Saisine du juge de l’exécution : 11 mai 2023 Cour d’appel d’Aix-en-Provence RG n° 22/09169

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Saisine du juge de l’exécution : 11 mai 2023 Cour d’appel d’Aix-en-Provence RG n° 22/09169

COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-9

ARRÊT AU FOND

DU 11 MAI 2023

N° 2023/363

Rôle N° RG 22/09169 N° Portalis DBVB-V-B7G-BJUG3

[V] [P]

C/

[O] [H]

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Me Sébastien BADIE

Me Joseph MAGNAN

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Juge de l’exécution de Draguignan en date du 07 Juin 2022 enregistré au répertoire général sous le n° 22/02942.

APPELANT

Monsieur [V] [P]

né le [Date naissance 1] 1966 à [Localité 7],

demeurant [Adresse 2]

représenté par Me Sébastien BADIE de la SCP BADIE SIMON-THIBAUD JUSTON, avocat au barreau D’AIX-EN-PROVENCE,

plaidant par Me Béatrice FAVAREL, avocat au barreau de MARSEILLE, substituée par Me Sébastien GOULET, avocat au barreau de MARSEILLE

INTIMÉ

Monsieur [O] [H]

né le [Date naissance 3] 1998 à [Localité 5],

demeurant [Adresse 4]

représenté par Me Joseph MAGNAN de la SCP MAGNAN PAUL MAGNAN JOSEPH, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE

plaidant par Me Ingrid BOURBONNAIS de la Stream – Avocats & Solicitors, avocat au barreau de MARSEILLE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L’affaire a été débattue le 15 Mars 2023 en audience publique. Conformément à l’article 804 du code de procédure civile, Monsieur Ambroise CATTEAU, Conseiller ,a fait un rapport oral de l’affaire à l’audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

Madame Evelyne THOMASSIN, Président

Madame Pascale POCHIC, Conseiller

Monsieur Ambroise CATTEAU, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Josiane BOMEA.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 11 Mai 2023.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 11 Mai 2023,

Signé par Madame Evelyne THOMASSIN, Président et Madame Josiane BOMEA, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

Faits, procédure et prétentions des parties :

Monsieur [P] est propriétaire du navire White Pacha battant pavillon français. Selon contrat de travail à durée déterminée du 30 avril 2021 jusqu’au 31 octobre 2021, il recrutait monsieur [H] pour exercer les fonctions de capitaine du navire au salaire mensuel brut de 2 433,18 €.

Monsieur [H] se prévalait d’une prestation de travail du 12 avril au 1er mai 2021, du 7 au 13 novembre 2021, et d’une embauche non déclarée, ainsi que de l’exécution d’heures supplémentaires impayées.

Le 12 avril 2022, monsieur [H] présentait une requête au juge de l’exécution de Draguignan aux fins d’être autorisé à pratiquer une saisie conservatoire du navire aux fins de garantie de paiement de sa créance salariale. Une ordonnance du 14 avril 2022 du juge précité autorisait monsieur [H] à pratiquer une saisie conservatoire du navire White Pacha aux fins de garantir le paiement de la somme de 70 000,01 €. Le 15 avril 2022, monsieur [H] faisait procéder à la saisie conservatoire ainsi autorisée.

Le 21 avril 2022, monsieur [P] faisait assigner à bref délai, monsieur [H] devant le juge de l’exécution de Draguignan, aux fins de mainlevée de la saisie conservatoire du 15 avril 2022 et à titre subsidiaire de substitution à la saisie contestée d’une mesure de consignation de la somme de 30 000 € entre les mains du Bâtonnier de l’Ordre des avocats du Barreau de Marseille jusqu’à la décision sur le fond.

Aux termes d’un jugement du 7 juin 2022, le juge de l’exécution de Draguignan :

– écartait les notes en délibéré des parties,

– déboutait monsieur [P] de ses demandes principale et subsidiaire,

– condamnait monsieur [P] au paiement d’une indemnité de 1 500 € pour frais irrépétibles ainsi qu’aux dépens.

Le 11 juin 2022, monsieur [P] d’une part, et messieurs [H] et [U], autre salarié, d’autre part, signaient une convention amiable de séquestre de la somme de 117 372 € (70 000,21 € au titre du litige [H] et 47 372,59 € au titre du litige [U] ) entre les mains du Bâtonnier de l’Ordre des avocats au Barreau de Marseille contre mainlevée de la saisie conservatoire faite le 12 juin 2022.

Par déclaration reçue le 24 juin 2022 au greffe de la cour, monsieur [P] formait appel du jugement du 7 juin 2022.

Aux termes de ses dernières écritures notifiées, le 9 février 2023, auxquelles il sera renvoyé pour plus ample exposé de ses moyens, monsieur [P] demande à la cour de :

– infirmer le jugement déféré dans toutes ses dispositions et statuant à nouveau,

– rétracter l’ordonnance du 13 avril 2022 du juge de l’exécution de Draguignan,

– ordonner en conséquence, la libération à son profit du séquestre établi le 11 juin 2022 aux lieu et place de la saisie conservatoire autorisée, dans la limite de 70 000,21€,

– à titre surabondant, juger que la saisie conservatoire du navire, et donc la convention de séquestre du 11 juin 2022 sont caduques suite aux décisions de caducité rendues avec exécution provisoire par le tribunal judiciaire de Fréjus,

– ordonner en conséquence, la libération au profit de monsieur [P] du séquestre du 11 juin 2022 aux lieu et place de la saisie conservatoire autorisée, dans la limite de 70 000,21 €,

– à titre subsidiaire, juger que les conditions de libération des fonds séquestrés sont réunies et ordonner en conséquence la libération à son profit du séquestre du 11 juin 2022 aux lieu et place de la saisie conservatoire autorisée, dans la limite de 70 000,01 €,

– en tout état de cause, condamner monsieur [H] au paiement d’une somme de 10 000 € de dommages et intérêts et une indemnité de 8 000 € pour frais irrépétibles ainsi que les dépens de première instance et d’appel.

Il conteste l’absence de déclaration d’embauche et le non paiement de cotisations, pendant la période contractuelle, en l’état d’un courrier de l’Urssaf du 30 août 2021 et d’un courriel du 7 septembre 2022 portant mention d’une situation régulière.

Au titre de la période du 12 au 30 avril 2021, il invoque une prise de contact avec monsieur [H] autorisé à rester à bord pour lui éviter un aller-retour. Les échanges de sms courtois entre un armateur et son capitaine n’affectent pas son statut d’invité établi par les témoignages de personnes présentes.

Au titre de la période du 7 au 13 novembre 2021, il soutient avoir accepté de l’héberger pour lui permettre de récupérer ses affaires personnelles alors que l’intimé en a profité pour faire des photographies non datées pour invoquer une intervention sur le tuyau de raccordement alors que ces travaux avaient été confiés à un tiers, professionnel. Il conteste l’avoir mandaté pour effectuer la réception de travaux du chantier IMS dès lors que le commandant [W] est son seul représentant légal pour cette mission.

Au titre des heures supplémentaires pendant la période contractuelle, il soutient que le salarié doit établir un décompte sérieux sur lequel l’employeur apporte les éléments de contestation et qu’une éventuelle créance ne peut résulter que d’un débat contradictoire.

En tout état de cause, il affirme que monsieur [H] ne justifie pas de la nature des travaux à l’origine de 826 heures supplémentaires de travail alors que sur 184 jours de travail, l’intimé a été absent 34 jours, le bateau est resté 122 jours au port ou en chantier, et qu’il y a reçu ses invités pendant 55 jours. Il relève, que le directeur du chantier ne l’a pas vu travailler pendant 11 jours d’immobilisation, l’absence de preuve de commande de travaux supplémentaires de sa part, alors que l’ancien capitaine du navire ainsi que onze témoins contredisent les prétentions de son ancien salarié. Il rappelle que le capitaine a la responsabilité du livre de bord, lequel doit consigner tous les événements mais qui a fait l’objet d’un vol, selon dépôt de plainte du 22 avril 2022.

Enfin, il invoque la caducité de la convention de séquestre aux motifs de l’absence de créance paraissant fondée en son principe en application de l’article 1186 du code civil et à titre subsidiaire de deux décisions de caducité de l’action au fond lesquelles ont pour effet la caducité de la saisie en application de l’article R 511-7 code des procédures civiles d’exécution .

Il fonde sa demande de dommages et intérêts sur la nécessaire réparation du préjudice en lien avec la malveillance dont il a été victime.

Aux termes de ses dernières écritures notifiées le 13 février 2023, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des moyens, monsieur [H] demande à la cour de :

– confirmer le jugement déféré dans toutes ses dispositions,

– débouter monsieur [P] de toutes ses demandes,

– y ajoutant, condamner monsieur [P] à lui payer une indemnité de 8 000 € pour frais irrépétibles et les dépens de première instance et d’appel.

Il invoque une créance paraissant fondée en son principe au titre des heures supplémentaires en l’état de l’exécution de 70 à 90 heures de travail par semaine en moyenne et rappelle que le salarié n’est tenu que d’étayer sa demande par des éléments suffisamment précis et peut donc se contenter de produire un décompte manuscrit détaillé par mois.

Il soutient que son employeur a pu alimenter le débat contradictoire et contester son décompte devant le juge de l’exécution.

Il invoque un travail, de navigation, d’entretien, de sécurisation des personnes à bord, réparation et de suivi des travaux notamment lorsque le bateau a été confié au chantier IMS ainsi qu’un travail exécuté le dimanche selon sms du 11 juillet 2021.

Il affirme avoir travaillé sans être déclaré en l’état d’un contrat de travail du 26 juillet 2021 et en dehors de la période contractuelle. Il conteste la valeur probante du témoignage de monsieur [R], directeur d’un établissement fermé depuis janvier 2022. Il invoque les sms et les photographies de participation aux travaux, dont une signature du pv de réception de travaux, de nature à établir un travail effectif du 12 au 30 avril 2021 et du 7 au 13 novembre 2021.

Il revendique une indemnité de travail dissimulé forfaitaire de 6 mois de salaire sur la période précitée et la période contractuelle non déclarée pour laquelle il considère inopérant le courriel de l’Urssaf du 7 septembre 2022 retenant la régularité de sa situation.

Il invoque un préjudice lié à un retard systématique de paiement de son salaire, notamment celui de septembre payé en novembre et le solde de tout compte en janvier 2022 et un préjudice distinct lié au défaut de paiement des cotisations salariales.

Il rejette la caducité de la convention de séquestre aux motifs que la cour n’en est pas saisie par l’effet dévolutif et qu’elle est soumise à une décision au fond exécutoire, ce que n’est pas l’ordonnance de caducité du 4 octobre 2012.

Il conteste tout abus dans la prise d’une mesure conservatoire confirmée par le premier juge et soutient rapporter la preuve de ses affirmations par des preuves incontestables.

L’instruction de la procédure était close par ordonnance du 14 février 2023.

MOTIVATION DE LA DÉCISION :

Selon les dispositions de l’article L 5114-22 du code des transports, toute personne dont la créance paraît fondée en son principe peut solliciter du juge l’autorisation de pratiquer une saisie conservatoire d’un navire. Ces dispositions instaurent donc un régime dérogatoire au droit commun en ce qu’elles n’imposent pas la preuve de circonstances susceptibles de menacer le recouvrement de la créance.

L’article 1186 du code civil dispose notamment qu’un contrat valablement formé devient caduc si l’un de ses éléments essentiels disparaît.

Si la convention de séquestre du 11 juin 2022 stipule que messieurs [H] et [U] donnent mainlevée de la saisie conservatoire du navire, laquelle est intervenue le lendemain, les parties ont convenu (article 5) que monsieur [P] conservait son droit de contester tant la créance alléguée que la saisie du navire White Pacha (et la consignation qui en était la conséquence) à tous égards.

Il s’en déduit que l’intention des parties était de substituer la convention de séquestre à la saisie conservatoire et que messieurs [H] et [U] reconnaissaient le droit de monsieur [P] de poursuivre la contestation des conditions de la saisie conservatoire. D’ailleurs, monsieur [H] ne discute pas devant la cour le droit de monsieur [P] de faire juger l’absence de créance paraissant fondée à son principe, condition d’octroi de l’autorisation de délivrer la saisie conservatoire.

En l’état de la mainlevée de la saisie, la sanction du défaut de créance paraissant fondée en son principe ne peut être, par application de l’article 1186 du code civil, que la caducité de la convention de séquestre.

Monsieur [H] doit donc établir l’existence de créances paraissant fondées en leur principe invoquées à l’appui de sa requête aux fins d’autorisation de saisie du navire de monsieur [P] au titre :

– de rappel de salaire et heures supplémentaires pour la période du 12 au 30 avril 2021 pour un montant de 5 702,22 € outre 570,22 €,

– d’heures supplémentaires du 15 707,17 € outre 1570,72 € de congés payés y afférents,

– indemnité forfaitaire de travail dissimulé : 33 449,88 €.

A titre liminaire, il sera relevé que monsieur [H] ne justifie pas d’une demande amiable de paiement des sommes prétendument dues pendant la relation de travail dont il fixe le terme au 13 novembre 2021. De même, il n’a pas contesté son reçu pour solde de tout compte signé le 31 octobre 2021 par l’employeur avant la saisie conservatoire du navire du 15 avril 2022.

– Sur l’existence d’une créance salariale paraissant fondée en son principe au titre de la période du 12 au 30 avril 2021,

Une relation de travail se caractérise par un lien de subordination, lequel résulte du pouvoir de l’employeur, de donner des ordres (pouvoir de direction), d’en contrôler l’exécution (pouvoir de contrôle) et de sanctionner les manquements de son subordonné (pouvoir de sanction).

Un courriel de bienvenue à bord du 12 avril 2021 et la seule présence de monsieur [H] sur le bateau de monsieur [P] établie par une photographie d’un repas en tenue civile du 21 avril 2021 ne permet pas d’établir un lien de subordination entre l’appelant et l’intimé. Il en est de même d’un sms échangé le même jour avec monsieur [U] sur la position GPS du navire probablement pour lui permettre de le localiser dans le port et d’y accéder ce jour là.

De plus, le sms du 30 avril 2021 de monsieur [H] établit une discussion sur les conditions salariales de la relation de travail envisagée alors que l’accord des parties n’est pas encore finalisé. Il ne mentionne pas un quelconque travail exécuté pour le compte de monsieur [P] depuis le 12 avril 2021. Les photographies non datées (pièce n°4) produites par monsieur [H] ou à date illisible ne peuvent guère revêtir une quelconque valeur probante.

Enfin, le témoignage de monsieur [I], invité à bord pendant la fin de semaine du 22 au 25 avril 2021, mentionne que la présence de messieurs [H] et [U] à bord lui a été expliquée par une commodité avant la prise d’effet, début mai 2021, de leurs contrat de travail respectifs. Il précise qu’ils n’étaient pas en tenue de marin et ne s’occupaient pas du bateau.

Il s’en déduit que monsieur [H] ne produit pas d’éléments suffisants pour établir l’apparence d’une relation de travail dissimulé du 12 au 26 avril 2021.

– Sur l’existence d’une créance salariale paraissant fondée à son principe au titre des heures supplémentaires exécutées pendant la période contractuelle,

Aux termes de l’article L 3171- 4 du code du travail, en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail effectuées, l’employeur doit fournir au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié ; le juge forme sa conviction au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l’appui de sa demande après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles.

Si la preuve des horaires de travail effectués n’incombe ainsi spécialement à aucune des parties et si l’employeur doit être en mesure de fournir des éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié, il appartient cependant à ce dernier de fournir préalablement au juge des éléments de nature à étayer sa demande.

Selon les dispositions de l’article L 3121-20 du code du travail, les heures supplémentaires se décomptent par semaine civile.

En l’espèce, monsieur [H] produit un décompte de 826 h de travail supplémentaires du 12 avril au 13 novembre 2021. Ce décompte ne peut constituer une apparence de créance qu’à la condition de présenter un degré suffisant de cohérence.

Or, monsieur [H] ne produit aucun témoignage de nature à conforter le nombre très important d’heures de travail supplémentaires revendiquées. De même, les trois échanges de sms (pièces n°16 et 17) et deux courriels (pièces n°19 et 20), ne sont pas de nature à établir une apparente nécessité d’exécuter des heures supplémentaires.

L’armateur ne produit pas le registre des heures quotidiennes ou de repos prévu par l’article L 5623-4 du code des transports, mais il justifie d’une plainte pour vol des documents administratifs du bateau déposée le 22 avril 2022.

De plus, il résulte du tableau journalier du navire que le bateau est resté à quai du 1er au 8 mai, du 6 au 26 juin, du 9 juillet 2021 au 18 août 2021, puis du 10 septembre au 31 octobre 2021 et pendant la quasi-totalité des périodes précitées, sans passager à bord.

Monsieur [H] ne produit aucune demande écrite de l’armateur (sms ou courriel) d’exécuter des travaux de nature à justifier un temps de travail supérieur à la durée légale de travail de 35 heures par semaine notamment lorsque le bateau est resté à quai.

Par ailleurs, pendant les périodes de navigation, les témoignages des passagers (madame [C] présente du 30 mai au 7 juin 2021, monsieur [Y] présent le week-end du 24 mai 2021 et monsieur [X] présent du 1er au 3 juillet 2021) font état d’une activité limitée ‘ loin des charges habituelles ‘ relative, aux courses et à la préparation de certains repas lorsqu’ils ne mangeaient pas à terre, un temps effectif de travail ‘ limité’ et beaucoup de temps passé dans sa cabine. Ces constatations sont incompatibles avec l’exécution notamment de 53 heures supplémentaires comptabilisées du dimanche 15 au dimanche 22 août 2021.

Le décompte des 826 heures supplémentaires mentionne notamment des heures supplémentaires du 9 juillet 2021 au 16 août 2021, période de travaux de réparation confiés au chantier IMS suite à un événement de mer. Il inclut l’exécution de 23h45 supplémentaires du lundi 12 juillet au dimanche 18 juillet 2021 et de 24h45 supplémentaires du lundi 26 juillet au dimanche 1er août 2021.

Or, il n’est pas contesté que seul le chantier IMS était habilité à procéder à l’exécution de travaux de remise en état du navire et monsieur [H] ne produit aucune demande écrite de l’armateur d’exécuter des travaux susceptibles de justifier, dans ces circonstances particulières, le dépassement allégué de l’horaire légal. En effet, le témoignage de monsieur [D], responsable du chantier IMS, mentionne qu’il n’a, à aucun moment, constaté que monsieur [H] effectuait des travaux et même l’entretien du navire. Il précise n’avoir que très rarement aperçu monsieur [H] sur le bateau au cours de ses multiples rondes quotidiennes. Son témoignage est confirmé par celui de monsieur [T], lequel atteste que seuls les ouvriers du chantier sont habilités à effectuer des travaux sur les bateaux confiés, et que monsieur [H], rencontré plusieurs fois, n’effectuait aucun travail à bord.

Au titre de l’entretien courant du navire, l’exécution invoquée par monsieur [H] de travaux d’entretien du moteur du navire est remise en cause par le témoignage de monsieur [B], mécanicien de la société Mécateam (dont la fermeture de l’établissement au 4 janvier 2022 est sans incidence sur la saison 2021) , selon lequel il est le seul technicien à être intervenu sur la partie mécanique du moteur pendant l’été 2021.

Il s’en déduit que le défaut de cohérence du décompte d’heures supplémentaires produit par monsieur [H], confère un caractère incertain à la créance alléguée.

– Sur l’existence d’une créance paraissant fondée en son principe au titre de l’indemnité de travail dissimulé,

Selon les dispositions des articles L 8221-1 et L 8221-5 du code du travail, est notamment interdit le travail totalement ou partiellement dissimulé, défini et exercé dans le conditions prévues aux articles L 8221-3 et L 8221-5. Est réputé travail dissimulé par dissimulation d’emploi salarié le fait notamment de se soustraire intentionnellement à l’accomplissement de la formalité prévue à l’article L 1221-10 relatif à la déclaration préalable à l’embauche et de ses soustraire intentionnellement à l’accomplissement de la formalité prévue à l’article L 3243-2, relatif à la délivrance d’un bulletin de paie, ou de mentionner sur ce dernier un nombre d’heures de travail inférieur à celui réellement accompli, si cette mention ne résulte pas d’une convention ou d’un accord collectif d’aménagement du temps de travail conclu en application du titre II du livre 1er de la troisième partie.

Selon celles de l’article L 8223-1 du code du travail, en cas de rupture de la relation de travail, le salarié auquel un employeur a eu recours dans les conditions de l’article L 8221-3 ou en commettant les faits prévus à l’article L 8221-5 a droit à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire.

En l’espèce, l’attestation de l’expert-comptable de monsieur [P] (pièce n°16) mentionne qu’il a reçu mission de procéder à la déclaration des embauches de messieurs [H] et [U] et qu’il a suivi les recommandations de l’Enim et de l’Urssaf Poitou-Charente, et que la déclaration préalable à l’embauche a pris la forme d’une déclaration d’employeur pour emplois familiaux. Après réception des documents d’immatriculation, il déclare avoir procédé aux déclarations de cotisations (pièce n°25) et à leur paiement.

Dans son courriel du 7 septembre 2022, l’Urssaf de Poitou-Charente confirme qu’il ne peut être valablement considéré dans ces conditions que le salarié n’a pas été déclaré au sens de l’article L 8221-5 du code du travail. Ainsi, les éléments de preuve précités ne sont pas compatibles avec le caractère intentionnel du défaut de déclaration préalable et rendent donc hypothétique l’indemnité alléguée de travail dissimulé.

– Sur l’existence d’une créance paraissant fondée en son principe au titre de la période du 7 au 13 novembre 2021,

Dès lors que le contrat de travail de monsieur [H] prenait fin, le 30 octobre 2021, il doit justifier d’une demande écrite de l’armateur de poursuivre l’exécution de certaines prestations du 7 au 13 novembre 2021. Or, il ne verse au débat aucune instruction écrite de monsieur [P] de procéder à des travaux sur le navire pendant la période précitée et notamment de le représenter pour signer le procès-verbal de chantier du 10 novembre 2021.

Par contre, monsieur [S], directeur du Port de [Localité 6], déclare avoir été informé par monsieur [P], début novembre 2021, qu’il avait accepté la demande de monsieur [H] de passer seulement une ou deux nuits sur le bateau.

De plus, monsieur [W], désigné comme représentant local du propriétaire du navire par le contrat d’hivernage 2021 (pièce n°46) déclare que monsieur [P] lui a demandé de le substituer pour procéder à la réception des travaux du chantier IMS et qu’il avait constaté que monsieur [H], présent sur le bateau, y avait procédé en ses lieu et place. Sa qualité d’ancien salarié de la société RC capital dirigée par monsieur [P], du 15 mai au 31 octobre 2020, ne suffit pas à elle-seule à remettre en cause la valeur probante de son témoignage. En outre, les photographies non datées versées au débat ne peuvent pas établir la réalité de prestations d’entretien et de réparation du navire pendant la période du 7 au 13 novembre 2021.

Il s’en déduit que la créance de 70 000,21 € invoquée par monsieur [H] présente un caractère éventuel et hypothétique et ne pouvait fonder la mesure conservatoire contestée à laquelle s’est substituée la convention de séquestre. De plus, cette dernière est devenue caduque par l’effet de la disparition de son mobile constitué par l’existence d’une apparence de créance.

Par conséquent, le jugement déféré sera infirmé dans toutes ses dispositions et la libération de la somme de 70 000,21 € sera ordonnée au profit de monsieur [P].

– Sur les demandes accessoires,

La saisie conservatoire a été dans un premier temps validée par le jugement déféré ; elle ne présente donc pas un caractère abusif de sorte que la demande de dommages et intérêts sera rejetée.

L’équité ne commande pas de faire application de l’article 700 du code de procédure civile au profit de chacune des parties.

Monsieur [H], partie perdante, supportera les entiers dépens de première instance et d’appel.

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant après débats en audience publique et en avoir délibéré, conformément à la loi, par arrêt contradictoire, prononcé par mise à disposition au greffe,

INFIRME le jugement déféré dans toutes ses dispositions,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

DIT que monsieur [O] [H] ne justifie pas d’une créance paraissant fondée en son principe évaluée à 70 000,21 €,

ORDONNE la libération au profit de monsieur [V] [P] de la somme de 70 000,21 €, objet de la convention de séquestre du 11 juin 2022,

REJETTE la demande de dommages et intérêts,

DIT n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE monsieur [O] [H] aux entiers dépens de première instance et d’appel.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE

 


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