Saisine du juge de l’exécution : 11 mai 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 20/00552

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Saisine du juge de l’exécution : 11 mai 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 20/00552

Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 1 – Chambre 9

ORDONNANCE DU 11 MAI 2023

Contestations d’Honoraires d’Avocat

(N° /2023 , 7 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 20/00552 – N° Portalis 35L7-V-B7E-CCZSW

NOUS, Michel RISPE, Président de chambre, à la Cour d’Appel de PARIS, agissant par délégation de Monsieur le Premier Président de cette Cour, assistée de Axelle MOYART, Greffière présente à l’audience et de Eléa DESPRETZ Greffière présente au prononcé de l’ordonnance.

Vu le recours formé par :

Monsieur [C] [F]

[Adresse 1]

[Localité 4]

Comparant en personne

Demandeur au recours,

contre une décision du Bâtonnier de l’ordre des avocats de MEAUX dans un litige l’opposant à :

Maître [Z] [O]

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représenté par Me Philippe JALLEY, avocat au barreau de MEAUX, toque : 27 substitué par Me Charlotte BOULARAND, avocat au barreau de Paris.

Défendeur au recours,

Par décision contradictoire, statuant par mise à disposition au greffe,

et après avoir entendu les parties présentes à notre audience publique du 28 Mars 2023 et pris connaissance des pièces déposées au Greffe,

L’affaire a été mise en délibéré au 11 Mai 2023 :

Vu les articles 174 et suivants du décret du 27 novembre 1991 ;

****

Se prévalant d’un jugement rendu le 7 octobre 2019 par le tribunal d’instance de Melun, qui avait condamné son ancien bailleur, M. [C] [F], à lui restituer le dépôt de garantie avec les pénalités de retard, Mme [R] [N] a fait pratiquer contre celui-ci une saisie-attribution le 27 novembre 2019, dénoncée le 29, réclamant 2.257,70 euros.

Suivant acte d’assignation signifié le 26 décembre 2019, M. [C] [F], représenté par Me [Z] [O], a contesté cette saisie.

Par un jugement du 13 février 2020, le juge de l’exécution du tribunal judiciaire de Meaux a notamment ordonné la mainlevée partielle de ladite saisie, la cantonnant à 1.719,48 euros, dont 1 306,84 en principal, et non 2. 257,70 euros et rejetant les demandes indemnitaires des parties.

Par un courrier adressé par lettre recommandée avec demande d’avis de réception, reçu le 24 août 2020, Me [Z] [O] a saisi le bâtonnier de l’ordre des avocats de Meaux d’une demande de demande de fixation des honoraires dus par M. [C] [F], dans le cadre de cette procédure devant le juge de l’exécution du tribunal judiciaire de Meaux.

 »’

Par décision rendue en date du 18 novembre 2020, le délégataire du bâtonnier de l’ordre des avocats du barreau de Meaux a fixé à la somme de 1.200 euros toutes taxes comprises, le montant total des honoraires dus à Me [Z] [O] par M. [C] [F], après avoir retenu les visas suivants :

‘Vu la réclamation qui lui a été soumise par Maître [Z] [O], avocat au barreau de Meaux exerçant [Adresse 2] .

Vu les pièces qui ont été communiquées à l’appui de ladite réclamation.

Vu que Monsieur [C] [F] a chargé Maître [Z] [O] de l’assister dans le cadre d’une procédure devant le juge de l’exécution du tribunal judiciaire de Meaux.

Vu que Maître [O] a fait toutes diligences : étude du dossier ; rédaction d’un acte introductif d’instance; échanges avec la partie adverse; assistance à l’audience du 30 janvier 2020; un jugement a été rendu par le juge de l’exécution du tribunal judiciaire de Meaux le 13 février 2020.

Vu que pour ses diligences, Maître [O] a sollicité un honoraire de 1.200 € TTC qui est conforme aux usages de la profession.

Vu qu’à ce jour et malgré les relances, Monsieur [F] n’a pas réglé les honoraires de Maître [O]’.

 »’

Suivant lettre recommandée avec demande d’avis de réception postée le 15 décembre 2020, M. [C] [F] a formé un recours à l’encontre de ladite décision, auprès du Premier président de cette cour.

Il exposait qu’ami de longue date de Me [Z] [O], il avait pris attache avec ce dernier afin d’obtenir un conseil oral à la suite de la condamnation obtenue en sa défaveur par son ancienne locataire Mme [N] et de la saisie-attribution diligentée à sa demande.

Il a précisé que Me [Z] [O] lui avait expliqué qu’il fallait absolument contester les frais de saisie devant le juge de l’exécution, qu’il s’agissait d’une procédure simple qu’il s’était proposé d’effectuer immédiatement sans évoquer un quelconque montant. M. [C] [F] avait alors transmis le 23 décembre 2019 par courriel les éléments demandés par Me [Z] [O] et ce dernier l’avait informé le 16 janvier suivant de la délivrance de l’assignation et de la date de l’audience prévue le 30 janvier 2020 outre de la nécessité de régler les frais d’huissiers de 73,99 euros et de ce qu’il était dans l’attente du retour d’une convention d’honoraires signée revêtue de la mention Bon pour accord.

Il indiquait avoir été en désaccord avec le montant, selon lui disproportionné, à hauteur de 1.200 euros des honoraires porté dans le projet de convention reçu par la suite, ce qu’il avait indiqué à Me [Z] [O]. Il a encore précisé avoir offert de ramener ce montant à 500 euros ce à quoi Me [Z] [O] avait répondu le 13 mars 2020 :’Au regard de la nature de nos rapports, je ne vois pas d’inconvénient à ce que vous fixiez discrétionnairement le montant de nos honoraires dans le cadre de cette procédure.’.

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Des convocations ont été adressées le 21 octobre 2022 aux parties par le greffe afin qu’elles comparaissent à l’audience du 24 novembre 2022, date à laquelle l’affaire a été renvoyée au 31 janvier 2023 pour citation de l’appelant par l’intimé.

A l’audience du 31 janvier 2023, l’affaire a de nouveau été renvoyée, au 28 mars suivant, alors que l’intimé avait excipé d’un motif de santé.

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Lors de ladite audience du 28 mars 2023., M. [C] [F] a demandé le bénéfice de son recour.

Il a rappelé les conditions dans lesquelles il avait sollicité Me [Z] [O] et a indiqué qu’il ne pouvait pas penser que celui-ci lui demanderait 1.200 euros pour éviter de payer 144 euros.

Il a fait valoir qu’autrement informé, il n’aurait pas accepté d’engager une telle procédure.

Il a encore souligné que Me [Z] [O] ne s’était même pas déplacé à l’audience et que la décision du 27 février avait confirmé les frais de saisie. Selon lui, son avocat avait passé très peu de temps sur son dossier. Au final, il a proposé de lui donner 500 euros ce qui correspond à 3 heures de travail, considérant que Me [Z] [O] avait accepté sa proposition.

Outre l’infirmation de la décision du bâtonnier en ce sens, il a demandé la condamnation de Me [Z] [O] à lui payer 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure.

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En réponse, lors de la même audience, Me [Z] [O] a fait plaider que M. [C] [F] avait fait de l’affaire contre son ancienne locataire, une affaire de principe et qu’il avait donc disposé d’un mois pour faire diligence afin que la procédure soit entreprise.

Il a souligné la mauvaise foi de son client à qui il avait adressé une convention d’honoraires qui prévoyait un forfait, comme c’était habituel entre eux, et alors que ce dernier n’avait pas contesté le montant proposé mais avait seulement demandé un délai de paiement.

Il a indiqué ne pas avoir établi de relevé de diligences, mais a assuré que les diligences avaient bien été réalisés et avaient duré plus de 3 heures. Il a ainsi précisé avoir rédigé une assignation, avoir fait assurer une représentation à l’audience, outre que son taux horaire habituel était fixé à 150 euros hors taxes.

Quant à un éventuel accord avec son client pour ramener ses honoraires à 500 euros, il a expliqué que son message était ironique et que M. [C] [F] n’avait d’ailleurs jamais versé cette somme de 500 euros.

Il a finalement demandé la confirmation de la décision du bâtonnier outre la condamnation de M. [C] [F] aux dépens.

Puis, l’affaire a été mise en délibéré au 11 mai 2023.

SUR CE

La présente décision sera rendue contradictoirement entre les parties, toutes deux comparantes à l’audience.

 »’

En matière de contestation d’honoraires d’avocats, l’article 53, 6° de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques a renvoyé au pouvoir exécutif le soin de prévoir la procédure applicable, dans le respect de l’indépendance de l’avocat, de l’autonomie des conseils de l’ordre et du caractère libéral de la profession, au moyen de décrets en Conseil d’Etat.

Cette procédure est actuellement régie par le décret n°91-1197 du 27 novembre 1991 organisant la profession d’avocat, dont la section V est intitulée ‘Contestations en matière d’honoraires et débours’.

En ce domaine, regroupées dans la section V dudit décret, les dispositions des articles 174 à 179 doivent dès lors recevoir application, alors qu’elles sont d’ordre public et instituent une procédure obligatoire et exclusive (cf. Cass. 2ème Civ., 1er juin 2011, pourvoi n° 10-16.381, Bull. n 124 ; 2 Civ. , 13 septembre 2012, P. pourvoi n° 10-21.144). L’article 277 de ce décret prévoit en outre qu’ ‘Il est procédé comme en matière civile pour tout ce qui n’est pas réglé par le présent décret.’.

Dans ce cadre, il appartient au bâtonnier de l’ordre des avocats et, en appel, au premier président, à qui une contestation d’honoraires est soumise d’apprécier, d’après les conventions des parties et les circonstances de la cause, le montant de l’honoraire dû à l’avocat.

En effet, selon l’article 10, alinéa 3, de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques, dans sa version issue de la loi n° 2015-990 du 6 août 2015, applicable à l’espèce, ‘Sauf en cas d’urgence ou de force majeure ou lorsqu’il intervient au titre de l’aide juridictionnelle totale ou de la troisième partie de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l’aide juridique, l’avocat conclut par écrit avec son client une convention d’honoraires, qui précise, notamment, le montant ou le mode de détermination des honoraires couvrant les diligences prévisibles, ainsi que les divers frais et débours envisagés.’

Reste que le défaut de signature d’une convention ne prive pas l’avocat du droit de percevoir pour ses diligences, dès lors que celles-ci sont établies, des honoraires qui sont alors fixés en tenant compte selon les usages, de la situation de fortune du client, de la difficulté de l’affaire, des frais exposés par l’avocat, de sa notoriété et des diligences de celui-ci ( cf. Cass. 2ème Civ., 18 mai 2017, pourvoi n° 16-17.271, 2ème Civ., 29 juin 2017, pourvoi n° 16-18.459 et 2ème Civ., 14 juin 2018, pourvoi n° 17-19.709).

Il est constant que dans de telles circonstances et donc à défaut d’une telle convention réglant les honoraires revenant à l’avocat, l’évaluation qui doit être effectuée ne porte que sur le seul le travail réalisé et l’adéquation de celui-ci avec la nature et l’importance du dossier.

En effet, le juge de l’honoraire n’a pas le pouvoir d’apprécier le bien-fondé des diligences effectuées par l’avocat, sauf s’il est démontré que celles-ci auraient été manifestement inutiles.

En outre, dans le cadre de cette procédure spéciale, le bâtonnier et, sur recours, le premier président ou son délégataire, n’ont pas à connaître, même à titre incident, de la responsabilité de l’avocat à l’égard de son client, qui résulterait d’un manquement à l’un quelconque de ses devoirs.

Dès lors, ils ne peuvent pas être amenés à sanctionner un avocat à l’encontre duquel une faute est opposée. Ils ne peuvent pas davantage réparer un préjudice allégué par le client à raison du comportement de l’avocat.

Il en est notamment ainsi alors qu’est allégué un manquement de l’avocat à ses obligations d’informer sa cliente ( cf. Cass. 2ème Civ., 6 mai 2010, Bull. n 87 ; 2ème Civ., 10 juin 2010, n°09-11.914 ; 2ème Civ., 26 mai 2011, n° 10-12.728 ; 2ème Civ., 4 octobre 2012, n°11-23.642 , 2ème Civ., 6 mars 2014, n°13-15.513 ).

 »’

Il n’est pas discuté que le recours formé par M. [C] [F] est recevable, pour avoir été intenté dans le délai requis, soit celui d’un mois à compter de la notification de la décision du bâtonnier attaquée, conformément aux prévisions de l’article 176 du décret du 27 novembre 1991 précité.

 »’

A hauteur d’appel, M. [C] [F] conteste le montant de la rémunération de son avocat au titre de la procédure dont il l’a chargé devant le juge de l’exécution de Meaux.

S’il apparaît que M. [C] [F] n’a pas signé la convention d’honoraires soumise par son avocat, reste que la réalité des diligences accomplies par celui-ci n’est pas sérieusement remise en cause, dès lors qu’elle résulte de la production de l’acte d’assignation et du jugement qui s’est ensuivi, tels qu’évoqués ci-avant.

Comme rappelé supra, en l’absence de convention d’honoraires conclue entre les parties, il y a lieu de déterminer la rémunération de l’avocat en faisant application de l’article 10, alinéa 4 de la loi précitée du 31 décembre 1971, dans sa version applicable à l’espèce, aux termes duquel ‘Les honoraires tiennent compte, selon les usages, de la situation de fortune du client, de la difficulté de l’affaire, des frais exposés par l’avocat, de sa notoriété et des diligences de celui-ci.’.

Il doit ici encore être rappelé qu’il n’entre pas dans les pouvoirs du juge de l’honoraire de se prononcer sur une demande tendant à la réparation, par la voie de la diminution des honoraires ou de l’allocation de dommages et intérêts, de fautes professionnelles ou déontologiques éventuelles de l’avocat.

Quant au prétendu caractère vain allégué de la plus grande partie des diligences entreprises en l’absence de succès de celles-ci, il ne peut pas être pris en compte pour jauger au plan quantitatif la réalité du travail réalisé par l’avocat.

Il s’ensuit qu’il y avait bien lieu en application de ces dispositions de procéder à une évaluation concrète portant sur le travail effectivement réalisé par l’avocat, en adéquation avec la nature et l’importance du dossier, pour apprécier le temps qui, raisonnablement, devait y être consacré.

Etant observé que le taux horaire de 150 euros hors taxes revendiqué apparaît très raisonnable et adapté à l’espèce, un montant de 1.000 euros hors taxes correspond à un temps passé de 6 heures et 40 minutes.

En considération des pièces justificatives des diligences accomplies produites au débat, il apparaît qu’une telle durée n’est pas excessive au regard de la nature du litige et de sa complexité ainsi que des circonstances de la cause, s’agissant de devoir prendre en compte le temps correspondant au traitement des données de l’affaire, aux différents échanges avec le client, avec les autres auxiliaires de justice et le greffe ainsi que celui consacré à l’élaboration de l’assignation, celui lié à l’audience afin d’assurer la représentation du client lors de celle-ci, le temps destiné à obtenir la minute de la décision et à procéder à son analyse afin d’informer le client des chances de succès des voies de recours.

Aussi, de ce qui précède, il apparaît que le montant de la rémunération retenu par le bâtonnier de l’ordre des avocats est des plus raisonnables.

Par voie de conséquence, il convient de confirmer la décision entreprise en toutes ses dispositions.

 »’

Sur les demandes accessoires

Les dépens seront mis à la charge de M. [C] [F], qui a échoué dans son recours et supportera donc les frais irrépétibles qu’il a engagés.

Il y a lieu de rejeter le surplus des demandes.

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement, en dernier ressort, par ordonnance contradictoire, prononcée par mise à disposition au greffe,

‘ confirme la décision déférée en toutes ses dispositions ;

‘ condamne M. [C] [F] aux dépens ;

‘ rejette toute demande plus ample ou contraire des parties.

‘ dit qu’en application de l’article 177 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991, la décision sera notifiée aux parties par le greffe de la cour suivant lettre recommandée avec accusé de réception;

LA GREFFIÈRE LE PRÉSIDENT DE CHAMBRE

 


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