus le saluer lorsque vous le croisez dans l’agence.
Ces faits représentent un manque notoire d’éduction et dénote une agressivité inacceptable sur votre lieu de travail, c’est pourquoi nous versons à votre dossier un avertissement.’
A l’appui de son argumentation, la société Risa produit uniquement aux débats un courriel adressé le 8 avril 2014 par M. [P] (Directeur de la société Risa et rédacteur de l’avertissement) à M. [I] [Y] supérieur hiérarchique de M. [A] dont l’objet est : ‘[K] [R]’ rédigé ainsi qu’il suit:
‘[Y],
Je viens d’avoir [K] qui est dans tous ses états pour avoir été éconduit, insulté par [J] [A] d’utiliser le bureau Risa de [Localité 8] à tel point que les gestes ont failli prendre le pas de cette situation.
J’ai demandé à [K] de se poser chez [M] [U] pour l’instant mais cela est anormal. Vous réglerez ce sujet à votre retour mais nous devons matérialiser par une réaction à l’encontre de [A]: avertissement ou autre.
Vous m’en parlerez dès que possible’.
Alors que M. [A] a formellement contesté les faits reprochés par lettre recommandée avec accusé de réception du 30 juin 2014 (pièce n°17), qu’il n’a pas été procédé à son audition, aucune version des faits ne lui ayant été demandée avant la notification de la sanction disciplinaire, cet unique courriel du Directeur de la société qui rapporte seulement les propos d’un salarié relatifs à des faits dont il n’a pas été le témoin, en l’absence de tout autre élément n’établit pas la matérialité du fait fautif de sorte que par infirmation des dispositions du jugement entrepris, il convient d’annuler l’avertissement du 05/05/2014.
En revanche, faute pour M. [A] de verser aux débats des éléments justifiant de l’existence et de l’étendue du préjudice dont il réclame réparation à concurrence de 3.000 € de dommages-intérêts, les dispositions du jugement entrepris ayant rejeté cette demande sont confirmées.
3°) Sur l’exécution fautive du contrat de travail :
L’employeur , tenu d’une obligation de sécurité de résultat en matière de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs, manque à cette obligation lorsqu’un salarié est victime sur le lieu de travail d’agissements de harcèlement moral prévus par l’article L.1152-1 du code du travail matérialisés par des agissements répétés ayant pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptibles de porter atteinte à ses droits, à sa dignité, d’altérer sa santé physique et mentale ou de compromettre son avenir professionnel.
Il résulte des dispositions des articles L.1152-1 et L.1154-1 du code du travail que, pour se prononcer sur l’existence d’un harcèlement moral, il appartient au juge d’examiner l’ensemble des éléments invoqués par le salarié, en prenant en compte les documents médicaux éventuellement produits, et d’apprécier si les faits matériellement établis, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l’existence d’un harcèlement moral au sens de l’article L. 1152-1 du code du travail. Dans l’affirmative, il revient au juge d’apprécier si l’employeur prouve que les agissements invoqués ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
M. [A] soutient que l’employeur a orchestré la fermeture de l’agence de [Localité 8] afin de le pousser à la démission.
L’examen des pièces versées aux débats par M. [A], courriels de mars 2012 juillet 2012, d’octobre, novembre 2012 (pièces n°35, 36, 41, 44) comme l’entretien annuel du 21 février 2013 (pièce n°34) démontrent que celui-ci a alerté son supérieur hiérarchique dès cette période sur des conditions de travail à [Localité 8] qu’il a qualifiées de déplorables avec l’arrêt de la distribution des marques Case (pièce n°50) et Terex, la perte du noyau dur de la clientèle de l’agence, des difficultés majeures de personnel sur le service après-vente, qu’il a interpellé à nouveau son supérieur hiérachique par courriel du 15/04/2014 lui rappelant ‘le harcèlement moral dont il a fait l’objet à plusieurs reprises jusqu’à essayer de le déstabiliser en passant des offres d’emploi sur son poste de travail et en précisant qu’il est très affecté moralement et physiquement’
Par courriel du 3 septembre 2014 (pièce n°19) il a également souligné ses difficultés à réaliser son travail n’étant plus approvisionné par l’usine faute de leur apporter des garanties bancaires nécessaires.
M. [A] produit aux débats outre les courriels ci-dessus rappelés:
– un courrier de la médecine du travail du 12/11/2013 relatif à une visite périodique (pièce n°22) indiquant qu’il ‘présente un symptôme anxio-dépressif réactionnel à un vécu professionnel très douloureux, qu’il allègue un harcèlement de type stratégique pour le pousser à la démission, qu’il présente des troubles du sommeil, des troubles alimentaires, une augmentation du tabagisme, de la fatigue des crises d’angoisse’.
– la même offre d’emploi diffusée le 18/06/2012, le 17/07/2012 (pièces n°32, 33 et 40) de recherche d’un responsable commercial ayant une expérience de 2 à 5 ans, afin de développer les ventes des matériels Case, Takeuchi et Vermeer sur les département 06,04 et l’est du 83.
Il est établi que l’employeur a modifié et appliqué sans l’accord du salarié sa rémunération variable, qu’il lui a également notifié un avertissement abusif qui a été annulé, qu’il a été rendu destinataire de nombreux courriels entre 2012 et 2014 du salarié faisant état d’une dégradation de ses conditions de travail en raison d’un harcèlement moral qualifié de stratégique par ce dernier en avril 2014, que si M. [A] ne démontre pas que les choix stratégiques de l’employeur (notamment l’arrêt de la distribution des marques Case et Terex) étaient destinés à fermer l’agence de [Localité 8] et à le pousser à la démission, il n’en demeure pas moins que les autres faits matériellement établis, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l’existence d’une situation de harcèlement moral au sens de l’article L. 1152-1 du code du travail.
Or, la société Risa, qui se borne à contester le harcèlement moral allégué ainsi que tout manquement à son obligation de sécurité, ne verse aux débats strictement aucun élément prouvant que les agissements invoqués ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement alors qu’elle ne justifie pas avoir pris une quelconque mesure à la suite des interpellations réitérées de son salarié de sorte qu’elle ne démontre pas que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
Dès lors, l’exécution fautive du contrat de travail de M. [A] est établie.
Tenant compte du fait que celui-ci a obtenu un rappel de salaire sur sa rémunération variable et ne justifie à ce titre d’aucun préjudice distinct et de ce qu’il ne verse aux débats aucun élément notamment médical justifiant de l’existence et de l’étendue du préjudice dont il demande réparation à concurrence de 25.000 €, il convient de limiter le montant des dommages-intérêts alloués pour exécution fautive du contrat de travail à la somme de 7.500 €, les dispositions contraires du jugement entrepris étant infirmées.
Sur le licenciement :
Par application de l’article L.1233-3 du code du travail, contitue un licenciement pour motif économique, le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d’une suppression ou transformation d’emploi ou d’une modification refusée par le salarié d’un élément essentiel du contrat de travail consécutifs notamment à des difficultés économiques ou à des mutations technologiques.
Les difficultés économiques qui s’apprécient au niveau du groupe, ne doivent pas résulter d’un manquement ou d’une légèreté blâmable de l’employeur et sont caractérisées par des difficultés financières, la suppression d’emploi étant consécutive à des difficultés économiques, des mutations technologiques ou une réorganisation effectuée pour sauvegarder la compétitivité de l’entreprise
Le licenciement économique d’un salarié ne peut intervenir que si tous les efforts de formation et d’adaptation ont été réalisés et si son reclassement ne peut pas être opéré sur les emplois disponibles situé sur le territoire national dans l’entreprise ou le groupe auquel elle appartient.
La recherche de reclassement doit être effective et sérieuse, le reclassement devant être recherché à partir du moment où le licenciement est envisagé jusqu’à sa notification.
La lettre de licenciement qui fixe les limites du litige est rédigée ainsi qu’il suit :
‘Nous vous avons exposé lors de votre entretien préalable en date du 25 septembre 2014 les raisons pour lesquelles nous envisagions votre licenciement pour motif économique.
Nous vous rappelons que nous avons tenté de vous reclasser au sein du groupe et que les sociétés du groupe auquel appartient la société Risa nous ont précisé ….les postes disponibles en rapport avec vos compétences.
Nous avons pris bonne note que vous aviez refusé dans un courrier en date du 28 septembre 2014 les postes proposés dans notre courrier en date du 12 septembre 2014, nous contestons les termes de votre correspondance concernant une prétendue proposition déloyale et le fait que l’agence de [Localité 8] serait viable dans la mesure où les recherches de postes au sein du groupe vous ont été communiquées et la baisse certaine du chiffre d’affaires de l’agence de [Localité 8] démontrent les difficultés économiques de cette agence.
Nous avons également tenté de vous reclasser au sein de sociétés extérieures à notre groupe telles que Razel, Bec, Colas Midi Méditerranée, Eiffage TP Méditerranée, Enrobe Paca, Réseau TP, en vain à ce jour.
En ce qui concerne les motifs du licenciement, il s’agit de ceux qui vous ont été exposés lors de l’entretien précité du 25 septembre 2014 à savoir:
La société Risa doit faire face à des difficultés économiques de plus en plus importantes dans le domaine de la vente de matériels de travaux publics.
La société Risa n’a pu préserver le secteur de la région PACA, celui de la région Sud et de la région Ile de France dans le cadre des distributions des matériels du fabricant Takeuchi.
Ainsi la perte de chiffre d’affaires lié à la modification du secteur de distribution est estimée à 4 millions d’euros.
Cette situation entraîne la nécessité de fermer définitivement les sites de [Localité 2], [Localité 8], [Localité 6] et [Localité 7] dans la mesure où le secteur d’activité et la crise économique ne permettent pas à la société Risa de rebondir dans les plus brefs délais et ce pour éviter les répercutions catastrophiques pour la pérennité de la société et l’ensemble des établissements.
Nous sommes dans l’obligation de fermer le site de [Localité 8] car nous avons constaté une diminution importante du chiffre d’affaires de -38,9% sur les 6 premiers mois de l’annnée 2014 soit 532.000 € de mois que 2013.
Nous éprouvons des difficultés de trésorerie.
Cette situation irréversible est liée à la diminution des commandes de matériels BTP de [Localité 8] et nous conduit à clôturer nos commandes dans cette région.
La situation économique de Risa nous ayant fait perdre les garanties financières SFAC qui obligent l’entreprise à se positionner sous le mandat de conciliation et au vu de ces pertes de garanties et de cessation de paiement, le constructeur Takeuchi réduit de 50% notre périmètre et notamment dans les agences ou nous avions peu de performances de vente comme [Localité 2], [Localité 8], [Localité 6] et [Localité 7]….’
Sur le motif économique:
La société Risa produit aux débats :
– un jugement du Tribunal de commerce de Paris du 16 mars 2014 (pièce n°6) ayant homologué un accord de conciliation signé les 28 et 30 octobre 2014 entre les cinq sociétés du groupe, SAS HTI, SAS Copreloc, SAS Comilev, SAS Risa et SAS Locamod avec leurs créanciers obligataires, les organismes bancaires dont la Banque Themis qui a consenti un prêt de 2 Millions d’euros à HTI rappelant que la dette nette du groupe HTI au 30 avril 2014 est de l’ordre de 93 Millions d’euros et que les difficultés proviennent de celles des principales filiales opérationnelles du groupe HTI, Copreloc, Comilev, Comiloc, Risa et Locamod lesquelles font l’objet d’une réorganisation alors que Coprebat a fait l’objet d’une liquidation judiciaire, et qui retient s’agissant de la société RISA que ‘cette dernière a été confrontée au refus de vente du fournisseur de matériels Takeuchi (représentant la moitié de son chiffre d’affaires) à la suite de la perte de la garantie Euler Hermès à hauteur de 800 K€ et de la dénonciation de la garantie Groupama, conséquences directes de la liquidation judiciaire de Coprebat’,
– les comptes annuels de la société Risa (pièce n°13) bilan et compte de résultat.
Il se déduit de ces éléments qu’au cours de l’année 2013 et du premier trimestre 2014, le groupe HTI a fait face:
– au financement de la filiale Comilev pour 1.524 K€ depuis début 2014,
– au financement de la société Comiloc pour 167 K€ depuis début 2014,
– à la liquidation de la société Coprebat nécessitant de provisionner intégralement le compte courant d’associé HTI à hauteur de 1.040 K€,
toutes les sociétés du groupe ayant dû supporter en outre ‘le déréférencement de la société Euler Hermès lequel a eu pour effet de remettre en cause les délais de paiement habituels des fournisseurs portant le besoin de financement cumulé pour les sociétés du groupe HTI à plus de 6 millions d’euros.’
S’il est exact qu’en 2013, le chiffre d’affaires de la société Risa s’élevait à 27.824.739 millions d’euros et le résultat net à 204.611 €, il n’en demeure pas moins qu’au 31 décembre 2014, le compte de résultat affichait un résultat d’exploitation négatif de -181.843 € soit un écart de 156% avec l’année précédente et qu’à cette même date, le résultat net du bilan, également négatif s’élevait à – 653.769 €.
S’y ajoutent :
– une perte de 2.204.661 € entre 2013 et 2014 sur le compte client et comptes rattachés
– une forte diminution des découverts et concours bancaires entre 2013 et 2014 passant de 819.692 € à 382.137 €
Si, contrairement aux mentions de la lettre de licenciement, la société Risa n’est pas directement responsable de la perte assurance SFAC durant l’année 2014, elle en a cependant été privée du fait de la liquidation judiciaire de la société Coprebat, filiale du groupe HTI ce que n’ignorait pas M. [A] qui indiquait à la direction dans un courriel du 3/09/2014 (pièce n°19) ‘nous ne sommes plus approvisionnés par l’usine faute de leur apporter des garanties bancaires nécessaires..;’.
Par ailleurs, les pièces versées aux débats par M. [A] établissent que la société Risa a opéré des choix stratégiques, dont il était informé, notamment en début d’année 2013 (pièce n°47) en réorganisant son développement autour des trois marques Risa, Takeuchi (distributeur et constructeur japonais), Vermeer (importateur de pièces détachées de marque américaine) au détriment des marques Case et Terex progressivement stoppées durant le premier semestre 2013 alors qu’en parallèle en avril 2013 (pièce n°51) le groupe HTI a fait l’acquisition du groupe Locamex (loueur national de matériels de chantier), mais ne prouvent aucunement la volonté des dirigeants de la société Risa de destructurer avant de supprimer l’agence de [Localité 8] alors qu’un déménagement des locaux a eu lieu en septembre 2013 que l’activité professionnelle du salarié, au vu de sa rémunération reconstituée, s’est maintenue durant toute l’année 2013, les résultats n’ayant chuté qu’à compter de l’année 2014, le procès-verbal de réunion extraordinaire des délégués du personnel du 5 septembre 2014 (pièce n°54) indiquant ‘en prévision du plan de conciliation, on notera une perte en 2014, une croissance nulle en 2015 et un départ de croissance en 2016″.
Les difficultés économiques de la société Risa au moment du licenciement de M. [A] ayant conduit à la suppression du poste de celui-ci étant ainsi avérées, il convient de confirmer sur ce point le jugement entrepris.
Sur l’obligation de reclassement :
Lorsque l’entreprise appartient à un groupe, les possibilité de reclassement doivent être recherchées à l’intérieur du groupe parmi les entreprises dont les activités, l’organisation ou le lieu d’exploitation lui permettent d’effectuer la permutation de tout ou partie du personnel
La société Risa verse aux débats :
– une lettre type (pièce n°16) adressée aux société du groupe HTI le 8 septembre 2014 en lettre recommandée avec accusé de réception et lettre simple les informant de la fermeture des sites de [Localité 2], [Localité 8], [Localité 6] de la société Risa et de sa recherche de reclassement concernant 7 salariés dont l’identité complète n’est pas même mentionnée: M. [A] étant désigné ainsi qu’il suit: ‘directeur d’agence, âgé de 36 ans, employé sur le site de [Localité 8] depuis 11 ans et 4 mois, cadre (niveau PII-indice 100)’ sans précision particulière ni d’éléments de son curriculum vitae ni du rappel de son parcours et des postes occupés au sein de la société Risa,
– la même lettre-type (pièce n°16 bis) concernant les 7 mêmes salariés adressée le lendemain 9 septembre 2014 également par lettre recommandée avec accusé de réception et lettre simple à 15 sociétés extérieures ,
– quatre réponses négatives des sociétés extérieures (pièce n°17),
– une lettre du 12 septembre 2014 (pièce n°9) adressé à M. [A] lui listant les postes disponibles au sein des société Locamod, Comilev, comportant au sein de la société Locamod un poste de responsable d’agence à [Localité 5] (31) accompagné de sa fiche de poste (pièce n°10),
– le courrier de M. [A] du 28 septembre 2014 refusant le poste de reclassement de [Localité 5] (pièce n°10).
S’il est exact que la société Risa a proposé à M. [A], ainsi qu’elle en avait l’obligation, les postes disponibles, selon elle, au sein des société Locamod, Comilev et Risa à la date du 12 septembre 2014 correspondant pour onze d’entre eux à des postes d’un niveau de qualification inférieur , seul le poste de responsable d’agence à Fenouillet correspondant effectivement à la catégorie d’emploi du salarié, que le salarié avait le droit de refuser, la cour relève cependant que la recherche de reclassement n’a pas été réellement individualisée puisque des éléments concernant six autres salariés figuraient sur les lettres -type adressées tant aux sociétés du groupe, qu’aux sociétés extérieures, qu’aucun justificatif d’envoi de ces lettres n’est versé aux débats alors qu’elles ont été envoyées en lettre recommandé avec accusé de réception, que certaines des lettres de réponse produites ne sont pas datées, d’autres n’étant pas signées, que surtout aucun registre des entrées et sorties du personnel des différentes sociétés du groupe ni même celui de la société Risa n’est versé aux débats malgré les demandes réitérées en ce sens de l’appelant alors que le salarié évoque un poste de responsable d’agence pourvu sur l’agence Locamod de Vitrolles deux mois après son licenciement et que l’employeur ne permet donc pas à la cour de procéder aux vérifications nécessaires relative à l’absence de disponibilité d’aucun poste à la date du licenciement du salarié.
En conséquence, contrairement à l’appréciation de la juridiction prud’homale, la cour considère que la société Risa a manqué à son obligation de reclassement privant ainsi le licenciement économique de M. [A] de cause réelle et sérieuse.
Sur les conséquences financières :
Le sens du présent arrêt conduit à fixer la moyenne du salaire des 12 derniers mois après réintégration des commissions que la société Risa a été condamnée à payer à M. [A] à la somme de 7.213,81 €.
En l’absence de motif économique de licenciement, le contrat de sécurisation professionnelle devenant sans cause, l’employeur est tenu à l’obligation du préavis et des congés payés afférents, sauf à tenir compte des sommes déjà versées.
En conséquence, il convient par infirmation des dispositions du jugement entrepris de condamner la société Risa à payer à M. [A] une somme de 21.641,43 € bruts au titre de l’indemnité de préavis ainsi que 2.164,14 € bruts de congés payés afférents.
En outre, il est fondé à obtenir également le paiement du solde restant dû de l’indemnité conventionnelle de licenciement soit 5.979,11 €.
Par application de l’article 1235-3 du code du travail, tenant compte d’une ancienneté de 11 ans et 5 mois dans une entreprise employant plus de 11 salarié, d’un salaire de 7.213,81 euros, d’un âge de 36 ans, d’une période de chômage entre le 18 octobre 2014 et le 1er août 2016 (pièce n°48) mais également de l’absence de toute justification de sa situation professionnelle depuis lors, il convient de condamner la société Risa à payer à Monsieur [A] une somme de 50.496,67 euros à titre de dommages-intérêts réparant la perte injustifiée de son emploi.
Sur la remise sous astreinte des bulletins de salaire et document légaux rectifiés:
Le sens du présent arrêt conduit à faire droit à la demande de remise par l’employeur des bulletins de salaire et document légaux rectifiés sans qu’il soit nécessaire d’assortir celle-ci d’une mesure d’astreinte, M. [A] étant débouté de ce chef de demande.
Sur le remboursement des indemnités chômage à Pôle emploi :
En application de l’article L 1235-4 alinéa 1 et 2 du code du travail lorsque le salarié licencié a deux années d’ancienneté au sein de l’entreprise et que celle-ci emploie habituellement au moins onze salariés le juge ordonne d’office le remboursement au pôle emploi concerné des allocations de chômage versées au salarié licenciédans la limite de six mois d’indemnités.
La société Risa est condamnée à rembourser à l’organisme Pôle Emploi concerné six mois d’indemnités chômage versées à M. [J] [A].
Sur les intérêts au taux légal et la capitalisation :
Les créances de nature salariale allouées porteront intérêts à compter de la date de réception par l’employeur de la convocation devant le bureau de conciliation du conseil de prud’hommes et les créances indemnitaires à partir de la décision qui les prononce, soit à compter du présent arrêt.
Les intérêts échus dus au moins pour une année entière seront capitalisés dans les conditions prévues par l’article 1343-2 du code civil.
Les dispositions du jugement entrepris ayant débouté le salarié de ces demandes sont infirmées.
Sur la demande au titre des frais futurs d’exécution:
La présente juridiction ne peut pas se prononcer sur le sort des frais de l’exécution forcée, lesquels sont régis par l’article L. 111-8 du code des procédures civiles d’exécution et soumis, en cas de contestation, au juge de l’exécution. La demande formée de ce chef sera en conséquence rejetée.
Sur les dépens et les frais irrépétibles :
Les dispositions du jugement entrepris ayant condamné M. [A] aux dépens de première instance et ayant rejeté sa demande fondée sur les dispositions de l’article 700 du code de procédure civile sont infirmées.
La société Risa est condamnée aux dépens de première instance et d’appel et à payer à Monsieur [A] une somme de 1.500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS :
La Cour:
Statuant publiquement contradictoirement et en premier ressort:
Infirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions à l’exception de celles ayant :
– débouté M. [J] [A] de ses demandes de dommages-intérêts :
– pour modification unilatérale du contrat de travail,
– annulation de l’avertissement du 05/05/2014,
– rejeté la demande d’astreinte,
– rejeté la demande de production du registre des entrées et sorties du personnel
qui sont confirmées.
Statuant à nouveau et y ajoutant:
Dit que la société Risa a modifié unilatéralement le contrat de travail de M. [A] portant sur sa rémunération variable.
Déclare recevable la demande de condamnation de la société Risa au titre des rappels de commission pour la période 2011 au 17 avril 2012.
Condamne la société Risa à payer à M. [J] [A] une somme de 56.149,83 € bruts à titre de rappel de salaire sur commissions sur les années 2011 à 2014 outre 5.614,98 € bruts de congés payés afférents.
Annule l’avertissement du 05 mai 2014.
Condamne la société Risa à payer à M. [J] [A] une somme de 7.500 € à titre de dommages-intérêts pour exécution fautive du contrat de travail.
Dit le licenciement de M. [A] dépourvu de cause réelle et sérieuse.
Fixe la moyenne du salaire des 12 derniers mois après réintégration des commissions à la somme de 7.213,81 €.
Condamne la société Risa à payer à M. [A] les sommes suivantes :
– 21.641,43 € bruts au titre de l’indemnité de préavis ainsi que 2.164,14 € bruts de congés payés afférents,
– 5.979,11 € au titre du solde restant dû de l’indemnité conventionnelle de licenciement,
– 50.496,67 euros à titre de dommages-intérêts réparant la perte injustifiée de son emploi.
Ordonne la remise des bulletins de salaire et documents légaux rectifiés.
Condamne la société Risa à rembourser à l’organisme Pôle Emploi concerné six mois d’indemnités chômage versée à M. [J] [A].
Le greffier Le président