Saisine du juge de l’exécution : 11 mai 2023 Cour d’appel d’Aix-en-Provence RG n° 22/10087

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Saisine du juge de l’exécution : 11 mai 2023 Cour d’appel d’Aix-en-Provence RG n° 22/10087

COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-9

ARRÊT AU FOND

DU 11 MAI 2023

N° 2023/378

Rôle N° RG 22/10087 – N° Portalis DBVB-V-B7G-BJXXF

S.C.I. ANTIPOLIS

C/

S.A.S. BARCHRIS

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Me JOLY

Me BOULAN

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Juge de l’exécution de GRASSE en date du 06 Juillet 2022 enregistré (e) au répertoire général sous le n°22/2290 .

APPELANTE

S.C.I. ANTIPOLIS Prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège.

demeurant [Adresse 1]

représentée par Me Thimothée JOLY de la SCP CABINET PIETRA & ASSOCIES, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE, assisté de Me Magali FRANCESCHI, avocat au barreau de GRASSE

INTIMEE

S.A.S. BARCHRIS prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège

demeurant [Adresse 2]

représentée par Me Françoise BOULAN de la SELARL BOULAN-CHERFILS-IMPERATORE, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE, assistée de Me Laëtitia GUILLET de la SELEURL LGLAW AVOCAT, avocat au barreau de PARIS, plaidante

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L’affaire a été débattue le 16 Mars 2023 en audience publique. Conformément à l’article 804 du code de procédure civile, Agnès DENJOY, Présidente de Chambre, a fait un rapport oral de l’affaire à l’audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

Madame Agnès DENJOY, Président

Madame Pascale POCHIC, Conseiller

Monsieur Dominique TATOUEIX, Magistrat honoraire

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Ingrid LAVALLEE.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 11 Mai 2023.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 11 Mai 2023,

Signé par Madame Agnès DENJOY, Président et Madame Ingrid LAVALLEE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

FAITS ET PROCEDURE

La SAS Barchris vient aux droits de la SARL Enotica en ce qui concerne des locaux à usage commercial de bar restauration situés [Adresse 4] à la suite de la vente du fonds de commerce intervenue le 24 février 2015 entre la société Enotica et la SAS Barchris.

La SCI Antipolis avait elle même fait l’acquisition des murs de ce local le 17 février 2015 auprès de la SCI Tova.

Après avoir laissé plusieurs loyers impayés en 2020, la SAS Barchris a demandé à son bailleur une réduction du loyer en l’état de la fermeture administrative de son établissement à la suite de la survenance de l’épidémie de Covid 19.

Les parties ont négocié mais n’ont pas pu s’accorder sur un quantum de réduction du loyer.

La SCI Antipolis a fait délivrer à la SAS Barchris en l’étude d’huissier le 14 septembre 2020 un commandement de payer visant la clause résolutoire contractuelle puis l’a fait assigner par acte du 16 novembre 2020 devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Grasse, qui, par ordonnance du 21 janvier 2021, a constaté la résiliation du bail, ordonné l’expulsion de la société Barchris des locaux situés à [Adresse 4], a fixé une indemnité d’occupation et a condamné la société Barchris au paiement de l’arriéré locatif.

Cette ordonnance a donné lieu à signification par huissier le 4 février 2021 puis à commandement de quitter les lieux le 25 mars 2021.

La société Barchris a relevé appel de cette décision et a engagé une procédure d’inscription de faux, contestant les actes d’huissier des 16 novembre 2020, 4 février 2021 et 25 mars 2021.

Par arrêt du 7 avril 2022, cette cour a rejeté l’inscription de faux, déclaré l’appel de la société Barchris irrecevable et l’a condamnée à une amende civile et à une indemnité de procédure ainsi qu’aux dépens.

Cet arrêt a donné lieu à pourvoi en cassation contre cette décision le 26 avril 2022 toujours en cours.

Concomitamment, la SAS Barchris a saisi le juge de l’exécution du tribunal judiciaire de Grasse par assignation du 29 avril 2022 aux fins de voir annuler les procès-verbaux de signification des 4 février 2021 et 25 mars 2021, déclarer nulle l’ordonnance de référé du 21 janvier 2021 et, à titre subsidiaire, ordonner un sursis à exécution de l’expulsion et lui accorder un délai de trois ans pour quitter les lieux.

Par le jugement dont appel rendu le 6 juillet 2022, le juge de l’exécution a annulé les procès-verbaux des 4 février 2021 et 25 mars 2021, a constaté la caducité de l’ordonnance de référé, a condamné la SCI Antipolis aux dépens, et a débouté la SCI Antipolis de toutes ses demandes.

La SCI Antipolis a relevé appel de chacune des dispositions de cette décision le 13 juillet 2022.

PRETENTIONS DES PARTIES

La SCI Antipolis demande :

– l’infirmation du jugement sauf en ce qu’il a débouté la société Barchris de sa demande d’indemnité sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

– dire réguliers le procès-verbal de signification de l’ordonnance de référé du 4 février 2021 et le commandement de quitter les lieux du 25 mars 2021

– juger que l’ordonnance de référé du 21 janvier 2021 a force exécutoire ;

– débouter la société Barchris de l’ensemble de ses demandes ;

– la condamner à lui payer la somme de 4 000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens.

La SCI Antipolis fait valoir à l’appui de son appel :

– que le premier juge a motivé sa décision au regard de l’article 659 du code de procédure civile alors que la dernière adresse connue d’une personne morale n’est pas nécessairement celle de son siège social ; elle se réfère à l’article 690 du code de procédure civile selon lequel « la notification destinée à une personne morale de droit privé [‘] est faite au lieu de son établissement. À défaut d’un tel lieu, elle l’est en la personne de l’un de ses membres habilités à la recevoir. »

– qu’ainsi l’huissier n’est pas tenu de se présenter au siège social pour signifier l’acte à personne; or, en l’espèce, l’huissier n’a trouvé ni établissement ni boîte aux lettres à l’adresse figurant au K-bis de la société Barchris, et ses constatations font foi puisque la cour a précédemment rejeté la procédure d’inscription de faux qui avait été formée par la société Barchris.

Elle précise que rien ne démontre qu’à l’adresse du siège social, il existait un établissement effectif : en l’espèce, il n’y avait ni locaux ni personne habilitée à recevoir les actes de procédure et d’ailleurs, la fiche Infogreffe de la société Barchris fait apparaître que cette dernière n’a aucun effectif en personnel.

– que par ailleurs, la société Barchris n’a pas démontré ni devant le juge de l’exécution ni devant la cour d’appel lors de l’appel de l’ordonnance de référé qu’elle disposait lors des passages de l’huissier, d’un établissement, d’une enseigne et/ou d’une boîte aux lettres à son nom.

– qu’en revanche il est certain que la société Barchris dispose d’un établissement en lien avec le litige et que la jurisprudence dans cette hypothèse considère que la signification est valablement faite au lieu de cet établissement : la dernière adresse connue d’une personne morale au sens de l’article 659 est donc celle de son dernier établissement connu en lien avec le litige, à savoir le [Adresse 4] à laquelle les actes litigieux ont été signifiés.

S’agissant de la demande subsidiaire de sursis à exécution et de délai de grâce, la SCI s’y oppose.

Elle rappelle que les locaux sont fermés depuis le 6 mai 2022 et que la SAS K et K a restitué les clés du local à la société Barchris et que le fonds de commerce de restaurant a disparu.

Elle en déduit, ainsi que du compte de résultat de la société Barchris, que cette dernière invoque vainement la perte de la valeur de son fonds de commerce disparu laquelle est devenue nulle puisque l’activité n’est plus exploitée depuis bientôt trois ans et que les documents comptables de la société Barchris démontrent qu’elle est déficitaire depuis au moins 2019, ses capitaux propres étant largement inférieurs au capital social et qu’elle ne survit que grâce à des apports en compte courant de sa société mère ou de sa société s’ur.

Suivant dernières conclusions notifiées le 7 novembre 2022, la SAS Barchris demande la confirmation du jugement et, subsidiairement, demande un sursis à exécution et un délai de grâce de 3 ans pour quitter les lieux. Elle demande, en tout état de cause, la condamnation de la SCI Antipolis à lui verser la somme de 4 000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens, ceux d’appel étant distraits au profit de la SELARL Lexavoué Aix-en-Provence avocat aux offres de droit.

La SAS Barchris fait valoir en substance :

– que les articles 653 et suivants du code de procédure civile régissent la manière dont on doit signifier des actes suivants un certain ordre de priorité : à personne, sinon à domicile, sinon en l’étude d’huissier, sinon selon les dispositions de l’article 659.

– que l’article 659 impose, en ce qui concerne les personnes morales, qu’une copie du procès-verbal soit notifiée par lettre recommandée doublée d’une lettre simple à la dernière adresse connue c’est-à-dire au lieu indiqué comme étant le siège social figurant au registre du commerce et des sociétés

– qu’en l’espèce, l’huissier de justice a adressé sa lettre recommandée et sa lettre simple lors de la signification de l’ordonnance de référé à l’adresse d’exercice de l’activité commerciale c’est-à-dire à [Localité 5] et non à l’adresse du siège social situé à [Localité 7].

La société Barchris fait observer que l’huissier de justice aurait pu tenter de signifier son acte aux lieux des établissements secondaires de la société Barchris indiqués sur son K-bis, situés à [Localité 8] et à [Localité 6],

Le commandement de quitter les lieux du 25 mars 2021 comporte exactement les mêmes anomalies.

Elle tire de l’article 478 du code de procédure civile la conséquence que l’ordonnance de référé n’a pas été signifiée correctement dans les six mois de sa date et qu’elle doit être considérée comme non avenue.

La société Barchris précise qu’elle démontre que des courriers avaient été reçus par elle à l’adresse de son siège à [Localité 7] antérieurement aux actes d’huissier litigieux, ce qui, selon elle, démontre que son nom figurait sur la boîte aux lettres au siège social contrairement à ce que mentionnent les actes d’huissier.

Elle ajoute qu’elle est actuellement à jour du paiement des loyers et des charges et a obtenu un sursis à exécution.

Elle ajoute que l’huissier s’est probablement trompé d’adresse car les indications GPS ne conduisent pas à l’adresse de son siège social à [Localité 7] mais à un bâtiment voisin ainsi qu’il ressort d’un procès-verbal de constat d’huissier du 17 juin 2022.

Elle ajoute que le grief qu’elle invoque consécutif aux manquements de l’huissier est évident puisqu’elle n’a pas pu se défendre devant le juge des référés ni interjeter appel de l’ordonnance dans les délais.

En ce qui concerne plus spécialement le commandement d’avoir à libérer les lieux intervenu le 25 mars 2021 elle invoque l’article R. 411-2 du code des procédures civiles d’exécutions et en conclut que cet acte doit d’autant plus être annulé puisqu’il ne pouvait être signifié à domicile élu.

À titre subsidiaire, elle demande des délais dans la mesure où elle estime avoir de très grandes chances d’obtenir la suspension des effets de la clause résolutoire, précisant être parfaitement à jour du paiement des loyers et des charges, alors qu’une mesure d’expulsion aurait des conséquences irréversibles, d’autant que l’emplacement géographique du fonds est sans équivalent disponible sur le marché.

Elle ajoute que la bailleresse ne subirait aucun préjudice consécutif à son maintien dans les lieux puisque les loyers sont payés

MOTIFS DE LA DECISION

Vu les articles 653 et suivants du code de procédure civile ;

En ce qui concerne la signification de l’ordonnance de référé du 23 janvier 2021 suivant procès-verbal du 4 février 2021 :

Le procès-verbal de signification énonce que l’huissier a commencé par se rendre à l’adresse des locaux exploités par la société Barchris à [Localité 5] mais que sur place il n’y avait ni enseigne ni boîtes aux lettres et qu’il s’est donc rendu à l’adresse du siège social à savoir [Adresse 2], mais que sur place aucun élément ne permettait de confirmer la réalité du siège social de la société : ni enseigne, ni boîte aux lettres et que la société était inconnue des commerçants voisins interrogés.

Selon le PV, à une autre adresse potentielle, le [Adresse 3], aucun élément ne permettait de confirmer la réalité du siège de la société Barchris à cette adresse : ni enseigne, ni boîte aux lettres et toutes les autres recherches entreprises étaient restées infructueuses y compris sur les services Internet Pages Jaunes et pages blanches.

Il résulte de l’article 690 du code de procédure civile invoqué par l’appelante que la notification adressée à une personne morale de droit privé est valablement faite au lieu de son établissement c’est-à-dire de son siège social sauf être fait à la personne ayant qualité pour représenter la personne morale.

En l’espèce,l’ huissier n’a pas eu la possibilité de signifier ses actes à personne habilitée.

Vu l’article 659 du code de procédure civile, l’huissier de justice a procédé à l’envoi d’une lettre recommandée doublée d’une lettre simple au destinataire du procès-verbal.

Mais l’huissier de justice a envoyé sa lettre recommandée et sa lettre simple à l’adresse du fonds de commerce à [Localité 5] et non à l’adresse du siège social de la société à [Localité 7] ce qui ne pouvait valoir signification de l’ordonnance.

Incidemment, l’huissier de justice venait de constater qu’il n’existait pas de boîte aux lettres au nom de la société Barchris à l’emplacement du fonds de commerce à [Localité 5].

Les formalités d’envoi d’une lettre recommandée et d’une lettre simple imposées par l’article 659 du code de procédure civile n’ont pas été réalisées correctement lors de la délivrance de la signification de l’ordonnance de référé puisqu’elles auraient dû l’être à l’adresse du siège social et non à l’adresse de l’exploitation du fonds de commerce.

La société Barchris démontre avoir subi un grief de ce fait puisque elle n’a pas eu connaissance de l’ordonnance et n’a pas pu en interjeter appel alors que cette ordonnance lui faisait grief.

Il en est de même en ce qui concerne la signification du commandement de quitter les lieux délivré à la société Barchris le 23 mars 2021 qui a fait l’objet des mêmes diligences, l’huissier de justice n’ayant pas adressé la lettre recommandée et la lettre simple visées à l’article 659 du code de procédure civile à l’adresse mentionnée au registre du commerce comme étant le siège social mais comme précédemment à l’adresse du fonds de commerce à Antibes.

Le grief invoqué par la société Barchris du fait de l’irrégularité et du commandement est caractérisé puisque cette dernière n’a pas eu la possibilité de faire opposition au commandement de quitter les lieux en saisissant le juge de l’exécution.

Par conséquent le jugement déféré doit être confirmé en toutes ses dispositions,

Ceci rend sans objet la demande subsidiaire de l’intimée aux fins de délai de grâce et de sursis à exécution.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, contradictoirement,

Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,

Vu l’article 700 du code de procédure civile, condamne la SCI Antipolis à payer à la SAS Barchris la somme de 3 000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la SCI Antipolis aux dépens de l’instance d’appel, distraits au profit de la SELARL Lexavoué Aix-en-Provence, avocat, aux offres de droit ;

Rejette toute autre demande.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE

 


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