COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE
Chambre 1-9
ARRÊT AU FOND
DU 11 MAI 2023
N° 2023/367
Rôle N° RG 22/08154 – N° Portalis DBVB-V-B7G-BJQVS
Syndicatdescopropriétaires DU [Adresse 2]
C/
[D] [Y]
[U] [T]
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
Me JUSTON
Me MAREC
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Juge de l’Exécution de Marseille en date du 19 Mai 2022 enregistré (e) au répertoire général sous le n° 22/01557.
APPELANTE
Syndicatdescopropriétaires DU [Adresse 2], représenté par son syndic en exercice le Ca binet D4 IMMOBILIER domicilié en cette qualité audit siège, demeurant [Adresse 3]
représentée par Me Sandra JUSTON de la SCP BADIE, SIMON-THIBAUD, JUSTON, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE, assistée de Me Sébastien VICQUENAULT, avocat au barreau de MARSEILLE
INTIMES
Monsieur [D] [Y]
né le 20 Août 1955 à [Localité 6], demeurant [Adresse 4]
représenté par Me Serge MAREC de la SELARL BJP BENOIT JACQUINOD-CARRY MAREC AVOCATS, avocat au barreau de MARSEILLE
Monsieur [U] [T],
DA déposée à l’étude le 30/08/2022
(signification conclusions appelant le 14 octobre 2022 à personne)
né le 15 Juin 1950 à [Localité 6], demeurant [Adresse 1]
défaillant
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L’affaire a été débattue le 16 Mars 2023 en audience publique. Conformément à l’article 804 du code de procédure civile, Dominique TATOUEIX, Magistrat honoraire, a fait un rapport oral de l’affaire à l’audience avant les plaidoiries.
La Cour était composée de :
Madame Agnès DENJOY, Président
Madame Pascale POCHIC, Conseiller
Monsieur Dominique TATOUEIX, Magistrat honoraire
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Madame Ingrid LAVALLEE.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 11 Mai 2023.
ARRÊT
Défaut,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 11 Mai 2023,
Signé par Madame Agnès DENJOY, Président et Madame Ingrid LAVALLEE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
FAITS ET PROCÉDURE
M. [D] [Y] est propriétaire dans l’immeuble en copropriété sis [Adresse 2] à [Localité 5], d’un appartement situé en dessous de celui de . [U] [T].
Par jugement du 15 avril 2021 assorti de l’exécution provisoire, le tribunal judiciaire de Marseille a notamment :
– débouté M. [D] [Y] de son appel en garantie à l’encontre du syndicat des copropriétaires,
– débouté M. [U] [T] de ses demandes à l’encontre du syndicat des copropriétaires,
– condamné M. [D] [Y] à réaliser les travaux de renforcement du plancher sans
modification de cloisons, tels que résultant des préconisations de Monsieur [I], expert, à savoir la mise en place d’un sommier constitué d’une poutre métallique de type HE240 ancrée dans les murs porteurs servant d’appui, la découpe du faux plafond, la mise à nu de la poutre en bois renforcée, la mise en place d’un élément central, d’une poutre métallique de type HE240 sous la poutre bois existante, le relevage du plancher affaissé à l’aide d’étais télescopiques de chantier jusqu’à une position voisine de la position initiale, la création d’appuis en béton armé, la mise en place de deux autres parties des poutres assemblées par boulons et soudure de la semelle et la dépose du sommier encoffrement type panneaux BA 13 sur ossature,
– dit que M. [D] [Y] devra réaliser ou faire réaliser ces travaux sous le contrôle d’un maître d’oeuvre qualifié et sous astreinte de 100 euros par jour de retard passé le délai d’un mois suivant la signification du jugement
M. [D] [Y] a interjeté appel de ce jugement.
Par exploit en date du 10 février 2022, le syndicat des copropriétaires du [Adresse 2] a fait assigner M. [D] [Y] devant le juge de l’exécution du tribunal judiciaire de Marseille aux fins de liquidation de l’astreinte à la somme de 27 300 € et de fixation d’une nouvelle astreinte de 400 € par jour de retard, outre condamnation de M. [D] [Y] au paiement d’une somme de 2500 € pour résistance abusive et 2500 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.
Par jugement du 19 mai 2022 dont appel du 7 juin 2022, le juge de l’exécution du tribunal judiciaire de Marseille a :
– Reçu M. [U] [T] en son intervention volontaire accessoire et l’a déclaré irrecevable en ses autres demandes,
– Débouté M. [D] [Y] de sa demande de suppression de l’astreinte,
– Déclaré M. [D] [Y] irrecevable en sa demande de sursis à statuer,
– Liquidé l’astreinte à la somme de 5000 € pour la période du 12 juin 2021 au 10 mars 2022 et a condamné M. [D] [Y] au paiement de cette somme, outre 2000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens,
– Débouté le syndicat des copropriétaires de ses autres demandes.
Le juge de l’exécution énonce en ses motifs :
– C’est le syndicat des copropriétaires qui sur intervention forcée, a demandé reconventionnellement la condamnation de M. [Y] à réaliser les travaux sous astreinte, de sorte que c’est au bénéfice du syndicat des copropriétaires que l’astreinte a été prononcée,
– La demande de sursis à statuer, qui n’a été formulée qu’à titre subsidiaire, est irrecevable pour ne pas avoir été présentée avant toute défense au fond ou fin de non recevoir,
– le moyen au soutien de la demande de suppression de l’astreinte, tiré de ce que l’injonction était irréalisable dans le délai imposé est irrecevable pour remettre en cause, sans élément nouveau, le titre dans son principe et M. [Y] établit d’autant moins l’existence de circonstances insurmontables qu’il ne démontre aucune diligence entreprise pendant le délai d’un mois qui lui a été laissé, tandis que le recours à l’architecte de la copropriété n’étant pas prévu par le titre exécutoire, le retard rencontré par le débiteur pour l’identifier ne peut caractériser la cause étrangère,
– M. [Y], qui a manifestement tardé à mettre en ‘uvre les diligences utiles en espérant une issue favorable à son recours devant le premier président, s’est indubitablement montré davantage diligent depuis la délivrance de l’acte introductif en liquidation d’astreinte comme en témoignent les courriers produits au débats,
– compte tenu des démarches engagées par M. [Y], il n’apparaît pas nécessaire de majorer le taux de l’astreinte,
– le retard à s’acquitter des condamnations pécuniaires ainsi qu’à initier les démarches en faveur de la réalisation des travaux ne suffit pas à caractériser une résistance abusive à l’exécution du titre.
Vu les dernières conclusions déposées le 28 octobre 2022 par le syndicat des copropriétaires du [Adresse 2], appelant, aux fins de voir :
– Infirmer le jugement dont appel en ce qu’il a liquidé l’astreinte à la somme de 5000 € pour la période du 12 juin 2021 au 10 mars 2022 et débouté le syndicat des copropriétaires de ses autres demandes,
– Débouter M. [D] [Y] de son appel incident,
Et statuant à nouveau, de :
– Liquider l’astreinte à la somme de 27 300 € pour la période du 11 juin 2021 au 10 mars 2022 et condamner M. [D] [Y] au paiement de cette somme,
– Porter le montant de l’astreinte à 400 € par jour à l’issue d’un délai d’un mois à compter de la signification de la décision à intervenir,
– Condamner M. [D] [Y] au paiement d’une somme de 2500 € pour résistance abusive et d’une somme de 3500 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.
Le syndicat des copropriétaires du [Adresse 2] fait valoir :
– que l’astreinte a été prononcée au profit des parties qui ont sollicité la condamnation de M. [Y] à réaliser les travaux, ce qui est le cas du syndicat des copropriétaires qui a formé une demande en ce sens,
– que les trois courriers versés par M. [Y], pour les seuls besoins de l’audience de plaidoirie, ne caractérisent pas l’existence de démarches suffisantes et concrètes et ceux du 4 avril 2022 ne pouvaient être pris en considération dès lors qu’ils sont postérieurs à la période pour laquelle la liquidation de l’astreinte était demandée,
– qu’à la date de l’audience devant le juge de l’exécution, M. [Y] n’avait toujours pas missionné le maître d »uvre et contrairement à ce qu’a jugé le juge de l’exécution, les travaux en litige ne présentent pas de difficulté particulière qui expliqueraient qu’ils n’étaient toujours pas mis en ‘uvre un an après le jugement,
– que la question de la communication des coordonnées de l’architecte de la copropriété, qui n’est pas un prérequis à l’exécution des travaux comme l’a jugé le conseiller de la mise en état, n’est qu’un prétexte invoqué par M. [Y] pour tenter de justifier son inaction.
Vu les dernières conclusions déposées le 29 septembre 2022 par M. [D] [Y], intimé, aux fins de voir :
– Réformer le jugement entrepris,
– Ordonner l’irrecevabilité de la demande de liquidation d’astreinte en exécution du jugement du 15 avril 2021, vu qu’il ne précise pas en faveur de qui l’astreinte a été ordonnée.
– Débouter le Syndicat de la Copropriété de toutes ses demandes formulées en première instance et en cause d’appel.
– Ordonner la suppression de l’astreinte prononcée par le jugement du 15 avril 2021, en l’état d’une cause étrangère dont peut se prévaloir Monsieur [Y] et de sa totale bonne foi.
– Condamner la Copropriété à payer au concluant la somme de 5 000 € sur le fondement de l’article 700 du Code de Procédure Civile.
– Condamner la Copropriété aux dépens.
M. [D] [Y] fait valoir :
– que le jugement du 15 avril 2021 ne permet pas de désigner le bénéficiaire de l’astreinte, à savoir la copropriété ou M. [T], dès lors qu’il ne précise pas en faveur de qui l’astreinte a été prononcée, ce qui rend irrecevable la demande du syndicat des copropriétaires,
– que le retard dans l’exécution est entièrement imputable à la copropriété qui s’est obstinée à refuser de communiquer le nom de son architecte ; or, le jugement n’a, à aucun moment, donné la possibilité de choisir un autre maître d »uvre que celui de la copropriété, lequel ne peut être laissé dans l’ignorance de l’exécution des travaux et ce refus de la copropriété doit s’analyser comme une cause étrangère,
– qu’il n’était pas possible de réaliser les travaux dans le délai d’un mois fixé par le tribunal, les démarches effectuées depuis en constituent la preuve,
– que dès le 1er juin 2021, il s’est rapproché de l’entreprise COREBAT dont il avait obtenu un devis le 16 octobre 2020.
Vu l’ordonnance de clôture du 14 février 2023.
M. [U] [T], auquel la déclaration d’appel et les conclusions ont été signifiées par exploit en date du 30 août 2022 délivré en l’étude, n’a pas comparu.
MOTIFS DE LA DÉCISION
M. [Y] soulève l’irrecevabilité de la demande de liquidation d’astreinte en exécution du jugement du 15 avril 2021 au motif que ledit jugement ne précise pas en faveur de qui l’astreinte a été ordonnée.
Mais le bénéficiaire de l’astreinte assortissant une obligation est celui qui réclame l’obligation devant le juge, sans que ce dernier ne soit tenu de le préciser expressément au dispositif de sa décision et alors même que l’astreinte n’aurait pas été sollicitée dès lors que tout juge peut d’office assortir sa décision d’une astreinte pour en assurer l’exécution, conformément à l’article L 131-1 du code des procédures civiles d’exécution.
Et dès lors que syndicat des copropriétaires a formé une demande de condamnation de M. [Y] à réaliser les travaux sous astreinte, il est parfaitement fondé à en solliciter la liquidation, de sorte que la fin de non-recevoir soulevée par M. [Y] ne peut prospérer.
Le jugement du 15 avril 2021 ayant été signifié à M. [Y] le 11 mai 2021, ce dernier devait avoir engagé avant le 12 juin 2021 les démarches permettant la réalisation des travaux, et non nécessairement justifier de leur réalisation complète.
Le débiteur d’une obligation consistant en la réalisation de travaux devant être effectués par des professionnels n’a en effet aucun pouvoir sur la disponibilité de ces derniers dont il n’est pas maître de l’agenda, pas plus qu’il ne l’est de la disponibilité des matériaux, autant d’impondérables entrant dans la définition de difficultés d’exécution au sens de l’article L 131-4 du code des procédures civiles d’exécution, de sorte qu’est inopérant le moyen de M. [Y] tiré de l’impossibilité d’exécuter l’obligation dans le délai d’un mois fixé par le tribunal judiciaire de Marseille.
M. [Y] justifie d’un premier contact avec l’entreprise COREBAT, qui avait réalisé un devis le 16 octobre 2020 dans le cadre des opérations d’expertise judiciaire, par courriel du 1er juin 2021 et d’un courriel de relance de Mme [Y] du 14 juin 2021 aux termes duquel celle ci insistait sur l’urgence d’établir un calendrier d’intervention, courriel à la suite duquel l’entreprise COREBAT a adressé un devis par courriel du 16 juin 2021 contenant demande d’un acompte de 8 575 €, dont il n’est toutefois pas précisé dans quel délai il a été réglé alors que son versement conditionnait l’engagement des travaux.
En tout état de cause, dans la mesure où le jugement du 15 juin 2021 impose à M. [Y] de faire réaliser les travaux sous le contrôle d’un maître d »uvre, l’engagement effectif des travaux par l’entreprise COREBAT était subordonné à la désignation d’un maître d »uvre, or il est relevé que M. [Y] n’a entamé une démarche en ce sens que le 26 novembre 2011, date de la lettre officielle de son conseil sollicitant du conseil du syndicat des copropriétaires qu’il lui communique les coordonnées de l’architecte de la copropriété.
Le syndicat des copropriétaires, dont le conseil a fait l’objet de lettres de relance les 3 et 9 février 2022, argue de ce que le jugement du 15 avril 2021 ne désigne pas l’architecte de la copropriété mais impose simplement la désignation d’un maître d »uvre qualifié.
Mais le dispositif du jugement du 15 avril 2021 n’autorise aucune distinction entre maître d »uvre de la copropriété et maître d »uvre qualifié, ce qu’est en effet censé être le maître d »uvre de la copropriété, et si l’intervention de l’architecte de la copropriété ne constituait pas un pré-requis, puisque ça ne résulte évidemment pas du dispositif du jugement, il n’en demeure pas moins qu’en sollicitant auprès du syndic les coordonnées du maître d »uvre de la copropriété, M. [Y] n’a fait que respecter le règlement de copropriété dont l’article 7 prévoit en effet que les travaux importants, dont font incontestablement parties ceux que M. [Y] était condamné à faire réaliser, doivent être exécutés sous la direction de l’architecte de l’immeuble, tout en respectant l’obligation selon laquelle les travaux devaient être réalisés sous le contrôle d’un maître d »uvre qualifié.
Ainsi, pour justifier un défaut de réponse jusqu’au 6 mars 2022, le syndicat des copropriétaires ne peut tirer argument du dispositif du jugement du 15 avril 2021 auquel il attribue une portée qu’il n’a pas, tout comme il ne peut se retrancher derrière un raisonnement en contradiction avec les termes de son propre règlement de copropriété.
Il est en outre relevé que confronté au silence que lui opposait le syndicat des copropriétaires, M. [Y] a dû se résoudre à recourir à un autre maître d »uvre, en recherchant conseil dès le 3 février 2022 auprès de l’entreprise COREBAT qui a répondu à sa demande par courrier du 14 février 2022 à la suite duquel, le 4 avril 2022, le conseil de M. [Y] a contacté à la fois le maître d »uvre proposé par l’entreprise COREBAT et celui de la copropriété dont M. [Y] avait enfin obtenu le nom et les coordonnées, invitant les deux à se rapprocher afin de convenir ensemble de la programmation des travaux.
Ainsi, s’il n’est pas contestable que M. [Y] n’a procédé que le 26 novembre 2011 aux démarches destinées à satisfaire à l’obligation de faire réaliser les travaux sous le contrôle d’un maître d »uvre, le retard dans la désignation de celui-ci n’est imputable qu’au syndicat des copropriétaires qui s’est refusé, sans justification au regard du règlement de copropriété, à communiquer le nom de l’architecte de la copropriété et il est relevé que dès communication du nom et des coordonnées de celui-ci, M. [Y], qui avait déjà pris contact avec l’entreprise COREBAT dans le délai imparti par le tribunal judiciaire de Marseille, a tout mis en ‘uvre pour que les travaux puissent être réalisés.
En l’état du retard imputable à M. [Y] dans les démarches visant à obtenir communication de l’organe dont la désignation conditionnait la mise en ‘uvre effective des travaux mais en considération également des diligences de ce dernier à l’égard de l’entreprise contactée pour réaliser les travaux et des diligences à l’égard du maître d »uvre, c’est à bon droit que le premier juge a liquidé l’astreinte dont il a fait une juste appréciation du quantum.
Le jugement dont appel doit être en conséquence confirmé en toutes ses dispositions.
PAR CES MOTIFS
La Cour, après en avoir délibéré, statuant par arrêt rendu par défaut prononcé par mise à disposition au greffe,
Confirme le jugement dont appel en toutes ses dispositions ;
Y ajoutant,
Vu l’article 700 du code de procédure civile,
Condamne le syndicat des copropriétaires du [Adresse 2] à [Localité 5] à payer à M. [D] [Y] la somme de 2000 € (deux mille euros) ;
Déboute les parties de leurs demandes autres ou plus amples ;
Condamne le syndicat des copropriétaires du [Adresse 2] à [Localité 5] aux dépens qui seront recouvrés conformément à l’article 699 du code de procédure civile.
LA GREFFIERE LA PRÉSIDENTE