RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
N° RG 21/01819 – N° Portalis DBVS-V-B7F-FROQ
Minute n° 23/00081
[W], [P] EPOUSE [W], S.E.L.A.R.L. SCHAMING FIDRY & [O]
C/
S.C.I. VICTORIA
Jugement Au fond, origine TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de METZ, décision attaquée en date du 02 Juin 2021, enregistrée sous le n° 18/01229
COUR D’APPEL DE METZ
CHAMBRE COMMERCIALE
ARRÊT DU 11 MAI 2023
APPELANTS :
Monsieur [Y] [W]
[Adresse 1]
[Adresse 1]
Représenté par Me Yves ROULLEAUX, avocat au barreau de METZ
Madame [H] [P] EPOUSE [W]
[Adresse 1]
[Adresse 1]
Représentée par Me Yves ROULLEAUX, avocat au barreau de METZ
S.E.L.A.R.L. SCHAMING FIDRY & [O] prise en la personne de Maître [H] [O], ès qualités de mandataire liquidateur de la SARL VITA à l’enseigne HELLO FITNESS
[Adresse 2]
[Adresse 2]
Représentée par Me Yves ROULLEAUX, avocat au barreau de METZ
INTIMÉE :
S.C.I. VICTORIA Prise en la personne de son représentant légal pour ce domicilié audit siège
[Adresse 3]
[Adresse 3]
Représentée par Me Laure-anne BAI-MATHIS, avocat au barreau de METZ
DATE DES DÉBATS : A l’audience publique du 19 Janvier 2023 tenue par Mme Claire DUSSAUD, Magistrat rapporteur, qui a entendu les plaidoiries, les avocats ne s’y étant pas opposés et en a rendu compte à la cour dans son délibéré, pour l’arrêt être rendu le 11 Mai 2023.
GREFFIER PRÉSENT AUX DÉBATS : Mme Hélène BAJEUX
COMPOSITION DE LA COUR :
PRÉSIDENT : Mme Anne-Yvonne FLORES, Présidente de Chambre
ASSESSEURS : Mme DEVIGNOT,Conseillère
Mme DUSSAUD, Conseillère
ARRÊT : Contradictoire
Rendu publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile ;
Signé par Mme Anne-Yvonne FLORES, Présidente de Chambre et par Mme Jocelyne WILD, Greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSE DU LITIGE
Par acte notarié du 20 juillet 2000, SCI Victoria a consenti à M. [Y] [W] et Mme [H] [W] née [P] un bail commercial portant sur des locaux situés [Adresse 5]. Le bail, destiné à une activité de salle de sport, gymnastique, fitness center, piscine, bains bouillonnants, cafétéria réservée à la clientèle et vente d’accessoires se rapportant à l’activité principale, a été consenti pour une durée de 9 ans à compter du 1er août 2000 jusqu’au 31 juillet 2009 et s’est poursuivi par tacite reconduction. Les locaux ont été occupés par la SARL Vita à l’enseigne Garden Gym puis Hello Fitness et dont M. [W] était le gérant.
Par acte d’huissier du 8 février 2018, la SCI Victoria a fait délivrer à la SARL Vita un commandement de payer la somme principale de 26.042,89 euros au titre des loyers impayés au 1er trimestre 2018 en visant la clause résolutoire du bail.
Par exploit d’huissier délivré le 2 mars 2018, la SARL Vita a fait assigner la SCI Victoria devant la chambre civile du tribunal de grande instance de Metz et a demandé au tribunal, au visa des articles 1184, 1719, 1720 et 1741 du code civil et de l’article L145-14 du code de commerce, de:
– annuler le commandement de payer du 8 février 2018 visant la clause résolutoire délivrée par le bailleur pour un montant de 26.042,89 euros,
– prononcer la résiliation judiciaire du bail commercial établi le 20 juillet 2000 par devant M. [S] [Z], notaire à [Localité 4], portant sur les locaux situés [Adresse 5], aux torts du bailleur,
En conséquence,
– dire et juger que le preneur a droit à une indemnité d’éviction calculée sur le fondement des critères définis à l’article L145-14 du code de commerce compensant le préjudice résultant de la résiliation du bail,
En conséquence,
– ordonner une expertise judiciaire aux frais avancés de la SCI Victoria et désigner tel expert qu’il plaira à la juridiction avec la mission habituelle d’apprécier l’indemnité d’éviction due par le bailleur au preneur et l’indemnité d’occupation due par le preneur au bailleur à compter du jugement prononçant la résiliation du bail, le tout en application des articles L145-14 et L145-28 du code de commerce,
– condamner la SCI Victoria à payer à la SARL Vita, à titre de dommages et intérêts pour trouble de jouissance, la somme de 100.000 euros,
– condamner la SCI Victoria à payer à la SARL Vita une somme de 15.000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamner la SCI Victoria en tous les frais et dépens de la procédure en application des dispositions de l’article 696 du code de procédure civile,
– ordonner l’exécution provisoire de la décision à intervenir.
Parallèlement, par acte d’huissier délivré le 2 mars 2018, la SARL Vita a fait assigner la SCI Victoria devant le juge des référés du tribunal de grande instance de Metz en vue d’obtenir une expertise judiciaire de l’état des locaux loués et la suspension du paiement de ses loyers et charges compte tenu des dégradations et non conformités affectant le local. La SCI Victoria a sollicité reconventionnellement la constatation de l’acquisition de la clause résolutoire du bail et de la résiliation de plein droit du bail commercial et en tant que de besoin le prononcé de la résiliation du bail.
Par ordonnance du 10 juillet 2018, le juge des référés a fait droit à la demande d’expertise judiciaire, confiée à M. [G] [D], expert, a rejeté la demande de suspension du paiement de ses loyers et charges formée par la SARL Vita et a débouté la SCI Victoria de ses demandes relatives à la constatation ou au prononcé de la résiliation du bail compte tenu de la procédure introduite au fond devant le tribunal.
Le 12 juin 2019, M. [D], expert, a déposé son rapport d’expertise.
Par jugement de la chambre commerciale du tribunal de grande instance de Metz du 3 juillet 2019, la SARL Vita a été placée en liquidation judiciaire et la SELARL Schaming Fidry et [O], prise en la personne de Mme [H] [O], mandataire judiciaire, a été désignée ès qualités de mandataire à la liquidation de la SARL Vita. La SCI Victoria a déclaré sa créance.
Par lettre recommandée avec accusé de réception du 5 juillet 2019, la SCI Victoria a invité le mandataire liquidateur à prendre position sur la poursuite du bail. Par lettre du 15 juillet 2019, ce dernier a indiqué mettre fin au bail et a précisé qu’il entendait poursuivre la procédure en cours. Les locaux ont été restitués le 12 novembre 2019.
Par conclusions récapitulatives et interventions volontaires du 5 février 2020, la SARL Vita, M. et Mme [W] ainsi que la SELARL Schaming Fidry & [O], prise en la personne de Mme [O] ès qualités de mandataire à la liquidation judiciaire de la SARL Vita, ont demandé au tribunal judiciaire de Metz, au visa des articles 1224 à 1230, 1231-1, 1719, 1720 et 1741 du code civil et L145-14 du code de commerce de:
– débouter la SCI Victoria de l’ensemble de ses demandes, fins et prétentions,
– déclarer recevables et bien fondées les interventions volontaires de M. et Mme [W] et de la SELARL Schaming Fidry & [O], prise en la personne de Mme [O] ès qualités de mandataire à la liquidation judiciaire de la SARL Vita,
– de dire et juger que M. et Mme [W] n’étaient redevables d’aucun loyer au titre du bail compte tenu d’une part d’une novation intervenue et d’autre part des manquements au titre de l’exception d’inexécution qu’ils pouvaient opposer au bailleur consécutivement aux graves manquements à ses obligations de délivrance et de clos et de couvert de l’immeuble (article 1719 et suivants du code civil),
– prononcer la résiliation judiciaire du bail commercial établi le 20 juillet 2000 par Me [Z], portant sur les locaux situés [Adresse 5], aux torts du bailleur,
En tout état de cause,
– dire et juger que le bailleur était responsable de la défaillance du locataire ainsi que de l’arrêt de l’exploitation et que le preneur avait droit à une indemnité d’éviction calculée sur le fondement des critères définis à l’article L145-14 du code de commerce au titre du préjudice résultant de la perte du fonds de commerce,
– ordonner l’évaluation de ce préjudice par voie d’expertise judiciaire sur le fondement de l’article 145 du code de procédure civile et en prescrivant à l’expert d’apprécier la valeur du fonds de commerce et donc l’indemnité revenant au bailleur en se référant aux critères énoncés à l’article L145-14 du code de commerce,
En conséquence,
– condamner la SCI Victoria à payer à la SARL Vita, en liquidation et représentée par Mme [O], ès qualités de mandataire à la liquidation judiciaire de la SARL Vita, à titre de dommages et intérêts pour trouble de jouissance sur la période de 2013 à 2019, la somme de 1.950.000 euros,
– condamner la SCI Victoria à payer à la SARL Vita, en liquidation et représentée par Mme [O] ès qualités de mandataire à la liquidation judiciaire de la SARL Vita, une somme de 15.000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamner la SCI Victoria en tous les frais et dépens de la procédure.
Par ses dernières conclusions récapitulatives du 3 juillet 2020, la SCI Victoria a demandé au tribunal judiciaire de :
– déclarer la SARL Vita irrecevable et mal fondée en ses demandes,
– constater que la SELARL Schaming Fidry & [O], prise en la personne de Mme [O] ès qualités de mandataire à la liquidation judiciaire de la SARL Vita, était intervenue volontairement aux débats,
– constater que le liquidateur avait mis fin au contrat,
– dire et juger n’y avoir lieu à prononcer la résiliation du bail aux torts du bailleur,
– constater que le bail a été résilié amiablement par le mandataire judiciaire, de rejeter la demande d’annulation du commandement délivré le 8 février 2018,
– dire et juger n’y avoir lieu à ordonner une expertise de la valeur du fonds de commerce de la SARL Vita,
– condamner la SARL Vita représentée par son liquidateur et M. et Mme [W] solidairement à lui payer la somme de 5.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
Avant dire droit,
– ordonner une expertise judiciaire de l’immeuble situé [Adresse 5],
– condamner M. et Mme [W] solidairement avec la SARL Vita au paiement de la somme de 176.329,29 euros correspondant aux loyers et charges impayés,
– constater que la créance de la SCI Victoria au titre des loyers et charges impayés s’établissait à la somme de 176.329,29 euros,
– fixer la créance à la somme de 176.329,29 euros à titre privilégié (privilège du bailleur),
– condamner solidairement la SARL Vita et M. et Mme [W] en tous les frais et dépens.
Par jugement du 2 juin 2021, le tribunal judiciaire de Metz a :
– déclaré recevables les interventions à l’instance de M. et Mme [W] ainsi que de la SELARL Schaming Fidry & [O], prise en la personne de Mme [O] ès qualités de mandataire à la liquidation judiciaire de la SARL Vita,
– dit n’y avoir lieu avant dire droit à expertise judiciaire,
– débouté M. et Mme [W] et la SARL Vita, société en liquidation judiciaire représentée par la SELARL Schaming Fidry & [O], prise en la personne de Mme [O] ès qualités de mandataire à la liquidation judiciaire, de toutes leurs demandes,
– fixé la créance de la SCI Victoria à la procédure de la SARL Vita:
* à la somme de 176.320,39 euros au titre des loyers et charges impayées, au titre du privilège du bailleur,
* à la somme de 3.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
* aux dépens de la procédure,
– condamné solidairement M. et Mme [W] à payer à la SCI Victoria la somme de 176.320,39 euros due solidairement avec la SARL Vita, avec intérêts au taux légal à compter du jugement,
– condamné solidairement M. et Mme [W] à payer à la SCI Victoria la somme de 3.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamné solidairement M. et Mme [W] aux dépens.
Le tribunal a tout d’abord constaté qu’il était pas évoqué d’état des lieux d’entrée et que de ce fait, le preneur était réputé les avoir reçus en état correct. Il a ajouté que le bailleur avait à sa charge les grosses réparations prévues par l’article 606 du code civil dont la liste était limitative, ainsi que la vétusté dès lors que le bail était muet à ce sujet et que toutes les autres réparations, à savoir celles permettant le maintien permanent en bon état de l’immeuble, relevaient des réparations d’entretien et étaient à la charge du preneur, de même que les remises aux normes administratives, de sécurité et d’hygiène.
Le tribunal a relevé que le litige entre les parties était ancien puisqu’une expertise avait déjà été ordonnée en référé et avait donné lieu à un rapport de M. [T] en septembre 2008. Il observe que la SARL Vita ne produisait aucune facture des travaux que M. [T] lui avait imposé de mettre en ‘uvre dans son rapport d’expertise et qu’elle ne produisait pas davantage de factures d’entretien courant du bâtiment. Il a également souligné que la SARL Vita n’avait pas sollicité en justice la condamnation du bailleur à réaliser des travaux, n’étant manifestement pas en situation de justifier avoir procédé à ceux lui incombant, et qu’elle s’était contentée de déduire unilatéralement des loyers dus certaines factures dont la charge lui incombait, avant de cesser de payer son loyer, malgré le rejet de sa demande de suspension de paiement par le juge des référés en juillet 2018.
Il a ajouté que la SARL Vita ne justifiait pas de l’exécution de ses obligations d’entretien et que l’état actuel des locaux n’était que la conséquence d’un long processus de dégradation de la couverture par manque d’entretien du preneur et par suite d’aménagements intérieurs déjà pointés en 2008 et auxquels il n’avait jamais été remédié, le preneur ayant manifestement laissé les choses s’aggraver jusqu’à dégradation complète de la toiture, nécessitant un remplacement total.
Le tribunal a noté que la remise aux normes de la canalisation de gaz passant sous le bâtiment incombait au preneur aux termes du bail, que les problèmes de saturation du réseau d’eau de la zone d’activité commerciale et du refoulement des eaux en cas de forte pluie n’avaient jamais empêché l’exploitation du fonds et n’étaient pas à l’origine de sa perte d’exploitation puis de sa liquidation et que la chaudière ne relevait pas des grosses réparations de l’article 606 du code civil. Il a ajouté que les allégations de la SARL Vita s’agissant du refus d’intervention de Gazeo compte tenu de l’absence de pièces, de l’état de dangerosité et de la prescription ne plus utiliser la chaudière n’étaient pas confortées par la production du rapport d’intervention de cette dernière. Il a estimé que l’intervention des pompiers et la mise hors service de l’installation n’étaient pas non plus justifiées.
Le tribunal en a conclu qu’il n’était pas nécessaire d’ordonner une expertise plus ample avant dire droit, considérant que l’exception d’inexécution était invoquée à tort par les demandeurs, que l’état des locaux relevait de la carence ancienne et continue du preneur et que les pertes d’exploitation du fonds à l’origine de la liquidation judiciaire de la SARL Vita et de la résiliation du bail par le mandataire liquidateur n’étaient pas imputables à la SCI Victoria.
Il a par ailleurs considéré que la somme de 176.320,39 euros invoquée par la SCI Victoria au titre des loyers et charges impayées n’était pas contestée dans son montant, de sorte que cette créance devait être fixée au passif de la procédure collective de la SARL Vita, au titre du privilège du bailleur.
Il a rappelé que le contrat de bail prévoyait la possibilité pour les preneurs de céder ou de faire apport de leur droit de bail à une société mais incluait également une clause de solidarité entre cédant et cessionnaire et que, par jugement du 2 mai 2019, le juge de l’exécution avait écarté la novation invoquée par M. et Mme [W].
Par déclaration déposée au greffe de la cour d’appel de Metz le 15 juillet 2021, la SELARL Schaming Fidry & [O], prise en la personne de Mme [O] ès qualités de mandataire à la liquidation judiciaire de la SARL Vita, ainsi que M. et Mme [W] ont interjeté appel aux fins d’annulation, subsidiairement infirmation du jugement rendu le 2 juin 2021 par le tribunal judiciaire de Metz en ce qu’il avait :
– dit n’y avoir lieu avant dire droit à expertise judiciaire,
– les avait déboutés de leurs demandes tendant à voir :
* dire et juger que M. et Mme [W] n’étaient redevables d’aucun loyer au titre du bail compte-tenu de la novation intervenue et des graves manquements du bailleur,
* prononcer la résiliation judiciaire du bail commercial établi le 20 juillet 2020 aux torts du bailleur,
* dire et juger que le bailleur était responsable de la défaillance du locataire et de l’arrêt de l’exploitation et que le bailleur avait droit à une indemnité d’éviction calculée sur le fondement des critères définis à l’article L 145-4 du code de commerce au titre du préjudice résultant de la perte du fonds de commerce, et évalué par voie d’expertise judiciaire,
* condamner la SCI Victoria au paiement de la somme de 1.950.000 euros à titre de dommages et intérêts pour troubles de jouissance sur la période de 2013 à 2019 et celle de 15.000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens
– fixé la créance de la SCI Victoria à la procédure de la SARL Vita à la somme de 176.320,39 euros au titre des loyers et charges impayées, au titre du privilège du bailleur, et à la somme de 3.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, outre les dépens
– condamné solidairement M. et Mme [W] à payer à la SCI Victoria la somme de 176.320,39 euros due solidairement avec la SARL Vita, avec intérêts au taux légal à compter du jugement,
– condamné solidairement M. et Mme [W] à payer à la SCI Victoria la somme de 3.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamné solidairement M. et Mme [W] aux dépens.
Par conclusions déposées le 4 janvier 2023, auxquelles il sera référé pour un plus ample exposé des prétentions et des moyens, la SAS [Z] & Associés, prise en la personne de Mme [H] [O] ès qualités de mandataire liquidateur de la SARL Vita, venant aux droits de la SELARL Schaming Fidry & [O], prise en la personne de Mme [O] ès qualités de mandataire à la liquidation judiciaire de la SARL Vita, ainsi que M. et Mme [W] demandent à la cour de:
– recevoir l’appel de la SAS [Z] et associés, venant aux droits de la SELARL Schaming Fidry & [O], prise en la personne de Mme [O] ès qualités de mandataire à la liquidation judiciaire de la SARL Vita, et des époux [W], et le dire bien fondé,
– infirmer le jugement entrepris en ce qu’il a :
* dit n’y avoir lieu avant dire droit à expertise judiciaire
* débouté les époux [W] et la SARL Vita, en liquidation judiciaire et représentée par la SELARL Schaming Fidry & [O], de toutes leurs demandes,
* fixé la créance de la SCI Victoria à la procédure collective de la SARL Vita à la somme de 176.329,29 euros au titre des loyers et charges impayés, au titre du privilège du bailleur et à la somme de 3.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens de la procédure,
* condamné solidairement les époux [W] à payer cette somme solidairement avec la SARL Vita, avec intérêts au taux légal à compter du jugement,
* condamné solidairement les époux [W] à payer la somme de 3.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, outre les dépens,
Et statuant à nouveau,
– prononcer la résiliation judiciaire du bail commercial reçu le 20 juillet 2000 par Me [Z], alors notaire à [Localité 4], portant sur les locaux situés [Adresse 5], aux torts du bailleur,
En tout état de cause,
– juger que le bailleur est responsable de la défaillance du locataire et de l’arrêt de l’exploitation du fonds et qu’en conséquence, le preneur a droit à une indemnité d’éviction calculée sur le fondement des critères définis à l’article L145-14 du code de commerce au titre du préjudice résultant de la perte du fonds de commerce,
– avant dire droit, ordonner une expertise confiée à tel expert qu’il plaira à la cour de désigner avec pour mission d’apprécier la valeur du fonds de commerce et celle de l’indemnité devant revenir au preneur en se référant aux critères énoncés à l’article L145-14 du code de commerce,
– leur réserver la possibilité de conclure plus amplement après dépôt du rapport d’expertise,
– condamner dès à présent la SCI Victoria à payer à la SAS [Z] & associés, venant aux droits de la SELARL Schaming Fidry & [O], prise en la personne de Mme [O], en sa qualité de mandataire liquidateur de la SARL Vita, la somme de 1.950.000 euros à titre de dommages et intérêts pour troubles de jouissance sur la période de 2013 à 2019,
Vu la novation par substitution de débiteur intervenue conformément aux prévisions du contrat de bail commercial reçu par Me [Z] le 20 juillet 2000,
– juger que les époux [W] n’étaient plus le preneur et n’avaient plus la qualité de débiteur vis-à-vis de la SCI Victoria,
– en conséquence, juger que les époux [W] ne sont redevables d’aucun loyer au titre du bail et débouter la SCI Victoria de sa demande,
En tout état de cause,
Vu les manquements graves et réitérés du bailleur à ses obligations de délivrance et de clos et de couvert de l’immeuble,
– juger que tant M. et Mme [W] que la SARL Vita sont fondés à opposer à la SCI Victoria l’exception d’inexécution,
– en conséquence, débouter la SCI Victoria de sa demande tant à l’encontre de M. et Mme [W] qu’à l’encontre de la SARL Vita,
– y ajoutant, condamner la SCI Victoria à payer à M. et Mme [W] la somme de 15.000 euros à chacun d’eux à titre de dommages et intérêts en réparation de leur préjudice moral,
– condamner la SCI Victoria en tous les frais et dépens de première instance et d’appel ainsi qu’au paiement d’une somme de 20.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Les appelants font valoir que le rapport d’expertise de M. [T] en septembre 2008 n’évoquait que de mineures réparations ponctuelles et est dépassé puisque, dans le rapport d’expertise du 12 juin 2019 réalisé par M. [D], il a été stigmatisé l’état de délabrement total des lieux loués ne permettant plus d’assurer une sécurité aux usagers ni un confort portant indispensable à ce type d’activité, étant ajouté que la chaudière n’était plus en état de fonctionner correctement et que l’état du bâtiment n’était pas compatible avec l’activité en cours.
Ils rappellent que les sapeurs-pompiers étaient intervenus le 19 juin 2019 suite à des odeurs de gaz et que l’entreprise Gazeo avait prescrit, compte tenu de problèmes de sécurité, l’arrêt complet de la chaufferie, la condamnation de la conduite gaz-chaudière et la mise à l’arrêt de l’armoire électrique le 25 juin 2019.
Les appelants expliquent que la SARL Vita a été contrainte de fermer ses locaux, ne pouvant plus les exploiter, que les grosses réparations telles que le clos et le couvert de l’immeuble ne peuvent pas être mises à la charge du preneur dès lors qu’elles incombent à la SCI Victoria, impliquant la responsabilité de cette dernière. Ils estiment qu’il n’a jamais été démontré que l’état actuel de la toiture serait imputable au défaut d’entretien du preneur et ajoutent que si le locataire a une obligation d’entretien pendant la durée du bail, cette obligation a pour limite la vétusté et que, en l’espèce, l’ensemble immobilier était vétuste.
Ils soulignent que les constats techniques établis par M. [J], expert, et par la société LF expertise ont été établis à la seule demande de la SCI Victoria et ont été réalisés postérieurement à la fermeture de l’établissement de manière non contradictoire en l’absence de la SARL Vita et des époux [W]. Ils concluent que, par conséquent, ces constats leur sont inopposables et doivent être écartés des débats. Ils relèvent que la présence d’une piscine et d’un spa ne peuvent être retenus comme cause des infiltrations puisque ces équipements relèvent incontestablement de la destination des locaux.
Les appelants font valoir que le bailleur est tenu de délivrer un local conforme à l’exploitation, que les refoulements d’eau ainsi que les inondations à répétition ne permettaient pas une exploitation conforme. Ils estiment que la responsabilité du bailleur doit être retenue, l’engorgement du réseau public d’évacuation relevant de sa responsabilité. Ils considèrent que le preneur a justement sollicité la mobilisation de l’obligation de délivrance due par le bailleur puisque les inondations provenant du parking ont empêché l’exploitation des locaux.
Sur la conformité du réseau de gaz, ils soutiennent que le bailleur est resté silencieux sur la question de la chaudière dont l’arrêt et l’impossibilité de chauffer les locaux en résultant, y compris la piscine et le spa, a empêché la poursuite de l’exploitation.
Ils ajoutent que le fait que le liquidateur de la SARL Vita ait notifié au bailleur la résiliation du bail ne remet pas en cause leurs prétentions puisque le liquidateur a notifié la résiliation du bail en raison de l’impossibilité d’exploiter les locaux par suite de leur état d’insalubrité et de dangerosité imputable au bailleur et que l’impossibilité de poursuivre l’exploitation du fonds résulte des graves manquements du bailleur à ses obligations. Ils considèrent que le préjudice subi par le locataire est constitué par la fermeture de l’établissement et l’impossibilité de poursuivre son exploitation ou de faire valoir son droit au renouvellement selon les dispositions de l’article L145-14 du code de commerce. Les appelants sollicitent en conséquence que soit déterminée la valeur marchande du fonds de commerce par dire d’expert.
S’agissant de l’arriéré locatif, les appelants soulignent que les époux [W] avaient été autorisés à céder ou faire apport de leur droit au bail à la société qu’ils se proposaient de constituer entre eux-mêmes et la société Well, que, dans ce contexte, la SARL Vita a été constituée et avait pour objet l’exploitation d’une salle de sports et de remise en forme, de sorte que, conformément au contrat de bail commercial du 20 juillet 2000, la SARL Vita s’est substituée aux époux [W] en qualité de locataire. Ils ajoutent que la bailleresse a accepté cette substitution de débiteur, que cette dernière a adressé les factures de loyers à la SARL Vita et que M. et Mme [W] ont légitimement demandé à être déchargés du paiement de tout loyer compte-tenu de la substitution de débiteur ainsi opérée. Ils affirment qu’il est incontestable que la SCI Victoria a reconnu la SARL Vita comme sa locataire en lui adressant ses factures et en acceptant ses paiements mais aussi en adressant le commandement de payer visant la clause résolutoire du bail à la SARL Vita. Ils considèrent que l’intention de nover doit être appréciée par le juge du fond qui dispose, à cet égard d’un pouvoir d’appréciation souverain et doit rechercher la commune intention des parties contractantes.
Les appelants estiment donc que l’obligation de M. et Mme [W] de payer les loyers est éteinte, que la SCI Victoria ne leur a pas réclamé de sommes durant une très longue période supérieure au délai de prescription.
Ils soutiennent également, sur le fondement de l’exception d’inexécution, que les manquements graves du bailleur à ses obligations sont de nature à les décharger du paiement des loyers, que les locaux n’étaient plus aptes à être exploités dans le cadre de l’activité à laquelle ils étaient destinés et que le bailleur a manqué à son obligation de délivrance.
M. et Mme [W] ajoutent subir une dépression sévère et chronique du fait de la perte de leur fonds, exploité par la SARL Vita, et être encore aujourd’hui placés en arrêt maladie.
Par conclusions du 17 décembre 2022, auxquelles il sera renvoyé pour un plus ample exposé des prétentions et des moyens, la SCI Victoria demande à la cour de :
– dire et juger l’appel interjeté à l’encontre du jugement du tribunal judiciaire de Metz du 2 juin 2021 recevable en la forme mais non fondé,
– en conséquence, le rejeter,
– débouter Mme [O], ès qualités de liquidateur de la SARL Vita, M. et Mme [W] de l’ensemble de leurs demandes,
– confirmer le jugement en toutes ses dispositions,
– déclarer la demande de dommages et intérêts de M. et Mme [W] irrecevable,
– à défaut, déclarer la demande mal fondée et la rejeter,
– débouter M. et Mme [W] de leur demande,
– condamner Mme [O], ès qualités de liquidateur de la SARL Vita, M. et Mme [W] au paiement d’une somme de 5.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamner Mme [O], ès qualités de liquidateur judiciaire de la SARL Vita, M. et Mme [W] aux frais et dépens de la procédure d’appel.
La SCI Victoria fait valoir qu’à défaut de constat d’entrée dans les lieux, les locaux étaient réputés avoir été pris en bon état au 1er août 2000, que le locataire a reconnu prendre les lieux dans leur état au moment de l’entrée en jouissance sans pouvoir exiger aucune réparation ou remise en état, qu’il s’est aussi s’est engagé à supporter les travaux de mise en conformité des locaux exigés par toute autorité administrative au regard des nouvelles règles de sécurité, d’hygiène ou de salubrité ainsi qu’à supporter toutes les réparations à faire aux biens loués pendant la durée du bail.
Elle soutient que selon le rapport de M. [T], les infiltrations constatées sur la toiture étaient la conséquence d’un manque d’entretien de la SARL Vita et qu’il avait été relevé la mauvaise conception de l’espace piscine-spa, l’évacuation de la vapeur d’eau dégagée par l’eau chaude de la piscine n’étant pas suffisante et créant à certains endroits des dommages de condensation.
L’intimée relève que l’appelante ne produit aucune facture relative aux travaux d’entretien et de réparation des lieux loués et que celle-ci n’a manifestement pas maintenu les lieux en bon état d’entretien et de réparation. Elle ajoute que le remplacement de la chaudière incombe au preneur.
La SCI Victoria rappelle que, si les opérations de la société LF expertise et de M. [J] des 25 novembre 2019 et 27 novembre 2019 n’ont pas été contradictoires, les rapports ont été régulièrement communiqués aux débats et débattus contradictoirement. Elle affirme que si la couverture est ancienne, elle n’est pas vétuste et que c’est à juste titre que le tribunal a retenu au vu des pièces produites que le preneur avait manqué à son obligation d’entretien.
Elle souligne également que le mandataire a procédé à la résiliation du contrat de bail du fait de la liquidation judiciaire et non du fait de l’impossibilité d’exercer l’activité dans les lieux loués. Elle observe en outre que la salle de sport était ouverte au public alors que la SARL Vita l’avait assignée en se plaignant de l’impossibilité d’exploiter son fonds. Elle ajoute que la SARL Vita ne l’avait pas assignée aux fins d’exécution de travaux mais en suspension du paiement des loyers.
S’agissant du paiement des arriérés locatifs par M. et Mme [W], solidairement avec la SARL Vita, l’intimée fait valoir que, durant le bail, le renouvellement a été demandé par M. et Mme [W] et non par la SARL Vita, qu’ils ont procédé au règlement de loyers au lieu et place de la SARL Vita et qu’ils se sont comportés comme preneurs au bail. Elle termine en relevant que dans son arrêt du 8 décembre 2020, la cour a considéré qu’en l’absence de manifestation non équivoque de la volonté des parties de décharger M. et Mme [W] de leurs obligations au titre du contrat de bail du 20 juillet 2000, ces derniers étaient demeurés débiteurs. La SCI Victoria relève que durant le bail, son renouvellement a été demandé par M. et Mme [W], qu’ils ont procédé au paiement des loyers aux lieux et place de la SARL Vita. Elle estime qu’ils doivent être condamnés solidairement.
Enfin, elle soutient que la demande de dommages-intérêts en réparation de leur préjudice moral doit être déclarée irrecevable sur le fondement de l’article 910-4 du code de procédure civile.
L’ordonnance de clôture a été prononcée le 5 janvier 2023.
MOTIFS DE LA DECISION
Sur la portée de l’appel
La cour observe, au regard de la déclaration d’appel, que ce dernier ne porte pas sur les dispositions du jugement ayant déclaré recevables les interventions à l’instance de M. et Mme [W] ainsi que de la SELARL Schaming Fidry & [O] prise en la personne de Mme [O], ès qualités de mandataire à la liquidation judiciaire de la SARL Vita.
Elle n’en est donc pas saisie.
Sur la recevabilité de la demande de dommages et intérêts formée par M. et Mme [W]
L’article 910-4 du code de procédure civile dispose qu’ «à peine d’irrecevabilité, relevée d’office, les parties doivent présenter, dès les conclusions mentionnées aux articles 905-2 et 908 à 910, l’ensemble de leurs prétentions sur le fond. L’irrecevabilité peut également être invoquée par la partie contre laquelle sont formées des prétentions ultérieures.
Néanmoins, et sans préjudice de l’alinéa 2 de l’article 802, demeurent recevables, dans les limites des chefs du jugement critiqués, les prétentions destinées à répliquer aux conclusions et pièces adverses ou à faire juger les questions nées, postérieurement aux premières conclusions, de l’intervention d’un tiers ou de la survenance ou de la révélation d’un fait».
En l’espèce, M. et Mme [W] ont sollicité la condamnation de la SCI Victoria à leur payer la somme de 15.000 euros de dommages et intérêts en réparation de leur préjudice moral pour la première fois dans leurs conclusions récapitulatives n°2 du 19 octobre 2022, cette demande n’étant pas formée dans leurs conclusions d’appel du 15 octobre 2021, ni dans celles du 14 avril 2022.
Elles n’ont donc pas été présentées dès les conclusions d’appel avec l’ensemble des demandes sur le fond.
Par ailleurs, cette demande de dommages et intérêts n’est pas formée en réplique aux conclusions adverses et n’est pas due à la survenance ou à la révélation d’un fait né postérieurement aux premières conclusions.
En conséquence, la demande de dommages et intérêts formée par M. et Mme [W] sera déclarée irrecevable.
Sur la demande de résiliation du bail aux torts du bailleur
Il résulte des dispositions de l’article L641-11-1 du code de commerce que lorsque le bailleur adresse au mandataire liquidateur du preneur une mise en demeure de prendre parti sur la poursuite du contrat de bail et que le mandataire indique expressément qu’il sollicite la résiliation du contrat, le bail est alors résilié de plein droit.
En l’espèce, la SCI Victoria justifie avoir adressé par lettre recommandée avec demande d’avis de réception du 5 juillet 2019 au mandataire liquidateur de la SARL Vita en le mettant en demeure, conformément aux dispositions de l’article L641-11-1 du code de commerce, de prendre position dans un délai d’un mois sur la poursuite du contrat de bail.
Il résulte des pièces produites par chacune des parties que le mandataire, par courrier du 15 juillet 2019, a sollicité la résiliation du bail compte tenu de la liquidation judiciaire de la SARL Vita, ce qui n’est d’ailleurs pas contesté.
En conséquence, par application des dispositions de l’article L641-11-1 susvisé, le bail a été résilié de plein droit.
Si le mandataire a indiqué dans son courrier que cette résiliation ne remettait pas en cause les prétentions invoquées dans le cadre du litige pendant entre la SCI Victoria et la SARL Vita, il faut uniquement en déduire qu’il entendait poursuivre les demandes d’indemnisation qui avaient été initiées par la SARL Vita et ne saurait remettre en cause la résiliation du bail intervenue de plein droit à la suite de la réponse du mandataire le 15 juillet 2019.
La résiliation du bail étant déjà intervenue de plein droit, la demande tendant à voir prononcer la résiliation du bail aux torts du bailleur n’a plus d’objet et doit être rejetée de ce fait.
Sur le droit à une indemnité d’éviction pour le preneur et à la demande d’expertise avant dire-droit sur le montant de cette indemnité
L’article L145-14 du code de commerce sur lequel se fonde la SAS [Z] & Associés, prise en la personne de Mme [H] [O] ès qualités de mandataire liquidateur de la SARL Vita pour invoquer son droit à une indemnité d’éviction et pour solliciter une expertise afin d’obtenir des éléments permettant d’en déterminer le montant, précise que le bénéfice d’une indemnité d’éviction naît du refus de renouvellement du bail par le bailleur.
Or, en l’espèce, ce n’est pas la SCI Victoria qui a refusé le renouvellement du bail consenti à la SARL Vita mais le mandataire de cette dernière qui a sollicité la résiliation du bail à la suite de la mise en demeure de la SCI Victoria de prendre position sur la poursuite ou non du bail.
Dès lors le mandataire ès qualités ne peut prétendre à une indemnité d’éviction qui ne s’applique qu’en cas de refus de renouvellement par le bailleur.
En conséquence, il n’y a pas lieu de faire droit à la demande d’expertise avant dire-droit afin destinée à apprécier le montant de l’indemnité d’éviction. Le jugement qui avait refusé cette expertise sera confirmé à ce titre.
Sur la demande de dommages-intérêts pour trouble de jouissance du preneur
Il est constant qu’il n’y a pas eu d’état des lieux d’entrée.
Le bail conclu le 20 juillet 2000 mentionne à la rubrique «état des lieux» que «le preneur prendra les lieux loués dans leur état au moment de l’entrée en jouissance sans pouvoir exiger aucune réparation ou remise en état».
Il indique également dans ses conditions générales que «les travaux de mise en conformité des locaux exigés par toutes autorités administratives au regard des nouvelles règles de sécurité, d’hygiène ou de salubrité seront à la charge du preneur».
Il est ajouté dans un paragraphe intitulé «Réparations»:
«Toutes les réparations à faire aux biens loués, pendant la durée du bail, qu’elles soient locatives ou d’entretien, sont à la charge du locataire, à la seule exception des grosses réparations visées à l’article 606 du code civil. Ces réparations seront effectuées selon les règles de l’art et dans les meilleurs délais, de manière à ce que les biens loués ne souffrent d’aucun préjudice ni d’aucune dégradation.
A la fin du bail, les biens loués devront être rendus en bon état de réparations locatives.
En conséquence, le locataire supportera toutes réparations qui deviendraient nécessaires par suite soit de défaut d’exécution des réparations locatives, soit de dégradations résultant de son fait ou de celui de son personnel, ou de sa clientèle».
Puis, au paragraphe «Modalités de jouissance», il est stipulé que le locataire «aura entièrement à sa charge, sans aucun recours contre le bailleur, l’entretien complet de la devanture et des fermetures du bien loué. Le tout devra être maintenu constamment en parfait état de propreté et les peintures extérieures devront être refaites chaque fois que cela sera nécessaire».
Enfin les conditions particulières du bail précisent au titre des travaux à réaliser par le propriétaire que celui-ci s’oblige à réaliser le raccordement du bâtiment loué au réseau public d’électricité ainsi qu’au réseau public d’eau et d’assainissement, l’arrivée de la canalisation se faisant à un emplacement à déterminer d’un commun accord entre le service des eaux, le bailleur et le locataire. Les travaux devant être réalisés avant le 15 novembre 2000.
Au même titre, il est précisé que le locataire s’oblige à réaliser le nettoyage des avaloirs des canalisations d’eau pluviales.
Le bail stipule que «le bailleur s’obligera à tenir le bien loué clos et couvert selon l’usage sans déroger toutefois aux obligations mises à la charge du preneur en ce qui concerne les travaux qui deviendraient nécessaires à la devanture».
L’article 606 du code civil mentionné par le bail au titre des grosses réparations devant être prises en charge par le bailleur dispose que «les grosses réparations sont celles des gros murs et des voûtes, le rétablissement des poutres et des couvertures entières. Celui des digues et des murs de soutènement et de clôture aussi en entier. Toutes les autres réparations sont d’entretien».
Il faut ainsi considérer que les réparations d’entretien sont celles utiles au maintien permanent en bon état de l’immeuble tandis que les grosses réparations affectent l’immeuble dans sa structure et sa solidité générale.
Par ailleurs, l’article 1755 du code civil prévoit qu’aucune des réparations réputées locatives n’est à la charge des locataires quand elles ne sont occasionnées que par vétusté ou force majeure, sauf clause contraire.
Lorsque le bail ne comporte pas de clause expresse mettant à charge du preneur les travaux consécutifs à la vétusté, il ne peut être mis à la charge du preneur des travaux de réparation n’étant pas, par ailleurs, à la charge du bailleur au titre de l’organisation de grosses réparations, sans rechercher si ces réparations ne sont pas occasionnées par la vétusté.
Ainsi, même si le preneur a pris les lieux en parfaite connaissance de leur vétusté et de la clause exonérant le bailleur de toute réparation, le bailleur répond de leur vétusté en l’absence de convention particulière.
Il convient au préalable de relever que si le rapport d’expertise judiciaire de M. [T], versé aux débats n’a pas été obtenu dans le cadre de la présente instance, contrairement à celui de M. [D], il a été ordonné dans une instance opposant les mêmes parties et a été soumis à la discussion de celles-ci dans le cadre du présent litige.
En revanche, le rapport d’expertise de la société LF Expertise daté du 25 novembre 2019 et le document intitulé compte-rendu de l’état des lieux daté du 27 novembre 2019, rédigé par M. [J], architecte, ont été réalisés à la demande de la SCI Victoria et n’ont pas été établis contradictoirement, même si dans le cadre du litige, ils ont été soumis à la discussion des parties.
Dès lors, les faits et analyses contenus dans ces documents ne peuvent être pris en compte que s’ils sont corroborés par d’autres éléments de preuve qui leur sont extérieurs.
A l’appui de sa demande de dommages-intérêts, le mandataire de la SARL Vita invoque des troubles de jouissances liés à d’importantes infiltrations, à la vétusté du bâtiment n’assurant plus le clos et le couvert, aux inondations fréquentes du parking, à l’absence de conformité du réseau de gaz et à l’arrêt de la chaudière. Ces éléments seront examinés successivement.
* Sur les infiltrations et l’absence de clos et de couvert
L’expertise judiciaire de M. [D] réalisée en octobre et décembre 2018, démontre l’existence d’infiltrations dans le bâtiment donné à bail. Certaines proviennent du mur mitoyen après la démolition du bâtiment qui le jouxtait. Il a été constaté également que de l’eau coulait du toit sur l’entrée et notamment le tableau électrique, que le plâtre du bar était déformé par l’absorption de l’eau, que les vestiaires, malgré une mise au propre de janvier 2018 présentent des traces d’eau et de gonflement de plâtre, que dans les salles de fitness, les mêmes dégâts étaient présents : traces d’humidité, parquet gondolé, bac de récupération de l’eau le long des murs. L’expert note que les fuites d’eau déclenchent les systèmes de protection des installations électriques, notamment les installations de sécurité.
L’expert relève des travaux d’entretien répétés mais indique que l’état de la toiture et des murs génèrent des travaux indispensables et non pérennes car leur cause, les infiltrations d’eau, n’ont pas été réparées.
Il conclut que «l’état du bâtiment ne permet plus d’assurer une sécurité aux usagers ni un confort indispensable à ce type d’activité (‘) Il est inconcevable de voir dans une salle de gym ou dans les vestiaires, des bacs de récupération des eaux de pluie et des moisissures avec en plus les odeurs. L’état du bâtiment n’est pas compatible avec l’activité en cours.»
Il ajoute «le délabrement est bien sûr à charge du propriétaire, la toiture est à refaire entièrement, le mur ex-mitoyen est à restaurer après l’abattage du bâtiment qui a eu lieu déjà il y a quelques années (jointement des fissures, crépi, couverture, etc.) (‘)».
Dans son compte rendu de la seconde réunion d’expertise, l’expert qui a pu monter sur le toit de la partie avant du bâtiment, a indiqué : «les tôles en acier sont vieilles et certaines sont tordues par endroit ce qui étaient la cause d’infiltrations, les gouttières de récupération ne sont pas étanches, le reste de la toiture est en tôles fibrociment qui sont ébréchées ou cassées on voit le jour par le dessous.»
Il a aussi précisé, qu’en montant sur le toit il avait pu constater de grosses fissures dans le mur contre le voisin qui est partiellement détruit qu’il y avait des effondrements partiels et que la situation s’était nettement aggravée depuis sa première visite le 10 août 2018.
Dans le rapport de la société LF Expertise du 25 novembre 2019 effectué après une visite des lieux le 12 novembre 2019, soit le jour où les clés ont été restituées, l’expert indique :
« – des infiltrations ont lieu ponctuellement sur des raccordement de plaques en partie courante. Les couvertures acier et les plaques de fibrociment sont anciennes
– des infiltrations ont lieu au droit des chéneaux et plus particulièrement des moignons d’eaux pluviales fortement encombrés par des déchets végétaux
– des infiltrations au droit d’émergences de toiture dont l’étanchéité de traversée est ancienne»
Il indique également qu’une infiltration importante a été constatée dans l’angle du local musculation depuis une défaillance de la descente d’eau pluviale, que l’infiltration dans le local technique SPA est due à un défaut de la maçonnerie en façade, que les infiltrations en pied de la salle de fitness sont dues à une défaillance de l’étanchéité des traversées d’émergences et du raccord contre bardage-couverture, et que toutes les infiltrations avec une flaque d’eau au sol ou avec un seau de récupération sont dues à des fuites en toiture.
Dans son compte rendu de l’état des lieux daté le 27 novembre 2019 après une visite le 13 novembre 2019, M. [J] a relevé les traces d’infiltrations relevées par les autres experts. Il a indiqué avoir constaté «dans la petite salle de gymnastique adjacente à gauche, une fuite d’eau pluviale à l’intérieur, dans l’un des angles de la salle, avec un goutte-à-goutte d’un rythme assez rapide». Il indique qu’il peut s’agir d’un chéneau ou d’une boîte à eau encombrée qui s’évacue vers l’intérieur faute d’exutoire.
Il ajoute qu’une boîte à eau s’est déboîtée sur un angle en façade de garage. Il signale sur les autres façades «des soucis au niveau des chutes d’eau pluviale (disparition d’une boîte à eau et déboîtement d’une descente, ou une fissures en escalier sur la façade arrière de la grande salle de gymnastique». Il relève qu’«une partie du mur pignon, en limite de la propriété voisine, a été fortement dégradé par les travaux intervenus il y a quelque temps chez les voisins. Un bâchage provisoire a été installé mais celui-ci se dégrade avec le vent et les intempéries».
M. [J] conclut que les désordres constatés relèvent incontestablement d’un manque d’entretien du bâtiment en particulier de la toiture.
S’il ajoute que le bâtiment est toujours compatible avec l’activité du locataire, aucune autre expertise ne corrobore cette analyse.
Dans le rapport d’expertise judiciaire daté du 30 septembre 2008 après des visites effectuées en décembre 2007 et en mai 2008, M. [T] constatait déjà des infiltrations dans toutes les pièces du local et relevait que la toiture en fibrociment était ancienne. Il a également relevé s’agissant de la toiture au-dessus de la piscine que le solin situé en partie inférieure de l’acrotère était oxydé en surface mais n’était pas percé, qu’une plaque en fibrociment était endommagée en partie inférieure et qu’il était nécessaire pour éviter les infiltrations de la remplacer ou de réaliser une étanchéité, il a noté que le faîtage avait été réparé mais que cette réparation s’apparentait à du bricolage au niveau de la jonction entre le faîtage fibrociment et la couvertine, que la jonction entre les couvertines et le bardage métallique n’était pas étanche, l’eau s’infiltrant à l’aplomb par temps de pluie et qu’une réparation s’imposait.
Il a aussi constaté que le bardage vertical était oxydé à plusieurs endroits au niveau des fixations et qu’un traitement ou un remplacement de ces fixations s’imposait.
S’agissant de la couverture en plaque de fibrociment située au-dessus de l’entrée du bâtiment abritant l’entrée et la salle de musculation, il a constaté une mauvaise étanchéité de la jonction entre le bardage posé verticalement et la couverture en fibrociment à proximité du faîtage qui provoquait des infiltrations. Il a également relevé que les chéneaux étaient anciens et oxydés, qu’ils n’allaient pas se percer avant plusieurs années et que dans ce cas une réparation s’imposerait, qu’une plaque fibrociment était cassée, une autre était endommagée, une autre fissurée, provoquant des infiltrations, que le solin entre le bardage et la couverture en fibrociment était oxydé, que si une infiltration avait été colmatée, des réparations s’imposaient, que l’étanchéité autour d’une ventilation était à refaire.
Il a indiqué que l’étanchéité de la couverture en bacs acier située au-dessus des bureaux des professeurs de gymnastique (soit une surface de 241 m²) était défaillante bien qu’ayant été réparée, ainsi que le solin.
Lors de sa deuxième visite en mai 2008 après une pluie d’orage l’expert avait constaté des infiltrations d’eaux pluviales à trois endroits : dans l’entrée, une soudure ayant lâché, dans la salle de fitness, dues à un défaut d’entretien du solin et d’un défaut d’étanchéité d’une chatière, et enfin à l’aplomb de la salle des professeurs en raison d’un problème d’étanchéité des plaques de la couverture sur environ 18m².
Si dans son rapport de 2008 M. [T] ne préconisait pas le remplacement de la toiture, mais uniquement des réparations ponctuelles permettant ainsi de tenir plusieurs années, il relevait néanmoins que les plaques de fibrociment constituant la toiture ainsi que les solins et les chéneaux étaient déjà anciens et endommagés.
Il faut en déduire que la toiture était ainsi déjà ancienne et endommagée en 2008 et que les réparations préconisées ne pouvaient être pérennes. Dès lors les constations faites par M. [D] en 2019 concluant que la toiture devrait être refaite démontrent que ces travaux sont devenus nécessaires en partie en raison de la vétusté de la toiture du local.
En outre, les constatations successives des experts démontrent que des défauts d’étanchéité n’étaient pas seulement dus à des défauts d’entretien tels que l’absence de soudure à certains endroits, déboîtement d’une descente d’eaux pluviales, ou à une insuffisance de nettoyage par le preneur, mais relevaient de la conception même des lieux et à sa structure comme l’absence d’étanchéité entre le bardage et la couverture ou la mise à nu du mur mitoyen après démolition de l’immeuble qui le jouxtait.
La protection de ce pignon contre les infiltrations, ainsi que l’étanchéité de la structure même du bâtiment relevaient des obligations du bailleur tenu, selon le bail, d’assurer le clos et le couvert ainsi qu’aux travaux visés par l’article 606 du code civil qui concernent «les gros murs» ainsi que la solidité du local. Il y a lieu de rappeler en outre que le bail ne prévoit aucune clause mettant expressément à la charge du preneur les réparations liées à la vétusté.
Dès lors, en ne tenant pas compte de la nécessité de reprendre la toiture en raison de sa vétusté, d’assurer l’étanchéité de la structure du bâtiment donné à bail et d’effectuer des travaux sur le mur pignon fortement fragilisé après les travaux de démolition de l’immeuble mitoyen, et ce malgré l’envoi de plusieurs lettres de mise en demeure en ce sens presque chaque année depuis 2009 (2016 pour le mur mitoyen), le bailleur a manqué à ses obligations contractuelles et doit être tenu d’indemniser le préjudice subi.
Par ailleurs, il convient de relever que dans le cadre de sa mission d’expertise, M. [D] s’est concentré sur l’état du bâtiment en général mais n’a à aucun moment, ni dans son rapport et son pré-rapport, ni dans ses deux comptes rendus de visite, mentionné qu’il avait examiné les incidences éventuelles de la présence de la piscine sur l’humidité relevée dans les locaux. Il a cependant relevé dans son compte rendu de la deuxième visite que «dans le local technique de la piscine, les murs et plafonds sont dégradés par l’humidité et les coulures d’eau qui font sauter le matériel électrique».
Or dans son rapport du 25 novembre 2019, la société LF Expertise a relevé «un phénomène de condensation sur les plaques de couverture par le choc thermique (couverture froide) entre la température intérieure, la température extérieure et surtout l’hygrométrie liée à la piscine». Elle ajoute que «toutes les autres traces d’eaux sur les faux plafonds sont dues à un problème de condensation» lié à ce choc thermique ou à des infiltrations depuis les chéneaux remplis d’eau.
Elle a d’ailleurs conclu que les problématiques d’infiltrations étaient dues à l’ancienneté des couvertures, à une négligence dans l’entretien, à la nature de l’exploitation (présence d’une piscine et du SPA).
Ce phénomène de condensation est corroboré par les constatations de M. [J] dans son compte rendu d’état des lieux. Il conclut en effet aussi à «une mauvaise adaptation des aménagements créés» (piscine) qui ont «provoqué des désordres liés à l’humidité permanente ambiante et à la condensation de la vapeur d’eau».
Ces éléments avaient déjà été relevés par M. [T] dans son rapport en 2008. Il avait ainsi indiqué que dans le local piscine, la partie supérieure réalisée en panneaux de particules était endommagée par l’eau due à la condensation du fait qu’il n’y avait pas d’isolation suffisante à cet endroit ce qui endommageait les panneaux. Il était également noté que l’installation de la piscine posait un problème aux locaux situés à proximité du fait de la vapeur d’eau dégagée, que la piscine était mal conçue, que des extracteurs d’air importants auraient dû être mis en place pour diminuer au maximum cette vapeur d’eau dégagée par l’eau de la piscine. L’expert avait observé en outre que les parties verticales de la piscine réalisées en bardage métallique ordinaire n’étaient pas isolées et que de ce fait la vapeur d’eau s’évacuait par ce bardage dans les combles, que des gouttelettes se formaient et retombaient sur les panneaux du faux-plafond ce qui les endommageait.
Il résulte ainsi de l’ensemble de ces constatations, que le préjudice subi par la SARL Vita en raison de l’humidité présente dans ses locaux, provient également des travaux qu’elle a réalisés pour installer la piscine qui n’ont pas pris en compte la nécessité de prévoir une extraction d’air suffisante et n’ont pas remédié au choc thermique provoqué par la présence de la piscine.
S’il est vrai que le bail stipulait que les lieux étaient destinés à une activité de salle de sport avec piscine, il est constant que celle-ci n’était pas construite lorsque le bail a été consenti et le bail stipulait qu’il ne pouvait exiger aucun travaux du bailleur. En outre, le preneur qui était autorisé à faire tous les travaux d’aménagement de son choix conformes à la destination des lieux devaient être effectués sous le contrôle d’un architecte, ce qui sous entend que les travaux devaient être effectués dans les règles de l’art afin d’éviter toute dégradation des lieux, comme le bail le précise d’ailleurs pour les toutes les réparations effectuées par le preneur.
Le preneur ne peut dès lors être indemnisé du préjudice subi en raison de la forte condensation provoquée par sa mauvaise réalisation des travaux d’installation de la piscine.
Il en est de même du mauvais état des fenêtres qui pour certaines ne s’ouvrent pas, dont l’entretien et l’éventuel remplacement étaient expressément mis à la charge du preneur dans les clauses du bail énumérées ci-dessus, étant observé que l’expert indique uniquement que les charnières sont à remplacer.
* Sur les inondations du parking
Dans son rapport d’expertise, M. [D] indique que «les tuyaux d’évacuation des eaux pluviales, notamment à l’angle du bâtiment côté parking, ne sont pas raccordés au réseau , l’eau s’évacue dans la gravière quand elle n’est pas saturée.»
Or, dans les conditions particulières du bail, il était précisé au titre des travaux à réaliser par le propriétaire : «raccordement du bâtiment loué au réseau public d’eau et d’assainissement», ces travaux devant être effectués au plus tard le 15 novembre 2000.
Si l’expert relève, ainsi que la société LF Expertise, que le parking est régulièrement sous les eaux en cas de fortes pluies en raison de l’insuffisance du nombre de bouches d’égout du domaine public évacuant l’eau vers le réseau d’évacuation et que ce réseau est saturé par les autres eaux de la zone en cas de grosses précipitations, l’eau située sur le parking de la SARL Vita ne s’évacuant alors plus, ces éléments ne dispensaient pas le bailleur de respecter ses obligations liée au raccordement ni de solliciter des aménagements auprès de la commune afin de permettre une jouissance paisible des locaux donnés à bail.
* Sur l’absence de conformité du réseau de gaz et à l’arrêt de la chaudière
Le rapport de M. [D] relève que le passage de la conduite de gaz se situe sous le bâtiment, ce qui est interdit par GRDF.
Il convient toutefois d’observer que cette conduite a été installée avant même l’acquisition du local par le bailleur et il n’est pas établi qu’à cette époque, l’installation n’était pas conforme.
En outre le bail stipule que les travaux de mise en conformité des locaux exigés par toute autorité administrative au regard des nouvelles règles de sécurité, d’hygiène ou de salubrité seront à la charge du locataire.
Dès lors, il faut considérer qu’aucun manquement du bailleur n’est établi sur ce point.
S’il résulte par ailleurs du rapport d’expertise de M. [D] ainsi que de la facture d’intervention de Gazeo du 21 juin 2019 que la chaudière se trouvant dans les locaux ne fonctionnait plus correctement et a dû être arrêtée en raison de sa dangerosité eu égard aux éventuelles émanations de monoxyde de carbone, il y a lieu d’observer que la chaudière ne relève pas des grosses réparations visées par l’article 606 du code civil, ni des obligations incombant au bailleur dans le bail.
En conséquence, aucune faute en lien avec l’entretien ou le remplacement de la chaudière n’est imputable au bailleur. Au suplus, celle-ci a été arrêtée quelques jours après la demande d’ouverture d’une procédure collective formée par la SARL Vita. Aucun préjudice n’est donc établi.
Aucune indemnisation ne pourra donc être accordée au titre de l’absence de conformité du réseau de gaz et de la chaudière.
* Sur l’indemnisation du préjudice subi par la SARL Vita
Il résulte des motifs ci-dessus que la SCI Victoria doit être tenue d’indemniser la SAS [Z] & Associés, prise en la personne de Mme [H] [O] ès qualités de mandataire liquidateur de la SARL Vita au titre du trouble de jouissance subi par la SARL Vita en raison des infiltrations subies par cette dernière, le préjudice subi devant cependant être réduit de moitié dans la mesure où la SARL Vita a contribué à la réalisation de son propre dommage en n’effectuant pas les travaux permettant l’évacuation de la condensation de la piscine ni quelques quelques réparations d’entretien sur la toiture ou les écoulements d’eaux pluviales.
Les appelants produisent un document établi par la SARL Cabinet Erbrech-Muller, expert comptable de la SARL Vita, indiquant que le chiffre d’affaire réalisé HT par la SARL Vita n’a cessé de baisser pour passer de 439.728,35 euros en 2014 à 419.592,92 euros en 2015, 366.766,04 euros en 2016 et environ 314.585 euros en 2017.
Ce même cabinet d’expertise a indiqué dans un courrier du 7 juin 2019 que la forte baisse du chiffre d’affaire était liée à la diminution massive des abonnements dont le nombre était passé de 1.220 en 2013 à 650 en 2018 ce qui représente une régression de 46,72 %, et qu’à la fin du mois de mai 2019 le nombre d’abonnés n’était que de 495 ce qui représentait une perte de 155 clients (23,84%) par rapport à l’exercice 2018. L’expert comptable indiquait que compte tenu des frais de structure d’une part, de la vétusté des locaux d’autre part, la viabilité de l’activité économique était compromise. D’ailleurs, la SARL Vita a sollicité l’ouverture d’une procédure collective par requête du 14 juin 2019, selon le jugement du 3 juillet 2019 ayant prononcé l’ouverture de la procédure de liquidation judiciaire de la SARL Vita.
Les attestations versées aux débats démontrent que la dégradation des locaux et les inondations du parking n’avaient pas inciter les clients à renouveler leur abonnement.
Les photographies prises lors des expertises démontrent que l’attractivité des lieux a été
fortement diminuée par les désordres nés des infiltrations.
En conséquence, il convient de faire droit à la demande d’indemnisation pour trouble de jouissance subi par la SARL Vita depuis 2013, date à partir de laquelle les désordres ont eu de plus en plus de répercussions sur les locaux et la fréquentation des clients.
A ce titre, et compte tenu du partage de responsabilité pour moitié entre le bailleur et le preneur, il sera alloué en réparation du préjudice subi par la SARL Vita la somme de 25.000 euros par an à compter de 2013 jusqu’en juin 2019, le bail ayant pris fin en juillet 2019, ce qui représente un total de (25.000 x 6,5) 162.500 euros.
Le jugement sera donc infirmé en ce qu’il a débouté le mandataire de la SARL Vita de la demande formée à ce titre et la SCI Victoria sera condamnée à payer à la SAS [Z] & Associés, prise en la personne de Mme [H] [O] ès qualités de mandataire liquidateur de la SARL Vita la somme de 162.500 euros de dommages-intérêts en réparation du trouble de jouissance subi par la SARL Vita avec intérêts au taux légal à compter de la signification du présent arrêt, conformément aux dispositions de l’article 1231-7 du code civil.
Sur les demandes de la SCI Victoria
* Sur le montant de sa créance au titre des loyers impayés
Par application des dispositions de l’article 1728 du code civil, le preneur est tenu de payer le montant des loyers et charges aux termes convenus.
Il y a lieu d’observer au préalable qu’il est constant que la SCI Victoria a déclaré sa créance à titre privilégié auprès du mandataire de la SARL Vita pour un montant de 176.320,39 euros au titre des loyers et charges impayés.
Le mandataire produit un extrait de l’historique des règlements des loyers permettant de constater que cette somme correspondant au solde restant dû au titre des loyers et charges impayés à la date de restitution des clés soit au 12 novembre 2019.
Les appelants n’invoquent aucun moyen tendant à remettre ce montant en cause et n’invoquent aucun règlement qui n’aurait pas été pris en compte.
* Sur l’exception d’inexécution
L’exception d’inexécution dispense le preneur de payer le montant du loyer et des charges que s’il se trouve dans l’impossibilité totale d’utiliser les lieux.
Or, les appelants ne justifient pas que la SARL Vita se trouvait dans l’impossibilité totale d’utiliser les lieux par la faute du bailleur.
En effet, il résulte du procès-verbal de constat établi à la demande de la SCI Victoria le 17 décembre 2018 que les locaux étaient fréquentés par des clients à cette date et il n’est produit aucune pièce permettant d’attester que la SARL Vita a été contrainte de cesser son activité en raison du manquement du bailleur à ses obligations avant la résiliation du bail sollicitée par le mandataire liquidateur.
Le jugement entrepris sera donc confirmé en ce qu’il a fixé la créance de la SCI Victoria au passif de liquidation judiciaire de la SARL Vita à la somme de 176.320,39 euros au titre des loyers et charges impayés à titre privilégié, compte tenu du privilège du bailleur.
* Sur les demandes formées contre M. et Mme [W]
Selon l’ancien article 1271 du code civil applicable au litige (devenu l’article 1329 du même code) pour qu’il y ait novation du débiteur il faut qu’un nouveau débiteur se substitue à l’ancien et que ce dernier soit déchargé par le créancier.
Il résulte des dispositions de l’ancien article 1273 du code civil devenu depuis l’article 1330 du même code que la novation ne se présume pas et que la volonté de l’opérer doit résulter clairement de l’acte.
La volonté de nover doit être non équivoque et résulter clairement des faits et actes intervenus entre les parties.
Le contrat de bail du 20 juillet 2000 a été conclu entre la SCI Victoria et M. et Mme [W]. Il n’est produit aucun autre contrat de bail et les appelants indiquent dans leur conclusion que le bail s’est poursuivi par tacite reconduction.
S’il résulte des pièces produites que des commandements de payer visant la clause résolutoire prévue dans le bail du 20 juillet 2000 ont été délivrés à la SARL Vita par la SCI Victoria, que c’est la SARL Vita qui a été seule assignée devant le juge des référés par la SCI Victoria et que les loyers ont été majoritairement payés par la SARL Vita, l’encaissement de ces loyers et la délivrance de ces actes à l’encontre de cette dernière ne suffisent pas à établir de manière claire et non équivoque que la SCI Victoria a entendu renoncer à ses droits contre M. et Mme [W].
En outre, il résulte des relevés de la société SOREC, mandataire de la SCI Victoria, que plusieurs échéances de loyers ont été réglées par M. [Y] [W] en son nom personnel.
De plus, il est constant que la SCI Victoria a fait pratiquer une saisie-attribution sur les comptes bancaires des époux [W] le 8 novembre 2018 au titre du règlement des loyers impayés.
Au regard de ces éléments, il faut considérer que la volonté de nover de chacune des parties n’est pas établie de manière claire et non équivoque et qu’il n’est notamment pas établi que la SCI Victoria a accepté de décharger M. et Mme [W] de leurs obligations.
Par ailleurs, s’il est vrai, comme l’invoquent M. et Mme [W] que le bail comporte page 9 une clause au terme de laquelle il est stipulé que «le preneur est d’ores et déjà autorisé à céder ou faire apport de son droit au bail à la société qu’il se propose de constituer entre lui-même et la SARL Well,(…) cette société elle-même constituée entre M. [Y] [W] et M. [N] [W], à la condition toutefois que le preneur détienne au moins 75% des droits de vote de ladite société», il convient de relever que l’autorisation concernait la SARL Well et non la SARL Vita.
En outre, le bail précise dans le paragraphe cession du droit au bail que «tous ceux qui seront devenus successivement cessionnaires du bail ou sous-locataires demeureront tenus envers le bailleur, solidairement entre eux et avec le preneur au paiement des loyers et à l’exécution des conditions du bail pendant toute la durée de celui-ci alors même qu’ils ne seraient plus dans les lieux et auraient eux-mêmes cédé leur droit».
Il en résulte qu’à supposer même qu’une cession du droit au bail soit intervenue, M. et Mme [W] restent tenus solidairement avec le preneur au paiement des loyers.
C’est d’ailleurs ce qu’a retenu la cour d’appel de Metz (3ème chambre) dans son arrêt du 8 décembre 2020 en confirmant une décision du juge de l’exécution du 2 mai 2019 ayant rejeté la demande de nullité et de main-levée de la saisie attribution pratiquée sur les comptes de M. et Mme [W] au titre des loyers impayés dus en vertu du bail du 20 juillet 2000.
En conséquence, M. et Mme [W] seront condamnés solidairement à payer à la SCI Victoria la somme de 176.320,39 euros, cette somme étant due solidairement avec la SAS [Z] & Associés, prise en la personne de Mme [H] [O] ès qualités de mandataire liquidateur de la SARL Vita.
Le jugement entrepris sera infirmé uniquement dans la formulation de cette condamnation.
Sur les dépens et l’article 700 du code de procédure civile
Le jugement entrepris sera confirmé en ce qu’il condamne solidairement M. et Mme [W] aux dépens, dans la mesure où ils succombent principalement.
En revanche, le jugement sera infirmé dans ses dispositions relatives à l’application de l’article 700 du code de procédure civile. L’équité commande de laisser à chacune des parties la charge des frais qu’elle a engagés et non compris dans les dépens.
M. et Mme [W] qui succombent principalement en appel seront condamnés solidairement aux dépens.
Sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile l’équité commande de laisser à chacune des parties la charge des frais qu’elle a engagés et qui ne sont pas compris dans les dépens.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Déclare irrecevable la demande de dommages-intérêts formée par M. [Y] [W] et Mme [H] [W] née [P] contre la SCI Victoria ;
Confirme le jugement du tribunal judiciaire de Metz du 2 juin 2021 en ce qu’il a:
– dit n’y avoir lieu avant dire droit à expertise judiciaire;
– fixé la créance de la SCI Victoria au passif de la procédure collective de la SARL Vita à la somme de 176.320,39 euros au titre des loyers et charges impayés à titre privilégié;
– condamné M. [Y] [W] et Mme [H] [W] née [P] aux dépens;
L’infirme pour le surplus, dans la limite de l’appel, et statuant à nouveau,
Condamne la SCI Victoria à payer à la SAS [Z] & Associés, prise en la personne de Mme [H] [O] ès qualités de mandataire liquidateur de la SARL Vita la somme de 162.500 euros de dommages-intérêts en réparation du trouble de jouissance subi par la SARL Vita avec intérêts au taux légal à compter de la signification du présent arrêt ;
Condamne M. [Y] [W] et Mme [H] [W] née [P] solidairement à payer à la SCI Victoria la somme de 176.320,39 euros, cette somme étant due solidairement avec la SAS [Z] & Associés, prise en la personne de Mme [H] [O] ès qualités de mandataire liquidateur de la SARL Vita ;
Déboute la SAS [Z] & Associés, prise en la personne de Mme [H] [O] ès qualités de mandataire liquidateur de la SARL Vita ainsi que M. [Y] [W] et Mme [H] [W] née [P] de leur demande devenue sans objet tendant à voir prononcer la résiliation du bail du 20 juillet 2020 aux torts de la SCI Victoria ;
Déboute M. [Y] [W] et Mme [H] [W] née [P] ainsi que la SAS [Z] & Associés, prise en la personne de Mme [H] [O] ès qualités de mandataire liquidateur de la SARL Vita du surplus de leurs prétentions ;
Laisse à chacune des parties la charge des frais qu’elle a engagés et non compris dans les dépens ;
Y ajoutant,
Condamne solidairement M. [Y] [W] et Mme [H] [W] née [P] aux dépens de l’appel ;
Laisse à chacune des parties la charge des frais engagés par elle en appel et non compris dans les dépens.
Le Greffier La Présidente de Chambre