RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 1 – Chambre 10
ARRÊT DU 11 MAI 2023
(n° , 4 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général :
N° RG 22/08925 – N° Portalis 35L7-V-B7G-CFYYC
Décision déférée à la cour :
Jugement du 22 avril 2022-Juge de l’exécution de Créteil
APPELANT
Monsieur [I] [G]
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représenté par Me Maude HUPIN, avocat au barreau de PARIS, toque : G0625
INTIMÉE
SOCIÉTÉ INTRUM DEBT FINANCE AG
[Adresse 4]
[Localité 2]
Représentée par Me Elise ORTOLLAND de la SEP ORTOLLAND, avocat au barreau de PARIS, toque : R231
COMPOSITION DE LA COUR
L’affaire a été débattue le 30 mars 2023, en audience publique, devant la cour composée de :
Madame Bénédicte PRUVOST, président de chambre
Madame Catherine LEFORT, conseiller
Monsieur Raphaël TRARIEUX, conseiller
qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l’audience par Monsieur Raphaël TRARIEUX, conseiller, dans les conditions prévues par l’article 804 du code de procédure civile.
GREFFIER lors des débats : Monsieur Grégoire GROSPELLIER
ARRÊT
-contradictoire
-par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
-signé par Madame Bénédicte PRUVOST, président de chambre et par Monsieur Grégoire GROSPELLIER, greffier présent lors de la mise à disposition.
Déclarant agir en vertu d’une ordonnance d’injonction de payer rendue le 8 mars 2006 par le juge du Tribunal d’instance d’Yvry-sur-Seine, la société Intrum debt finance AG a, le 6 décembre 2021, dressé un procès-verbal de saisie-attribution entre les mains de la société financière des paiements électroniques et à l’encontre de M. [G], pour avoir paiement de la somme de 10 233,58 euros. Cette saisie-attribution a été dénoncée au débiteur le 14 décembre 2021.
L’intéressé ayant contesté cette mesure d’exécution devant le juge de l’exécution de Créteil, ce magistrat a par jugement en date du 22 avril 2022 :
– déclaré la contestation recevable ;
– débouté M. [G] de sa demande d’annulation et de mainlevée totale de la saisie-attribution ;
– cantonné ladite saisie-attribution à hauteur de 7 089,50 euros ;
– ordonné, en conséquence, sa mainlevée partielle pour le surplus ;
– rejeté la demande de délais de paiement et les demandes accessoires à celle-ci ;
– rejeté la demande de dommages et intérêts présentée par M. [G] ;
– débouté M. [G] de sa demande en application de l’article 700 du code de procédure civile ;
– condamné M. [G] aux dépens ;
– débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.
Pour statuer ainsi, il a notamment relevé :
– que le débiteur justifie de l’envoi de la lettre recommandée avec demande d’avis de réception à l’huissier de justice qui a régularisé la saisie-attribution, en vue de l’informer de la contestation, et ce, dans les délais ;
– que la société Intrum debt finance AG vient aux droits de la société Sogéfinancement, en vertu d’un bordereau de créance daté du 17 mars 2017 ;
– que la prescription applicable est de dix ans, s’agissant du principal, le délai courant à compter du 19 juin 2008 pour se terminer le 19 juin 2018, en vertu de la loi du 17 juin 2008 sur la réforme de la prescription ;
– que ladite prescription n’est pas acquise, car une saisie-attribution a été régularisée le 9 avril 2018 et a un effet interruptif ;
– qu’en revanche, les intérêts se prescrivent par deux ans conformément à l’article L 218-2 du code de la consommation.
Selon déclaration en date du 4 mai 2022, M. [G] a relevé appel de ce jugement.
Par conclusions du 1er juillet 2022, M. [G] demande à la Cour de :
– infirmer le jugement du 22 avril 2022 en toutes ses dispositions ;
– débouter la société Intrum justitia debt finance AG de toutes ses demandes, fins et conclusions ;
– prononcer la nullité de la saisie-attribution litigieuse ;
– prononcer la prescription du titre exécutoire, soit l’ordonnance d’injonction de payer du 8 mars 2006, sur laquelle est fondée la saisie-attribution contestée ;
– ordonner la mainlevée de ladite saisie-attribution ;
– condamner la société Intrum justitia debt finance AG à lui payer la somme de 1 000 euros de dommages et intérêts compte tenu de la saisie abusive pratiquée et des conséquences dommageables qu’il a subies ;
À titre subsidiaire,
– lui accorder un délai de deux ans pour régler les sommes éventuellement dues ;
En tout état de cause,
– condamner la société Intrum justitia debt finance AG à lui payer la somme de 2 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens.
L’appelant soutient que :
– la société Intrum justitia debt finance AG ne justifie pas de sa qualité à agir, le bordereau de cession de créances ne démontrant pas sa régularité et ne délimitant pas son périmètre ;
– l’ordonnance d’injonction de payer en vertu de laquelle la saisie a été pratiquée ne lui a pas été signifiée à personne et ne pouvait donc servir de fondement à la mesure d’exécution ;
– la société Intrum justitia debt finance AG ne justifie pas d’une créance certaine car il conteste le montant total de la créance ainsi que les intérêts sollicités ;
– la saisie est abusive puisque la société Intrum justitia debt finance AG ne pouvait pas ignorer la prescription du titre exécutoire et lui cause un préjudice financier et moral ;
– il est un débiteur de bonne foi et sollicite donc, à titre subsidiaire, des délais de paiement ainsi que l’imputation des paiements sur le capital et la substitution du taux légal au taux conventionnel des intérêts.
Par ses dernières conclusions du 22 décembre 2022, la société Intrum debt finance AG demande à la Cour de :
– confirmer le jugement du 22 avril 2022 ;
– condamner M. [G] au paiement d’une somme de 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens.
L’intimée fait valoir que :
– le titre est constitué par une ordonnance d’injonction de payer du 8 mars 2006, signifiée à personne le 3 avril 2006 et revêtue de la formule exécutoire le 3 mai 2006, le titre exécutoire ayant été lui-même signifié à domicile avec commandement de payer le 29 mai 2006 ;
– la signification a été valablement faite à domicile, car l’huissier a constaté l’impossibilité d’une signification à personne et a vérifié que M. [G] demeurait bien à l’adresse indiquée sur l’acte en la confirmant par le voisinage et en relevant son nom sur la boite aux lettres ;
– le titre exécutoire n’est pas prescrit, car le délai de prescription a été interrompu par la saisie-attribution pratiquée le 9 avril 2018 à l’encontre de M. [G] et à lui dénoncée le 17 avril 2018 ;
– elle a qualité à agir puisque, à la suite de la cession d’un portefeuille de créances de la société Sogéfinancement à son profit, elle est en possession de l’original du titre et de l’original du contrat de prêt ;
– elle n’a commis aucune faute pouvant justifier une demande en paiement de dommages-intérêts de M. [G] ;
– M. [G] ne produit aucun élément récent sur sa situation familiale, professionnelle ou économique, lui permettant d’obtenir des délais de paiement ;
– elle ne s’oppose pas à l’application de la prescription de deux ans portant sur les intérêts ;
– la demande de substitution du taux légal au taux conventionnel de ceux-ci ne peut pas être accueillie, car il n’entre pas dans les pouvoirs du juge de l’exécution de modifier l’ordonnance fondant les poursuites.
MOTIFS
En vertu de l’article L 211-1 du Code des procédures civiles d’exécution, tout créancier muni d’un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible peut, pour en obtenir le paiement, saisir entre les mains d’un tiers les créances de son débiteur portant sur une somme d’argent.
M. [G] soutient que tel n’est pas le cas en l’espèce et que la société Intrum debt finance AG n’a pas de qualité à agir. L’ordonnance d’injonction de payer en date du 8 mars 2006 fondant les poursuites a été rendue sur la requête de la société Sogefinancement. A été produit un bordereau de cession de créance en date du 17 mars 2017 passé entre la société Sogefinancement (désignée comme cédant) et la société Intrum debt finance AG (désignée come cessionnaire). Cet acte vise un montant total des créances cédées pour la somme de 180 637 753,03 euros ; il fait référence à une annexe 1.1 et 1.2, mais celle-ci n’est pas produite. Ledit bordereau de cession de créances a été signifié à M. [G] par acte en date du 17 avril 2018. Toutefois les documents produits ne permettent nullement d’identifier la créance litigieuse comme faisant partie de celles qui ont été cédées à l’intimée, faute de précision sur le nom du débiteur ou sur les références du dossier. Contrairement à ce qu’a estimé le premier juge, le simple fait que la société Intrum debt finance AG soit en possession de l’ordonnance d’injonction de payer susvisée ainsi que du contrat de crédit ne saurait être considéré comme suffisant pour démontrer que cette créance lui a bien été cédée.
Il faut en déduire que celle-ci ne détient pas de titre exécutoire à l’encontre de M. [G].
Le jugement sera en conséquence infirmé, et la saisie-attribution querellée sera annulée.
M. [G] sollicite la somme de 1 000 euros de dommages et intérêts compte tenu de la saisie abusive pratiquée et des conséquences dommageables qu’il a subies. L’utilisation de mesures d’exécution est un droit dont l’exercice n’est susceptible de dégénérer en abus que s’il est dicté par une intention malicieuse, la mauvaise foi, ou résulte d’une erreur grossière équivalente au dol, ou procède d’une légèreté blâmable ; ce n’est qu’en cas d’abus de saisie que le juge de l’exécution peut, conformément à l’article L 121-2 du code des procédures civiles d’exécution, allouer des dommages et intérêts au débiteur. En l’espèce, il n’est pas démontré que la société Intrum debt finance AG a agi de façon abusive, ou qu’elle était animée par une intention de nuire même si l’intéressée ne démontre pas venir aux droits de la société Sogefinancement. Le jugement sera confirmé en ce qu’il a rejeté la demande de dommages et intérêts formée par M. [G].
La société Intrum debt finance AG sera condamnée au paiement de la somme de 2 500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux dépens de première instance et d’appel.
PAR CES MOTIFS
– INFIRME le jugement en date du 22 avril 2022 en ce qu’il a débouté M. [G] de sa demande de nullité et de mainlevée totale de la saisie-attribution pratiquée le 6 décembre 2021, cantonné cette saisie-attribution à la somme de 7 089,50 euros et ordonné sa mainlevée partielle pour le surplus, et condamné M. [G] aux dépens ;
et statuant à nouveau :
– ANNULE la saisie-attribution en date du 6 décembre 2021 ;
– CONDAMNE la société Intrum debt finance AG à payer à M. [I] [G] la somme de 2 500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ;
– CONDAMNE la société Intrum debt finance AG aux dépens de première instance et d’appel.
Le greffier, Le président,