Saisine du juge de l’exécution : 11 mai 2023 Cour d’appel d’Aix-en-Provence RG n° 21/15054

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Saisine du juge de l’exécution : 11 mai 2023 Cour d’appel d’Aix-en-Provence RG n° 21/15054

COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-7

ARRÊT AU FOND

DU 11 MAI 2023

N° 2023/ 154

Rôle N° RG 21/15054 – N° Portalis DBVB-V-B7F-BIJEX

S.C.I. UNIVERS

C/

[X] [B]

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Me Dorothée SOULAS

Me Karine BERTHIER-LAIGNEL

Décision déférée à la Cour :

Jugement du TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de MARSEILLE en date du 11 Octobre 2021 enregistrée au répertoire général sous le n° 19/08078.

APPELANTE

S.C.I. UNIVERS prise en la personne de son gérant domicilié es qualité au siège social, demeurant [Adresse 12]

représentée par Me Dorothée SOULAS de la SELARL LESCUDIER & ASSOCIES, avocat au barreau de MARSEILLE, plaidant

INTIME

Monsieur [X] [B]

né le [Date naissance 1] 1948 à [Localité 13], demeurant [Adresse 2]

représenté par Me Karine BERTHIER-LAIGNEL, avocat au barreau de MARSEILLE, plaidant

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 16 Mars 2023, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame Carole MENDOZA, Conseillère, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Carole DAUX-HARAND, Présidente de chambre

Madame Carole MENDOZA, Conseillère

Madame Mireille CAURIER-LEHOT, Conseillère

Greffier lors des débats : Mme Natacha BARBE.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 11 Mai 2023.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 11 Mai 2023

Signé par Madame Carole DAUX-HARAND, Présidente de chambre et Mme Natacha BARBE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

EXPOSÉ DU LITIGE

Monsieur [X] [B] a donné à bail à Monsieur [T] des locaux situés [Adresse 9].

Par acte notarié du 02 octobre 2003, la SCI UNIVERS a acquis de Madame [V] [P] un immeuble sis [Adresse 15], cadastré section [Cadastre 14]. Dans sa désignation des lieux vendus, n’était pas reprise la mention de la promesse de vente qui notait qu’il existait à l’arrière de l’immeuble une construction légère ‘en prolongement de la construction existante’ (…).

Par acte d’huissier du 12 novembre 2003, la SCI UNIVERS a fait sommation à Monsieur [T] d’avoir à déguerpir du local qu’il occupe.

Par acte d’huissier du 02 mars 2004, la SCI UNIVERS a fait assigner Monsieur [C] [T] aux fins principalement d’ordonner son expulsion. Ce dernier, indiquant bénéficier d’un bail du premier septembre 1999 souscrit avec Monsieur [X] [B], a fait appeler ce dernier en garantie. Par ordonnance du 28 mai 2004, le juge des référés a ordonné une expertise, confiée à Monsieur [N], qui a déposé son rapport le 25 janvier 2006 et conclu que le local occupé par Monsieur [T] situé en façade arrière sur [Adresse 16] dépendait du bien immobilier situé [Adresse 15] cadastré section [Cadastre 14] et semblait en partie être édifié sur les parcelles [Cadastre 4] et [Cadastre 5] (le corps du rapport notant que le local était édifié sur la parcelle [Cadastre 14] et que la location consentie à Monsieur [T] s’étendait aussi partiellement sur les parcelles [Cadastre 4] et probablement sur la parcelle [Cadastre 5]).

Par acte d’huissier du 07 mars 2006, la SCI UNIVERS a saisi le juge des référés aux fins d’ordonner l’expulsion de Monsieur [T] et le voir condamner à lui payer des indemnités d’occupation; Monsieur [T] a fait appeler en garantie Monsieur [B]. L’affaire a été renvoyée devant le tribunal d’instance; un retrait du rôle a été ordonné en attente du règlement de la question de la propriété du local édifié sur la parcelle [Cadastre 14].

Par arrêt irrévocable du 13 décembre 2010, la cour d’appel d’Aix-en-Provence a confirmé un jugement du tribunal de grande instance de Marseille du 19 mars 2009 (saisi par assignation du 28 mars 2006 de Monsieur [B]) qui a rejeté la demande principale en revendication de la propriété du local situé sur parcelle [Cadastre 14] correspondant au [Adresse 10] formée par Monsieur [B], dit que la SCI UNIVERS était propriétaire du local situé sur cette parcelle et condamné Monsieur [B] à payer à la SCI UNIVERS la somme de 5000 euros en réparation du préjudice de cette société.

La SCI UNIVERS a sollicité la réinscription au rôle de l’affaire introduite par acte d’huissier du 07 mars 2006 et par jugement du 04 juin 2014, le tribunal d’instance s’est déclaré compétent et a débouté la SCI UNIVERS de sa demande d’expulsion de Monsieur [T] au motif du départ de ce dernier et de sa demande de paiement d’une indemnité d’occupation. La cour d’appel d’Aix-en-Provence a confirmé cette décision par un arrêt du 28 novembre 2018; la SCI UNIVERS a formé un pourvoi en cassation. Par décision du 07 janvier 2021, la Cour de cassation a cassé l’arrêt rendu le 28 novembre 2018. Par arrêt du 26 janvier 2022, la cour d’appel d’Aix-en-Provence a confirmé le jugement rendu le 04 juin 2014 par le tribunal d’instance de Marseille.

Par acte d’huissier du 27 avril 2017, la SCI UNIVERS a fait assigner Monsieur [B] aux fins de le voir condamner à lui verser des indemnités d’occupation ainsi que des dommages et intérêts.

Monsieur [B] demandait de son côté à voir dire les demandes irrecevables au motif de l’autorité de la chose jugée par l’arrêt du 13 décembre 2010 et en raison d’une prescription extinctive. Il sollicitait également la mainlevée de l’inscription d’une hypothèque judiciaire provisoire frappant la parcelle située [Adresse 16].

Par jugement du 11 octobre 2021, le tribunal judiciaire de Marseille a :

– déclaré irrecevables les demandes de la SCI UNIVERS,

– estimé qu’il était incompétent pour ordonner la mainlevée de l’hypothèque judiciaire sur les parcelles [Cadastre 11]H[Cadastre 7] et [Cadastre 11]H[Cadastre 8] situées [Adresse 16],

– débouté Monsieur [B] de sa demande de dommages et intérêts,

– dit n’y avoir lieu à condamnation sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

– débouté les parties de leurs demandes contraires ou contradictoires.

-condamné la SCI UNIVERS aux dépens.

Le premier juge a estimé que la SCI UNIVERS, qui a intenté une action en responsabilité délictuelle sur le fondement de l’article 1240 du code civil, était prescrite en ses demandes. Il a jugé que l’action intentée en 2006 contre Monsieur [T] n’était pas interruptive de prescription pour une action intentée contre Monsieur [B], qui ne pouvait être considéré comme débiteur solidaire.

Il a déclaré que la demande de mainlevée de l’hypothèse provisoire relevait de la compétence exclusive du juge de l’exécution.

Il a rejeté la demande de dommages et intérêts formée par Monsieur [B] au motif que l’action intentée par la SCI UNIVERS n’était pas abusive.

Le 22 octobre 2021, la SCI UNIVERS a formé appel de cette décision en ce qu’elle a déclaré ses demandes irrecevables.

Monsieur [B] a constitué avocat.

Par conclusions notifiées le 28 février 2023 sur le RPVA auxquelles il convient de se référer, la SCI UNIVERS demande à la cour :

*à titre principal

– de condamner Monsieur [B] à lui payer la somme de 24.840 € à titre d’indemnité d’occupation correspondant à la période du 12 novembre 2003, jour de la sommation de quitter les lieux, au 7 mars 2006 et, en outre, une indemnité de 900 € par mois à compter de l’exploit introductif d’instance jusqu’à la libération effective des lieux intervenue en juillet 2013, soit la somme totale de 78.300 €,

– de condamner Monsieur [B] à lui payer la somme de 30.000 € sur le fondement des dispositions de l’article 1240 du Code civil,

– de condamner Monsieur [B] à lui payer la somme de 200.000 € en raison de la perte de plus-value qu’elle a subie.

– de condamner Monsieur [X] [B] à lui payer la somme de 6.000 € sur le fondement des dispositions d’article 700 du Code de procédure civile outre aux entiers dépens.

*à titre subsidiaire,

– de condamner Monsieur [B] à lui payer une indemnité de 900 € par mois à compter du 27 avril 2012 jusqu’à la libération effective des lieux intervenue en juillet 2013, soit la somme de 13.500 €,

– de condamner Monsieur [B] à lui payer la somme de 30.000 € sur le fondement des dispositions de l’article 1240 du Code civil,

– de condamner Monsieur [B] à lui payer la somme de 200.000 € en raison de la perte de plus-value qu’elle a subie,

– de condamner Monsieur [X] [B] à lui payer la somme de 6.000 € sur le fondement des dispositions d’article 700 du Code de procédure civile outre aux entiers dépens.

Elle conteste la prescription de son action en responsabilité.

Elle soutient que Monsieur [T] et Monsieur [B] sont responsables in solidum du préjudice qu’elle a subi, constitué de la perte de jouissance de son bien, et d’un préjudice financier résultant de la perte de chance de le vendre à un prix plus élevé.

Elle indique n’avoir été destinataire en 2004 que d’un bail conclu le premier septembre 1999 entre Monsieur [T] et Monsieur [B] et n’avoir eu connaissance qu’en 2006 d’un autre bail conclu en 1999, puis de baux conclus en 2002 et 2005. Elle affirme que le bail du premier septembre 1999 ne pouvait porter que sur la parcelle [Cadastre 4]. Elle soutient que les parties étaient liées par un autre bail conclu en 1999 dont les mentions permettent de constater que les parties savaient qu’entre les parcelles [Cadastre 4] et [Cadastre 5] appartenant à Monsieur [B] se trouvait la parcelle [Cadastre 3] dont Monsieur [B] n’était pas le propriétaire. Elle s’appuie sur une attestation pour indiquer que Monsieur [T] savait que son local se trouvait sur une parcelle appartenant à Madame [P]. Elle relève que Messieurs [T] et [B], conscients de cette situation, ont établis deux baux en 2002 et 2005 afin de laisser croire que le bien loué portait également sur la parcelle [Cadastre 3] et que Monsieur [B] s’était comporté comme propriétaire de cette dernière. Elle fait état de leur mauvaise foi et ajoute que les baux de 2002 et 2005 ont été signés à une époque où la problématique de l’occupation du bien était connue.

Elle affirme qu’à aucun moment Monsieur [B] n’a pu penser être propriétaire de la parcelle [Cadastre 3].

Elle fait état d’une collusion entre Messieurs [T] et [B] qui induit leur contribution in solidum à son indemnisation. Elle souligne que le but de l’action qu’elle a formée contre Monsieur [T] puis contre Monsieur [B] est identique puisqu’il s’agit d’une condamnation à une indemnité d’occupation. Elle estime qu’ils en sont co-débiteurs solidaires puisqu’ils ont commis une faute commune ayant causé à son détriment un même dommage.

Elle en conclut que l’action qu’elle a intentée contre Monsieur [T], visant à engager sa responsabilité délictuelle en l’absence d’une erreur commune lors de la souscription du bail, lui permet de bénéficier de l’interruption de la prescription attachée à l’assignation du 07 mars 2006 puis de la suspension de cette prescription.

Elle sollicite la condamnation de Monsieur [B] à lui verser des indemnités d’occupation à compter du 12 novembre 2003 et des dommages et intérêts pour réparer la perte de jouissance de son bien et la perte d’une plus-value qu’elle a subie. Elle note avoir signé deux promesses de vente pour la parcelle en 2012 et relate n’avoir pu la réaliser en raison de la présence de Monsieur [T] dans les lieux. Elle relève que les règles d’urbanisme ont changé et qu’elle ne peut plus faire édifier un immeuble sur quatre étages.

Subsidiairement, elle sollicite la condamnation de Monsieur [B] au versement d’indemnités d’occupation à compter du 27 avril 2012 jusqu’au mois de juillet 2013, date de la libération des lieux. Elle note avoir fait signifier son assignation le 27 avril 2017 et estime que les indemnités d’occupations portant sur la période du 27 avril 2012 ne sont pas prescrites.

Elle demande des dommages et intérêts au titre d’une perte de chance de vendre son bien à un prix plus élevé. Elle estime que le point de départ de la prescription court à compter du mois de juillet 2013, date de la fin du comportement ambigu de Monsieur [B] qui lui a laissé croire que le bien était occupé et qui n’a remis les clés du local lui appartenant qu’en juillet 2013.

Elle conteste avoir diligenté une procédure abusive.

Elle souligne que le comportement de Monsieur [B] a rendu nécessaire la mise en place de garanties. Elle relève que ce dernier, qui avait obtenu son autorisation pour procéder à la mainlevée d’une des inscriptions hypothécaires, n’y a pas procédé.

Par conclusions notifiées le 11 mars 2023 sur le RPVA auxquelles il convient de se référer, Monsieur [B] demande à la cour :

– d’ordonner la révocation de l’ordonnance de clôture,

– de confirmer le jugement entrepris,

– de rejeter les demandes adverses,

– de condamner la SCI SCI UNIVERS à lui verser la somme de 150.000 euros de dommages et intérêts,

– de condamner la SCI UNIVERS à lui verser la somme de 10.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens.

Il soulève l’irrecevabilité des demandes de la SCI UNIVERS au titre de l’autorité de la chose jugée par les arrêts du 13 décembre 2010 et 22 novembre 2018.

Il fait état d’une irrecevabilité également liée à la prescription extinctive.

Il demande des dommages et intérêts en raison de la multiplication abusive des procédures intentées à son encontre par la SCI UNIVERS.

Il expose que les lots dont il est propriétaire constituaient une unité d’habitation et que la part réclamée par la SCI UNIVERS était située au milieu de celle-ci.

Il indique que la cour d’appel a déjà étudié les demandes indemnitaires de la SCI UNIVERS dans son arrêt du 13 décembre 2010; il relève que la SCI UNIVERS avait déjà obtenu une indemnisation et note que ses demandes actuelles sont connexes et aurait dû être évoquées précédemment.

Il note que les demandes indemnitaires de la SCI UNIVERS ont déjà été étudiées par l’arrêt définitif à son égard rendu le 22 novembre 2018 qui avait rejeté les demandes indemnitaires de la SCI UNIVERS (pour la période du 12 novembre 2003 au 28 juillet 2013) à l’encontre de Monsieur [T] (qui l’avait appelé en garantie).

Il soulève la prescription extinctive de l’action de la SCI UNIVERS et conteste toute interruption de la prescription à son égard à la suite de l’action intentée en 2006 à l’encontre de Monsieur [T].

Il conteste le montant des indemnités d’occupation réclamées. Il ajoute que la SCI UNIVERS pouvait disposer de son bien dès la signification de l’arrêt du 13 décembre 2010.

Il conteste la perte de chance d’une plus-value. Il note que la SCI pouvait débuter ses travaux sur la partie de l’immeuble situé [Adresse 15] (ce qu’elle a fait) pour mettre en oeuvre son permis de construire ; il relève que la partie basse de la parcelle, occupée par Monsieur [T], 20 mètres plus bas, n’était destinée qu’à l’édification de garages qui n’ont pu être réalisés. Il souligne qu’il était impossible d’édifier un immeuble de plus de 2 étages [Adresse 16].

Il ajoute que le tribunal judiciaire, dans une décision du 03 février 2022 devenue définitive, a statué sur la demande d’indemnisation formée la SCI UNIVERS et lui a alloué 10.000 euros en réparation de son préjudice financier pour perte de chance de louer son bien et a rejeté ses demandes indemnitaires au titre de l’impossibilité d’achèvement du permis de construire et au titre d’un préjudice moral.

Reconventionnellement, il sollicite des dommages et intérêts en raison d’un acharnement judiciaire de la part de la SCI UNIVERS. Il fait notamment état d’inscription hypothécaire prises sur des parcelles qui lui appartiennent.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 16 mars 2023.

MOTIVATION

L’ordonnance de clôture a été rendue postérieurement aux conclusions notifiées le 11 mars 2023 par Monsieur [B]. Il n’y a pas dès lors pas lieu à ordonner la révocation de l’ordonnance de clôture.

Pour rappel, Monsieur [B] est propriétaire des parcelles [Cadastre 4] et [Cadastre 5] (devenue [Cadastre 6], [Cadastre 7] et [Cadastre 8]).

Sur l’autorité de la chose jugée

L’article 1355 du code civil énonce que l ‘autorité de la chose jugée n’a lieu qu’à l’égard de ce qui a fait l’objet du jugement. Il faut que la chose demandée soit la même ; que la demande soit fondée sur la même cause ; que la demande soit entre les mêmes parties, et formée par elles et contre elles en la même qualité.

Les demandes d’indemnités d’occupations formées par la SCI UNIVERS devant la cour d’appel à l’occasion de l’arrêt rendu le 22 novembre 2018 étaient dirigées contre Monsieur [T], ce dernier sollicitant subsidiairement l’appel en garantie de Monsieur [B]. L’arrêt a rejeté les demandes de la SCI UNIVERS à l’encontre de Monsieur [T] et ne s’est donc pas prononcé sur l’appel en garantie. Le fait que cet arrêt soit définitif à l’encontre de Monsieur [B], à la suite d’un désistement du pourvoi de la SCI UNIVERS à l’égard de ce dernier, ne permet pas de dire qu’il existe une autorité de la chose jugée dont pourrait bénéficier Monsieur [B], puisque la cour avait statué sur une demande indemnitaire entre la SCI UNIVERS et Monsieur [T] et non entre la SCI UNIVERS et Monsieur [B]. En l’absence d’une demande faite entre les mêmes parties, c’est à tort que Monsieur [B] estime irrecevable la demande formée à son encontre par la SCI UNIVERS au motif de l’autorité de la chose jugée par l’arrêt du 22 novembre 2018.

L’arrêt du 13 décembre 2010 a confirmé le jugement du 19 mars 2009 qui a notamment rejeté la demande indemnitaire reconventionnellement formée par la SCI UNIVERS à l’encontre de Monsieur [B] en réparation d’un préjudice moral lié à la privation de ses droits sur le local situé sur la parcelle [Cadastre 3] qu’elle envisageait de démolir aux fins de le transformer en parking. Le premier juge, confirmé par la cour, avait noté que la SCI UNIVERS versait au débat le permis de construire qui lui avait été délivré le 17 février 2006 ainsi que le permis de démolir et relevé que les prétentions de Monsieur [B] avaient provoqué un retard dans la réalisation des projets de rénovation de la SCI UNIVERS dont elle était légitime à obtenir réparation.

Or, la demande formée devant la cour tend à obtenir la somme de 200.000 euros au titre d’une perte de plus-value de 200.000 euros liée au fait que la SCI UNIVERS aurait signé en 2012 deux promesses de vente au prix moyen de 320.000 euros qu’elle n’a pu finaliser en raison de la présence de Monsieur [T] dans les lieux et au fait que les règles d’urbanisme ayant changé, elle ne peut plus faire édifier un immeuble sur quatre étages, si bien que l’immeuble du [Adresse 10] ne peut se vendre qu’au prix moyen de 120.000 euros. Il ne s’agit pas de la même demande si bien que Monsieur [B] ne peut soulever une fin de non-recevoir tirée de l’autorité de la chose jugée par l’arrêt du 13 décembre 2010.

Sur la prescription de l’action intentée par la SCI UNIVERS

La SCI UNIVERS ne démontre pas l’existence d’une collusion frauduleuse entre Monsieur [T] et Monsieur [B] dont les agissements concertés auraient eu pour objectif de résister aux demandes de la SCI UNIVERS. Il convient de rappeler que dès l’année 2004 (et donc postérieurement à la signature du bail du premier septembre 2002), Monsieur [T] appelle en garantie Monsieur [B]. Le fait que Monsieur [T] ait signé un bail le premier septembre 2002 puis le premier septembre 2005 (dates qui correspondent aux échéances du bail signé le premier septembre 1999), ne démontre pas l’existence d’une collusion frauduleuse entre les parties. La question de la propriété du local loué à Monsieur [T] était problématique, raison pour laquelle le juge des référés a ordonné une expertise déposée le 25 janvier 2006 (postérieurement à la signature du bail du premier septembre 2005). Ce n’est que le 13 décembre 2010 que cette question a définitivement été tranchée, dans le cadre d’une instance à laquelle Monsieur [T] n’était pas partie.

Dès lors, la SCI UNIVERS ne peut soutenir que l’action intentée le 07 mars 2006 à l’encontre de Monsieur [T] interrompt la prescription de son action en responsabilité extra-contractuelle formée à l’encontre de Monsieur [B]. Le jugement déféré sera confirmé sur ce point.

Avant l’entrée en vigueur de la loi du 17 juin 2008, l’article 2270-1 du code civil disposait que ‘ les actions en responsabilité civile extra-contractuelle se prescrivent par dix ans à compter de la manifestation du dommage ou de son aggravation’.

La loi du 17 juin 2008 portant réforme de la prescription en matière civile n’a pas eu pour effet de modifier le point de départ du délai de la prescription extinctive ayant commencé à courir antérieurement à son entrée en vigueur. L’entrée en vigueur de cette loi est le 19 juin 2008.

Selon l’article 2222 du même code, issu de la loi du 17 juin 2008, en cas de réduction de la durée du délai de prescription ou du délai de forclusion, ce nouveau délai court à compter du jour de l’entrée en vigueur de la loi nouvelle, sans que la durée totale puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure.

L’article 2224 du même code, issu de la loi du 17 juin 2008, énonce que les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer.

Avant l’entrée en vigueur de la loi du 17 juin 2008, l’article 2244 du code civil énonçait qu’une citation en justice, même en référé, un commandement ou une saisie, signifiés à celui qu’on veut empêcher de prescrire, interrompent la prescription ainsi que les délais pour agir.

Selon l’article 2241 du code civil, dans sa rédaction issue de la loi du 17 juin 2008, la demande en justice, même en référé, interrompt le délai de prescription ainsi que le délai de forclusion.

*Sur la demande de dommages et intérêts à hauteur de 30.000 euros

La SCI UNIVERS forme une demande de 30.000 euros, en application de l’article 1240 du code civil (anciennement 1382 du code civil), en indiquant qu’elle subit depuis 18 ans la multiplication de procédures afin de faire valoir la légitimité de son droit.

Ce n’est qu’à l’occasion de la procédure engagée par l’assignation du 02 mars 2004 à l’encontre de Monsieur [T] qui occupait une parcelle revendiquée par la SCI UNIVERS que celle-ci a appris que ce dernier disait être locataire de Monsieur [B]. Ainsi, le point de départ du délai de la prescription de l’action en responsabilité civile extra-contractuelle, en lien avec le préjudice lié aux actions intentée par la SCI UNIVERS, court, à l’encontre de Monsieur [B], à compter du 28 mai 2004, date de la décision du juge des référés qui a statué après cette assignation.

L’action en responsabilité extra-contractuelle formée par la SCI UNIVERS, en l’absence de tout acte interruptif de prescription, pour ce préjudice, pouvait être diligentée à l’encontre de Monsieur [B] jusqu’au 19 juin 2013, du fait de l’application combinée de l’article 2270-1 ancien du code civil, 2222 et 2224 du code civil.

La SCI UNIVERS n’a jamais intenté une telle action à l’encontre de Monsieur [B], en faisant une demande principale ou une demande reconventionnelle sur ce point avant le 19 juin 2013. Sa demande tendant à obtenir la somme de 30.000 euros est donc prescrite, puisque la SCI UNIVERS n’a intenté sa procédure que par acte d’huissier du 27 avril 2017. Le jugement déféré sera confirmé sur ce point.

*sur la demande de 200.000 euros au titre d’une perte de valeur

La SCI UNIVERS soutient avoir signé deux promesses de vente en 2012 pour un prix moyen de 320.000 euros mais n’avoir pu effectuer ses opérations de vente en raison de la présence de Monsieur [T] dans les lieux. Elle expose qu’à la suite d’un changement de règles d’urbanisme, elle ne peut plus édifier sur cette partie de sa parcelle un immeuble de quatre étages si bien que l’immeuble du [Adresse 10] ne peut se vendre qu’au prix moyen de 120.000 euros.

La SCI UNIVERS produit au débat une unique promesse de vente datant du 12 avril 2011 avec la SARL R ABBOU, pour un prix de 315.000 euros portant sur ‘un hangar élevé d’un simple rez-de-chaussée donnant sur la rue Pignol sur laquelle il a accès et figurant sur une parcelle à détacher d’une parcelle [Cadastre 14] ».

Comme l’indique avec justesse le premier juge, la question de la propriété du local a été définitivement tranchée le 13 décembre 2010. Le point de départ du délai de prescription de l’action en responsabilité extra-contractuelle formée par la SCI UNIVERS sur cette demande a couru à compter de cette date. La demande en réparation pour perte de valeur formée par la SCI UNIVERS introduite par un acte d’huissier du 27 avril 2017 est donc prescrite. Le jugement sera confirmé sur ce point.

* Sur la demande d’indemnités d’occupation

L’indemnité d’occupation est destinée à compenser la jouissance du bien occupé sans droit ni titre et à réparer le préjudice du bailleur lié à la privation de son local. Elle obéit aux dispositions de l’article 1382 du code civil devenu 1240 du code civil. Cette demande s’analyse comme une action en responsabilité extra-contractuelle.

Monsieur [T] était occupant du chef de Monsieur [B]. La date exacte du départ de Monsieur [T] des lieux n’est pas démontrée. A ce sujet, la SCI UNIVERS mentionne dans un premier temps, dans ses conclusions, que Monsieur [T] a quitté les lieux en 2007 (page 22-23-24-25) pour ensuite faire état d’une libération des lieux en juillet 2013 (page 26).

La question de la propriété du local litigieux a été définitivement tranchée par arrêt du 13 décembre 2010. C’est à compter de cette date que la SCI UNIVERS pouvait prendre possession de ce local. Elle ne démontre pas qu’après la date du 27 avril 2012 (elle sollicite des indemnités d’occupation par acte d’huissier du 27 avril 2017), les locaux auraient été occupés par Monsieur [B] ou un occupant de son chef, alors qu’il ressort des débats que ce local est d’un seul tenant et se trouve tant sur la parcelle de la SCI UNIVERS que sur celles de Monsieur [B]. Dès lors, sa demande est prescrite. Le jugement sera confirmé sur ce point.

Sur la demande de dommages et intérêts formée par Monsieur [B]

Les actions judiciaires de la SCI UNIVERS ont permis à cette dernière d’obtenir la reconnaissance judiciaire qu’elle était bien propriétaire du local construit sur la parcelle [Cadastre 3] qui avait été loué à Monsieur [T] par Monsieur [B].

Par ailleurs, Monsieur [B] a pu discuter devant les juges de l’exécution de la pertinence des inscriptions judiciaires d’hypothèque provisoire sollicitées par la SCI UNIVERS sur ses parcelles [Cadastre 7] et [Cadastre 8], qui avaient été autorisées pour l’une d’entre elle pour des motifs différents de ceux évoqués dans le cadre de la présente instance. Il s’agissait pour la SCI UNIVERS d’obtenir ces dernières car elle soulignait que des travaux effectués par Monsieur [B] sur les parcelles [Cadastre 4] et [Cadastre 5] (devenues [Cadastre 6], [Cadastre 7] et [Cadastre 8]), avaient détruit une partie du toit du garage et du mur en façade du bâtiment (situé sur la parcelle [Cadastre 3]) et entraîné à son détriment un préjudice matériel et un préjudice financier.

La seconde demande d’inscription d’hypothèque provisoire sollicitée par requête du 19 juin 2017 sur les parcelles [Cadastre 7] et [Cadastre 8], à laquelle avait fait droit le juge de l’exécution par ordonnance du 20 juin 2017, avait pour objet de garantir la SCI UNIVERS du recouvrement d’une créance allégue de 108.300 euros fondée sur l’occupation du local situé en partie sur la parcelle [Cadastre 14] lui appartenant, pour une période du 12 novembre 2003 au 29 juillet 2013. Le juge de l’exécution, saisi d’une contestation, a, par jugement du 08 février 2018, ordonné la mainlevée de l’hypothèque judiciaire provisoire sur la parcelle [Cadastre 7] et cantonné les effets de la mesure conservatoire sur la parcelle [Cadastre 8]; il relevait que la créance apparaissait fondée en son principe et que la SCI UNIVERS justifiait de circonstances susceptibles de menacer le recouvrement de sa créance, puisque Monsieur [B] souhaitait vendre les deux parcelles; le juge de l’exécution a estimé que la valeur d’une seule des deux parcelles était suffisante pour garantir le quantum de la créance alléguée. Cette procédure, intentée par la SCI UNIVERS, n’était pas abusive puisqu’elle était diligentée en parallèle à son action en justice du 27 avril 2017.

En conséquence, Monsieur [B] ne démontre pas que la présente procédure et les procédures intentées précédemment auraient été abusives. Il sera débouté de sa demande de dommages et intérêts.

Sur les dépens et sur l’article 700 du code de procédure civile

La SCI UNIVERS est essentiellement succombante. Elle sera condamnée aux dépens de première instance et d’appel et sera déboutée de ses demandes au titre des frais irrépétibles de première instance et d’appel.

Pour des raisons tirées de l’équité, il n’y a pas lieu de faire droit aux demandes de Monsieur [B] fondée sur l’article 700 du code de procédure civile.

Le jugement déféré qui a condamné la SCI UNIVERS aux dépens et qui a rejeté les demandes faites au titre de l’article 700 du code de procédure civile sera confirmé.

PAR CES MOTIFS,

La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, par mise à disposition au greffe

CONFIRME le jugement déféré en toutes ses dispositions,

Y AJOUTANT,

REJETTE la demande de dommages et intérêts formées par Monsieur [X] [B],

REJETTE les demandes des parties formées au titre des frais irrépétibles d’appel,

CONDAMNE la SCI UNIVERS aux dépens de la présente instance.

LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,

 


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