MINUTE N° 23/267
Copie exécutoire à :
– Me Laurence FRICK
– Me Dominique HARNIST
Le
Le greffier
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D’APPEL DE COLMAR
TROISIEME CHAMBRE CIVILE – SECTION A
ARRET DU 12 Juin 2023
Numéro d’inscription au répertoire général : 3 A N° RG 22/03507 – N° Portalis DBVW-V-B7G-H5OR
Décision déférée à la cour : jugement rendu le 24 juin 2022 par le juge de l’exécution de Mulhouse
APPELANTE :
Madame [F] [R]
[Adresse 3]
[Localité 4]
Représentée par Me Laurence FRICK, avocat au barreau de COLMAR
INTIMÉS :
S.A. BANQUE KOLB
prise en la personne de son représentant légal
[Adresse 1]
[Adresse 1]
[Localité 5]
Organisme FONDS COMMUN DE TITRISATION ORNUS ayant pour société de gestion EUROTITRISATION SA
représenté par son représentant légal audit siège
[Adresse 2]
[Localité 6]
Représentée par Me Dominique HARNIST, avocat au barreau de COLMAR
COMPOSITION DE LA COUR :
L’affaire a été débattue le 27 mars 2023, en audience publique, devant la cour composée de :
Mme MARTINO, Présidente de chambre
Mme FABREGUETTES, Conseiller
M. LAETHIER, Vice-Président placé
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Mme HOUSER
ARRET :
– réputé contradictoire
– prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
– signé par Mme Annie MARTINO, président et Mme Anne HOUSER, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
*****
FAITS CONSTANTS ET PROCEDURE
Par jugement en date du 4 mai 2017, le tribunal de Grande instance de Mulhouse a prononcé le divorce de Madame [F] [R] épouse [G] et de Monsieur [K] [O] [G] et a notamment condamné l’ex époux à payer à l’ex-épouse une prestation compensatoire d’un montant de 133 600 €.
Par arrêt en date du 5 décembre 2018, la cour d’appel de Colmar a condamné Madame [R], solidairement avec Monsieur [K] [G], à payer à la société Banque Kolb la somme de 88 458,30 € avec intérêts au taux de 4 % l’an à compter du 22 juillet 2014.
Madame [R] a fait signifier le 17 septembre 2018 entre les mains de Maître [T], notaire en charge de la succession de Monsieur [L] [G], père de Monsieur [K] [G], une opposition à partage, précisant qu’elle « détient une créance alimentaire à l’encontre de Monsieur [K] [G], laquelle doit primer par nature sur les autres créanciers ».
Le 9 janvier 2019, la société Banque Kolb a formé, entre les mains de la Scp [T] et associés, une opposition au partage de la succession de Monsieur [L] [G], ladite opposition étant formée à l’encontre de Monsieur [K] [G] pour un montant de 88 458,30 €.
Le 8 juillet 2019, elle a fait signifier entre les mains de la Scp [T] et associés un procès-verbal de saisie-attribution des sommes dont elle serait personnellement tenue envers Monsieur [K] [G] pour le même montant.
Par acte du 16 décembre 2019, maître [P] [W], huissier de justice à [Localité 4], a signifié à la Scp [T] et associés, notaires associés, à la demande de la société Banque Kolb, un procès-verbal de saisie-attribution des sommes dont la Scp [T] et associés serait personnellement tenue envers Madame [R] notamment au titre des sommes perçues dans le cadre de l’opposition formée par la débitrice à l’encontre de Monsieur [I]-
[J] [G] dans la procédure de liquidation et partage de la succession de feu [L] [G] et ce pour un montant en principal de 88 458,30 €, outre article 700, dépens, intérêts et frais.
Cette saisie-attribution a été dénoncée à Madame [R] par acte du 20 décembre 2019.
Par acte d’huissier de justice du 20 janvier 2020, Madame [R] a fait assigner la société Banque Kolb devant le juge de l’exécution du tribunal judiciaire de Mulhouse aux fins de voir annuler cette saisie-attribution et en voir ordonner la mainlevée.
Se prévalant d’une cession de créance en date du 19 avril 2021, la Sa Fonds commun de titrisation Ornus, venant aux droits de la société Banque Kolb, est intervenue volontairement à la procédure par acte reçu au greffe le 23 août 2021.
Madame [R] a sollicité en outre la condamnation de l’adversaire à lui payer une somme de 5 000 € à titre de dommages intérêts avec intérêts au taux légal à compter de la décision à intervenir outre 2 000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
Le Fonds commun de titrisation Ornus a conclu au débouté des prétentions de Madame [R] , dont il a sollicité la condamnation aux dépens et à lui payer une somme au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Par jugement en date du 24 juin 2022, le juge de l’exécution a déclaré irrecevable la contestation formée par Madame [R] au motif qu’elle ne justifie pas avoir dénoncé l’assignation devant le juge de l’exécution le même jour, ou au plus tard, le premier jour ouvrable suivant, à l’huissier de justice qui a procédé à la saisie.
Cette décision a été notifiée à Madame [R] par lettre recommandée qui est revenue au greffe avec la mention « pli avisé et non réclamé ».
Madame [R] a interjeté appel à l’encontre de la décision du juge de l’exécution en date du 15 septembre 2022.
L’affaire a été placée à bref délai en application de l’article 905 du code de procédure civile.
Par écritures d’appel notifiées le 8 novembre 2022, Madame [R] conclut à l’infirmation de la décision déférée et demande la cour, statuant à nouveau, de :
-déclarer recevable la contestation qu’elle a formée concernant la saisie-attribution signifiée le 16 décembre 2019 à la demande de la banque Kolb,
-déclarer nulle et de nul effet cette saisie-attribution,
-ordonner la mainlevée de la saisie opérée,
-condamner in solidum la banque Kolb et le Fonds commun de titrisation Ornus à lui payer la somme de 2 000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
-condamner in solidum la banque Kolb et le Fonds commun de titrisation Ornus aux entiers frais et dépens de la procédure de première instance et d’appel.
Elle fait valoir, au soutien, qu’elle justifie de l’expédition en temps utile du courrier de dénonciation de l’assignation à l’ huissier instrumentaire ; que le procès-verbal de saisie-attribution méconnaît les dispositions de l’article 56 du décret du 31 juillet 1992 en ce que les montants mis en compte au titre des frais de procédures d’exécution échus et des frais et intérêts à échoir évalués n’apparaissent nullement vérifiables ; que la saisie entre les mains de la Scp [T] concerne des sommes lui revenant qui revêtent le caractère de créances alimentaires insaisissables ; que la saisie-attribution notifiée en juillet 2019 ne peut produire effet en 2020.
Par écritures d’intimé du 6 décembre 2022, le Fonds commun de titrisation Ornus, ayant pour société de gestion la société Eurotitrisation Ornus, a conclu à la confirmation de la décision entreprise en ce qu’elle a déclaré irrecevable la contestation formée par Madame [R] concernant la saisie-attribution du 16 décembre 2019. En tout état de cause, elle a conclu au débouté des demandes présentées par l’appelante dont elle a sollicité la condamnation aux entiers dépens ainsi qu’à lui payer la somme de 2 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Elle fait à cet égard valoir que les documents produits à hauteur de cour ne font pas preuve de l’exécution des diligences prévues à l’article R211-11 du code des procédures civiles d’exécution ; que l’article R211-1 du même code n’impose pas que soit mentionné dans l’acte de saisie attribution le détail des intérêts ou des frais ; que le fait que Madame [R] ait notifié une opposition à partage dans le cadre de la succession en se prévalant d’une créance alimentaire vis-à-vis de Monsieur [K] [G], ne signifie pas que les sommes versées dans le cadre du règlement de la succession du père de ce dernier prennent un caractère alimentaire et sont insaisissables ; qu’une opposition à partage ne produit pas les effets juridiques d’une saisie-attribution ; que la saisie-attribution des sommes devant revenir à Monsieur [K] [G] dans le cadre de la succession de son père n’a pas été contestée et a donné lieu à un certificat de non contestation en date du 30 août 2019 ; que du fait de cette saisie, la créance est sortie du patrimoine de Monsieur [K] [G] à la date du 8 juillet 2019.
La déclaration d’appel a été signifiée à la Sa Banque Kolb en date du 20 octobre 2022 par remise de l’acte à personne morale et les conclusions d’appel lui ont été, de la même manière, signifiées en date du 18 novembre 2022.
Cette société n’a pas constitué avocat.
MOTIFS
Vu les dernières écritures des parties ci-dessus spécifiées et auxquelles il est référé pour plus ample exposé de leurs prétentions et moyens, en application de l’article 455 du code de procédure civile ;
Vu les pièces régulièrement communiquées ;
Sur la recevabilité de la contestation formée par Madame [R]
En vertu de l’article R211-11 du code des procédures civiles d’exécution, à peine d’irrecevabilité la contestation est dénoncée le même jour, ou au plus tard le premier jour ouvrable suivant, par lettre recommandée avec demande d’avis de réception à l’ huissier de justice qui a procédé à la saisie.
En l’espèce, l’assignation à comparaître devant le juge de l’exécution a été délivrée à la SA Banque Kolb le lundi 20 janvier 2020 par la Selas Angle droit Vosges, huissiers de justice associés.
Il est produit le courrier recommandé avec avis de réception adressé par la Selas Angle droit Vosges en date du 21 janvier 2020 à maître [P] [W], huissier ayant signifié le procès-verbal de saisie-attribution litigieux ainsi que l’avis d’expédition de ce courrier portant le cachet de la poste en date du 21 janvier 2020.
Il s’ensuit que la preuve est rapportée du respect des diligences prévues par les dispositions susvisés de sorte qu’infirmant la décision déférée, la contestation formée par Madame [R] à l’encontre de la voie d’exécution pratiquée le 16 décembre 2019 sera déclarée recevable.
Sur la validité formelle de la saisie-attribution
En vertu de l’article R211-1 du code des procédures civiles d’exécution, l’acte de saisie attribution contient, à peine de nullité :
‘
3° le décompte distinct des sommes réclamées en principal, frais et intérêts échus, majoré d’une provision pour les intérêts à échoir dans le délai d’un mois prévu pour élever une contestation.
Il est de jurisprudence acquise que seule l’absence de décompte conforme au 3° de l’article R 211-1 est susceptible d’entraîner la nullité de l’acte et qu’aucune disposition légale n’impose au créancier saisissant de faire figurer sur l’acte de saisie le détail des intérêts ou des frais.
En l’espèce, le procès-verbal de saisie-attribution du 16 décembre 2019 comporte le décompte distinct des sommes réclamées en principal, frais et intérêts échus outre provision pour intérêts à venir.
La nullité de cet acte n’est donc pas encourue de ce chef.
Au fond
Aux termes de l’article L211-1 du code des procédures civiles d’exécution, tout créancier muni d’un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible peut, pour en obtenir le paiement, saisir entre les mains d’un tiers les créances de son débiteur portant sur une somme d’argent.
L’article L211-2 du même code dispose que l’acte de saisie emporte, à concurrence des sommes pour lesquelles il est pratiqué, attribution immédiate au profit du saisissant de la créance saisie, disponible entre les mains du tiers ainsi que de tous ses accessoires.
En l’espèce, le créancier poursuivant, en l’espèce le Fonds commun de titrisation Ornus, qui vient aux droits de la société Banque Kolb justifie d’un titre exécutoire, dûment signifié, en l’espèce l’arrêt de la cour d’appel de Colmar du 5 décembre 2018, de sorte qu’elle justifie à l’encontre de Madame [R], d’une créance liquide et exigible pour un montant de 94 373,12 € avec intérêts au taux contractuel de 4 % l’an à compter du 22 juillet 2014.
La banque a fait saisir attribuer entre les mains du notaire, chargé de la succession de Monsieur [L] [G], dont Monsieur [K] [G], codébiteur solidaire de Madame [R] est l’un des héritiers, les sommes dont le notaire est personnellement tenu envers Madame [R] au titre des sommes perçues dans le cadre de l’opposition qu’elle a formée à l’encontre de Monsieur [K] [G] dans la procédure de liquidation et partage de la succession de feu Monsieur [L] [G].
L’article L 112-2, 3° du code des procédures civiles d’exécution dispose que ne peuvent être saisies les provisions, sommes et pensions à caractère alimentaire, sauf pour le paiement des aliments déjà fournis par le saisissant à la partie saisie.
Il est de règle jurisprudentielle établie que la prestation compensatoire est intégralement insaisissable comme ayant un caractère alimentaire.
Il est constant que Madame [R] n’a aucunement vocation successorale au titre de la succession de son ex-beau-père mais qu’elle est créancière de son ex-époux, Monsieur [K] [G], en tant qu’il a été condamné à lui payer une somme de 133 600 € à titre de prestation compensatoire.
Dès lors, les sommes dont le notaire en charge de la succession pourrait, le cas échéant, être tenu envers Madame [R] au titre de l’opposition au partage qu’elle a formée, revêtent bien un caractère alimentaire et ne sont pas saisissables.
L’intimée soutient que la saisie -attribution qu’elle a fait pratiquer le 8 juillet 2019 entre les mains de M° [T] à raison des sommes qu’il pourrait devoir à Monsieur [K] [G] au titre de la liquidation de la succession de son père, n’ayant pas été contestée et ayant donné lieu à un procès-verbal de non-opposition en date du 30 août 2019, la créance saisie serait sortie du patrimoine de Monsieur [K] [G], en vertu de la règle de l’effet attributif immédiat de la saisie exécution.
Or, il résulte de ses propres écritures que le notaire ne détenait aucun fonds au 8 juillet 2019, au titre de la succession de Monsieur [L] [G], de sorte que Monsieur [K] [G] n’était titulaire d’aucune créance disponible entre les mains du notaire chargé de la succession au 8 juillet 2019 et que la saisie attribution pratiquée le même jour s’est trouvée inefficace et n’a pu produire aucun effet attributif immédiat.
La mise en ‘uvre de cette voie d’exécution ne prive pas Madame [R] du droit de contester la saisie attribution pratiquée à son préjudice en date du 16 décembre 2019.
Il suit de ces énonciations qu’il y a lieu d’ordonner la mainlevée de la saisie-attribution litigieuse.
Sur les dépens et l’article 700 du code de procédure civile
Les dispositions du jugement déféré seront infirmées quant aux dépens et la Sa Banque Kolb et le Fonds commun de titrisation Ornus seront condamnés aux dépens de première instance.
Parties perdantes à hauteur de cour, la Sa Banque Kolb et le Fonds commun de titrisation Ornus seront condamnés in solidum à payer à Madame [R] une somme de 1 500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La Cour,
Statuant publiquement et par arrêt réputé contradictoire,
INFIRME la décision déférée,
Et statuant à nouveau,
DECLARE recevable la contestation formée par Madame [F] [R] à l’encontre de la saisie-attribution du 16 septembre 2019, pratiquée à l’initiative de la société Banque Kolb entre les mains de la Scp [T] et associés, notaires, en exécution de l’arrêt de la cour d’appel de Colmar du 5 décembre 2018,
REJETTE la demande en nullité de ladite saisie-attribution,
ORDONNE la mainlevée de la saisie-attribution du 16 septembre 2019, comme portant sur une créance alimentaire,
CONDAMNE in solidum la Sa Banque Kolb et le Fonds de titrisation Ornus à payer à Madame [R] la somme de 1 500 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
CONDAMNE in solidum la Sa Banque Kolb et le Fonds de titrisation Ornus aux dépens de première instance et d’appel.
La Greffière La Présidente