Saisine du juge de l’exécution : 11 mai 2023 Cour d’appel de Bordeaux RG n° 20/02091

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Saisine du juge de l’exécution : 11 mai 2023 Cour d’appel de Bordeaux RG n° 20/02091

COUR D’APPEL DE BORDEAUX

DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE

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ARRÊT DU : 11 MAI 2023

N° RG 20/02091 – N° Portalis DBVJ-V-B7E-LSJE

Madame [L] [K] épouse [Y]

Monsieur [M] [Y]

c/

Monsieur [W] [S]

Madame [O] [S] épouse [N]

Madame [X] [D], [I] [S] épouse [B]

Nature de la décision : AU FOND

Grosse délivrée le :

aux avocats

Décision déférée à la cour : jugement rendu le 10 janvier 2020 (R.G. 15/00249) par le Tribunal de Grande Instance de BERGERAC suivant déclaration d’appel du 22 juin 2020

APPELANTS :

[L] [K] épouse [Y]

née le 25 Février 1958 à [Localité 13]

de nationalité Française,

demeurant [Adresse 1]

[M] [Y]

né le 30 Août 1954 à [Localité 9]

de nationalité Française,

demeurant [Adresse 1]

Représentés par Me DEMAR substituant Me Michel PUYBARAUD de la SELARL MATHIEU RAFFY – MICHEL PUYBARAUD, avocat au barreau de BORDEAUX

et assistés de Me Mireille PAILLERE, avocat au barreau de BORDEAUX

INTIMÉS :

Monsieur [S] [W]

né le 26 Juin 1964 à [Localité 8]

de nationalité Française,

ingénieur en génie civil

demeurant [Adresse 4]

[O] [S] épouse [N]

née le 02 Octobre 1956 à [Localité 12]

de nationalité Française,

demeurant [Adresse 2]

[X] [D], [I] [S] épouse [B]

née le 14 Juillet 1960 à [Localité 8]

de nationalité Française,

demeurant [Adresse 3]

Représentés par Me Karine PERRET de la SELAS PERRET & ASSOCIES, avocat au barreau de BERGERAC

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 912 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 16 mars 2023 en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Monsieur Rémi FIGEROU, Conseiller chargé du rapport,

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Paule POIREL, Président,

Monsieur Alain DESALBRES, Conseiller,

Monsieur Rémi FIGEROU, Conseiller,

Greffier lors des débats : Mme Audrey COLLIN

ARRÊT :

– contradictoire

– prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile.

FAITS ET PROCÉDURE :

Selon acte authentique du 30 janvier 2004, M. [M] [Y] et Mme [L] [K] épouse [Y] ont acquis auprès de Mme [H] née [A], un terrain et une maison sis à [Adresse 10] commune de [Localité 11] (24).

Leurs voisins, les consorts [C] sont propriétaires d’une exploitation agricole qu’ils ont acquise par actes successifs des 13 septembre 1967 (époux [R]), 26 mars 1971 (succession [J]) et 9 décembre 1978 (consorts [A]), propriété démembrée entre les parents usufruitiers et leur fils [G], nu-propriétaire, et composée de diverses parcelles.

Des servitudes conventionnelles ont été créées par M. [A] et M. [R] alors propriétaires des lieux. Plus précisément, les 3 août 1965 et 31 décembre 1986, ont été créées deux servitudes de passages sur les parcelles de M. [R] au profit de M. [A] et une servitude de canalisation et d’aqueduc partant de la source sise sur la parcelle n°A[Cadastre 7], desservant la parcelle n°A[Cadastre 5], appartenant à M. [R] et la parcelle n°A[Cadastre 6] appartenant à M. [A].

Cet acte prévoyait qu’étaient communs les tuyaux d’amenée d’eau de la fontaine au moteur, le moteur et les tuyaux d’amenée d’eau des réservoirs au point d’eau constitué par le robinet installé à l’angle sud-est de la maison de M. [R].

M. [R] a vendu ses parcelles en partie aux consorts [C] qui les ont revendues le 26 mai 2006 aux consorts [Z]-[F]. L’autre partie a été vendue à M. [W] [S], Mme [O] [S] épouse [N] et Mme [X] [S] épouse [B] (les consorts [S]).

Saisi par M. et Mme [Y], le tribunal de grande instance de Bergerac a, par jugement du 9 mars 2007, notamment dit que la servitude de puisage était prescrite.

Par arrêt du 28 janvier 2010, la cour d’appel de Bordeaux, réformant le jugement susvisé en toutes ses dispositions, a notamment dit que la servitude n’était pas prescrite, et a fait droit à la demande de remise en état de fonctionnement de l’installation de pompage et d’amenée de l’eau de la source terminée par un robinet d’alimentation, les frais de remise en état devant être intégralement supportés par M. et Mme [Y], et dit n’y avoir lieu à prononcer une astreinte, les consorts [C] et [S] ayant donné leur accord pour la réalisation des travaux.

Saisi par M. et Mme [Y], par jugement du 7 février 2012, le juge de l’exécution du tribunal de grande instance de Bergerac a refusé d’ordonner une astreinte sur la décision de la cour d’appel et les a déboutés de leur demande, retenant qu’il n’existait aucun obstacle à la réalisation des travaux.

Par un arrêt du 25 févier 2013, la cour d’appel de Bordeaux a confirmé cette décision constatant la réalisation effective des travaux.

Par acte du 4 mars 2015, les consorts [S] ont assigné M. et Mme [Y] devant le tribunal de grande instance de Bergerac.

Par jugement du 27 septembre 2016, le tribunal de grande instance de Bergerac a donné acte à M. et Mme [Y] de ce qu’ils avaient retiré le cadenas assurant la fermeture totale de l’accès à la source objet du litige, a sursis à statuer sur l’ensemble des demandes ; et avant dire droit au fond a ordonné une mesure d’expertise et commis pour y procéder, M. [V] avec pour mission de :

– prendre connaissance de tous documents utiles, notamment des documents techniques décrivant l’installation projetée,

– entendre les parties et tous sachants,

– se rendre sur les lieux

– décrire dans le détail les travaux envisagés par M. et Mme [Y] et leur impact éventuel sur le fonds [S],

– déterminer si ces travaux correspondent à la remise en état de fonctionnement de l’installation préexistante, et sont conformes à ceux autorisés par la cour d’appel de Bordeaux dans son arrêt du 28 janvier 2010 ou s’ils excédent ceux autorisés et sont de nature à porter atteinte au droit de propriété des consorts [S] notamment en conduisant à capter l’intégralité des eaux de la source,

– dans ce dernier cas, décrire dans le détail et chiffrer le coût des travaux qui seraient à son avis nécessaires et suffisants, en expliquant les raisons de son choix,

– s’il y a lieu, fournir tous éléments permettant de chiffrer le préjudice actuel et certain des consorts [S],

– mis à la charge des consorts [S] l’avance des frais d’expertise.

L’expert judiciaire a déposé son rapport définitif le 27 avril 2018.

Par jugement du 10 janvier 2020, le tribunal judiciaire de Bergerac a :

– rejeté la demande de réouverture des débats formulée par les époux [Y],

– condamné les époux [Y] à payer aux consorts [S] la somme de 1 000 euros en réparation de leur préjudice de jouissance global,

– condamné les époux [Y], sous astreinte de 50 euros par jour de retard à l’expiration d’un délai de 4 mois suivant la signification de la présente décision, à déposer l’installation qu’ils ont réalisée sur le fonds des consorts [S] et à mettre les travaux en conformité avec ceux préconisés par l’expert judiciaire,

– condamné les époux [Y] à payer aux consorts [S] la somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, soit 1 500 euros en faveur de chacun des demandeurs,

– rejeté la demande des époux [Y] sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamné les époux [Y] aux dépens en ce compris les frais de constat d’huissier du 30 octobre 2014 et les frais d’expertise, dont distraction au profit de Maître Michel Perret,

– ordonné l’exécution provisoire de la présente décision,

– rejeté toutes les autres demandes plus amples ou contraires formées par les parties ;

M. et Mme [Y] ont relevé appel du jugement le 22 juin 2020 en ce qu’il :

– les a condamnés à payer aux consorts [S] la somme de 1 000 euros en réparation de leur préjudice de jouissance global,

– les a condamnés, sous astreinte de 50 euros par jour de retard à l’expiration d’un délai de 4 mois suivant la signification de la présente décision, à déposer l’installation qu’ils ont réalisée sur le fonds des consorts [S] et à mettre les travaux en conformité avec ceux préconisés par l’expert judiciaire,

– les a condamnés à payer aux consorts [S] la somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, soit 1 500 euros en faveur de chacun des demandeurs,

– les a condamnés aux dépens en ce compris les frais de constat d’huissier du 30 octobre 2014 et les frais d’expertise, dont distraction au profit de Maître Michel Perret,

– les a déboutés de leur demande visant à voir condamnés les consorts [S] à leur verser une somme de 4.000,00 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

– les a déboutés de leur demande visant à voir condamner les consorts [S] aux entiers dépens y compris les frais d’expertise,

– a ordonné l’exécution provisoire de la décision rendue.

Aux termes de leurs dernières conclusions notifiées le 22 septembre 2020, M. et Mme [Y] demandent à la cour, de :

– les déclarer recevables en leur appel et les en déclarer bien fondés,

– réformer partiellement le jugement attaqué,

– dire et juger n’y avoir lieu à indemnisation des consorts [S] au titre de leur préjudice,

– dire et juger n’y avoir lieu à astreinte,

– dire et juger n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile,

– partager les dépens.

Aux termes de leurs dernières conclusions notifiées le 21 décembre 2020, les consorts [S] demandent à la cour de :

– débouter les consorts [Y] de l’ensemble de leurs demandes,

– confirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Bergerac, le 10 janvier 2020,

– condamner les consorts [Y] au paiement d’une somme de 4 500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile,

– les condamner aux entiers dépens, en ce compris les frais de constat d’huissier et d’expertise, dont distraction au profit de Maître Karine Perret, avocat aux offres de droit.

Ils font notamment valoir que :

– Si M. et Mme [Y] ont démonté la pompe, suite à leur assignation en justice, c’est parce qu’ils ont constaté qu’elle ne fonctionnait pas. Le démontage étant intervenu en cours de procédure, l’expert n’a pas pu procéder aux constatations nécessaires. Il convient donc qu’ils en réinstallent une dans le cabanon situé sur leur fonds et non de façon immergée dans la source.

– aucun travaux n’ayant été effectué par M. et Mme [Y] contrairement aux préconisation de l’expert, il convient de les condamner sous astreinte à les effectuer. Le dispositif qu’ils ont depuis installé n’est pas conforme aux préconisations.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 2 mars 2023.

MOTIFS

Sur la demande indemnitaire des consorts [S]

Le tribunal a jugé en lecture du rapport d’expertise que si les consorts [S] ne subissaient plus de préjudice, alors que la source était désormais accessible sans contrainte ni limite, il résultait du procès-verbal de constat du 30 octobre 2014, que ladite source était alors recouverte d’un couvercle et équipée d’un cadenas, ce qui interdisait d’y accéder, si bien que le préjudice des intimés était néanmoins constitué.

Les appelants font valoir qu’il résulte du rapport d’expertise que les consorts [S] n’ont subi aucun préjudice.

Les intimés considèrent qu’ils ont été privé d’accès à la source depuis le jour de l’expertise en raison d’un cadenas placé par M. et Mme [Y], qu’ils n’ont ainsi pas pu installer de dispositif de pompage, d’où une augmentation de leur facture d’eau et l’existence d’un préjudice certain.

***

Il résulte du procès-verbal de constat dressé par Me [U], huissier de justice, le 30 octobre 2014 que la source litigieuse était inaccessible alors que sur celle-ci était posée une plaque en tôle formant un couvercle lequel était cadenassé.

Si le cadenas a été par la suite enlevé, il reste que les intimés ont été, un temps, privés de l’accès à la source par le fait des appelants, et ont ainsi subi un préjudice par la nécessité pour eux de consommer davantage l’eau du réseau public.

Le premier juge a fait une juste appréciation de leur préjudice.

En conséquence, le jugement sera confirmé en ce qu’il a condamné les époux [Y] à payer aux consorts [S] la somme de 1000 euros en réparation d’un tel préjudice.

Sur les travaux

Le tribunal a condamné les époux [Y] sous astreinte à déposer l’installation qu’ils ont réalisée sur le fonds des consorts [S] et à mettre en ‘uvre ceux préconisés par l’expert judiciaire.

Les appelants considèrent que les travaux préconisés par l’expert judiciaire sont irréalisables, car notamment les normes et le DTU qu’il invoque ne sont pas applicables à la situation, alors que ceux qu’ils ont réalisés correspondent à la meilleure solution possible.

Les intimés soutiennent que les époux [Y] doivent réaliser les travaux conformément aux préconisations de l’expert judiciaire, et ce sous astreinte.

***

Après avoir déposé un pré rapport, l’expert judiciaire a répondu au dire des époux [Y] du 31 janvier 2018 et a notamment considéré qu’il convenait de mettre en ‘uvre une pompe dont le prélèvement serait limité à l’aspiration de 0,33 litres par seconde. Si le DTU visé par ledit expert concerne l’évacuation des eaux de pluie, il n’est pas démontré que les contraintes de puissance seraient différentes pour des eaux de source.

Par ailleurs, les appelants ne communiquent aucun élément technique qui permettrait de penser que les travaux préconisés par l’expert judiciaire seraient irréalisables en raison de la variabilité du débit de la source en fonction des saisons, des prélèvements effectués par les agriculteurs situés en amont, de la variabilité des besoins en eau des maisons desservies ou encore de la durée de la fréquence des pompages respectifs, alors que précisément lors des opérations d’expertise, les parties lui avaient communiquées les contraintes liées à l’usage de la source.

Ainsi dans les travaux préconisés, l’expert judiciaire a notamment veillé à ce que ne soit pas capté l’intégralité de la source ( cf : page 10 de son rapport)

En conséquence, le jugement doit également être confirmé en ce qu’il a condamné sous astreinte les époux [Y] à réaliser les travaux préconisés par l’expert judiciaire.

Sur les frais et les dépens

Les époux [Y] succombant en leur appel seront condamnés aux dépens et à verser aux intimés la somme de 1500 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;

Y ajoutant :

Déboute les parties de leurs autres demandes ;

Condamne M. [M] [Y] et Mme [L] [K] épouse [Y] à payer à Mme [X] [S] épouse [B], Mme [O] [S] épouse [N], et M. [W] [S], ensemble, la somme de 1500 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

Condamne M. [M] [Y] et Mme [L] [K] épouse [Y] aux dépens d’appel.

La présente décision a été signée par madame Paule POIREL, présidente, et madame Audrey COLLIN, greffier, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER LA PRESIDENTE

 


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