COUR D’APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 78G
16e chambre
ARRET N°
RÉPUTÉ
CONTRADICTOIRE
DU 11 MAI 2023
N° RG 22/06902 – N° Portalis DBV3-V-B7G-VQT7
AFFAIRE :
[T] [E]
[C], [J], [R] [L] épouse [E]
C/
CAISSE DES DEPOTS ET CONSIGNATIONS
URSSAF [Localité 8]
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 25 Octobre 2022 par le Juge de l’exécution de NANTERRE
N° RG : 22/05213
Expéditions exécutoires
Expéditions
Copies
délivrées le : 11.05.2023
à :
Me Carine TARLET de la SELEURL CABINET TARLET, avocat au barreau de VERSAILLES
Me Christophe DEBRAY, avocat au barreau de VERSAILLES
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE ONZE MAI DEUX MILLE VINGT TROIS,
La cour d’appel de Versailles, a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :
Monsieur [T] [E]
né le [Date naissance 3] 1939 à [Localité 7]
de nationalité Française
[Adresse 2]
[Adresse 2]
Madame [C], [J], [R] [L] épouse [E]
née le [Date naissance 1] 1936 à [Localité 10]
de nationalité Française
[Adresse 2]
[Adresse 2]
Représentant : Me Carine TARLET de la SELEURL CABINET TARLET, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 590
APPELANTS
****************
CAISSE DES DEPOTS ET CONSIGNATIONS
Établissement public à caractère spécial créé par la loi du 28 avril 1816 et codifié aux articles L 518-2 et suivants du Code Monétaire et Financier
[Adresse 6]
[Adresse 6]
Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
Représentant : Me Christophe DEBRAY, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 627 – N° du dossier 22476 – Représentant : Me Thierry BISSIER, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : B0481, substitué par Me Marion GELIN, avocat au barreau de PARIS
INTIMÉE
URSSAF [Localité 8]
[Adresse 4]
[Adresse 4]
Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
Déclaration d’appel signifiée à personne habilitée le 13 Décembre 2022
INTIMÉE DÉFAILLANTE
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 05 Avril 2023 les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Madame Fabienne PAGES, Président et Madame Caroline DERYCKERE, Conseiller entendu en son rapport.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Fabienne PAGES, Président,
Madame Caroline DERYCKERE, Conseiller,
Madame Florence MICHON, Conseiller,
Greffier, lors des débats : Mme Mélanie RIBEIRO,
EXPOSÉ DU LITIGE
Sur saisie immobilière initiée par l’Union Industrielle de Crédit venant aux droits de la SOFAL, le bien immobilier qui appartenait à M. [T] [E] et Mme [C] [L] son épouse a fait l’objet d’une vente forcée suivant jugement d’adjudication du tribunal de grande instance de Nanterre en date du 9 juin 1994. La procédure d’ordre, portant sur la somme de 7.262.448,51 francs à distribuer entre les différents créanciers poursuivant et inscrits, a trouvé son règlement définitif par décision du juge aux ordres de [Localité 9] du 29 mai 2000, ayant colloqué les créanciers, notamment Urssaf, sans aucun reliquat à restituer aux débiteurs saisis.
Exposant avoir été informés par la Caisse des dépôts et consignations que le compte de consignation présentait un solde créditeur de 23 836,11 € au 15 avril 2002 correspondant à la créance de l’Urssaf pour laquelle elle a été colloquée mais que celle-ci n’a pas réclamée, et s’être heurtés par courriers des 22 avril 2008 et 9 septembre 2019 au refus de la Caisse des dépôts et consignations de procéder à la déconsignation de cette somme à leur profit, ils ont par acte d’huissier du 1er avril 2022, fait assigner la Caisse des dépôts et consignations et l’Urssaf d’Ile de France devant le juge de l’exécution de Nanterre.
Par jugement réputé contradictoire du 25 octobre 2022, le juge de l’exécution de Nanterre a :
Déclaré M [T] [E] et Mme [C] [L] épouse [E] irrecevables en leur action;
Débouté M [T] [E] et Mme [C] [L] épouse [E] de l’ensemble de leurs demandes ;
Débouté la Caisse des dépôts et consignations de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
Condamné M [T] [E] et Mme [C] [L] épouse [E] aux dépens ;
Rappelé que la décision est exécutoire de droit.
Le 17 novembre 2022, M [T] [E] et Mme [C] [L] son épouse ont interjeté appel du jugement. La déclaration d’appel a été signifiée à l’ Urssaf d’Ile de France le 13 décembre 2022, par acte délivré à personne habilitée.
Aux termes de leurs dernières conclusions transmises au greffe le 5 janvier 2023, dûment signifiées à l’Urssaf défaillante par acte du 9 janvier 2023, auxquelles il convient de se reporter pour l’exposé détaillé de leurs prétentions et moyens, les appelants demandent à la cour l’infirmation du jugement [entrepris en toutes ses dispositions ]et statuant à nouveau de :
Déclarer recevable leur action,
Statuer sur le fait que le juge de l’exécution de Nanterre avait la compétence et le pouvoir de statuer sur la demande, au risque de commettre un déni de justice, ou à défaut, préciser quel juge ils auraient dû saisir,
En tout état de cause,
Evoquer le fond au vu du fait qu’il serait en l’espèce de bonne justice de donner à l’affaire une solution définitive en vertu de l’article 88 du code de procédure civile,
Par conséquent :
Ordonner la mainlevée de la consignation des sommes restant consignées à la Caisse des dépôts et consignations sur le compte n° 41520 ce-incluant les intérêts produits par le dépôt initial,
En conséquence,
Ordonner la restitution par la Caisse des dépôts et consignations à M et Mme [E] du solde du compte de consignation n° 41520 établi à la date de la décision à intervenir,
Condamner l’ Urssaf d’Ile de France à leur payer la somme de 2 500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
Condamner l’ Urssaf d’Ile de France aux entiers dépens de l’instance,
Débouter les intimés de leurs demandes contraires.
Par dernières conclusions transmises au greffe le 23 janvier 2023, dûment signifiées à l’Urssaf défaillante par acte du 31 janvier 2023, auxquelles il convient de se reporter pour l’exposé détaillé de ses prétentions et moyens, la Caisse des dépôts et consignations, intimée, demande à la cour de :
Vu le règlement définitif du 29 mai 2000 et le relevé du compte consignation n°[XXXXXXXXXX05],
Donner acte à la Caisse des dépôts et consignations qu’elle s’en rapporte à justice sur la demande des époux [E] de débloquer à leur profit le solde créditeur du compte consignation n°[XXXXXXXXXX05],
En tout état de cause,
Juger que la Caisse des dépôts et consignations procédera au transfert des fonds disponibles sur le compte consignation n°[XXXXXXXXXX05] en exécution d’une décision judiciaire définitive,
Débouter l’ensemble des parties de toute demande qui serait formulée contre la Caisse des Dépôts et Consignations,
Condamner la(les) partie(s) succombante(s) à payer, au besoin in solidum, à la Caisse des dépôts et consignations la somme de 1 500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
Condamner la(les) partie(s) succombante(s), au besoin in solidum, aux entiers dépens.
La clôture de l’instruction a été prononcée le 21 mars 2023.
L’urssaf n’ayant pas constitué avocat, l’arrêt sera réputé contradictoire à son égard.
L’audience de plaidoirie a été fixée au 5 avril 2023 et le prononcé de l’arrêt au 11 mai 2023 par mise à disposition au greffe de la cour, dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
MOTIFS DE LA DÉCISION
A titre liminaire la cour rappelle qu’en application des dispositions de l’article 954 du code de procédure civile, elle ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif, pour autant qu’elles sont soutenues par des moyens développés dans la discussion et ne répond aux moyens que pour autant qu’ils donnent lieu à une prétention correspondante figurant au dispositif des conclusions.
Pour statuer comme il l’a fait, au visa des articles L213-6 et R121-4 du code des procédures civiles d’exécution, et en considération de la date d’entrée en vigueur de l’ordonnance n°2006-461 du 21 avril 2006 et du décret du 27 juillet 2006 portant réforme de la procédure de saisie immobilière, le juge de l’exécution a retenu que la saisie de l’immeuble des époux [E] n’avait pas été soumise à une procédure de distribution mais à une procédure d’ordre définitivement terminée depuis le jugement du 29 mai 2000, et ne pouvant pas relever du juge de l’exécution, et qu’à défaut de mesure d’exécution forcée en cours, leur demande s’analysant en une demande en paiement, excédait les pouvoirs reconnus au juge de l’exécution, et devait être présentée au juge du fond. Ce faisant, le juge de l’exécution n’a pas rendu une décision d’incompétence qui aurait dû donner lieu à un renvoi de l’affaire devant la juridiction qu’il estimait compétente, mais une décision d’irrecevabilité. Il n’y a donc pas lieu de préciser quel juge les époux [E] auraient dû saisir.
Il n’y a pas lieu non plus d’évoquer le fond de l’affaire en application de l’article 88 du code de procédure civile, la cour étant saisie de l’entier litige par l’effet dévolutif de l’appel.
Il est constant que l’immeuble ayant appartenu à M et Mme [E] a fait l’objet d’une procédure de saisie immobilière.
Même si elle a été diligentée sous l’empire des anciennes dispositions, il résulte de l’ordonnance n°2006-461 du 21 avril 2006 et du décret du 27 juillet 2006 portant réforme de la procédure de saisie immobilière, que l’ensemble de la procédure et des incidents relatifs à une mesure de saisie immobilière, que ce soit au stade de l’adjudication ou de la répartition du prix de vente, est entré dans le champ des attributions du juge de l’exécution qui désormais, est la seule juridiction susceptible d’en connaître.
La difficulté soulevée par les époux [E] portant sur le sort d’une somme consignée à la suite de l’adjudication de l’immeuble, colloquée au profit d’un créancier mais non réclamée par celui-ci entrait donc parfaitement dans les pouvoirs reconnus désormais au juge de l’exécution, qui aurait par conséquent dû statuer sur la demande. Le jugement ayant déclaré l’action irrecevable doit être infirmé.
A l’appui de leur demande de déconsignation à leur profit des fonds séquestrés, les appelants font valoir que leur demande a été formée dans le délai de 5 ans prévu par l’article 2224 du code civil après le rejet de leur requête adressée à la Caisse des dépôts et consignations par courrier recommandé du 31 août 2018, et n’est donc pas prescrite. Cependant, la prescription de l’action n’étant pas sauf exception une fin de non-recevoir que le juge peut relever d’office, il n’y a pas lieu de statuer sur ce moyen d’irrecevabilité qui n’est pas opposé par la partie intimée.
Pour justifier leur demande, les appelants ajoutent que le délai d’exécution d’une décision de justice étant désormais de 10 ans, l’Urssaf ne peut plus poursuivre son paiement auprès de la Caisse des dépôts et consignations, et que ce créancier ayant été colloqué à hauteur de 23 836,11 €, ils sont réputés s’être acquittés de leur dette vis-à-vis de cet organisme dans le cadre de la procédure de saisie immobilière, et ne peuvent plus être poursuivis à ce titre.
Cependant, dès lors que les fonds provenant de l’adjudication ont été consignés et que la procédure d’ordre a permis la délivrance à chaque créancier d’un bordereau de collocation dûment exécutoire, la dette des époux [E] s’est éteinte par le paiement, à hauteur du montant attribué à l’Urssaf, ce qu’ils reconnaissent d’ailleurs dans leurs écritures. Ils n’ont donc plus aucun droit à faire valoir sur le prix d’adjudication, le juge aux ordres ayant constaté qu’aucun reliquat ne restait à leur revenir. Le montant attribué à l’Urssaf, qui est acquis et définitivement affecté à l’extinction de la dette de M et Mme [E] dont il s’agit, empêche en effet l’Urssaf désormais de se retourner contre eux. Mais le manque de diligence de cet organisme pour retirer les sommes qui lui sont réservées auprès de la Caisse des dépôts et consignations n’est opposable ni aux époux [E], ni surtout par eux, de sorte que leur demande de déconsignation de cette somme à leur profit ne repose sur aucun fondement.
Ils doivent donc être déboutés de toutes leurs demandes.
Ils supporteront les dépens d’appel et aucune considération d’équité ne commande de faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile au profit de quiconque.
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant publiquement par décision réputée contradictoire en dernier ressort,
INFIRME la décision entreprise en ce qu’elle a déclaré l’action des demandeurs irrecevables ;
Statuant à nouveau,
Déclare M [T] [E] et Mme [C] [L] son épouse recevables ;
Les déboute de l’ensemble de leurs demandes,
Déboute la Caisse des dépôts et consignations de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
Condamne in solidum M [T] [E] et Mme [C] [L] son épouse aux dépens d’appel.
Arrêt prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile, signé par Madame Fabienne PAGES, Président et par Madame Mélanie RIBEIRO, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le greffier, Le président,