COUR D’APPEL DE BORDEAUX
PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE
————————–
ARRÊT DU : 11 MAI 2023
N° RG 22/05162 – N° Portalis DBVJ-V-B7G-M7BD
S.C.I. PLACIMMO
c/
[W] [C]
Nature de la décision :
APPEL D’UNE ORDONNANCE DE REFERE
Grosse délivrée le :11 mai 2023
aux avocats
Décision déférée à la cour : ordonnance rendue le 31 octobre 2022 par le juge des référés du Tribunal Judiciaire de BORDEAUX ( RG : 22/602) suivant déclaration d’appel du 10 novembre 2022
APPELANTE :
S.C.I. PLACIMMO, agissant en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social sis [Adresse 1]
Représentée par Me Baptiste MAIXANT, avocat au barreau de BORDEAUX
INTIMÉE :
[W] [C], demeurant [Adresse 2], prise en sa qualité de tutrice de Madame [F] [X] veuve [N] née le 11 août 1930 à [Localité 5], de nationalité française, demeurant à l’EHPAD [Adresse 4]
Représentée par Me Cédric JOURNU, avocat au barreau de BORDEAUX
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 912 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 30 mars 2023 en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame Sylvie HERAS DE PEDRO, conseiller, chargé du rapport,
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Roland POTEE, président,
Bérengère VALLEE, conseiller,
Sylvie HERAS DE PEDRO, conseiller,
Greffier lors des débats : Séléna BONNET
ARRÊT :
– contradictoire
– prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile.
* * *
EXPOSE DU LITIGE ET DE LA PROCÉDURE
Par acte sous seing privé du 12 février 2005, M. [P], aux droits duquel vient la société Placimmo, a donné à bail commercial à Mme [F] [N] des locaux situés [Adresse 3].
Le 29 décembre 2016, Mme [N] a été placée sous sauvegarde de justice et Mme [C] a été désignée comme mandataire spécial.
Le local étant resté fermé et inexploité, la société Placimmo a délivré au preneur le 22 novembre 2021 un commandement visant la clause résolutoire, d’avoir à exploiter les lieux, de les garnir, de les entretenir, de justifier de l’assurance et de s’inscrire au registre du commerce.
Ce commandement n’a pas été suivi d’effet.
Par acte du 9 mars 2022, la société Placimmo assigné Mme [C] en sa qualité de tutrice de Mme [N], devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Bordeaux aux fins de voir constater la résiliation du bail commercial par acquisition de la clause résolutoire, de voir ordonner l’expulsion du preneur et de tous occupants de son chef, de voir statuer sur le sort des meubles laissés sur place, et de voir fixer une indemnité d’occupation égale au double des loyers augmenté des charges du 23 novembre 2021 jusqu’à libération effective des lieux.
Par ordonnance de référé du 31 octobre 2022, le tribunal judiciaire de Bordeaux a :
– débouté la société Placimmo de l’ensemble de ses demandes,
– condamné la société Placimmo aux dépens et l’a condamnée à payer à Mme [N], représentée par son tuteur Mme [C], la somme de 1 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
La société Placimmo a relevé appel de cette ordonnance par déclaration du 10 novembre 2022.
Par conclusions déposées le 24 décembre 2022, la société Placimmo demande à la cour de :
– réformer l’ordonnance rendue par le juge des référés du tribunal judiciaire de Bordeaux du 31 octobre 2022 en ce qu’il a :
* débouté la société Placimmo de l’ensemble de ses demandes,
* condamné la société Placimmo aux dépens et l’a condamnée à payer à Mme [N], représentée par son tuteur Mme [C], la somme de 1 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
En conséquence statuant de nouveau,
– constater l’acquisition de la clause résolutoire du bail commercial liant la société Placimmo et Mme [C], agissant en sa qualité de tutrice de Mme [N], dans la mesure où les causes du commandement signifié le 22 novembre 2021 sont restées infructueuses aussi bien pour le défaut de justification d’une assurance locative que pour le défaut d’immatriculation au registre du commerce et le défaut d’entretien des lieux loués,
– ordonner la libération des lieux par Mme [C], agissant en sa qualité de tutrice de Mme [N] et la remise des clés après établissement d’un état des lieux de sortie,
– ordonner, à défaut de restitution volontaire des lieux dans le mois de la signification de l’ordonnance, l’expulsion de Mme [C], agissant en sa qualité de tutrice de Mme [N] de ses biens et de tout occupant de son chef des lieux situés [Adresse 3], et ce, avec le concours éventuel de la force publique et d’un serrurier,
– dire, en cas de besoin, que les meubles se trouvant sur les lieux seront remis aux frais de la personne expulsée dans un lieu désigné par elle et à défaut, seront laissés sur place ou entreposés en un autre lieu approprié et décrits avec précision par l’huissier chargé de l’exécution, avec sommation à la personne expulsée d’avoir à les retirer dans un délai de quatre semaines à l’expiration duquel il sera procédé à leur mise en vente aux enchères publiques, sur autorisation du juge de l’exécution, ce conformément à ce que prévoient les articles L. 433-1 et R. 433-1 et suivants du code des procédures civiles d’exécution,
– dire qu’à compter du 23 novembre 2021, Mme [C], agissant en sa qualité de tutrice de Mme [N] est redevable de plein droit jusqu’à la parfaite libération et remise des clés d’une indemnité d’occupation fixée par jour de retard au double du loyer principal en vigueur, TVA et charges en sus,
– condamner Mme [C], agissant en sa qualité de tutrice de Mme [N] à verser à la société Placimmo la somme de 2 400 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel et à la somme de 1 500 euros pour les frais de procès exposés en première instance, outre les dépens en ce compris, les frais de poursuite, de mesures conservatoires, de frais de levée d’état et de notification prévus par l’article L 143-2 du code de commerce.
Par conclusions déposées le 23 janvier 2023, Mme [N] représentée par sa tutrice Mme [C] demande à la cour de :
– déclarer mal fondée la société Placimmo en son appel de l’ordonnance de référé du 31 octobre 2023,
– confirmer en conséquence l’ordonnance déférée en toutes ses dispositions,
Y ajoutant,
– condamner la société Placimmo au paiement d’une indemnité de 2 000 euros au titre des frais irrépétibles en cause d’appel,
– condamner la même aux entiers dépens de l’instance.
L’affaire a été fixée à l’audience rapporteur du 30 mars 2023, avec clôture de la procédure à la date du 16 mars 2023.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la résiliation du bail
Aux termes de l’article L145-1 du code de commerce, toute clause de résiliation de plein droit d’un bail commercial ne produit effet que passé un mois après un commandement demeuré infructueux.
Mme [F] [N] représentée par sa tutrice Mme [W] [C] s’est maintenue dans les lieux loués après le refus de renouvellement de son bail dans l’attente du versement de son indemnité d’éviction, ce que lui permettait l’article L145-28 du code de commerce.
Ce texte prévoit que dans ce cas le preneur doit continuer à respecter les clauses du bail.
Par acte d’huissier du 22 novembre 2021, il a été délivré à Mme [F] [N] représentée par sa tutrice Mme [W] [C] un commandement visant la clause résolutoire:
-d’avoir à exploiter les lieux loués,
-d’avoir à garnir les lieux loués
-d’avoir à s’immatriculer au RCS,
-d’avoir à entretenir les lieux loués,
-d’avoir à justifier de l’assurance des lieux loués.
La Sci Placimmo fait valoir que la résiliation du bail s’impose dans la mesure où Mme [F] [N] représentée par sa tutrice Mme [W] [C] n’a jamais justifié d’une assurance.
Mme [F] [N] représentée par sa tutrice Mme [W] [C] réplique que les travaux réalisés dans l’immeuble voisin de son fonds de commerce, dont la Sci Placimmo est également propriétaire, ont occasionné des dommages rendant impossible la poursuite de son exploitation, qu’il ne peut donc lui être reproché son défaut d’immatriculation au RCS, la Sci Placimmo en portant l’entière responsabilité.
Force est de constater que Mme [F] [N] représentée par sa tutrice Mme [W] [C] ne justifie pas que le bien, objet du bail, était assuré dans le mois suivant la délivrance du commandement, et dans ces conditions l’impossibilité d’exploiter du fait du bailleur ne saurait être considérée comme une contestation sérieuse.
Dès lors, il convient de constater l’acquisition de la clause résolutoire et en conséquence d’ordonner l’expulsion de Mme [F] [N] représentée par sa tutrice Mme [W] [C], de fixer le sort des biens laissés sur place et de condamner Mme [F] [N] représentée par sa tutrice Mme [W] [C] à payer une indemnité d’occupation et l’ordonnance déférée qui avait débouté la Sci Placimmo de ces demandes sera réformée.
Aucun motif ne justifie de fixer une indemnité d’occupation à un montant supérieur à celui du loyer et charges qu’aurait payé le locataire si le bail avait été poursuivi.
L’établissement d’un état des lieux de sortie se fera selon accord des parties ou à défaut par huissier de justice à l’initiative de la partie la plus diligente, conformément à la loi.
Sur les autres demandes
En application de l’article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge d’une autre partie.
Mme [F] [N] représentée par sa tutrice Mme [W] [C] qui succombe en supportera donc la charge, en ce compris les frais de notification prévus par l’article L143-2 du code de commerce.
En application de l’article 700 du code de procédure civile, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
Dans tous les cas, le juge tient compte de l’équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d’office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu’il n’y a pas lieu à ces condamnations.
Mme [F] [N] représentée par sa tutrice Mme [W] [C] qui succombe, sera condamnée à payer à la Sci Placimmo la somme de 800 euros sur ce fondement.
PAR CES MOTIFS
LA COUR,
Infirme l’ordonnance déférée en toutes ses dispositions,
Statuant à nouveau,
Constate la résiliation du bail commercial conclu entre la Sci Placimmo et Mme [F] [N] représentée par sa tutrice Mme [W] [C],
Ordonne la libération des lieux par Mme [F] [N] représentée par sa tutrice Mme [W] [C] et la remise de clefs,
Ordonne en tant que de besoin l’expulsion de Mme [F] [N] représentée par sa tutrice Mme [W] [C], de ses biens et de tout occupant de son chef, dans le mois suivant la signification du présent arrêt, et ce avec le concours éventuel de la force publique et d’un serrurier,
Dit que le sort des meubles laissés sur place sera régi par les articles L433-1 et R433-1 et suivants du code des procédures civiles d’exécution,
Fixe l’indemnité d’occupation due par Mme [F] [N] représentée par sa tutrice Mme [W] [C] à une somme équivalente à celui du loyer et des charges qu’elle aurait payés en cas de non-résiliation du bail et condamne Mme [F] [N] représentée par sa tutrice Mme [W] [C] à la payer à la Sci Placimmo, jusqu’à sa parfaite libération des lieux,
Y ajoutant,
Condamne Mme [F] [N] représentée par sa tutrice Mme [W] [C] à payer à la Sci Placimmo la somme de 1000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
Condamne Mme [F] [N] représentée par sa tutrice Mme [W] [C] aux entiers dépens d’appel en ce compris les frais de notification prévus par l’article L143-2 du code de commerce.
Le présent arrêt a été signé par Monsieur Roland POTEE, président, et par Madame Séléna BONNET, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le Greffier, Le Président,