RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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COUR D’APPEL DE NANCY
Chambre de l’Exécution – JEX
ARRÊT N° /23 DU 11 MAI 2023
Numéro d’inscription au répertoire général :
N° RG 22/01498 – N° Portalis DBVR-V-B7G-FAA2
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Juge de l’exécution du tribunal judiciaire de NANCY, R.G.n° 21/03062, en date du 17 juin 2022,
APPELANTE :
La société MY MONEY BANK (anciennement dénommée GE Sovac, GE Capital Bank puis GE Money Bank,
Société anonyme au capital de 276 154 299,00 €, établissement de crédit agréé en qualité de banque, dont le siège social est [Adresse 6], immatriculée au registre du commerce et des sociétés de Nanterre sous le numéro 784 393 340, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
Représentée par Me Michèle SCHAEFER, avocat au barreau de NANCY
INTIMES :
Monsieur [R] [W]
né le [Date naissance 1] 1957 à [Localité 5] (Congo), professeur, domicilié [Adresse 3]
Représenté par Me Ahmed MINE, avocat au barreau de NANCY
Madame [I] [B] [K] épouse [W]
née le [Date naissance 2] 1959 à [Localité 4] (Congo), aide-soignante, domiciliée [Adresse 3]
Représentée par Me Ahmed MINE, avocat au barreau de NANCY
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 786 et 905 du Code de Procédure Civile, l’affaire a été débattue le 30 Mars 2023, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Monsieur Francis MARTIN, président et Madame Fabienne GIRARDOT, conseiller, chargée du rapport.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Monsieur Francis MARTIN, président de chambre,
Madame Fabienne GIRARDOT, conseillère
Madame Marie HIRIBARREN, conseillère, désignée par ordonnance de Monsieur le premier président de la cour d’appel de NANCY en date du 02 février 2023, en remplacement de Madame Nathalie ABEL, conseillère, régulièrement empêchée.
Greffier, lors des débats : Monsieur Ali ADJAL ;
ARRÊT : contradictoire, prononcé publiquement le 11 mai 2023, date indiquée à l’issue des débats, par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de Procédure Civile ;
signé par Monsieur Francis MARTIN, président de chambre, et par Madame Christelle CLABAUX-DUWIQUET, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire ;
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Copie exécutoire délivrée le à
Copie délivrée le à
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EXPOSE DU LITIGE
Par acte notarié exécutoire en date du 26 novembre 2014 comportant en annexe une offre préalable acceptée le 6 novembre 2014, la société GE Money Bank, devenue la SA My Money Bank, a consenti à M. [R] [W] et Mme [I] [B] [K] épouse [W] (ci-après les époux [W]) un prêt d’un montant de 183 859,15 euros correspondant à un regroupement de crédits (incluant le remboursement d’un crédit immobilier au capital restant dû de 94 745,13 euros et une indemnité de remboursement anticipé de 2 842,37euros), remboursable en 240 mensualités à un taux d’intérêt variable.
Par courriers recommandés avec demande d’avis de réception des 15 juillet 2020 et 24 novembre 2021, la SA My Money Bank a mis les époux [W] en demeure de payer les sommes respectives de 9 173,22 euros et 10 483,68 euros au titre des échéances impayées, dans le délai de 15 jours, sous peine de déchéance du terme.
La SA My Money Bank a fait délivrer aux époux [W] des commandements de payer aux fins de saisie vente les 29 mars 2019, 1er octobre 2020 et 24 septembre 2022.
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Par requêtes reçues au greffe le 11 février 2021, la SA My Money Bank, anciennement dénommée GE Money Bank, a saisi le juge de l’exécution du tribunal judiciaire de Nancy aux fins de conciliation et à défaut de saisie des rémunérations des époux [W] à hauteur de 10 532,33 euros, en exécution de l’acte de prêt exécutoire, se détaillant comme suit :
– principal : échéances impayées des 01/09/2018, 01/11/2018, 01/01/2019, 01/02/2019, 01/03/2019, 01/04/2019, 01/07/2019 : 9 173,22 euros,
– intérêts : 913,88 euros,
– frais : 445,23 euros.
Par courrier recommandé avec demande d’avis de réception en date du 17 décembre 2021, la SA My Money Bank a prononcé la déchéance du terme du prêt.
A l’audience de mise en délibéré du 20 mai 2022, la SA My Money Bank a sollicité la fixation du montant de sa créance à hauteur de 12 518,97 euros selon décompte arrêté au 15 novembre 2021, comprenant huit échéances impayées à hauteur de 10 483,68 euros (échéance du 1er novembre 2021 comprise).
Les époux [W] ont conclu à l’irrecevabilité de l’action de la SA My Money Bank pour cause de prescription, et subsidiairement, à la déchéance du prêteur de son droit aux intérêts pour absence de consultation du FICP, de remise de la notice d’assurance et d’information sur le droit de souscrire une assurance auprès de l’assureur de leur choix. Très subsidiairement, ils ont soutenu que la SA My Money Bank ne justifiait pas de sa créance et de son calcul, et ont sollicité la fixation de la créance de la SA My Money Bank à la somme de 9 173,22 euros, avec intérêts à 0%, en leur accordant des délais de paiement en deux échéances.
Par jugement en date du 17 juin 2022, le juge de l’exécution du tribunal judiciaire de Nancy a :
– rejeté la demande de la SA My Money Bank de saisie des rémunérations des époux [W],
– rejeté la demande de la SA My Money Bank au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– rejeté la demande des époux [W] de dommages-intérêts pour procédure abusive,
– condamné la SA My Money Bank à payer aux époux [W] la somme de 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamné la SA My Money Bank aux dépens.
Le juge de l’exécution a retenu que le délai biennal de prescription de l’action du prêteur de l’article L. 218-2 du code de la consommation, courant à compter de chacune des échéances sucessives, avait été interrompu par la délivrance des commandements de payer aux fins de saisie-vente.
Il a jugé que par application des dispositions des articles L. 313-15 et R. 313-11 du code de la consommation en vigueur à la date du prêt, le regroupement de crédits était soumis aux dispositions relatives aux crédits à la consommation dès lors que la part du crédit immobilier ne dépassait pas 60% du montant total de l’opération.
Il a constaté que la SA My Money Bank ne justifiait d’aucune consultation du FICP en violation des dispositions de l’article L. 311-9 du code de la consommation, et a déchu le prêteur du droit aux intérêts par application des dispositions de l’article L. 311-48 dudit code.
En l’absence de décompte imputant les sommes perçues au titre des intérêts sur le capital restant dû, le juge a fixé le capital prêté, au regard du tableau d’amortissement et des échéances impayées mises en compte, à hauteur de 6 351,55 euros, et a retenu qu’en déduisant des sommes dues les intérêts perçus depuis la première échéance du 1er janvier 2015, la SA My Money Bank ne disposait d’aucune créance à l’égard des époux [W].
Il a rejeté la demande en dommages et intérêts pour procédure abusive.
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Le 29 juin 2022, la SA My Money Bank a formé appel du jugement tendant à son infirmation en tous ses chefs contestés.
La SA My Money Bank a demandé à la cour de réformer le jugement entrepris et d’ordonner la saisie des rémunérations des époux [W].
Les époux [W] ont soutenu que la créance de la SA My Money Bank était prescrite au jour de la saisine du juge de l’exécution le 11 février 2021.
Par arrêt avant dire droit du 26 janvier 2023, la cour de céans a :
– ordonné la réouverture des débats,
– ordonné aux parties de présenter leurs observations sur l’application du délai biennal de forclusion tiré de l’article R. 312-35 du code de la consommation, dans sa version en vigueur, selon le calendrier suivant :
* conclusions de la SA My Money Bank à déposer via le RPVA avant le 18 février 2023,
* conclusions en réponse des époux [W] à déposer via le RPVA avant le 4 mars 2023,
– dit que l’affaire sera rappelée à l’audience de mise en état silencieuse du 8 mars 2023 aux fins de clôture et de fixation,
– réservé les demandes et les dépens.
La cour de céans a retenu que l’action du prêteur était soumise au délai de prescription ressortant des dispositions de l’article R. 312-35 du code de la consommation applicable en matière de crédit à la consommation, et non des dispositions de l’article L. 218-2 du code de la consommation applicables en matière de crédit immobilier, tel que retenu par le premier juge et soutenu par la SA My Money Bank, et a sollicité les observations des parties sur l’application de cette règle de droit.
Dans ses dernières conclusions transmises le 6 mars 2023, auxquelles il convient de se reporter pour l’exposé détaillé de ses prétentions et moyens, la SA My Money Bank, appelante, demande à la cour sur le fondement des dispositions combinées des articles 1344 du code civil et L. 311-1 et suivants du code de la consommation dans leur rédaction à la date de conclusion du contrat :
– de dire bien appelé, mal jugé et de réformer le jugement du 17 juin 2022 en toutes ses dispositions,
Statuant à nouveau,
– de débouter les époux [W] de l’intégralité de leurs demandes fins et conclusions,
– de fixer sa créance à hauteur de la somme de 12 518,97 euros, correspondant aux échéances échues et impayées selon décompte du 15 novembre 2021,
– d’ordonner la saisie des rémunérations des époux [W],
– de condamner les époux [W] au paiement de la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– ‘ Dépens comme de droit ‘ (sic).
Au soutien de ses demandes, la SA My Money Bank fait valoir en substance :
– que le premier incident de paiement non régularisé date du 1er septembre 2018 ; que les commandements de payer valant saisie vente délivrés les 29 mars 2019 et 1er octobre 2020 (et postérieurement à la requête le 24 septembre 2022), qui engagent la mesure d’exécution forcée, ont valablement interrompu le délai de forclusion de l’article R. 312-35 du code de la consommation, selon l’article 2244 du code civil ; que la requête en saisie des rémunérations déposée en ‘ septembre 2020 ‘ a eu pour effet d’interrompre le délai de forclusion ;
– que les parties ont décidé de soumettre volontairement les opérations de crédit aux règles du crédit à la consommation, même si ces opérations n’entrent pas dans les prévisions de la loi, cette volonté résultant de la qualification de prêt personnel choisie par les parties, de sorte que le contrat est par conséquent soumis aux dispositions des articles L. 311-1 et suivants du code de la consommation relatifs aux prêts à la consommation ;
– qu’elle a respecté les dispositions de l’article L. 311-9 du code de la consommation au titre de la vérification de solvabilité des emprunteurs et justifie de la consultation régulière du fichier des incidents de paiement (FICP) le 4 novembre 2014 (la clé reprenant la date de naissance et le nom du débiteur concerné), soit avant la signature de l’offre le 6 novembre 2014, réitérée par acte authentique le 26 novembre 2014 ; qu’il ressort de la fiche de dialogue et du document d’information sur l’opération de regroupement de crédits que la restructuration des crédits a permis de ramener le taux d’endettement de 66,59% (échéances de 3 354,90 euros) à 30,33% (échéances de 1 213,39 euros) ; qu’elle produit les pièces justificatives de situation remises par les époux [W] (avis d’imposition de 2012 à 2014, fiches de paie et extraits des comptes à la date de conclusion du prêt) qui corroborent les mentions portées sur la fiche de dialogue ; qu’elle a respecté son devoir d’information et de mise en garde, précisant que le prêteur n’est tenu d’aucun devoir de mise en garde lors de l’octroi d’un prêt destiné à un regroupement de crédits ayant pour effet la reprise du passif et son rééchelonnement à des conditions moins onéreuses ;
– que la déchéance du terme a été prononcée et que l’inscription au FICP est parfaitement justifiée dans la mesure où elle n’est pas désintéressée et qu’il s’agit d’une obligation ;
– qu’elle n’est que tiers bénéficiaire du contrat d’assurance facultatif souscrit par les époux [W] auprès de la société Metlife, de sorte qu’elle ne peut se voir reprocher un quelconque manquement à son obligation d’information et de ne pas avoir transmis les conditions générales de l’assurance dont elle ne disposait pas ;
– que subsidiairement, le juge a la faculté de prononcer une déchéance totale ou partielle du droit du prêteur aux intérêts en cas de manquement au devoir d’information imposé par le code de la consommation et que la sanction doit revêtir un caractère proportionné ; que le contrat de restructuration offrait une possibilité aux débiteurs d’apurer leur situation financière ; que les époux [W] ne démontrent pas la perte de chance de ne pas contracter qui résulterait d’un vice du consentement affectant le prêt ; qu’elle respecte le dispositif du jugement déféré ;
– que sa créance correspond à huit échéances impayées exigibles ; que subsidiairement, si la cour considère que des intérêts ont été indûment versés par l’emprunteur, ces sommes ne pourront qu’être imputées sur le capital restant dû à la date de prononcé de la déchéance du terme du prêt, qui s’élève à la somme de 121 871,35 euros, sans que cette circonstance ne puisse remettre en cause la validité des mises en demeure émises alors que le prêt demeurait impayé depuis de nombreux mois ;
– que les difficultés financières des époux [W], qui disposent d’un revenu total mensuel de 4 300 euros sont le résultat de la souscription de plusieurs emprunts supplémentaires ; qu’après plusieurs relances, les époux [W] n’ont pas fourni les documents nécessaires à l’étude de leur nouvelle solvabilité initiée par la banque à leur demande par courrier du 17 octobre 2017 ; qu’aucune reprise des échéances contractuelles n’est envisageable après la résiliation du contrat.
Dans leurs dernières conclusions transmises le 7 mars 2023, auxquelles il convient de se reporter pour l’exposé détaillé de leurs prétentions et moyens, les époux [W], intimés et appelants à titre incident, demandent à la cour :
– de débouter la SA My Money Bank de ses demandes, fins et prétentions,
– de confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a :
* rejeté la demande de la SA My Money Bank de saisie de leurs rémunérations,
* rejeté la demande de la SA My Money Bank au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
* condamné la SA My Money Bank à leur payer la somme de 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
* condamné la SA My Money Bank aux dépens,
* rappelé que le jugement est de droit exécutoire à titre provisoire,
– de les recevoir en leur appel incident,
Y faisant droit
– d’infirmer le jugement déféré en ce qu’il a rejeté le surplus de leurs demandes,
Statuant à nouveau,
– de dire et juger irrecevable pour cause de forclusion la demande de saisie des rémunérations présentée par la SA My Money Bank le 11 février 2021,
– de dire et juger que la SA My Money Bank, à la suite de la décision à intervenir, ne pourra pas prononcer la déchéance du prêt sur le fondement de cette créance,
– de dire et juger que la SA My Money Bank, à la suite de la décision à intervenir, ne pourra pas engager de mesure d’exécution sur le fondement de cette créance,
– d’enjoindre à la SA My Money Bank de leur transmettre un tableau d’amortissement à jour de déduction des intérêts conventionnels dont elle est déchue dans un délai de 5 jours à compter de la décision à intervenir sous astreinte 500 euros par jour de retard,
– d’enjoindre à la SA My Money Bank de verser aux débats un décompte comprenant les sommes qu’ils ont payées depuis le premier versement jusqu’au 15 novembre 2021, afin que la cour de céans soit en mesure de prononcer la condamnation de la SA My Money Bank à rembourser les intérêts conventionnels versés et qui viendront en déduction des sommes restant dues du capital,
– de condamner la SA My Money Bank sous astreinte de 500 euros par jour de retard à procéder à la mainlevée de leur inscription au fichier des incidents de paiement (FICP) dans un délai de 5 jours à compter de la décision à intervenir,
– d’ordonner la reprise des échéances contractuelles,
– de condamner la SA My Money Bank à leur payer des dommages et intérêts de 3000 euros pour procédure abusive,
A titre subsidiaire, si par extraordinaire une créance est reconnue à la SA My Money Bank,
– de leur donner acte de payer en une seule échéance toute somme qui sera fixée,
En tout état de cause,
– de condamner la SA My Money Bank à leur payer la somme de 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
– de condamner la SA My Money Bank aux entiers dépens.
Au soutien de leurs demandes, les époux [W] font valoir en substance :
– que la créance de la SA My Money Bank est prescrite au jour de la saisine du juge de l’exécution le 11 février 2021 introduite plus de deux ans après le premier incident de paiement non régularisé du 1er septembre 2018 ; que seule une action en justice aux fins d’obtention d’un titre exécutoire peut interrompre le délai de prescription ou de forclusion; qu’un commandement de payer ne saurait interrompre la prescription ou la forclusion ;
– que seules les dispositions relatives au crédit à la consommation sont applicables conformément à la convention des parties ;
– que la SA My Money Bank a manqué à son obligation de vérification de leur solvabilité, alors que les mensualités du crédit étaient élevées et que leurs ressources étaient fluctuantes, ainsi qu’à son devoir de mise en garde ; que la fiche de dialogue du 4 novembre 2014 n’est accompagnée d’aucun justificatif et ne comporte pas de charges ; que les consultations du FICP versées aux débats sont irrégulières et imprécises, et sont intervenues alors que l’offre avait été envoyée aux emprunteurs le 4 novembre 2014 ; qu’aucun document d’information concernant le regroupement de crédits ne leur a été remis ;
– que la SA My Money Bank n’a pas fourni aux emprunteurs l’information selon laquelle ils pourront contracter une assurance pour le prêt auprès d’un assureur de leur choix, ni fourni la notice comprenant les conditions générales de l’assurance proposée ; que les articles R. 313-12 et suivants du code de la consommation soumettent la SA My Money Bank à une obligation d’information de l’emprunteur et à un devoir de mise en garde ;
– qu’au vu du comportement de la SA My Money Bank qui a abusé de sa position dominante face à des emprunteurs profanes, le non respect de ses obligations par le prêteur professionnel est sanctionné par la déchéance totale du droit aux intérêts à hauteur de 39 797,61 euros ; que le manquement à ses obligations de la part de la SA My Money Bank a eu pour conséquence de provoquer leur endettement, et qu’ils ont été amenés à contracter dans des conditions qu’ils n’auraient pas acceptées si la banque s’était acquittée de ses obligations ;
– que malgré le jugement du 17 juin 2022, la SA My Money Bank refuse de radier leur inscription du FICP ; que la SA My Money Bank a toujours refusé depuis 2018 d’encaisser le moindre versement, inférieur à la totalité de la dette, et a décidé de son propre chef d’interrompre le prélèvement des échéances à compter du 15 novembre 2021 ; que la SA My Money Bank a refusé toutes leurs propositions ; que la SA My Money Bank a refusé de fournir, par mauvaise foi, le décompte à jour du capital amorti et des intérêts perçus, malgré la demande qui lui a été faite par le juge de l’exécution le 10 mai 2021 ;
– qu’ils vont effectuer des heures supplémentaires afin d’apurer la dette éventuelle en une seule fois.
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La clôture de l’instruction a été prononcée le 9 novembre 2022.
MOTIFS DE LA DECISION
Au préalable, il convient de rappeler que les parties ne contestent pas avoir volontairement soumis le contrat de prêt consenti suivant offre préalable signée le 6 novembre 2014, réitérée par acte authentique du 26 novembre 2014, aux dispositions du code de la consommation régissant les crédits à la consommation prévues aux articles L. 311-1 et suivants du code de la consommation dans leur version applicable à cette date.
Sur la prescription de la créance
L’article R. 312-35 du code de la consommation dispose que ‘ les actions en paiement engagées (…) à l’occasion de la défaillance de l’emprunteur doivent être formées dans les deux ans de l’événement qui leur a donné naissance à peine de forclusion.Cet événement est caractérisé par : (…) le premier incident de paiement non régularisé .’
En l’espèce, par courriers recommandés du 15 juillet 2020 avec avis de réception retournés signés le 23 juillet 2020, la SA My Money Bank a mis les époux [W] en demeure de s’acquitter des échéances impayées du 1er septembre 2018, 1er novembre 2018, 1er janvier 2019, 1er février 2019, 1er mars 2019, 1er avril 2019 et 1er juillet 2019 d’un montant total de 9 173,22 euros, et ce dans un délai de quinze jours, sous peine d’exigibilité anticipée du contrat de prêt.
Or, il y a lieu de constater que malgré la mise en demeure préalable à la déchéance du terme notifiée le 15 juillet 2020, la SA My Money Bank n’a pas entendu se prévaloir de l’exigibilité de la totalité des sommes dues dans le cadre de sa requête aux fins de saisie des rémunérations des époux [W] enregistrée le 11 février 2021, qui a repris le montant desdites échéances impayées au titre des sommes dues au principal.
Il en résulte que les paiements des échéances intervenus jusqu’à la date de la requête sont venus s’imputer sur les échéances impayées les plus anciennes.
Aussi, au jour de l’enregistrement de la requête aux fins de saisie des rémunérations des époux [W] le 11 février 2021, ils étaient redevables, selon les termes de celle-ci, de sept échéances impayées au 1er juillet 2019 inclus, qui ont été régularisées par les sept échéances suivantes payées sur la période d’août 2019 à février 2021 inclus, de sorte que la date de la première échéance impayée non régularisée était fixée au 1er août 2019.
Dans ces conditions, le délai biennal de forclusion courant à compter du 1er août 2019 n’était pas expiré au jour de l’enregistrement de la requête aux fins de saisie des rémunérations.
Au surplus, la SA My Money Bank a fait délivrer aux époux [W] un commandement aux fins de saisie-vente le 29 mars 2019 ayant pour effet d’interrompre le délai de forclusion de deux ans et de faire courir un nouveau délai à compter de cette date, conformément aux dispositions de l’article R. 211-5 du code des procédures civiles d’exécution.
Dès lors, le jugement déféré sera confirmé en ce qu’il a rejeté l’exception d’irrecevabilité de la demande aux fins de saisie des rémunérations tirée de la prescription.
Sur la fixation du montant de la créance en principal
La SA My Money Bank a sollicité la saisie des rémunérations des époux [W] à hauteur de 12 518,97 euros, correspondant aux échéances échues et impayées selon décompte du 15 novembre 2021, tel que soumis au premier juge.
Les époux [W] se sont prévalus de la déchéance du prêteur de son droit aux intérêts en faisant valoir que la SA My Money Bank a manqué à son obligation de vérification de leur solvabilité, et ne leur a pas remis de document d’information concernant les regroupements de crédit, ni fourni l’information selon laquelle ils pourront contracter une assurance pour le prêt auprès d’un assureur de leur choix, ni fourni la notice comprenant les conditions générales de l’assurance proposée.
L’article L. 311-9 du code de la consommation, dans sa version applicable antérieure à l’ordonnance n°2016-301 du 14 mars 2016, dispose que, ‘ avant de conclure le contrat de crédit, le prêteur vérifie la solvabilité de l’emprunteur à partir d’un nombre suffisant d’informations, y compris des informations fournies par ce dernier à la demande du prêteur. Le prêteur consulte le fichier prévu à l’article L. 333-4, dans les conditions prévues par l’arrêté mentionné à l’article L. 333-5, sauf dans le cas d’une opération mentionnée au 1 de l’article L. 511-6 ou au 1 du I de l’article L. 511-7 du code monétaire et financier. ‘
L’article L. 311-6 prévoit la remise à l’emprunteur d’une fiche d’informations préalablement à la conclusion du contrat de crédit, permettant la comparaison de différentes offres et d’appréhender clairement l’étendue de son engagement compte tenu de ses préférences.
En l’espèce, la SA My Money Bank a produit une fiche de dialogue comportant notamment les revenus et charges des emprunteurs, ainsi que les caractéristiques des prêts rachetés, signée par les époux [W] le 6 novembre 2014 (avec en annexe les avis d’imposition sur le revenu 2012, 2013 et 2014, les bulletins de paie des emprunteurs de juillet 2014 et décembre 2013, ainsi que les bulletins de salaire de novembre 2011, 2012 et 2013 pour Mme [W], outre leurs relevés bancaires de mai à septembre 2014), de même que la fiche d’informations précontractuelles européennes normalisées (FIPEN) signée et paraphée par les époux [W] le même jour, ainsi qu’un document d’information sur l’opération de regroupement de crédits paraphée et signée par les époux [W] ledit jour.
De même, la SA My Money Bank justifie de la consultation du FICP le 4 novembre 2014 en précisant que la clé correspond à la date de naissance des emprunteurs suivie des cinq premières lettres de leur nom (230257MBOKO à 18 heures 50 et 260259KISSA à 18 heures 51).
En outre, l’article L. 311-19 dudit code énonce que ‘ lorsque l’offre de contrat de crédit est assortie d’une proposition d’assurance, une notice doit être remise à l’emprunteur, qui comporte les extraits des conditions générales de l’assurance le concernant, notamment les nom et adresse de l’assureur, la durée, les risques couverts et ceux qui sont exclus. Si l’assurance est exigée par le prêteur pour obtenir le financement, la fiche d’informations mentionnée à l’article L. 311-6 et l’offre de contrat de crédit rappellent que l’emprunteur peut souscrire une assurance équivalente auprès de l’assureur de son choix. Si l’assurance est facultative, l’offre de contrat de crédit rappelle les modalités suivant lesquelles l’emprunteur peut ne pas y adhérer. ‘
En l’espèce, l’offre de prêt acceptée prévoit que l’emprunteur a la possibilité d’adhérer au contrat d’assurance-groupe, selon les conditions d’ouverture en cas de sinistre prévues dans la notice d’assurance, et qu’il peut également souscrire une assurance équivalente auprès de l’assureur de son choix.
En outre, l’offre acceptée par les époux [W] le 6 novembre 2014 comprend la mention pré-imprimée selon laquelle ‘ l’emprunteur déclare et reconnaît avoir reçu un exemplaire de la notice d’assurance comportant les extraits des conditions générales de l’assurance-groupe au cas où l’emprunteur déciderait de souscrire cette assurance ‘, dont ils reconnaissent avoir pris connaissance.
Pour autant, les époux [W] contestent la remise de la notice de l’assurance-groupe proposée.
Or, la SA My Money Bank ne justifie pas d’éléments venant corroborer l’indice caractérisé par la mention figurant à l’offre de prêt reconnaissant cette remise, étant précisé qu’aucune notice d’assurance comportant le paraphe ou la signature des époux [W] n’est versée en procédure.
Aussi, l’article L. 311-48 alinéa 1er dudit code, dans sa version applicable à la date du contrat, dispose que le prêteur qui accorde un crédit (…) sans remettre à l’emprunteur un contrat satisfaisant aux conditions fixées par les articles L. 311-11, L. 311-12, L. 311-16, L. 311-18, L. 311-19, L. 311-29, le dernier alinéa de l’article L. 311-17 et les articles L. 311-43 et L. 311-46, est déchu du droit aux intérêts. (…) L’emprunteur n’est tenu qu’au seul remboursement du capital suivant l’échéancier prévu (…) ‘.
Il convient de relever que ce premier alinéa a expressément prévu la déchéance du droit aux intérêts dans sa totalité, à la différence du second alinéa laissant au juge le pouvoir d’apprécier sa proportionnalité, de sorte que le manquement de la SA My Money Bank est sanctionné par la déchéance totale du droit aux intérêts.
Le premier juge a retenu que ‘ la banque ayant perçu depuis le 1er janvier 2015, date de la 1ère échéance de remboursement, des sommes au titre des intérêts dont elle se trouve déchue, lesquelles s’imputent sur le capital restant dû, les époux [W] ne restent débiteurs d’aucune somme au titre des échéances impayées mises en compte.’
Or, la SA My Money Bank soutient au contraire que ‘ le juge de l’exécution du tribunal judiciaire de Nancy, statuant en matière de saisie des rémunérations, a méconnu les dispositions de l’article L. 341-8 du code de la consommation en considérant que les sommes réclamées par la banque au titre des échéances échues et impayées n’étaient pas exigibles en raison de la compensation avec les intérêts qu’elle considérait indûment versés, (…) [et que] si la cour considère que des intérêts ont été indûment versés par l’emprunteur, ces sommes ne pourront qu’être imputées sur le capital restant dû à la date de prononcé de la déchéance du terme du prêt, qui s’élève à la somme de 121 871,35 euros, [sans] remettre en cause la validité des mises en demeure émises alors que le prêt demeurait impayé depuis de nombreux mois.’
Il y a lieu de constater que la créance dont se prévaut la SA My Money Bank aux fins de saisie des rémunérations des époux [W] est fondée sur l’absence de paiement de huit échéances du prêt, qui selon décompte arrêté en dernier état au 15 novembre 2021 et après imputation des paiements à l’échéance impayée la plus ancienne, portent à cette date sur la période du 1er avril 2021 au 1er novembre 2021.
En outre, il ressort des développements précédents que le prêteur encourt la déchéance totale de son droit aux intérêts sur les sommes appelées par la SA My Money Bank au 1er novembre 2021 en vertu du prêt consenti aux époux [W].
Pour autant, la SA My Money Bank, qui ne se prévaut pas de la déchéance du terme dans le cadre de cette instance, ne produit pas de décompte de sa créance correspondant aux échéances appelées et aux paiements intervenus sur la période du 1er janvier 2015 au 1er novembre 2021, tel que sollicité subsidiairement par les époux [W] en première instance et à hauteur de cour, étant précisé qu’il ne s’agit pas d’une compensation mais de la fixation des sommes dues au principal à ce titre.
Aussi, il en résulte que, compte tenu de la déchéance du droit aux intérêts, la SA My Money Bank ne justifie pas de l’existence d’une créance détenue à l’encontre des époux [W] au regard des versements opérés au titre des échéances depuis le début du contrat, soit selon le décompte arrêté au 15 novembre 2021, sur la période du 1er janvier 2015 au 1er novembre 2021.
Dans ces conditions, la SA My Money Bank est irrecevable à solliciter la saisie des rémunérations des époux [W].
Dès lors, le jugement déféré sera infirmé en ce qu’il a débouté la SA My Money Bank de sa demande en saisie des rémunérations des époux [W], et statuant à nouveau, cette demande sera déclarée irrecevable.
Par suite, il n’y a pas lieu de statuer sur la demande des époux [W] tendant à voir enjoindre sous astreinte à la SA My Money Bank de produire les pièces justifiant de sa créance qui revêt un caractère subsidiaire.
Sur le prononcé de la déchéance du terme
Le juge des saisies des rémunérations n’est pas compétent matériellement à connaître des prétentions liées à la régularité du prononcé de la déchéance du terme, à la reprise du paiement des échéances contractuelles ou à la mainlevée de l’inscription des emprunteurs au FICP, étant rappelé au surplus que la requête aux fins de saisie des rémunérations n’est pas fondée sur les sommes exigibles du fait de la déchéance du terme du prêt.
Au surplus, ces demandes revêtent un caractère subsidiaire, en ce que le jugement déféré a été confirmé quant à la demande principale des époux [W] tendant au rejet de la saisie de leurs rémunérations.
Sur la demande en dommages et intérêts pour procédure abusive
Il y a lieu de constater que la SA My Money Bank ne justifie pas de l’existence d’une créance détenue à l’encontre des époux [W] au titre des échéances impayées sur la période du 1er janvier 2015 au 1er novembre 2021, et ce compte tenu de la déchéance du droit aux intérêts prononcée en première instance et confirmée à hauteur de cour.
Pour autant, la procédure engagée par la SA My Money Bank ne saurait être qualifiée d’abusive en ce qu’elle résulte de l’exercice d’un droit et qu’elle tend à contester toute sanction au motif allégué de l’absence de manquement à ses obligations contractuelles.
Dans ces conditions, la preuve n’est pas rapportée du caractère abusif de la procédure engagée.
Dès lors, le jugement déféré sera confirmé sur ce point.
Sur les demandes accessoires
Le jugement déféré sera confirmé en ses dispositions relatives aux dépens et aux frais irrépétibles.
La SA My Money Bank qui succombe à hauteur de cour sera condamnée aux dépens d’appel et déboutée de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Les époux [W] ont dû engager des frais non compris dans les dépens afin d’assurer leur défense, de sorte qu’il convient de leur allouer la somme de 1 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS :
LA COUR, statuant publiquement, par arrêt contradictoire prononcé par mise à disposition au greffe, conformément aux dispositions de l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,
INFIRME partiellement le jugement déféré et, statuant à nouveau,
DECLARE la demande de saisie des rémunérations des époux [W] irrecevable,
CONFIRME le jugement déféré pour le surplus,
Y ajoutant,
DEBOUTE la SA My Money Bank de sa demande sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
CONDAMNE la SA My Money Bank à payer aux époux [W] la somme de 1 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
CONDAMNE la SA My Money Bank aux dépens.
Le présent arrêt a été signé par Monsieur Francis MARTIN, président de chambre à la Cour d’Appel de NANCY, et par Madame Christelle CLABAUX-DUWIQUET, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LE GREFFIER, LE PRESIDENT,
Minute en dix pages.