N° RG 22/01630 – N° Portalis DBVM-V-B7G-LKYN
C4
Minute :
Copie exécutoire
délivrée le :
la SELAS ABAD & VILLEMAGNE – AVOCATS ASSOCIÉS
la SELARL DAUPHIN ET MIHAJLOVIC
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE GRENOBLE
CHAMBRE COMMERCIALE
ARRÊT DU JEUDI 11 MAI 2023
Appel d’une décision (N° RG 2021J397)
rendue par le Tribunal de Commerce de Grenoble
en date du 16 mars 2022
suivant déclaration d’appel du 21 Avril 2022
APPELANT :
M. [V] [W]
de nationalité Française
[Adresse 2]
[Localité 6]
représenté et plaidant par Me Sébastien VILLEMAGNE de la SELAS ABAD & VILLEMAGNE – AVOCATS ASSOCIÉS, avocat au barreau de GRENOBLE
INTIMÉE :
S.A.S. LOCAM au capital de 11.520.000 €, immatriculée au RCS de Saint-Etienne sous le n° 310.880.315, prise en la personne de son dirigeant légal en exercice, domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 3]
[Localité 1]
représentée par Me Josette DAUPHIN de la SELARL DAUPHIN ET MIHAJLOVIC, avocat au barreau de GRENOBLE, postulant et par Me MORELL, avocat au barreau de LYON
COMPOSITION DE LA COUR :
LORS DU DÉLIBÉRÉ :
Mme Marie-Pierre FIGUET, Présidente de Chambre,
Mme Marie Pascale BLANCHARD, Conseillère,
M. Lionel BRUNO, Conseiller,
DÉBATS :
A l’audience publique du 23 février 2023, M. Lionel BRUNO, Conseiller,qui a fait rapport assisté de Alice RICHET, Greffière, a entendu les avocats en leurs conclusions et Me VILLEMAGNE en sa plaidoirie, les parties ne s’y étant pas opposées conformément aux dispositions des articles 805 et 907 du Code de Procédure Civile. Il en a été rendu compte à la Cour dans son délibéré et l’arrêt a été rendu ce jour.
Faits et procédure :
1. Le 10 mars 2021, [V] [W] a signé un bon de commande auprès de la société BlIM.COM pour un contrat de licence d’exploitation de site internet et a souscrit auprès de la société Locam un contrat de location financière, prévoyant le paiement de 36 loyers mensuels d’un montant de 300 euros hors taxes soit 360 euros toutes taxes comprises. Le 21 avril 2021, la société BlIM.COM a livré le site et un procès verbal de livraison a été signé. Le 23 avril 2021, la société Locam a adressé à [V] [W] une facture unique de loyers.
2. [V] [W] ne s’est acquitté d’aucun des loyers, et le 17 août 2021, la société Locam, par lettre recommandée avec accusé de réception, l’a mis en demeure d’avoir à régulariser sa situation et l’a informé que, à défaut de paiement, la créance deviendra immédiatement exigible en totalité. Le 8 décembre 2021, considérant sa mise en demeure vaine, la société Locam a fait délivrer à [V] [W] une assignation à comparaître devant le tribunal de commerce de Grenoble aux fins d’obtenir sa condamnation. [V] [W] n’a pas comparu devant cette juridiction.
3. Par jugement réputé contradictoire du 16 mars 2022, le tribunal de commerce de Grenoble a’:
– condamné [V] [W] à payer à la société Locam les sommes suivantes, outre intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure, soit le 17 août 2021, et pénalités de retard’:
* 4 loyers échus impayés : 1.788 euros,
* Indemnité et clause pénale : 142,80 euros,
* 32 loyers à échoir du 20 septembre 2021 au 20 avril 2024 : 11.520 euros,
* Indemnité et clause pénale : 1.152 euros,
Total : 14.802,80 euros’;
– condamné [V] [W] d’avoir à restituer le site sous astreinte de 50 euros par jour de retard à compter du 60ième jour ouvrable suivant la signification du jugement’;
– condamné [V] [W] à payer à la société Locam la somme de 1.000 euros à titre d’indemnité sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile’;
– condamné [V] [W] aux entiers dépens, liquidés à la somme indiquée au bas de la première page de la décision.
4. [V] [W] a interjeté appel de cette décision le 21 avril 2022, en toutes ses dispositions reprises dans son acte d’appel. L’instruction de cette procédure a été clôturée le 9 février 2023.
Prétentions et moyens de [V] [W]’:
5. Selon ses conclusions remises le 28 juin 2022, il demande à la cour, au visa des articles 221-1, 221-3 et 221-5 du code de la consommation, de l’article 441-1 du code pénal, des articles 1137, 1231 et 1240 du code civil’:
– de juger que l’action engagée par la société Locam se fonde sur un contrat signé hors établissement, souscrit en violation des articles 221-1 et suivants du code de la consommation’;
– de juger que le contrat conclu avec la société Locam est entaché de nullité’;
– de juger que le procès-verbal de réception est un faux et que la réalisation de la prestation attendue au titre du contrat financé par la société Locam n’est pas justifiée à la date de la libération des fonds’;
– en conséquence, de juger que le contrat souscrit avec la société Locam est entaché de nullité et qu’il est donc de nul effet’;
– d’infirmer le jugement de première instance en toutes ses dispositions’;
– de débouter la société Locam de l’intégralité de ses demandes fins et conclusions’;
– de condamner la société Locam à restituer au concluant la somme de 3.795,18 euros au titre de la saisie attribution injustifiée’;
– de condamner la société Locam à payer au concluant la somme de 5.000 euros à titre de dommages et intérêts, sur le fondement de l’article 1240 ou subsidiairement 1231 du code civil’;
– en tout état de cause, de condamner la société Locam à payer au concluant la somme de 3.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile’;
– de condamner la société Locam aux entiers dépens de l’instance.
Il expose’:
6. – que s’étant rapproché de la société BIIM.COM, celle-ci s’est déplacée le 5 mars 2021 à son domicile à [Localité 6], que le contrat conclu le 10 mars 2021 l’a été hors de l’établissement de ce prestataire puisque signé dans un restaurant à [Localité 4] (38) ainsi qu’attesté par son fils, alors que le prestataire est domicilié dans le département du Rhône’; que le contrat de financement a également été signé hors établissement’;
7. – que les dispositions de l’article L221-5 du code de la consommation concernant les mentions obligatoires devant figurer au contrat n’ont pas été respectées, puisqu’il n’a pas été fait mention du prix du bien et du service, ni de la date de livraison, des informations relatives à l’identité, aux coordonnées du fournisseur, aux modalités de résiliation, aux autres conditions contractuelles, à la garantie légale, aux fonctionnalités, à la possibilité de recourir à un médiateur de la consommation’;
8. – concernant le procès-verbal de livraison, que le site internet n’a pas été fourni de sorte que le concluant n’a pu signer ce document’; que le concluant a ainsi contesté auprès de la société Locam le financement, d’autant que deux prélèvements ont été opérés en mai 2021′; que lors de la signature de ce document, le décret du 2 avril 2021 prévoyant le troisième confinement à compter du lendemain, dans le cadre de la crise sanitaire Covid 19, a restreint les possibilités de déplacement dans un rayon de 10 km autour de son domicile, et à titre dérogatoire jusqu’au 30 km au-delà du département de résidence pour des motifs précis, alors que les commerces non essentiels ont été fermés’; qu’il était ainsi impossible que le concluant signe le procès-verbal de réception, puisque le fournisseur ayant son siège à [Localité 5] ne pouvait se rendre à [Localité 6] le 21 avril 2021;
9. – que l’intimée a fait procéder à une saisie-attribution dénoncée le 16 mai 2022′;
10. – que l’intimée a commis une faute en n’étant pas assez attentive aux documents transmis, dont il a résulté un préjudice pour le concluant.
Prétentions et moyens de la société Locam’:
11. Selon ses conclusions remises le 25 janvier 2023, elle demande à la cour, au visa des articles 1103 et suivants du code civil, des articles L.221-1 et suivants du code de la consommation’:
– de confirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu le 16 mars 2022 par le tribunal de commerce de Grenoble’;
– de débouter [V] [W] de l’intégralité de ses demandes, prétentions et fins’;
– y ajoutant, de condamner [V] [W] à payer à la concluante la somme de 2.000 euros au titre l’article 700 du code de procédure civile’;
– de condamner [V] [W] aux entiers dépens.
Elle énonce’:
12. – concernant l’application des dispositions du code de la consommation, que l’article L221-3 dispose que l’obligation d’information précontractuelle est étendue aux contrats conclus hors établissement entre deux professionnels, dès lors que l’objet de ces contrats n’entre pas dans le champ de l’activité principale du professionnel sollicité et que le nombre de salariés employés par celui-ci est inférieur ou égal à cinq, ces deux conditions étant cumulatives’;
13. – que l’objet du contrat était utile, voire nécessaire à l’activité de l’appelant, puisque le site internet était destiné à renseigner sa clientèle et à établir des devis en ligne, à toute heure, puisque l’appelant exerce une activité de dépannage d’urgence 7 jours sur 7 et 24h sur 24′; que le contrat a stipulé que l’appelant a reconnu expressément que la prestation entre dans le cadre de son activité professionnelle’;
14. – que le site internet a bien été créé puisqu’il est consultable sur l’adresse mentionnée dans le procès-verbal de livraison et la facture transmise à la concluante, alors que la société BIIM.COM apparaît comme créateur de ce site, ainsi qu’en justifient des captures d’écran’;
15. – que l’appelant ne justifie pas employer un nombre de salariés égal ou inférieur à cinq’;
16. – que le contrat a prévu le coût de la prestation, les caractéristiques essentielles du service, le délai de livraison, les informations relatives à l’identité du fournisseur et à sa domiciliation, les modalités de résiliation’; que le contrat a indiqué que l’appelant, en apposant sa signature, a reconnu avoir été préalablement informé des caractéristiques essentielles de la prestation, des modalités d’exécution’; que le contrat n’avait pas à préciser la possibilité de recourir à un médiateur, cette disposition de l’article L111-1 du code de la consommation alors applicable ne concernant pas les litiges entre professionnels’;
17. – que la résiliation du contrat de financement a bien été précédée par une mise en demeure préalable le 17 août 2021 par lettre recommandée avec accusé de réception, qui a bien été reçue par l’appelant’;
18. – que si l’appelant soutient que le procès-verbal de réception serait un faux, la concluante n’était pas présente lors des pourparlers ni lors de la livraison, les éléments lui ayant été transmis postérieurement’; que le site a bien été créé comme précédemment indiqué’; qu’il n’existe pas de différence significative entre la signature figurant sur le contrat et celle figurant sur le procès-verbal’; que l’appelant ne rapporte pas la preuve d’un dol lors de cette signature’; que la réglementation sanitaire alors applicable permettait des déplacements au-delà de la limite de 30 km pour des motifs professionnels ne pouvant être différés’;
19. – que la demande en paiement est ainsi justifiée’; que suite à la saisie-attribution, l’appelant, après avoir saisi le juge de l’exécution d’une demande de mainlevée, s’est désisté de sa contestation, ce que ce juge a constaté’; que la demande de dommages et intérêts n’est pas justifiée.
*****
20. Il convient en application de l’article 455 du code de procédure civile de se référer aux conclusions susvisées pour plus ample exposé des prétentions et moyens des parties.
MOTIFS DE LA DECISION’:
21. Selon l’article L221-1 du code de la consommation, dans sa rédaction applicable au 10 mars 2021, date de la signature du bon de commande, est considéré comme contrat hors établissement tout contrat conclu entre un professionnel et un consommateur dans un lieu qui n’est pas celui où le professionnel exerce son activité en permanence ou de manière habituelle, en la présence physique simultanée des parties, y compris à la suite d’une sollicitation ou d’une offre faite par le consommateur. L’article L221-3 dispose que les dispositions des articles L 221-8 et suivants sont étendues aux contrats conclus hors établissement entre deux professionnels dès lors que l’objet de ces contrats n’entre pas dans le champ de l’activité principale du professionnel sollicité et que le nombre de salariés employés par celui-ci est inférieur ou égal à cinq.
22. En l’espèce, l’appelant exerce une activité de travaux d’installation électrique dans tous locaux, selon la mention figurant au Sirene. Le contrat de licence en litige précise également la réalisation de dépannage de plomberie, la réalisation de travaux électriques et des services. L’appelant ne fournit aucune pièce concernant le nombre de salariés éventuellement employés dans le cadre de cette activité. Il en résulte, comme soutenu par l’intimée, qu’il ne démontre pas, pour cette seule raison, pouvoir bénéficier des dispositions protectrices du code de la consommation, imposant qu’il soit justifié que le professionnel sollicité emploie au plus cinq salariés.
23. En outre, selon la mention du contrat de licence précitée concernant la nature de l’activité de l’appelant, il est précisé qu’il se livre à la réalisation de travaux de plomberie, et il n’est pas contesté qu’il effectue une activité de dépannage 24/24 heures et 7/7 jours. L’objet de la création du site internet est de permettre à la clientèle de le contacter dans ce cadre. Le nom du site est d’ailleurs «’www.depannagehabitat.fr’». Selon la capture d’écran produite par l’intimée, ce site précise qu’il s’agit d’interventions en urgence, avec l’envoi d’un devis gratuit. Le support de communication créé par la société BIIM.COM est vanté comme étant un nouveau support de communication.
24. La réglementation sur les contrats conclus hors établissement vise à protéger le consommateur, défini par l’article liminaire du code de la consommation (dans sa rédaction applicable à la date de la signature du bon de commande) comme «’toute personne physique qui agit à des fins qui n’entrent pas dans le cadre de son activité commerciale, industrielle, artisanale, libérale ou agricole’». Ce n’est que par exception que les articles précités étendent la protection prévue pour le consommateur au professionnel employant cinq salariés au plus. Si le contrat souscrit hors établissement entre dans le champ de son activité principale, le professionnel sollicité ne peut plus bénéficier des protections offertes au consommateur.
25. En la cause, ainsi que soutenu par l’intimée, le contrat souscrit avec la société BIIM.COM entre bien dans le champs de l’activité de l’appelant, s’agissant de son référencement et de la création d’un site permettant de gérer son activité de dépannage. Il en résulte que les dispositions protectrices du code de la consommation ne sont pas applicables également pour ce motif.
26. Il en résulte qu’aucune nullité du contrat principal, et partant du contrat de financement qui en est l’accessoire, ne résulte de l’application des dispositions du code de la consommation concernant la vente hors établissement, alors qu’il est établi que le bon de commande a effectivement été signé dans une zone commerciale, dans laquelle la société BIIM.COM n’avait aucun siège, de même que le contrat accessoire de financement, ce point n’étant pas discuté par l’intimée.
27. S’agissant du procès-verbal de livraison, la cour constate que la réalité de ce site est corroborée par la capture d’écran produite par l’intimée ainsi qu’indiqué plus haut. Ce procès-verbal indique qu’il a été signé au domicile de l’appelant à [Localité 6] le 21 avril 2021. La signature de l’appelant correspond à celle figurant sur le bon de commande. Aucun élément ne permet de constater que la signature figurant sur ce procès-verbal soit un faux.
28. Si l’appelant invoque les dispositions prises à la date de cette livraison dans le cadre de la crise sanitaire, il est justifié par l’intimée que les déplacements professionnels de plus de 30 km étaient autorisés le 21 avril 2021. Les déplacements inter-régions étaient autorisés pour des motifs professionnels. Ces dispositions ont fait l’objet du décret n° 2021-384 du 2 avril 2021 modifiant les décrets n° 2020-1262 du 16 octobre 2020 et n° 2020-1310 du 29 octobre 2020 prescrivant les mesures générales nécessaires pour faire face à l’épidémie de covid-19 dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire.
29. Il en résulte que l’intimée n’a commis aucune faute en réglant le coût du contrat principal à la société BIIM.COM.
30. Concernant le prélèvement de deux échéances de 360 euros sur le compte de l’appelant, il résulte des relevés de comptes produits par l’appelant que ces deux échéances ont été recréditées sur son compte, suite à sa contestation. Il en résulte qu’aucune des mensualités figurant sur la facture unique adressée à l’appelant, qu’il n’a pas contesté et qu’il ne conteste pas avoir reçue, n’a été réglée.
31. Il en résulte que l’appel est mal fondé et que le jugement déféré ne peut qu’être confirmé en toutes ses dispositions. Y ajoutant, la cour déboutera l’appelant, non comparant en première instance, de sa demande de restitution des sommes appréhendées dans le cadre d’une saisie-attribution, ainsi que de sa demande de dommages et intérêts, aucune faute n’étant établie à l’encontre de la société Locam.
32. Succombant en son recours, l’appelant sera condamné à payer à l’intimée la somme complémentaire de 2.000 euros par application de l’article 700 du code de procédure civile, outre les dépens exposés en cause d’appel.
PAR CES MOTIFS
La Cour statuant publiquement, contradictoirement, par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile, après en avoir délibéré conformément à la loi,
Vu les articles 1103 et suivants du code civile, L221-1 et suivants du code de la consommation ;
Confirme le jugement déféré en ses dispositions soumises à la cour ;
y ajoutant’;
Déboute monsieur [W] de ses demandes tendant à condamnation de la société Locam à lui restituer les sommes appréhendées dans le cadre d’une saisie-attribution, au paiement de dommages et intérêts’ainsi qu’à une indemnité sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
Condamne monsieur [W] à payer à la société Locam la somme de 2.000 euros par application de l’article 700 du code de procédure civile’;
Condamne monsieur [W] aux dépens exposés en cause d’appel’;
Signé par Mme Marie-Pierre FIGUET, Présidente et par Mme Alice RICHET, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
La Greffière La Présidente