SM/ATF
COPIE OFFICIEUSE
COPIE EXÉCUTOIRE
à :
– Me Marie VINCENT
– la SCP SOREL
LE : 11 MAI 2023
COUR D’APPEL DE BOURGES
CHAMBRE CIVILE
ARRÊT DU 11 MAI 2023
N° 237 – 7 Pages
N° RG 22/01144 – N° Portalis DBVD-V-B7G-DQBI
Décision déférée à la Cour :
Ordonnance du Tribunal de Commerce de BOURGES en date du 04 Novembre 2022
PARTIES EN CAUSE :
I – M. [C] [I]
[Adresse 3]
Représenté par Me Marie VINCENT, avocat au barreau de BOURGES
aide juridictionnelle Totale numéro 18033 2022/003159 du 22/11/2022
APPELANT suivant déclaration du 29/11/2022
II – Mme [U] [Y], ès qualité de gérante de la SARL FRANCE AUTO SERVICES,
[Adresse 2]
Représentée par Me Marie VINCENT, avocat au barreau de BOURGES
aide juridictionnelle Totale numéro 18033 2022/003186 du 01/12/2022
INTIMÉE
III – S.C.P. [M] [P], es-qualités de mandataire liquidateur judiciaire de la SARL FRANCE AUTO SERVICES étendue à Monsieur [C] [I], agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social :
[Adresse 4]
Représentée par la SCP SOREL & ASSOCIES, avocat au barreau de BOURGES
timbre fiscal acquitté
INTIMÉE
11 MAI 2023
N° /2
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 05 Avril 2023 en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant M. TESSIER-FLOHIC, Président chargé du rapport.
Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
M. TESSIER-FLOHIC Président de Chambre
M. PERINETTI Conseiller
Mme CIABRINI Conseiller
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GREFFIER LORS DES DÉBATS : Mme MAGIS
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ARRÊT : CONTRADICTOIRE
prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
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EXPOSÉ DU LITIGE
Suivant ordonnance en date du 4 novembre 2022, le juge commissaire à la liquidation judiciaire de la SARL France Auto Service et de Monsieur [C] [I] a autorisé la SCP [M] [P] mandataire judiciaire à faire procéder à la réalisation aux enchères publiques au prix de 25’000 € d’une maison d’habitation située sur la commune de [Localité 5] au [Adresse 1] et cadastrée [Cadastre 6].
Par déclaration au greffe en date du 24 novembre 2022, Monsieur [C] [I] a interjeté appel de cette décision.
Au terme de ses dernières conclusions (n°3) échangées le 27 mars 2023, en présence de Mme [U] [Y], Monsieur [C] [I] entend obtenir la réformation de l’ordonnance, qu’il soit constaté qu’en conformité avec la décision de la Banque de France, toute action en exécution est suspendue en raison de la recevabilité d’un dossier de surendettement qu’il a déposé et qu’il soit relevé en conséquence l’incompétence du tribunal de commerce pour apprécier la contestation faite par le mandataire judiciaire dans le cadre de ce dossier de surendettement.
Il explique que par jugement du tribunal de commerce de Bourges du 19 juin 2018 la SARL FRANCE AUTO SERVICES a été placée en liquidation judiciaire simplifiée, convertie en liquidation judiciaire le 30 octobre 2018.
Le liquidateur judiciaire la SCP [M] [P], désigné dans la procédure a sollicité l’extension de la mesure de liquidation judiciaire à son endroit alors qu’il n’a jamais eu la qualité de gérant et n’était pas associé à cette société.
Mieux selon lui, le liquidateur judiciaire a obtenu du juge commissaire suivant requête déposée le 25 mai 2022 et ordonnance du 4 novembre 2022 qu’il soit procédé à la vente aux enchères publiques deux maisons d’habitation situées sur la commune de La Monnerie Le Montel dont il est propriétaire.
Soutenant tout d’abord la recevabilité de son appel en ce qu’il est dirigé contre la SCP [M] [P] qui représente les créanciers en raison de sa qualité, il ajoute que si les créanciers peuvent exercer un recours devant la cour d’appel contre les ordonnances rendues par le juge commissaire cette faculté n’implique pas pour le débiteur de diriger son appel contre les créanciers qui n’étaient pas parties en première instance. En l’espèce, il dirige son action, non contre les différents créanciers mais contre celui qui les représente, à savoir le mandataire liquidateur et il ne lui appartenait pas, contrairement aux allégations de l’intimé de les appeler à la cause individuellement.
La procédure d’extension de la liquidation judiciaire à sa personne, n’a pas permis aux différents créanciers de la SARL FRANCE AUTO SERVICES d’obtenir le règlement de leurs créances, mais par contre, a précipité l’appelant vers un surendettement irréversible : ces biens immobiliers grevés d’hypothèque n’apporteront pas de crédit permettant de désintéresser les autres créanciers de la SARL et l’assiette de la saisie immobilière engagée apparaît inutile car elle ne permettrait de désintéresser que le créancier titulaire d’une hypothèque sur l’immeuble.
En outre, le bien immobilier est le siège social de la SARL LE CERCLE AUTOMOBILE qui par ailleurs loue un autre immeuble pour un loyer annuel de 600 €, ce qui démontre le caractère inopportun de la mesure, en raison de l’appauvrissement de l’appelant mais aussi de l’absence de désintéressement réel des créanciers.
Encore, il est fait état de dettes fiscales qui ont cependant donné lieu à un dégrèvement au titre des années 2016 à 2018 de la totalité des impositions supplémentaires par décision du 15 mars 2021; le mandataire liquidateur ne saurait se prévaloir de ces titres exécutoires pour solliciter la saisie immobilière d’une dette de 35’293 € désormais éteinte.
Il ajoute encore que le mandataire liquidateur a pu obtenir la copie de la décision de la commission de surendettement du Puy de Dôme qui l’aurait déclaré irrecevable le 22 septembre 2022. La SCP [M] [P] a, d’une part violé le secret des correspondances et d’autre part tenté de tromper la religion de la cour en ce que ce document comporte la notification d’un droit de recours exercé actuellement par [C] [I] devant la juridiction de proximité.
Dès lors, la procédure est pendante devant le juge des contentieux de la protection. Il conteste qu’il aurait été déclaré irrecevable en sa demande devant la commission de surendettement et affirme que le mandataire judiciaire a frauduleusement obtenu un courrier portant atteinte au principe de la loyauté de la preuve, puisque seul le débiteur est averti de la décision d’irrecevabilité aux termes des dispositions de l’article R722-1 du code de la consommation. Mieux, le mandataire liquidateur a été convoqué à l’audience le 7 mars 2023. La décision est attendue pour le 2 mai 2023.
Il soutient en conséquence qu’il y a eu une tentative de manipulation et d’escroquerie au jugement qui ouvrira droit à condamnation à amende civile.
Il poursuit en soutenant que tant que le juge des contentieux de la protection ne se sera pas prononcé sur la recevabilité de sa demande devant la commission de surendettement il ne saurait y avoir de mesure d’exécution sur son patrimoine propre.
Faisant assaut de sa bonne foi, il rappelle que le mandataire judiciaire encaisse les loyers du logement dont il poursuit la vente alors même que le bénéfice de la mesure de surendettement n’est pas écarté.
‘
Par conclusions échangées le 27 mars 2023, Madame [U] [Y] prise ès qualité de gérante de la SARL FRANCE AUTO SERVICE, s’associait aux conclusions de l’appelant principal aux fins de réformation de l’ordonnance en toutes ses dispositions. Elle porte un grand intérêt à la liquidation de la société qu’elle gérait, ainsi qu’à l’extension à son ex-associé.
Affirmant que la procédure l’affecte psychologiquement, elle soutient qu’il ne peut être procédé à la réalisation aux enchères publiques de l’immeuble ainsi saisi, dans la mesure où [C] [I] a déposé une demande de surendettement et que le juge du contentieux de la protection est actuellement saisi pour connaître de sa recevabilité.
‘
Au terme de ses conclusions n° 3 échangées le 21 mars 2023, la SCP [M] [P] agissant en qualité de mandataire à la liquidation judiciaire de la SARL FRANCE AUTO SERVICE, étendue à Monsieur [C] [I] soutient l’irrecevabilité de l’appel principal ainsi que de l’appel incident et au rejet de l’ensemble de leurs demandes.
Rappelant qu’il est de l’intérêt des créanciers qu’il soit procédé à la réalisation des immeubles saisis, il a présenté une requête pour être autorisé à les faire vendre.
Avant tout débat au fond, il soutient l’irrecevabilité de l’appel dirigé uniquement contre le mandataire liquidateur et non contre la gérante ; or s’agissant d’un litige indivisible il lui appartenait de diriger également son appel contre les différents créanciers inscrits, dont les droits et obligations sont affectés par la décision aux termes des dispositions de l’article L642-18 du code de commerce. En droit, le créancier inscrit est une partie dans la mesure où la réalisation de l’actif, et donc l’ordonnance prescrivant la vente, affecte ses droits et obligations.
Si Mme [Y] prétend que ces immeubles constituent sa résidence principale, elle n’en rapporte pas la preuve et ne verse ni loyer ni indemnité d’occupation sur ces biens propre de [C] [I].
Au fond, il sollicite la confirmation de l’ordonnance en ce que par jugement définitif du 1er octobre 2019 la liquidation judiciaire de la SARL FRANCE AUTO SERVICE a été étendue à Monsieur [C] [I] pour confusion des patrimoines, à la suite de la découverte de flux financiers anormaux. Dès lors, la procédure collective entraîne une unicité des masses actives et passives permettant au liquidateur de réaliser tous les actifs de la personne à laquelle la procédure a été étendue, et ce, peu importe que certaines des créances de la procédure, soient éteintes.
Le mandataire à la liquidation judiciaire ajoute encore que le dépôt d’un dossier de surendettement à l’initiative de Monsieur [C] [I] est sans incidence sur la procédure de saisie immobilière actuellement en cours. Il est ajouté qu’est irrecevable la demande d’admission à une procédure de surendettement des particuliers, d’un individu placé en liquidation judiciaire. Il apparaît que Monsieur [C] [I] aurait dissimulé sa situation à la commission de surendettement de telle sorte que la SCP [P] s’est trouvée contrainte de former recours contre cette décision de recevabilité le 5 septembre 2022. Un réexamen par la même commission le 22 septembre 2022 a abouti à une décision d’irrecevabilité, ce que l’appelant cherche à dissimuler.
Contrairement aux allégations de Monsieur [C] [I], il ne bénéficiait pas d’une quelconque mesure de surendettement au 29 septembre 2022. Il tente cependant une escroquerie au jugement qui doit ouvrir droit à sanction et au remboursement des frais irrépétibles du mandataire judiciaire à hauteur de 4.000€.
‘
L’affaire a été appelée selon la procédure prévue par l’article 905 du code de procédure civile à l’audience du 5 avril 2023. Après avoir entendu les parties, elle a été mise en délibéré et la décision est intervenue le 11 mai 2023.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la recevabilité de l’appel dirigé contre le seul mandataire liquidateur :
Il résulte des dispositions de l’article R 642-37-1 du code de commerce que le recours contre les ordonnances du juge-commissaire rendues dans le cadre des ventes forcées d’immeubles, des saisies immobilières, voire des cessions sur adjudications amiables ou de gré à gré, formé devant la cour d’appel est ouvert aux personnes dont les droits et obligations sont affectés par ces décisions;
Si ce recours est ouvert aux parties et aux personnes dont les droits et obligations sont affectés par cette décision dans le cadre d’un recours assimilé à une tierce opposition, il n’en implique pas nécessairement que le saisi, qui relève appel de cette ordonnance assigne à la cause l’ensemble de ses créanciers, ceux-ci restant représentés par le mandataire judiciaire ;
Le moyen tiré de l’irrecevabilité doit donc être écarté.
L’intervention volontaire de Mme [U] [Y] est sans conséquence de droit, puisqu’elle n’est pas propriétaire des biens immobiliers visés par la saisie.
Sur le fond :
Pour s’opposer à la mesure de vente sur adjudication M. [C] [I] soutient qu’une procédure est actuellement pendante devant le Juge de l’exécution dans le cadre d’un appel sur la décision d’irrecevabilité de la commission de surendettement des particuliers.
Il convient de rappeler que par arrêt désormais définitif en date du 29 avril 2021, suivant certificat de non pourvoi du 29 octobre 2021, la cour d’appel de Bourges a confirmé le jugement en date du 8 décembre 2020 du tribunal de commerce de Bourges l’ayant déclaré irrecevable à former une tierce opposition à l’encontre du jugement du 1er octobre 2019 de cette même juridiction ayant prononcé l’extension de la liquidation judiciaire de la Société FRANCE AUTO SERVICE à sa personne.
Désormais cette extension de la liquidation judiciaire, par décision devenue définitive emporte création d’une procédure collective unique tant dans sa masse active que passive, au sens de l’arrêt de Chambre commerciale du 30 juin 2009 n° 08-15.715, et dès lors, la demande d’ouverture d’une procédure de surendettement des particuliers engagée suivant courrier du 11 juillet 2022 lui était, de droit, prohibée aux termes des dispositions de l’article L 711-1 1er alinéa du code de la consommation, puisque sa mauvaise foi se trouve caractérisée par la connaissance qu’il avait de la procédure d’extension de la mesure de liquidation judiciaire à sa personne dès le 1er octobre 2019, dont il avait fait appel et dont la décision avait été confirmée le 29 octobre 2021 soit 9 mois avant son courrier de saisine, qu’il se gardera d’adresser à la commission de surendettement de son département, préférant saisir l’adresse nationale.
La procédure n’est ouverte qu’aux personnes physiques de bonne foi ; si celle-ci se présume, elle ne saurait être retenue et au contraire la mauvaise foi se trouve parfaitement caractérisée par cette saisine qui vise à faire échec à la procédure d’extension de la liquidation judiciaire de la SARL AUTO SERVICES, société de négoce automobiles dont la procédure avait été ouverte en liquidation judiciaire par jugement du 19 juin 2018, convertie en liquidation judiciaire simplifiée par décision du 30 octobre 2018 et dont l’extension a été prononcée suite à la découverte par le mandataire judiciaire de flux financiers et de virements de la société à M; [C] [I], sans contrepartie, alors que s’il avait la qualité d’associé à hauteur de 40 % des parts il n’avait pas la qualité de salarié ;
Surabondamment le courrier de dépôt de la demande auprès de la commission de surendettement en date du 11 juillet 2022 confirme la mauvaise foi de M. [C] [I] qui évoque en 3ème paragraphe de son courrier ‘le point d’origine de (sa) situation a démarré en octobre 2019, suite à un jugement de liquidation judiciaire à titre personnel’ ;
Il n’ignorait donc rien de sa situation et de l’extension qui avait été prononcée et n’en déposait pas moins un dossier pour faire ‘suspendre les saisies en cours’ ajoutant même qu’un ‘jugement de liquidation personnel’ avait entraîné le gel de tous ses actifs.
Il ne saurait en outre, être sérieusement reproché à Me [P], qui par la mesure d’extension de la liquidation judiciaire par confusion de patrimoine, se trouvait nécessairement destinataire de l’ensemble des courriers adressés à [C] [I], d’avoir indiqué à la Banque de France le 29 août 2022 ses fonctions et les dispositions légales prohibant le recours aux dispositions de la procédure de surendettement des particuliers et faisant doubler ce courrier d’une lettre recommandée avec accusé de réception de son conseil aux même fins le 5 septembre 2022.
La commission de surendettement le 22 septembre 2022 clôturait le dossier pour irrecevabilité, au motif que la procédure collective frappant M. [C] [I] n’était pas achevée.
Le recours contre la décision d’irrecevabilité ne saurait imposer un quelconque sursis à statuer, au regard de cette mauvaise foi caractérisée de M. [C] [I].
L’ordonnance dont appel doit être intégralement confirmée.
Sur les dépens :
La mauvaise foi a été parfaitement caractérisée par le juge commissaire et à hauteur d’appel et l’action ainsi engagée doit être qualifiée de dilatoire car elle n’est destinée qu’à retarder la mise en vente des biens immobiliers dont l’appelant est propriétaire ; dès lors, il est équitable d’accorder au mandataire judiciaire le remboursement de ses frais d’avocat à hauteur de 2.000 €.
[C] [I] doit supporter les dépens de la présente instance.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Déclare recevable l’appel,
Déclare le présent arrêt commun et opposable à Mme [U] [Y],
Confirme en toutes ses dispositions l’ordonnance du juge commissaire en date du 4 novembre 2022 autorisant la réalisation aux enchères publiques au prix de 25’000 € d’une maison d’habitation située sur la commune de [Localité 5] au [Adresse 1] et cadastrée [Cadastre 6].
Y ajoutant,
Condamne M. [C] [I] à payer à Me [M] [P] ès qualité de mandataire judiciaire de la liquidation de la SARL FRANCE AUTO SERVICES la somme de 2.000 € au visa de l’article 700 du code de procédure civile.
Condamne M. [C] [I] aux entiers dépens qui seront passés en frais privilégiés de vente.
L’arrêt a été signé par A. TESSIER-FLOHIC, Président, et par S. MAGIS, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,
S. MAGIS A. TESSIER-FLOHIC