MINUTE N° 23/310
Copie exécutoire à :
– Me Claus WIESEL
– Me Orlane AUER
Le
Le greffier
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D’APPEL DE COLMAR
TROISIEME CHAMBRE CIVILE – SECTION A
ARRET DU 12 Juin 2023
Numéro d’inscription au répertoire général : 3 A N° RG 22/03335 – N° Portalis DBVW-V-B7G-H5FC
Décision déférée à la cour : jugement rendu le 10 juin 2022 par le juge de l’exécution de Mulhouse
APPELANTS :
Monsieur [O] [U]
[Adresse 2]
[Localité 5]
Représenté par Me Claus WIESEL, avocat au barreau de COLMAR
SASU SM AUTOS
agissant en la personne de son représentant légal
[Adresse 1]
[Localité 5]
Représentée par Me Claus WIESEL, avocat au barreau de COLMAR
INTIMÉ :
Madame [C] [S]
[Adresse 3]
[Localité 4]
Représentée par Me Orlane AUER, avocat au barreau de COLMAR
COMPOSITION DE LA COUR :
L’affaire a été débattue le 27 mars 2023, en audience publique, devant la cour composée de :
Mme MARTINO, Présidente de chambre
Mme FABREGUETTES, Conseiller
M. LAETHIER, Vice-Président placé
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Mme HOUSER
ARRET :
– contradictoire
– prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
– signé par Mme Annie MARTINO, président et Mme Anne HOUSER, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
*****
FAITS CONSTANTS ET PROCEDURE
Par jugement définitif rendu le 11 juin 2019 par le tribunal d’instance de Mulhouse, assorti de l’exécution provisoire, Monsieur [O] [U] a été condamné à payer à Madame [C] [S] la somme de 6 452,83 € augmentée des intérêts légaux à compter du 4 août 2014, ainsi que la somme de 1 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Selon procès-verbal du 6 novembre 2019, Madame [C] [S] fait procéder à la saisie-attribution des sommes détenues dans les livres de la Sa La Banque Postale au nom de Monsieur [O] [U], pour paiement des sommes dues au titre du jugement précité, outre les intérêts et les frais, pour un montant total de 8 877,49 €.
Selon procès-verbal du 3 décembre 2019, Madame [C] [S] a fait procéder à la saisie-attribution des sommes détenues au nom de Monsieur [O] [U] entre les mains du Crédit Mutuel Wittenheim pour paiement des mêmes sommes, ainsi qu’à la saisie des droits d’associés et des valeurs mobilières appartenant à Monsieur [O] [U].
Par acte du 16 décembre 2019, Monsieur [O] [U] et la Sasu SM Autos ont assigné Madame [C] [S] devant le juge de l’exécution du tribunal judiciaire de Mulhouse, aux fins de voir constater que les comptes objet des saisies-attribution n’appartiennent pas au débiteur et que l’huissier est démuni de tout titre exécutoire à l’encontre de la Sasu SM Autos, de voir ordonner la mainlevée immédiate des saisies-attributions menées le 6 novembre 2019 sur le compte ouvert au nom de la Sasu SM Autos auprès de la Banque Postale, respectivement le Crédit Mutuel Wittenheim, compte 03010 000 208708 01 et de voir condamner la défenderesse à payer à la Sasu SM Autos la somme
de 1 000 € de dommages et intérêts pour procédure abusive et la somme de 1 000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
Ils ont fait valoir que Monsieur [O] [U] a cessé d’exploiter en son nom personnel le garage [Adresse 6] depuis le 31 mars 2014 et que le compte ouvert dans les livres de La Banque Postale est le compte professionnel de la Sasu SM Autos ; que la banque tiers saisi a opéré une confusion entre les deux personnes juridiques.
Madame [C] [S] a conclu à l’irrecevabilité, subsidiairement au mal fondé des demandes de mainlevée des saisies et à la condamnation des demandeurs aux dépens ainsi qu’au paiement d’une somme de 1 000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile. Elle a fait valoir qu’elle dispose d’un titre exécutoire à l’encontre de Monsieur [O] [U] et qu’aucun grief ne peut être élevé à son encontre concernant les réponses apportées par un tiers saisi ; que Monsieur [O] [U] ne rapporte aucune preuve de ce qu’il n’est pas titulaire des sommes dont la banque a déclaré être tenue envers lui.
Par jugement du 10 juin 2022, le juge de l’exécution du tribunal judiciaire de Mulhouse a :
-dit que le litige se limite à la contestation de la saisie-attribution signifiée le 9 novembre 2019 à La Banque Postale et dénoncée à Monsieur [O] [U] le 14 novembre 2019 à la requête de Madame [C] [S],
-déclaré irrecevable la contestation formée par Monsieur [O] [U] et la Sasu SM Autos par assignation du 16 décembre 2019,
-condamné Monsieur [O] [U] et la Sasu SM Autos aux dépens,
-débouté la Sasu SM Autos de sa demande au titre des frais irrépétibles,
-condamné Monsieur [O] [U] et la Sasu SM Autos à payer à Madame [C] [S] chacun la somme de 500 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
Pour se déterminer ainsi, le premier juge a retenu que selon les écritures des demandeurs, le litige déféré au juge est limité à la saisie-attribution signifiée le 6 novembre 2019 entre les mains de La Banque Postale ; que les demandeurs n’ont pas répondu au
moyen d’irrecevabilité soulevé d’office à l’audience du 5 février 2021 par le juge, relatif à la preuve de l’expédition de la lettre de dénonciation à l’huissier poursuivant le jour même de l’assignation en contestation de la saisie ; que la production d’une copie de la lettre datée du mardi 17 décembre 2010 sans preuve de son envoi est insuffisante à démontrer le respect des formalités précitées, prescrites à peine d’irrecevabilité de la demande.
Cette décision a été notifiée à Monsieur [O] [U] par lettre recommandée dont l’avis de réception porte que le destinataire est inconnu à l’adresse et à la Sasu SM Autos par lettre recommandée présentée le 17 juin 2022, non réclamée.
Ils en ont interjeté appel le 24 août 2022.
Par écritures notifiées le 20 octobre 2022, ils concluent à l’infirmation du jugement déféré et demandent à la cour de :
-constater que les comptes ayant fait l’objet de la saisie-attribution ayant été menée par Madame [C] [S] n’appartiennent pas au débiteur et que, dans ces conditions, l’huissier ne saurait se prévaloir d’un quelconque titre exécutoire à l’encontre de la Sasu SM Autos,
-ordonner la mainlevée des saisies-attributions pratiquées,
-condamner Madame [C] [S] à payer aux appelants une somme de 1 500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
-la condamner aux entiers frais et dépens.
Ils maintiennent que l’exploitation personnelle de Monsieur [O] [U] a été clôturée le 31 mars 2014 ; que par courrier du 12 novembre 2019, La Banque Postale l’a informé de la prise en compte de la saisie-attribution signifiée le 6 novembre ; que l’adresse de ce courrier n’est cependant pas le domicile de Monsieur [O] [U], mais le siège social de la Sasu SM Autos et que les établissements financiers ont confondu les entités juridiques concernées.
Ils font valoir que le litige ne peut être limité à la saisie-attribution ayant été signifiée le 6 novembre 2019 et concerne également la contestation formée selon assignation du 16 décembre 2019 ; que leur contestation est recevable, compte tenu de la production du courrier visé par le juge.
Par écritures notifiées le 21 novembre 2022, Madame [C] [S] a conclu au rejet de l’appel et a sollicité confirmation de la décision entreprise, au besoin par substitution de motifs, et à la condamnation solidaire des appelants à lui payer la somme de 1 500 € à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive ainsi que la somme de 1 500 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, outre les dépens.
Elle fait valoir que dans le cadre de leurs dernières écritures, les demandeurs ont limité leur demande à la mainlevée immédiate des saisies-attributions menées le 6 novembre 2019 sur le compte ouvert au nom de la requérante auprès de La Banque Postale, respectivement du Crédit Mutuel Wittenheim ; que le premier juge a, à juste titre considéré que le litige était circonscrit à la saisie-attribution signifiée le 6 novembre 2019.
Elle fait valoir par ailleurs que les appelants ne produisent nullement la copie du courrier du 17 décembre 2019, non plus que la preuve de son envoi ; que les appelants ne justifient par ailleurs pas de ce que les sommes saisies n’appartiendraient pas à Monsieur [O] [U] et ne sollicitent pas de voir déclarer la contestation recevable ; qu’il appartenait à la Sasu SM Autos de contester la saisie opérée entre les mains de la Caisse de Crédit Mutuel de Wittenheim dans le délai d’un mois suivant sa dénonciation, dans la mesure où il s’agit de deux actes de saisie différents ; que les demandeurs sont irrecevables désormais pour ce faire ; que subsidiairement, s’il devait être considéré que la contestation diligentée ad 2 porte également sur la saisie-attribution opérée entre les mains du Crédit Mutuel, elle fait valoir que la saisie était parfaitement justifiée, Monsieur [O] [U] n’établissant pas que les montants précisés par l’établissement bancaire comme figurant sur ses comptes ne lui appartiendraient pas ; que le caractère abusif de la procédure justifie l’allocation de dommages et intérêts.
MOTIFS
Sur l’objet du litige :
En vertu des dispositions de l’article 4 du code de procédure civile, l’objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties. Ces prétentions sont fixées par l’acte introductif d’instance et par les conclusions en défense. Toutefois, l’objet peut être modifié par les demandes incidentes.
L’article 5 du même code dispose que le juge doit se prononcer sur tout ce qui est demandé et seulement sur ce qui est demandé.
En l’espèce, aux termes de leur assignation délivrée le 16 décembre 2019, Monsieur [O] [U] et la Sasu SM Autos demandaient à titre principal que soit ordonnée la mainlevée
immédiate des saisies-attributions menées le 6 novembre 2019 sur le compte ouvert au nom de la requérante ad 2 auprès de La Banque Postale, respectivement du Crédit Mutuel Wittenheim, compte 03010 000208708 01.
Lors de l’audience de plaidoirie du 29 avril 2022, les demandeurs ont déposé des conclusions portant le cachet du tribunal à cette date, reprenant strictement le dispositif contenu dans l’assignation et précisant dans les motifs que la mainlevée immédiate de la saisie des deux comptes est demandée et que l’objet de la procédure ne concerne en revanche pas la saisie des droits d’associés.
Si seule la date de la saisie-attribution pratiquée dans les livres de La Banque Postale est précisée, force est cependant de constater que la demande de mainlevée porte sur les saisies-attribution auprès de La Banque Postale, respectivement le Crédit Mutuel Wittenheim, de sorte que c’est à tort que le premier juge a retenu que le litige était circonscrit à la saisie-attribution pratiquée le 6 novembre 2019 entre les mains de La Banque Postale.
Sur la recevabilité des contestations :
En vertu des dispositions de l’article R 211-11 du code des procédures civiles d’exécution, à peine d’irrecevabilité, les contestations relatives à la saisie sont formées dans le délai d’un mois à compter de la dénonciation de la saisie au débiteur. Sous la même sanction, elles sont dénoncées le même jour ou, au plus tard, le premier jour ouvrable suivant, par lettre recommandée avec demande d’avis de réception, à l’huissier de justice qui a procédé à la saisie.
Contrairement à ce qu’ils soutiennent, les appelants ont été en mesure de présenter leurs observations sur la question de la recevabilité de leur contestation, dans la mesure où il ressort du procès-verbal d’audience du 5 février 2021 que « la présidente a soulevé la recevabilité de la contestation, respectivement le délai d’un mois + l’huissier poursuivant » ; que les demandeurs disposaient ainsi d’un délai jusqu’au 29 avril 2022, date de l’audience de plaidoirie, pour conclure sur ce point et produire tout élément utile.
Selon les énonciations du jugement déféré, le premier juge a retenu que la production d’une copie de lettre datée du mardi 17 décembre 2019 sans preuve de son envoi est insuffisante à démontrer que les formalités, prescrites à peine d’irrecevabilité, ont été respectées.
Force est de constater qu’en appel, Monsieur [O] [U] et la Sasu SM Autos ne produisent plus ce courrier et ne justifient a fortiori pas de son envoi, de sorte que le jugement déféré doit être confirmé en ce qu’il a déclaré irrecevable la contestation élevée par Monsieur [O] [U] et la Sasu SM Autos relativement à la saisie-attribution pratiquée dans les livres de La Banque Postale. Y ajoutant, il convient de déclarer irrecevable, pour les mêmes motifs, la contestation relative à la saisie attribution pratiquée dans les livres du Crédit Mutuel Wittenheim.
Sur la demande en dommages et intérêts pour procédure abusive :
Bien que le recours soit mal fondé, il n’est pas démontré que le droit de faire appel dont disposent les demandeurs ait dégénéré en abus, de sorte que la demande en dommages et intérêts pour procédure abusive sera rejetée.
Sur les frais et dépens :
Les dispositions du jugement déféré quant aux frais et dépens seront confirmées.
Partie perdante, les appelants seront condamnés aux dépens de l’instance, conformément aux dispositions de l’article 696 du code de procédure civile et seront déboutés de leur demande fondée sur l’article 700 du même code.
Il sera en revanche fait droit à la demande de l’intimée au titre des frais non compris dans les dépens qu’elle a dû exposer pour défendre ses droits en appel, à hauteur de la somme de 1500 €.
PAR CES MOTIFS
LA COUR, statuant publiquement, par arrêt contradictoire,
INFIRME le jugement déféré en ce qu’il a dit que le litige se limite à la contestation de la saisie-attribution signifiée le 9 novembre 2019 à La Banque Postale et dénoncée à Monsieur [O] [U] le 14 novembre 2019 à la requête de Madame [C] [S],
Statuant à nouveau de ce chef,
DIT que le litige porte sur la contestation des deux saisies-attribution pratiquées sur les comptes ouverts dans les livres de La Banque Postale et de la Caisse de Crédit Mutuel Wittenheim,
CONFIRME le jugement déféré pour le surplus,
Y ajoutant,
DECLARE irrecevable la contestation de la saisie-attribution pratiquée dans les livres de la Caisse de Crédit Mutuel Wittenheim,
DEBOUTE Madame [C] [S] de sa demande en dommages et intérêts pour procédure abusive,
CONDAMNE in solidum Monsieur [O] [U] et la Sasu SM Autos à payer à Madame [C] [S] la somme de 1 500 € par application de l’article 700 du code de procédure civile,
DEBOUTE Monsieur [O] [U] et la Sasu SM Autos de leur demande fondée sur l’article 700 du code de procédure civile,
CONDAMNE Monsieur [O] [U] et la Sasu SM Autos aux dépens de l’instance d’appel.
La Greffière La Présidente