Saisine du juge de l’exécution : 11 mai 2023 Cour d’appel d’Aix-en-Provence RG n° 22/05141

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Saisine du juge de l’exécution : 11 mai 2023 Cour d’appel d’Aix-en-Provence RG n° 22/05141

COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-2

ARRÊT

DU 11 MAI 2023

N° 2023/ 349

Rôle N° RG 22/05141 – N° Portalis DBVB-V-B7G-BJGBJ

S.A.R.L. BRASSERIE LA SUITE

C/

SAS RP IMMOBILIER

S.A.R.L. LE CARRE D’OR

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Me Joseph MAGNAN

Me Agnès ERMENEUX

Décision déférée à la Cour :

Ordonnance de référé rendue par le Président du Tribunal Judiciaire d’AIX EN PROVENCE en date du 08 mars 2022 enregistrée au répertoire général sous le n° 22/00090.

APPELANTE

S.A.R.L. BRASSERIE LA SUITE

Prise en la personne de son représentant légal en exercice

dont le siège social est situé [Adresse 5]

représentée par Me Joseph MAGNAN de la SCP PAUL ET JOSEPH MAGNAN, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE

et assistée de Me Valérie VASCHETTO de la SELARL d’avocats Cabinet Sophie SIGAUD, avocat au barreau de MARSEILLE

INTIMEES

SAS RP IMMOBILIER

Prise en la personne de son représentant légal en exercice

dont le siège social est situé [Adresse 2]

représentée par Me Agnès ERMENEUX de la SCP SCP ERMENEUX – CAUCHI & ASSOCIES, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE

et assistée de Me Maëva GAUTELIER de la SELEURL GAUTELIER AVOCATS, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE

S.A.R.L. LE CARRE D’OR

prise en la personne de son représentant légal en exercice

dont le siège social est situé [Adresse 3]

défaillante

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L’affaire a été débattue le 21 mars 2023 en audience publique devant la cour composée de :

M. Gilles PACAUD, Président

Mme Catherine OUVREL, Conseillère rapporteur

Mme Angélique NETO, Conseillère

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Mme Julie DESHAYE.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 11 mai 2023.

ARRÊT

Réputé contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 11 mai 2023,

Signé par M. Gilles PACAUD, Président et Mme Julie DESHAYE, greffière auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

EXPOSÉ DU LITIGE

Par acte sous seing privé signé le 5 juillet 2011, la SAS RP Immobilier a donné à bail commercial à monsieur [Y] [C], avec faculté de substitution, dans un immeuble situé [Adresse 1] (Bouches-du-Rhône), un local d’une superficie de 250 m² environ, ainsi qu’une terrasse, pour une durée de douze années à compter de la livraison de l’immeuble, moyennant un loyer annuel hors charges, hors taxes de 60 000 euros, pour l’exploitation d’une activité de bar, snack, brasserie et sushi. Le bail prévoyait qu’en cas de cession, le preneur resterait garant solidaire avec le cessionnaire du paiement des loyers et de la totale exécution des clauses du bail jusqu’à l’expiration de celui-ci.

Dans un premier avenant du 28 septembre 2011, la SARL Brasserie La Suite représentée par son gérant monsieur [Y] [C] prenait la suite de ce dernier.

Par acte du 2 juillet 2020, la SARL Brasserie La Suite a cédé à la SARL Le Carré d’Or la branche d’activité du fonds de commerce correspondant aux activités de ‘brasserie, restauration traditionnelle’, connue sous l’enseigne ‘Le Carré’, comprenant le droit au bail des lieux appartenant à la SAS RP Immobilier, situés [Adresse 1]. La SARL Brasserie La Suite est demeurée caution solidaire de la SARL Le Carré d’Or.

La SAS RP Immobilier a fait délivrer un commandement de payer daté du 12 novembre 2021 visant la clause résolutoire du bail et a mis en demeure la SAS RP Immobilier de lui régler la somme de 139 806,16 €. Il a été dénoncé à la SARL Brasserie La Suite, caution, le même jour.

Par ordonnance réputée contradictoire en date du 8 mars 2022, le juge des référés du tribunal judiciaire d’Aix-en-Provence a :

condamné solidairement la SARL Le Carré d’Or et la SARL Brasserie La Suite à verser à la SAS RP Immobilier la somme de 139 412,03 € au titre des loyers et charges impayés du 3ème trimestre 2020 au 4ème trimestre 2021 avec intérêts au taux légal à titre de provision outre la somme de 1 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

dit n’y avoir lieu à référé pour le surplus,

condamné solidairement la SARL Brasserie La Suite et la SARL Le Carré d’Or au paiement des entiers dépens comprenant le coût du commandement de payer du 12 novembre 2021 et la dénonciation à la caution.

Selon déclaration reçue au greffe le 6 avril 2022, la SARL Brasserie La Suite a interjeté appel de cette décision, l’appel portant sur l’annulation de l’ordonnance et la critique de toutes ses dispositions, dûment reprises.

Par arrêt du 13 juin 2022, le premier président de la cour d’appel d’Aix-en-Provence ordonné la suspension de l’exécution provisoire attachée à l’ordonnance du 8 mars 2022.

Par dernières conclusions transmises le 24 février 2023, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des prétentions et moyens, la SARL Brasserie La Suite demande à la cour :

À titre principal :

d’annuler l’assignation portant introduction de l’instance devant le président du tribunal judiciaire d’Aix-en-Provence du 12 janvier 2022,

d’annuler l’ordonnance rendue le 8 mars 2022,

À titre subsidiaire :

d’infirmer l’ordonnance quant aux condamnations prononcées,

de débouter la SAS RP Immobilier de ses demandes et de déclarer le juge des référés incompétent,

En tout état de cause :

de condamner la SAS RP Immobilier au paiement d’une amende civile de 5 000 €,

de condamner la SAS RP Immobilier au paiement d’une somme de 5 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

de condamner la SAS RP Immobilier aux entiers dépens avec distraction.

En premier lieu et à titre principal, la SARL Brasserie La Suite dénonce la nullité de l’assignation qui a été délivrée le 12 janvier 2022, non pas à son siège social, situé depuis octobre 2020 [Adresse 5], adresse connue de la SAS RP Immobilier qui y avait fait délivrer le 12 novembre 2021 la dénonce d’un commandement de payer, lui avait écrit en ce lieu, et adresse à laquelle l’ordonnance contestée lui a été signifiée, mais au siège social de la SARL Le Carré d’Or, soit [Adresse 1]. L’appelante fait valoir que l’intimée a obtenu une condamnation contre elle au moyen d’un procédé frauduleux et en violation du contradictoire. Elle dénonce la multiplication des procédures intentées par la SAS RP Immobilier contre elle, en termes d’exécution forcée et au fond. Elle s’appuie sur la décision du Premier Président de la cour le 13 juin 2022, ainsi que sur le jugement au fond du tribunal judiciaire d’Aix-en-Provence du 7 novembre 2022 pour dénoncer la mauvaise foi et le procédé frauduleux employé par la SAS RP Immobilier. La SARL Brasserie La Suite fonde cette prétention sur la violation des articles 654, 656, 690 et 693 du code de procédure civile. Elle produit son extrait K-bis, seul document officiel faisant foi, et justifie n’exploiter aucune activité à l’adresse de Bouc Bel Air, contrairement à ce que prétend la SAS RP Immobilier, seule la SARL Le Carré d’Or exploitant les locaux loués en cet endroit.

La SARL Brasserie La Suite soutient que la SAS RP Immobilier a agi à dessein, volontairement, en signifiant son acte introductif d’instance à une adresse erronée.

En deuxième lieu, et à titre subsidiaire, la SARL Brasserie La Suite s’appuie sur les articles 1103 du code civil et L 145-16-1 du code ce commerce pour s’opposer à toute condamnation provisionnelle contre elle, faute pour le bailleur de mettre en oeuvre la garantie solidaire de bonne foi. En effet, elle reproche à la SAS RP Immobilier de ne pas l’avoir informée, en tant que cédante et garante, de la défaillance du débiteur principal pendant près de 16 mois, provoquant ainsi l’accroissement anormal de la dette. Elle reproche au bailleur un défaut d’information du garant dans le délai légalement et conventionnellement prévu, du moins dans un délai loyal, et, un défaut de diligences dans le recouvrement des sommes dues et la résiliation du bail commercial. Elle en déduit que le comportement de la SAS RP Immobilier doit être sanctionné par la décharge intégrale de la garantie de la caution, sa mauvaise foi étant incontestable. Elle invoque donc des contestations plus que sérieuses faisant obstacle à la demande en paiement provisionnel formée.

La SARL Brasserie La Suite estime l’action de la SAS RP Immobilier abusive et entend que cette dernière soit tenue en conséquence à une amende civile.

Par dernières conclusions transmises le 6 mars 2023, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des prétentions et moyens, la SAS RP Immobilier sollicite de la cour qu’elle :

rejette les dernières écritures de la SARL Brasserie La Suite produites tardivement,

déclare irrecevable la demande d’annulation de l’assignation introductive d’instance du 12 janvier 2022, formée pour la première fois par la SARL Brasserie La Suite,

confirme l’ordonnance entreprise,

déboute la SARL Brasserie La Suite de toutes ses demandes,

condamne la SARL Brasserie La Suite et la SARL Le Carré d’Or au paiement de la somme de 5 000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, outre les dépens.

La SAS RP Immobilier invoque l’irrecevabilité des dernières écritures de la SARL Brasserie La Suite, produites une semaine avant la clôture, et produisant des décisions de novembre 2022 et du 19 janvier 2023.

La SAS RP Immobilier soulève ensuite l’irrecevabilité de la demande de nullité de l’assignation introductive d’instance au regard de l’article 910-4 du code de procédure civile comme n’étant soulevée pour la première fois qu’aux termes des dernières écritures, mais aucunement dans le cadre des premières conclusions d’appelante du 15 juin 2022.

A défaut, la SAS RP Immobilier invoque l’article 43 du code de procédure civile pour faire valoir que la SARL Brasserie La Suite a été régulièrement assignée à l’adresse de l’un de ses établissements, qui constitue également le lieu de son ancien siège social. Elle soutient en effet que la SARL Brasserie La Suite a conservé l’activité de vente de sushis, sous l’enseigne Enjoy Sushi, qu’elle exerce toujours [Adresse 1]. Elle s’appuie sur le constat d’huissier de justice du 12 juillet 2022 qui a pu relevé cette adresse comme étant attachée à la SARL Brasserie La Suite sur divers sites internet, et qui n’a pas établi de procès-verbal de recherches infructueuses. Elle indique avoir notifié un courrier au garant solidaire le 5 avril 2022 à l’adresse de Bouc Bel Air, l’accusé réception étant signé. Elle fait ainsi valoir un faisceau d’indices démontrant l’existence d’un établissement de la SARL Brasserie La Suite à Bouc Bel Air et entend que la demande d’annulation de l’ordonnance, qui bénéficierait également à la SARL Le Carré d’Or, soit rejetée.

Au principal, la SAS RP Immobilier soutient que, depuis juillet 2020, la SARL Le Carré d’Or ne s’est acquittée d’aucun loyer et reste totalement taisante dans le cadre des procédures engagées contre elle. Elle fait valoir que dans l’acte de cession de branche, aucune modalité de délai quant à la prévenance du garant, en cas de défaillance du débiteur, n’est prévue alors qu’une clause de garantie solidaire pendant trois ans est stipulée. Elle soutient que l’obligation d’information du garant énoncée à l’article L 145-16-1 du code de commerce n’est assortie d’aucune sanction, cet article n’étant pas d’ordre public. Elle ajoute qu’en tout état de cause, la SARL Brasserie La Suite ne justifie pas en quoi, informée plus tôt, elle aurait pu échapper à une condamnation solidaire de la totalité des loyers. Elle conteste toute mauvaise foi de sa part et assure qu’aucune contestation sérieuse ne fait obstacle à sa demande en paiement provisionnel.

Enfin, la SAS RP Immobilier invoque la théorie des gares principales et conteste toute procédure abusive de sa part. Elle interroge, en revanche, sur la possible complicité de la SARL Brasserie La Suite et la SARL Le Carré d’Or dans les actions et recours entrepris.

La SARL Le Carré d’Or, régulièrement intimée à étude le 27 mai 2022, n’a pas constitué avocat et n’a pas conclu.

L’instruction de l’affaire a été close par ordonnance en date du 7 mars 2023.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur l’admission des dernières écritures de l’appelante

Il résulte de l’article 15 du Code de procédure civile que les parties doivent se faire connaître mutuellement en temps utile les moyens de fait sur lesquels elles fondent leurs prétentions, les éléments de preuve qu’elles produisent et les moyens de droit qu’elles invoquent, afin que chacune soit à même d’organiser sa défense.

En l’occurrence, il convient de relever que la clôture de la procédure engagée par la déclaration d’appel de la SARL Brasserie La Suite en date du 6 avril 2022 a été annoncée au 7 mars 2023 dès l’ordonnance de fixation du 16 mai 2022. Certes, l’appelante a de nouveau conclu le 24 février 2023, soit plus de 11 jours avant l’ordonnance de clôture en faisant état de décisions intervenues en novembre 2022 et le 19 janvier 2023, donc postérieurement à ses dernières écritures d’août 2022.

Ces conclusions ne peuvent être considérées comme tardives, au regard des droits de la défense et du respect du principe du contradictoire, alors que la SAS RP Immobilier au regard du délai écoulé avant l’ordonnance de clôture et du fait que la SAS RP Immobilier a pu répliquer à ces écritures le 6 mars 2023, donc avant le prononcé de la clôture.

Il n’y a donc pas lieu d’écarter les conclusions et pièces de l’appelante transmises le 24 février 2023.

Sur la nullité de l’assignation et de l’ordonnance subséquente

Sur la recevabilité de cette demande

Par application de l’article 910-4 du code de procédure civile, à peine d’irrecevabilité, relevée d’office, les parties doivent présenter, dès les conclusions mentionnées aux articles 905-2 et 908 à 910, l’ensemble de leurs prétentions sur le fond. L’irrecevabilité peut également être invoquée par la partie contre laquelle sont formées des prétentions ultérieures.

En l’occurrence, contrairement à ce que prétend l’intimée, la demande d’annulation de l’assignation délivrée par elle à l’appelante le 12 janvier 2022, et donc l’annulation de l’ordonnance ainsi induite, a été formée par la SARL Brasserie La Suite dès ses premières conclusions du 15 juin 2022. De plus, sa déclaration d’appel du 6 avril 2022 porte sur la critique de l’ordonnance entreprise, mais également, expressément comme elle le devait, sur l’annulation de cette décision.

Aucune irrecevabilité n’est donc encourue et cette fin de non recevoir doit être écartée.

Sur le bien fondé

Par application de l’article 114 du code de procédure civile, aucun acte de procédure ne peut être déclaré nul pour vice de forme si la nullité n’en est pas expressément prévue par la loi, sauf en cas d’inobservation d’une formalité substantielle ou d’ordre public. La nullité ne peut être prononcée qu’à charge pour l’adversaire qui l’invoque de prouver le grief que lui cause l’irrégularité, même lorsqu’il s’agit d’une formalité substantielle ou d’ordre public.

En vertu de l’article 654 du code de procédure civile, la signification doit être faite à personne.

En vertu de l’article 655 du même code, si la signification à personne s’avère impossible, l’acte peut être délivré soit à domicile, soit, à défaut de domicile connu, à résidence. L’huissier de justice doit relater dans l’acte les diligences qu’il a accomplies pour effectuer la signification à la personne de son destinataire et les circonstances caractérisant l’impossibilité d’une telle signification. La copie peut être remise à toute personne présente au domicile ou à la résidence du destinataire.

L’article 656 du même code prévoit que si personne ne peut ou ne veut recevoir la copie de l’acte et s’il résulte des vérifications faites par l’huissier de justice, dont il sera fait mention dans l’acte de signification, que le destinataire demeure bien à l’adresse indiquée, la signification est faite à domicile. Dans ce cas, l’huissier de justice laisse au domicile ou à la résidence de celui-ci un avis de passage conforme aux prescriptions du dernier alinéa de l’article 655. Cet avis mentionne, en outre, que la copie de l’acte doit être retirée dans le plus bref délai à l’étude de l’huissier de justice, contre récépissé ou émargement, par l’intéressé ou par toute personne spécialement mandatée.

En vertu de l’article 659 du code de procédure civile, lorsque la personne à qui l’acte doit être signifié n’a ni domicile, ni résidence, ni lieu de travail connus, l’huissier de justice dresse un procès-verbal où il relate avec précision les diligences qu’il a accomplies pour rechercher le destinataire de l’acte.

En vertu de l’article 690 du code de procédure civile, la notification destinée à une personne morale de droit privé ou à un établissement public à caractère industriel ou commercial est faite au lieu de son établissement.

Le non respect de ces dispositions est sanctionné par la nullité de l’acte, en application de l’article 693 du code de procédure civile.

Au sens de l’article 43 de ce même code, le lieu où demeure le défendeur s’entend s’il s’agit d’une personne morale, du lieu où celle-ci est établie.

S’agissant d’une personne morale, si le lieu où elle est établie est en principe le siège social fixé par les statuts, il peut également s’agir d’une succursale ou d’une agence ayant le pouvoir de la représenter à l’égard des tiers en application de la théorie prétorienne dite des gares principales. En effet, il est de jurisprudence constante qu’une personne morale peut être assignée devant la juridiction du ressort dans lequel elle dispose d’une succursale ou d’une agence ayant le pouvoir de la représenter à l’égard des tiers, dès lors que l’affaire se rapporte à son activité ou que les faits générateurs de responsabilité se sont produits dans le ressort de celle-ci.

En l’espèce, la SAS RP Immobilier a assigné la SARL Brasserie La Suite le 12 janvier 2022 devant le tribunal judiciaire d’Aix-en-Provence, statuant en référé, par acte remis par l’huissier de justice en étude. L’adresse visée était celle du ‘siège social’ de la SARL Brasserie La Suite situé [Adresse 1]. L’huissier de justice instrumentaire a mentionné dans son acte l’absence de tout représentant légal ou de toute autre personne présente, alors que, selon lui, ‘le nom du destinataire figurait sur la boîte aux lettres avec le nom commercial ‘Brasserie Le Carré », et, que ‘le siège social était confirmé par la consultation du RCS’.

Or, il convient de relever que le siège social de la SARL Brasserie La Suite est situé depuis octobre 2020, non pas au [Adresse 1], mais [Adresse 5]. En effet, à la suite de la cession de branche d’activité intervenue le 2 juillet 2020 entre la SARL Brasserie La Suite et la SARL Le Carré d’Or, par acte publié le 10 octobre 2020 au Bodacc, la SARL Brasserie La Suite a transféré son siège social à cette dernière adresse du Tholonet. Les extraits K-Bis de la société appelante, seuls documents officiels probants susceptibles de faire foi, datés des 20 décembre 2020 et 29 mars 2022, attestent de la véracité de cette adresse comme siège social de la SARL Brasserie La Suite, ainsi que de la pérennité de cette domiciliation sur la période concernée, pendant laquelle l’assignation est intervenue. Les indications de l’huissier de justice s’avèrent manifestement insuffisantes, ce d’autant que ce dernier a retenu comme nom du destinataire ‘Brasserie Le Carré, ce qui ne correspond pas à la dénomination sociale de l’appelante, ni même à celle du débiteur principal intimé, la SARL Le Carré d’Or. De même, les recherches effectuées par le commissaire de justice dans son procès-verbal du 12 juillet 2022, sur divers sites internet et sur l’avis SIREN ne peuvent suffire à établir que l’adresse du siège social de la SARL Brasserie La Suite se trouve [Adresse 1], alors que les documents officiels de la société attestent du transfert de son siège social dès octobre 2020 au Tholonet.

Au demeurant, cette adresse au Tholonet était parfaitement connue de la SAS RP Immobilier qui a fait délivrer le 12 novembre 2021 à la SARL Brasserie La Suite la dénonce du commandement de payer adressé au débiteur principal, la SARL Le Carré d’Or, et y avait adressé des courriers à destination de l’appelante. De même, c’est bien à l’adresse du Tholonet également qu’a été signifiée à étude le 25 mars 2022, à la SARL Brasserie La Suite, l’ordonnance entreprise en date du 8 mars 2022. C’est donc en toute connaissance de cause, et donc de mauvaise foi, que la SAS RP Immobilier a assigné la SARL Brasserie La Suite à une adresse qu’elle savait ne plus être efficiente pour avoir adressé à la même personne, juste avant ou juste après, les autres actes afférents à la même procédure, obtenant ainsi sa condamnation par une décision réputée contradictoire.

De plus, dans le cadre des autres procédures engagées par la SAS RP Immobilier contre la SARL Brasserie La Suite devant le juge de l’exécution ou devant le juge du fond du tribunal judiciaire d’Aix-en-Provence, il convient de relever que l’intimée a assigné l’appelante, respectivement le 5 mai 2022 et le 7 juin 2022, à l’adresse du Tholonet, et non à Bouc Bel Air. De même, le courrier recommandé avec accusé réception signé adressé le 5 avril 2022 par la SAS RP Immobilier à la SARL Brasserie La Suite l’a été à l’adresse du Tholonet.

La mauvaise foi de la SAS RP Immobilier, pour avoir mentionné et utilisé en procédure une adresse de la SARL Brasserie La Suite qu’elle savait ne pas être celle du RCS, et donc ne pas être la véritable adresse de son siège social, trompant ainsi les juridictions et préjudiciant aux intérêts de l’appelante, a été ainsi retenue par le juge du fond, dans le cadre de sa décision du 7 novembre 2022. De même, c’est notamment à raison de la difficulté liée au lieu de délivrance de l’assignation de la SARL Brasserie La Suite que le Premier Président de la cour d’appel d’Aix-en-Provence a retenu l’existence d’un moyen sérieux d’invalidation de l’ordonnance du juge des référés d’Aix-en-Provence du 8 mars 2022 et a ordonné, le 13 juin 2022, l’arrêt de l’exécution provisoire qui y était attachée de droit.

Par ailleurs, le moyen de l’intimée relatif à l’application de la théorie des gares principales, soutenant que la SARL Brasserie La Suite exerce une activité à Bouc Bel Air, de sorte qu’elle y a un établissement, s’avère inefficace et non pertinent. En effet, il est justifié de la cession, d’une part, par la SARL Brasserie La Suite à la SARL Le Carré d’Or de sa branche d’activité de brasserie et restauration traditionnelle le 2 juillet 2020, cette activité étant toujours exploitée par cette dernière dans les locaux appartenant à la SAS RP Immobilier à Bouc Bel Air. D’autre, part, la SARL Brasserie La Suite justifie avoir donné, le 5 juin 2020, en location gérance sa branche d’activité de vente de sushis, sous l’enseigne ‘Enjoy Sushi’, à la société CGV qui a transféré l’exploitation de cette activité dans un autre local, n’appartenant pas à la SAS RP Immobilier, situé [Adresse 4], ainsi qu’en attestent à la fois l’extrait K-bis de la SARL CGV en date du 5 novembre 2020 et les documents publicitaires versés au dossier. Ainsi, l’intimé n’établit aucunement la persistance d’un établissement de la SARL Brasserie La Suite au [Adresse 1], ni de l’exploitation par elle d’une quelconque activité en ce lieu.

En définitive, il est acquis que l’assignation délivrée le 12 janvier 2022 par la SAS RP Immobilier à la SARL Brasserie La Suite est viciée en ce qu’elle n’a pas été délivrée à l’adresse du siège social de l’appelante, ce en parfaite connaissance de cause par l’intimée. Ce vice qui affecte l’assignation cause nécessairement grief à l’appelante dans la mesure où elle n’a pas comparu en première instance, et s’est ainsi vu privée d’un degré de juridiction.

En conséquence, l’assignation en cause doit être annulée pour ce seul motif, et par voie de conséquence, l’ordonnance entreprise doit également être annulée. La nullité affectant l’acte introductif d’instance, et la SARL Brasserie La Suite n’ayant conclu ‘au fond’ que ‘si les causes de nullité ne devaient pas être retenues’, donc à titre subsidiaire, aucun effet dévolutif de l’appel ne joue au sens de l’article 562 du code de procédure civile, notamment au regard de la demande provisionnelle au titre des loyers impayés.

Sur la demande d’amende civile

Par application de l’article 32-1 du Code de procédure civile, celui qui agit en justice de manière dilatoire ou abusive peut être condamné une amende civile sans préjudice des dommages et intérêts qui seraient réclamés.

Toutefois, il n’appartient pas à une partie, qui ne saurait en profiter, de solliciter le paiement par l’autre partie d’une amende civile.

En tout état de cause, aucune des conditions de condamnation de l’intimée au paiement d’une telle amende n’est réunie, aucun abus dans son droit d’agir n’étant caractérisé.

Cette demande de la SARL Brasserie La Suite ne peut donc qu’être rejetée.

Sur l’article 700 du Code de procédure civile et les dépens

La SAS RP Immobilier qui succombe au litige, supportera les dépens de première instance et d’appel. En outre, il y a lieu de la condamner à payer à la SARL Brasserie La Suite la somme de 5 000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Dit n’y avoir lieu à écarter des débats les conclusions et pièces transmises par la SARL Brasserie La Suite le 24 février 2023,

Rejette toute fin de non recevoir tirée de l’irrecevabilité de la demande d’annulation de l’assignation de la SARL Brasserie La Suite en date du 12 janvier 2022 au regard de l’article 910-4 du code de procédure civile,

Dit l’assignation délivrée le 12 janvier 2022 par la SAS RP Immobilier à la SARL Brasserie La Suite en vue de l’audience devant le juge des référés d’Aix-en-Provence du 1er février 2022 nulle et de nul effet,

Annule en toutes ses dispositions l’ordonnance subséquente rendue le 8 mars 2022 par le juge des référés du tribunal judiciaire d’Aix-en-Provence,

Déboute la SARL Brasserie La Suite de sa demande tendant à la condamnation de la SAS RP Immobilier au paiement d’une amende civile,

Condamne la SAS RP Immobilier à payer à la SARL Brasserie La Suite la somme de 5 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

Déboute la SAS RP Immobilier de sa demande sur ce même fondement,

Condamne la SAS RP Immobilier au paiement des dépens, qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

La Greffière Le Président

 


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