Saisine du juge de l’exécution : 11 mai 2023 Cour d’appel de Versailles RG n° 22/06767

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Saisine du juge de l’exécution : 11 mai 2023 Cour d’appel de Versailles RG n° 22/06767

COUR D’APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 78F

16e chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 11 MAI 2023

N° RG 22/06767 – N° Portalis DBV3-V-B7G-VQJH

AFFAIRE :

[V] [S]

C/

S.A. CREDIT IMMOBILIER DE FRANCE DEVELOPPEMENT (CIFD)

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 28 Octobre 2022 par le Juge de l’exécution de CHARTRES

N° RG : 22/01644

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le : 11.05.2023

à :

Me Mathieu KARM de la SCP MERY – RENDA – KARM – GENIQUE, avocat au barreau de CHARTRES

Me Valérie RIVIERE-DUPUY de la SCP IMAGINE BROSSOLETTE, avocat au barreau de CHARTRES

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE ONZE MAI DEUX MILLE VINGT TROIS,

La cour d’appel de Versailles a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :

Monsieur [V] [S]

né le [Date naissance 1] 1946 à [Localité 7]

de nationalité Française

[Adresse 4]

[Localité 3]

Représentant : Me Mathieu KARM de la SCP MERY – RENDA – KARM – GENIQUE, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de CHARTRES, vestiaire : 000040 – N° du dossier 29320

APPELANT

****************

S.A. CREDIT IMMOBILIER DE FRANCE DEVELOPPEMENT (CIFD)

Venant aux droits de CREDIT IMMOBILIER DE FRANCE ILE DE FRANCE (CIF IDF) suite à fusion par absorption selon procès-verbal d’AGE et d’AGO en date du 21 avril 2016 publié au Tribunal de Commerce de PARIS le 27 mai 2016

N° Siret : 379 502 644 (RCS Paris)

[Adresse 2]

[Localité 5]

Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

Représentant : Me Delphine DURANCEAU de la SELARL DURANCEAU PARTENAIRES & ASSOCIÉS, Plaidant, avocat au barreau de GRASSE, vestiaire : 236 – Représentant : Me Valérie RIVIERE-DUPUY de la SCP IMAGINE BROSSOLETTE, Postulant, avocat au barreau de CHARTRES, vestiaire : 000034 – N° du dossier E00006UN, substituée par Me Noémie CORLOUER, avocat au barreau de CHARTRES, vestiaire : 000034 –

INTIMÉE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 05 Avril 2023 les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Madame Caroline DERYCKERE, Conseiller chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Fabienne PAGES, Président,

Madame Caroline DERYCKERE, Conseiller,

Madame Florence MICHON, Conseiller,

Greffier, lors des débats : Mme Mélanie RIBEIRO,

EXPOSÉ DU LITIGE

Le Crédit immobilier de France Ile de France a accordé à M. [S], deux prêts constatés par actes notariés des 1er mars 2007 et 9 novembre 2007, le premier portant sur un capital de 153 310 euros le second sur un capital de 21 470 euros.

Le 30 avril 2009, la banque a notifié à M. [S] la déchéance du terme des prêts immobiliers et l’a informé du fait qu’une procédure de saisie immobilière serait engagée, s’il ne régularisait pas sa situation rapidement. Plusieurs mesures d’exécution ont été diligentées par la banque, dont une saisie immobilière suivant commandement signifié le 2 octobre 2010, portant sur la somme totale de 192 966,98 euros, finalement déclaré périmé par jugement du juge de l’exécution de Chartres du 25 octobre 2018, confirmé par la présente cour d’appel par arrêt du 24 octobre 2019. 

En parallèle, M. [S] avait assigné la banque le 19 octobre 2010 devant le tribunal de grande instance de Chartres en responsabilité, pour, notamment, manquement au devoir de mise en garde dans le cadre de l’octroi des deux contrats de prêts, la banque agissant à titre reconventionnel en paiement de sa créance. 

A l’issue de cette procédure émaillée d’une multitude d’incidents, le tribunal judiciaire de Chartres, par jugement partiellement avant dire droit du 31 mars 2021, a :

constaté l’intervention volontaire de la société Crédit immobilier de France développement, venant aux droits de la société Crédit immobilier de France Ile-de-France ;

déclaré M. [S] recevable en ses demandes ;

débouté M. [S] de ses demandes de dommages et intérêts ;

déclaré recevables les demandes en paiement de la société Crédit immobilier de France développement venant aux droits de la société Crédit immobilier de France Ile-de-France dirigées contre M. [S] ;

condamné M. [S] à payer à la société Crédit immobilier de France développement venant aux droits de la société Crédit immobilier de France Ile-de-France la somme de 31 046,41 euros et ce avec intérêts au taux contractuel de 4,30% à compter du présent jugement, au titre du prêt Libre Jeune n°154220 souscrit par acte notarié du 9 novembre 2007 ;

sursis à statuer s’agissant du prêt Libre Jeune n°144987 souscrit par acte notarié du 1er mars 2007

enjoint à la société Crédit immobilier de France développement venant aux droits de la société anonyme Crédit immobilier de France Ile-de-France, : 

De produire un décompte de créance détaillant les intérêts appliqués depuis le début du prêt au-delà du taux usuraire de 6,24%,

De recalculer sa créance en opérant une réduction du taux d’intérêt au montant du taux plafond de 6,24% par la suppression de la partie usuraire des intérêts et le recalcul de ces derniers, étant précisé que la réduction des perceptions excessives devra s’imputer de plein droit sur les intérêts normaux échus et subsidiairement sur le capital de la créance,

De détailler les divers éléments entrés en compte dans le calcul du taux effectif global,

avec réouverture des débats à l’audience de mise en état en date du 22 avril 2021.

Vidant sa saisine, le tribunal de Chartres a par jugement du 15 juin 2022 :

Constaté que le dispositif du jugement avant dire droit n’a pas tranché la contestation de fond sur le caractère usuraire du taux,

Constaté que le TEG de 6,352% appliqué par le CIFD dans son offre de prêt souscrite par M [S] le 1er mars 2007 est supérieur au taux de 6,12% applicable aux emprunts à taux révisable au 1er janvier 2007 et en cela doit être qualifié d’usuraire,

Condamné M [S] à payer au CIFD venant aux droits du Crédit Immobilier de France Ile de France la somme de 213 693,77 euros avec intérêts au taux légal à compter du jugement,

Condamné M [S] aux dépens et dit n’y avoir lieu à exécution provisoire.

Ce jugement est actuellement frappé d’appel à l’initiative de la banque.

Se prévalant des deux actes notariés des 1er mars 2007 et 9 novembre 2007, la société Crédit immobilier de France Ile-de-France a, le 1er juin 2022, fait dresser un procès-verbal de saisie-attribution entre les mains de la société Banque postale à l’encontre de M. [S] pour avoir paiement de la somme principale de 183 257,52 euros, outre les intérêts et les frais. Cette mesure d’exécution, fructueuse à hauteur de 19 193,32 €, a été dénoncée le 2 juin 2022 au débiteur. 

Statuant sur la contestation de la saisie introduite pas assignation du débiteur en date du 27 juin 2022, le juge de l’exécution de Chartres par jugement contradictoire du 28 octobre 2022 a :

débouté M. [S] de l’ensemble de ses demandes ;

dit n’y avoir lieu à ordonner la mainlevée de la saisie attribution pratiquée le 1er juin 2022 entre les mains de la société Banque postale et à l’encontre M. [S] ;

rappelé qu’après la notification aux parties de la présente décision, le tiers saisi paie le créancier sur présentation de cette décision ;

débouté la société Crédit immobilier de France développement de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive ;

débouté les parties de leurs demandes fondées sur l’article 700 du code de procédure civile ;

condamné M. [S] aux dépens ;

rappelé que le jugement bénéficie de l’exécution provisoire de droit. 

Le 9 novembre 2022, M [S] a interjeté appel du jugement.

Aux termes de ses dernières conclusions transmises au greffe le 19 décembre 2022, auxquelles il convient de se reporter pour l’exposé détaillé de ses prétentions et moyens, l’appelant demande à la cour de :

le dire recevable et fondé en son appel,  

Y faisant droit,  

réformer le jugement rendu le 28 octobre 2022 par le juge de l’exécution du tribunal judiciaire de Chartres en ce qu’il a débouté M. [S] de sa demande de nullité et, par suite, de mainlevée de la saisie-attribution litigieuse ainsi que des dommages et intérêts pour abus de saisie ; 

annuler en conséquence le procès-verbal de saisie-attribution délivré à la requête du Crédit immobilier de France développement le 1er juin 2022 à l’agence La banque postale de [Localité 6] et dénoncé le 2 juin 2022 à M. [S], avec toutes conséquences de droit ; 

condamner le Crédit immobilier de France développement à verser à M. [S] : 

la somme de 5 000,00 euros à titre de dommages et intérêts pour abus de saisie, 

la somme de 2 500,00 euros par application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, 

condamner le Crédit immobilier de France développement aux dépens de première instance et d’appel dont distraction au profit de Maître Mathieu Karm, membre de la SCP Pichard-Devémy-Karm, avocat aux offres de droit, conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile. 

Au soutien de ses demandes, M. [S] fait valoir : 

que les créances fondant les poursuites ne sont ni liquides, ni exigibles, ce,  en contravention avec les prescriptions de l’article L111-1 [sic] du code des procédures civiles d’exécution puisqu’au jour de la saisie-attribution, les deux titres exécutoires sur lesquels s’est fondé le Crédit immobilier de France développement avaient déjà été remis en question et ne peuvent, par suite, pas faire l’objet de mesure d’exécution forcée tant que la cour, saisie de l’appel des jugements, ayant sanctionné le fond de la créance, n’aura pas statué ;

qu’en vertu de l’article R211-1 du code des procédures civiles d’exécution et d’un arrêt de la cour d’appel de Versailles du 10 février 2005, doit être annulé l’acte de saisie qui ne comporte aucune explication sur le calcul des intérêts de retard, ce qui est le cas de l’acte de saisie contesté, qui ne précise pas la créance en principal sur laquelle a été appliqué un taux unique d’intérêts de 4,30%, alors que le prêt du 1er mars 2007 prévoyait un taux de 6,352% que le jugement du 15 juin 2022 a qualifié d’usuraire, ni ne détaille la période sur laquelle l’intérêt a couru ; 

que l’article L111-10 du code des procédures civiles d’exécution dispose que « l’exécution est poursuivie aux risques du créancier, qui doit rétablir le débiteur dans ses droits si le titre est ultérieurement modifié » ; qu’en l’espèce, le Crédit immobilier de France développement doit être condamné à réparer les conséquences particulièrement dommageables pour M. [S] de cette voie d’exécution mise en ‘uvre avec mauvaise foi par un créancier ne pouvant ignorer qu’il ne disposait pas d’un titre exécutoire le lui permettant, comme faisant l’objet de contestations au fond.  

Par dernières conclusions transmises au greffe le 19 janvier 2023, auxquelles il convient de se reporter pour l’exposé détaillé de ses prétentions et moyens, le CIFD, intimé, demande à la cour de :

débouter M. [S] de ses demandes, fins et conclusions, tendant à l’annulation de la saisie pratiquée le 1er juin 2022 ; 

débouter M. [S] de ses demandes de dommages et intérêts et articles 700 du code de procédure civile infondées ; 

confirmer purement et simplement le jugement dont appel en ce qu’il a validé la saisie contestée et le réformer en ce qu’il a rejeté les demandes du Crédit immobilier de France développement ;

Statuant à nouveau sur les demandes du Crédit immobilier de France développement rejetées : 

condamner reconventionnellement M. [S] à payer au Crédit immobilier de France développement la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive,

le condamner à payer au Crédit immobilier de France développement la somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’en tous les dépens.

Au soutien de ses demandes, le Crédit immobilier de France développement fait valoir : 

que la saisie a été réalisée en vertu de deux titres authentiques exécutoires au sens de l’alinéa 4 de l’article L111-3 du code des procédures civiles d’exécution, constatant des créances certaines, liquides et exigibles ; 

que contrairement à ce que M. [S] prétend, le détail des créances est très bien exposé dans l’acte d’huissier et qu’il est en mesure de vérifier tous les calculs et le taux pratiqué ;

que l’argument avancé par M. [S] selon lequel les jugements rendus les 31 mars 2021 et 15 juin 2022 ne pourraient être exécutoires puisque le juge aurait « écarté l’exécution provisoire de droit attachée normalement aux décisions rendues en première instance » est erroné en présence d’une procédure engagée avant le 1er janvier 2020 et inopérant, puisque la saisie ne repose pas sur ces jugements ; 

que, eu égard aux diverses mesures d’exécution mises en ‘uvre dans les 2 années ayant suivi la déchéance du terme, notamment commandement valant saisie du 2 octobre 2010 qui a gardé son caractère interruptif jusqu’à l’arrêt de péremption du 24 octobre 2019, et une saisie attribution de loyers non contestée pratiquée et dénoncée le 13 juin 2020, contrairement à ce que M. [S] soutient, la créance de la banque n’est pas prescrite.

La clôture de l’instruction a été prononcée le 7 mars 2023 .L’audience de plaidoirie a été fixée au 5 avril 2023 et le prononcé de l’arrêt au 11 mai 2023, par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DÉCISION

A titre liminaire la cour rappelle qu’en application des dispositions de l’article 954 du code de procédure civile, elle ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif, pour autant qu’elles sont soutenues par des moyens développés dans la discussion et ne répond aux moyens que pour autant qu’ils donnent lieu à une prétention correspondante figurant au dispositif des conclusions.

M [S] reprend exactement les contestations qu’il avait soulevées devant le premier juge, relativement à l’absence prétendue de titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible, et à l’imprécision supposée du décompte de la créance figurant au procès-verbal de saisie, sans apporter de contradiction utile aux réponses qu’y a livrées ce dernier avec précision. En effet, aucune des procédures au fond n’a annulé les actes de prêt ni exonéré le débiteur de son obligation de rembourser les concours financiers qui lui ont été accordés, de sorte qu’à la date à laquelle la saisie a été pratiquée, les actes notariés des 1er mars et 9 novembre 2007, constituaient des titres exécutoires valables pour fonder les poursuites de la banque, indépendamment des jugements rendus les 31 mars 2021 et 15 juin 2022. Par ailleurs, le décompte de la saisie présente les intérêts calculés au taux contractuel de 4,30%, qui ne se confondent pas avec le TEG de 6,352%, ce qui rend inopérant le moyen articulé par le débiteur. La saisie n’ayant été fructueuse que pour un montant bien inférieur au seul capital restant dû sur l’un et l’autre des prêts, la circonstance que le caractère usuraire du TEG mentionné dans l’acte du 1er mars 2007 n’ait pas encore été définitivement sanctionné n’est pas de nature à invalider la saisie pour le motif invoqué, ni à en justifier la mainlevée.

La cour observe que dans la présente procédure, M [S] n’oppose pas l’exception de prescription au créancier dont la démonstration à ce titre est inutile et n’appelle pas de réponse de la part de la cour. Enfin, la banque ne démontre pas davantage en cause d’appel en quoi la contestation de la saisie par le débiteur aurait dégénéré en abus même si ses contestations ne sont pas de nature à permettre de faire droit à sa demande de mainlevée de la saisie.

Par conséquent, en l’absence d’élément nouveau soumis à son appréciation, la cour estime que le premier juge, par des motifs pertinents qu’elle approuve, a fait une exacte appréciation des faits de la cause et du droit des parties. Il convient par conséquent de confirmer la décision déférée en toutes ses dispositions.

M [S], qui succombe supportera les dépens d’appel et l’équité commande d’allouer à la partie intimée une somme de 800 € sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant publiquement par décision contradictoire en dernier ressort,

CONFIRME la décision entreprise en toutes ses dispositions ;

Condamne M [V] [S] à payer à la société CIFD la somme de 800 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

Condamne M [V] [S] aux dépens d’appel.

Arrêt prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile, signé par Madame Fabienne PAGES, Président et par Madame Mélanie RIBEIRO, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier, Le président,

 


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